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la douleur, l'ignominie, la dérision, l'insulte des hommes au dehors, et au dedans la tentation et le délaissement du Père céleste; je dirai, comme vous l'avez dit pour mon instruction: Que ce calice passe et s'éloigne de moi; mais, malgré l'horreur de la nature, que votre volonté se fasse, et non la mienne (1). Ces vérités sont trop fortes pour les mondains, qui ne vous connoissent qu'à demi, et qui ne peuvent vous suivre que dans les consolations du Thabor. Pour moi, je manquerois à l'attrait de votre amour si je reculois. Allons à Jésus; allons au Calvaire : mon ame est triste jusqu'à la mort; mais qu'importe, pourvu que je meure percé des mêmes clous et sur la même croix que vous, ô mon Sauveur ?

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Ce qui se présente à moi aujourd'hui, c'est Jésus entre la mort qu'il a soufferte et la vie qu'il va reprendre. Sa résurrection ne sera pas moins réelle que sa mort, et sa mort n'est qu'un passage de la misérable vie à la vie bienheureuse. O Sauveur, je vous adore, je vous aime dans le tombeau, je m'y renferme avec vous ; je ne veux plus que le monde me voie, je ne veux plus me voir moi-même, je descends dans les ténèbres et jusque dans la poussière; je ne suis plus du nombre des vivans. O monde! ô hommes, oubliez-moi, foulez-moi aux pieds; je suis mort, et la vie qui m'est préparée sera cachée avec Jésus-Christ en Dieu.

(1) Luc. xx11. 42.

Ces vérités étonnent; à peine les gens de bien peuvent-ils les supporter. Que signifie donc le baptéme par lequel, comme l'Apôtre nous l'assure (1), nous avons été tous ensevelis avec Jésus-Christ par sa mort? Où est-elle cette mort, que le caractère de chrétien doit opérer en nous? Où est-elle cette sépulture? Hélas! je veux paroître, être approuvé, aimé, distingué, je veux occuper mon prochain, posséder son cœur, me faire une idole de la réputation et de l'amitié. Dérober à Dieu l'encens grossier qui brûle sur ses autels, n'est rien en comparaison du larcin sacrilége d'une ame qui veut enlever ce qui est dû à Dieu, et se faire l'idole des autres créa

tures.

Mon Dieu, quand cesserai-je de m'aimer, jusqu'à vouloir qu'on ne m'aime et qu'on ne m'estime plus? A vous seul, Seigneur, la gloire, à vous seul l'amour. Je ne dois plus rien aimer qu'en vous, pour vous, et de votre pur amour : je ne dois plus m'aimer moimême que par charité, comme on aime un étranger. Ne devrois-je donc pas avoir honte de vouloir être estimé et aimé? Ce qui est le plus étrange, et ce qui fait voir l'injustice de mon amour-propre, c'est que je ne me contente pas d'un amour de charité. L'oserai-je dire, ô mon Dieu ? ma vaine délicatesse est blessée de n'avoir rien que ce qu'on lui accorde à cause de vous. O injustice! ô révolte! ô aveugle et détestable orgueil! Punissez-le, mon Dieu. Je suis pour vous contre moi; j'entre dans les intérêts de votre gloire et de votre justice contre ma vanité. O folle créature, idolâtre de toi-même! qu'as-tu donc, indépendam

(1) Rom. v. 4.

ce que

ment de Dieu, qui mérite cette tendresse, cet attachement, cet amour indépendant de la charité? O qu'il faut de charité pour se supporter dans cette injustice, de vouloir que les autres fassent pour nous Dieu nous défend de faire pour nous-mêmes! Amour que Dieu imprime dans le fond de ses créatures, est-ce là l'usage qu'il en veut tirer? Ne nous a-t-il faits capables d'aimer qu'afin que nous nous détournions les uns les autres de l'unique terme du pur amour? Non, mon Dieu, je ne veux plus qu'on m'aime ; à peine faut-il qu'on me souffre pour l'amour de vous plus je suis délicat et sensible sur cet amour des autres, plus j'en suis indigne, et dans le besoin d'en être privé.

