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nelle, vous êtes caché sous cette chair, et cette chair sacrée se cache sous cette apparence grossière du pain. O Dieu caché, je veux vivre caché avec vous pour vivre de votre vie divine. Sous toutes mes misères, mes foiblesses, mes indignités, je cacherai Jésus ; je deviendrai le sacrement de son amour: on ne verra que le voile grossier du sacrement, la créature imparfaite et fragile, mais au dedans vivra le vrai Dieu de gloire.

Hélas! ô Dieu d'amour, quand viendrez-vous donc? Quand est-ce que je vous aimerai? Quand est-ce que vous serez le seul aliment de mon cœur, et mon pain au-dessus de toute substance? Le pain extérieur, cette créature fragile, sera brisé et exposé à toutes sortes d'accidens; mais Jésus, immortel et impassible, sera en elle sans division et sans changement. Vivant de lui je ne vivrai plus que pour lui, et il vivra tout seul en moi.

Verbe divin, vous parlerez, et mon amę se taira pour vous entendre; cette simple parole qui a fait le monde se fera entendre de sa créature, et elle fera en elle tout ce qu'elle exprimera; elle formera sa nouvelle créature comme elle forma l'univers. Taisez-vous donc, mon ame; n'écoutez plus rien ici-bas; ne vous écoutez plus vous-même dans ce silence qui est l'anéantissement de l'esprit. Laissez parler le Verbe fait chair; ô qu'il dira de choses! Il est lui seul toute vérité. Quelle différence entre la créature qui dit en passant quelque vérité, et qui dit ce qui n'est point à elle, mais ce qui est comme emprunté de Dieu, et le Fils de Dieu qui est la vérité même ! Il est ce qu'il dit; il est la vérité en substance: FENELON. XVIII.

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aussi ne la dit-il point comme nous la disons: il ne la fait point passer devant les yeux de notre esprit, successivement et par pensées détachées ; il la porte elle-même tout entière dans le fond de notre être; il l'incorpore en nous et nous en elle: nous sommes faits vérité de Dieu. Alors ce n'est point par force de raisonnemens et de science, c'est par simplicité d'amour qu'on est dans la vérité; tout le reste n'est plus qu'ombre et mensonge. On n'a plus besoin de discourir et de se convaincre en détail : c'est l'amour qui imprime toute vérité. D'une seule vue on est saisi du néant de la créature et du tout de Dieu. Cette vue décide tout, elle entraîne tout, elle ne laisse plus rien à l'esprit: on ne voit qu'une seule vérité, et tout le reste disparoît.

O monde insensé et scandaleux, on ne peut plus vous voir ni vous entendre. O amour propre, vous faites horreur; on se supporte patiemment comme Jésus-Christ supportoit Judas. Tout passe de devant mes yeux; mais rien ne m'importe, rien n'est mon affaire, sinon l'affaire unique de faire la volonté de Dieu dans le moment présent, et de vouloir sa volonté sur la terre comme on la veut dans le ciel.

Ó Jésus, voilà le vrai culte que vous attendez. Qu'il est aisé de vous adorer par des cérémonies et des louanges! mais qu'il y a peu d'ames qui vous rendent ce culte intérieur! Hélas! on ne voit partout qu'une religion en figure, qu'une religion judaïque. On voudroit par l'esprit posséder votre vérité, mais on ne veut point se laisser posséder par elle on veut participer à votre sacrifice, et jamais se sacrifier avec vous. A moins qu'on ne se perde en

vous, jamais on ne sera fait une même chose avec vons. O Dieu caché, que vous êtes inconnu aux hommes! O amour, on ne sait ce que c'est que d'aimer. Enseignez-le-moi, et ce sera m'enseigner toutes les vérités en une seule.

XVII. POUR LA FÊTE DE SAINTE MAGDELEINE.

Je voudrois, mon Sauveur, comme sainte Magdeleine, vous suivre par amour jusque dans la poussière du tombeau. C'étoit d'elle, Seigneur, que vous fites sortir sept démons. Que j'aime à voir que les saints que vous avez tirés de l'état le plus affreux sont ceux qui vous cherchent avec plus de courage et de tendresse ! Tous vos disciples, Seigneur, s'enfuient ; Magdeleine seule, qui a été la proie de tant de démons, arrose votre tombeau de ses larmes; elle est inconsolable de ne plus trouver votre corps; elle le demande à tout ce qu'elle trouve; dans le transport de sa douleur elle ne mesure point ce qu'elle dit, elle ne sait pas même les paroles qu'elle prononce. Quand l'amour parle, il ne consulte point la raison.