Il en est, ô Seigneur, de la réputation comme de l'amitié donnez ou ôtez selon vos desseins; que cette réputation, plus chère que la vie, devienne comme un linge sali, si vous y trouvez votre gloire : qu'on passe et qu'on repasse sur moi comme sur les morts qui sont dans le tombeau; qu'on ne me compte pour rien; qu'on ait horreur de moi ; qu'on ne m'épargne en rien, tout est bon. S'il me reste encore quelque sensibilité volontaire, quelque vue secrète sur la réputation, je ne suis point mort avec JésusChrist, et je ne suis point en état d'entrer dans sa vie ressuscitée.

Ce n'est qu'après l'extirpation de la vie maligne et corrompue du vieil homme que nous passons dans la vie de l'homme nouveau. Il faut que tout meure, douceurs, consolation, repos, tendresse, amitié, honneur, réputation : tout nous sera rendu au centuple; mais il faut que tout meure, que tout soit

sacrifié. Quand nous aurons tout perdu en vous, mon Dieu, nous retrouverons tout en vous. Ce que nous avions en nous avec l'impureté du vieil homme nous sera rendu avec la pureté de l'homme renouvelé, comme les métaux mis au feu ne perdent point leur pure substance, mais sont purifiés de ce qu'ils ont de grossier. Alors, mon Dieu, le même esprit, qui gémit et qui prie en nous, aimera en nous plus parfaitement. Combien nos cœurs seront-ils plus grands, plus tendres et plus généreux ! Nous n'aimerons plus en foibles créatures, et d'un cœur resserré dans d'étroites bornes: l'amour infini aimera en nous, notre amour portera le caractère de Dieu même.

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Ne songeons donc qu'à nous unir à Jésus-Christ dans son agonie, dans sa mort et dans son tombeau; ensevelissons-nous dans les ténèbres de la pure foi; livrons-nous à toutes les horreurs de la mort. Non je ne veux plus me regarder comme étant de la terre. O monde, oubliez-moi comme je vous oublie, et comme je veux m'oublier moi-même! Seigneur Jésus, vous n'êtes mort que pour me faire mourir arrachez-moi la vie; ne me laissez plus respirer; ne souffrez aucune réserve, poussez mon cœur à bout; je ne mets point de bornes à mon sacrifice.

XIV. POUR LE JOUR DE L'ASCENSION.

Il me semble que j'accompagne avec les disciples Jésus-Christ jusqu'à Béthanie. Là il monte au ciel à mes yeux; je l'adore, je ne puis me lasser de le regarder, de le suivre d'affection, et de goûter au fond

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de mon cœur les paroles de vie qui sont sorties les dernières de sa bouche sacrée quand il a quitté la terre. O Sauveur, vous ne cessez point d'être avec moi et de me parler! Je sens la vérité de cette promesse : Voilà que je suis avec vous tous les jours. jusqu'à la consommation du siècle (1). Vous êtes avec nous non-seulement sur cet autel sensible, où vous appelez tous vos enfans à manger le pain descendu du ciel; mais vous êtes encore au dedans de nous, sur cet autel invisible, dans cette église et ce sanctuaire inaccessible de nos ames, où se fait l'adoration en esprit et en vérité. Là vous sont offertes les pures victimes; là sont égorgés tous les désirs propres, tous les retours intéressés sur nous-mêmes, et tous les goûts de l'amour-propre. Là nous mangeons le véritable pain de vie dont votre chair adorable même n'est que la superficie sensible; là nous sommes nourris de la pure substance de l'éternelle vérité; là le Verbe fait chair se donne à nous comme notre verbe intérieur, comme notre parole, notre sagesse, notre vie, notre être, notre tout. Si nous l'avons connu selon la chair et par les sens, pour y rechercher un goût sensible, nous ne le connoissons plus de même; c'est la pure foi et le pur amour qui se nourrissent de la pure vérité de Dieu fait une même chose avec nous, O règne de mon Dieu! c'est ainsi que vous venez à nous dès cette vie misérable. O volonté du Père! vous êtes par là accomplie sur la terre comme dans le ciel. O ciel! pendant qu'il plaît à Dieu de me tenir hors de vous dans ce lieu d'exil, je ne vais point vous chercher plus loin, et je vous

(1) Matth. XXVIII. 20.

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