Je cours en pleine liberté, comme vos vrais enfans, à l'odeur de vos parfums: je cours, ô mon Dieu, avec Magdeleine vers votre tombeau ; je cours sans m'arrêter à la mort entière de tout moi-même; je descends jusque dans la poussière; je m'enfonce dans les ténèbres et dans l'horreur de ce tombeau. Je ne trouve plus, o Sauveur, aucun reste sensible de votre présence, aucune trace de vos dons. L'époux s'est enfui, tout est perdu; il ne reste ni époux, ni

amour, ni lumière : Jésus est enlevé. O douleur ! & tentation! ô désespoir! Perdre jusqu'à mon amour même ! Jésus caché et enseveli au fond de mon cœur ne s'y trouve plus! Où est-il? qu'est-il devenu? Je le demande à toute la nature, et toute la nature est muette; il ne me reste de mon amour, que le trouble de l'avoir perdu. Où est-il? Donnez-le-moi, ôtezmoi tout le reste, je l'emporterai. Pauvre ame, qui ne sais rien de ce que tu dis, mais trop heureuse, puisque tu aimes, sans savoir que c'est l'amour qui te fait parler!

O amour, vous voulez des ames qui osent tout, et qui ne se promettent rien; qui ne disent jamais : Je le puis, ou, Je ne le puis pas. On peut tout en vous; on ne peut rien sans vous. Quiconque aime parfaitement ne se mesure plus sur soi; il est prêt à tout, et ne tient plus à rien.

XVIII. POUR LE JOUR DE L
L'ASSOMPTION.

O mon Dieu, je me présente aujourd'hui à vous avec Marie mère de votre Fils. Donnez-moi des pensées, donnez-moi un cœur qui répondent aux pensées et au cœur de Marie. O Jésus, voilà votre mère qui quitte la terre pour se réunir à jamais à vous. Je la quitte avec elle; avec elle mon cœur s'élève vers le ciel pour n'aimer que vous. O Esprit, qui descendîtes sur cette Vierge pour la rendre féconde, descendez sur moi pour me purifier.

Que vois-je dans Marie pendant les derniers temps de sa vie? Elle persévéroit, dit saint Luc (1), dans la prière avec les autres femmes; c'est-à-dire qu'elle ne faisoit au dehors que ce que les autres faisoient. La perfection, qui étoit sans doute dans la mère du Fils de Dieu, ne consiste donc pas dans des actions extraordinaires et éclatantes. Nous ne voyons ni prophétie, ni miracles, ni instruction des peuples, ni extases; rien que de simple et de commun. Sa vie étoit tout intérieure: elle prioit avec persévérance; voilà son occupation où elle se bornoit; mais, sans se distinguer, elle prioit avec les autres femmes. O combien sa prière devoit-elle être plus pure et plus divine! Mais ces trésors demeuroient cachés. Au dehors on ne voyoit que recueillement, simplicité, vie commune.

Adoration en esprit et en vérité, dont Marie est le modèle, quand est-ce que les hommes vous connoîtront? Ils vous cherchent où vous n'êtes pas; dans les grands projets, dans les conduites pleines d'austérité. Toutes ces choses ont leur temps, et Dieu y appelle quand il lui plaît. Mais le vrai culte, le pur amour, ne dépend point de toutes ces choses. Aimer en silence, ne vouloir que Dieu seul, ne tenir à rien, pas même à ses dons pour se les approprier avec complaisance; souffrir tout en esprit d'amour; souffrir la vie comme les maux dont elle est pleine, par abandon à Dieu, et dans le dépouillement intérieur, comme Marie vivoit dans cette amère séparation d'avec son Fils; ne se compter plus pour rien dans toutes les choses qu'on a à faire ou à souf(3) Act. 1. 24.

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