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ferveurs, certains goûts sensibles, et certaines perfections apparentes, qui ne serviroient qu'à nourrir en nous la vie naturelle et la confiance en nos propres forces; au lieu que cet amour, en nous aveuglant, en nous livrant à toutes les opérations de la grâce, en nous mettant dans un état d'abandon pour tout ce que Dieu voudra faire en nous, nous dispose à tous les desseins secrets de Dieu.

V. Alors nous voulons tout, et nous ne voulons rien. Ce que Dieu voudra nous donner est précisément ce que nous aurons voulu; car nous voulons tout ce qu'il veut, et nous ne voulons que ce qu'il voudra. Ainsi cet état contient toute prière. C'est une opération du cœur qui embrasse tout désir. L'Esprit demande en nous (1) ce que l'Esprit lui-même veut nous donner. Lors même qu'on est occupé au dehors, et que les engagemens de pure providence nous font sentir une distraction inévitable, nous portons toujours au dedans de nous un feu qui ne s'éteint point, et qui au contraire nourrit une prière secrète, qui est comme une lampe sans cesse allumée devant le trône de Dieu. Si nous dormons, notre cœur veille (2). Bienheureux ceux que le Seigneur trouvera veillans (3) !

VI. Pour conserver cet esprit de prière, qui doit nous unir à Dieu, il faut faire deux choses principales; l'une est de le nourrir; l'autre, d'éviter ce qui pourroit nous le faire perdre.

Ce qui peut le nourrir, c'est la lecture réglée, l'oraison actuelle en certains temps, le recueillement fréquent dans la journée; les retraites, quand on sent (1) Rom. vIII. 27. — (2) Cant. v. 2.— (3) Luc. XII. 37.

qu'on en a besoin, ou qu'elles sont conseillées par les gens expérimentés que l'on consulte; enfin l'usage des sacremens, proportionné à son état.

Ce qui peut faire perdre l'esprit de prière doit nous remplir de crainte, et nous tenir dans une exacte précaution. Ainsi il faut fuir les compagnies profanes qui dissipent trop, les plaisirs qui émeuvent les passions, tout ce qui réveille le goût du monde, et les anciennes inclinations qui nous ont été fu

nestes.

Le détail de ces deux choses est infini, et on ne peut le marquer ici qu'en général, parce que chaque personne a ses besoins particuliers.

vons,

VII. Pour nourrir cet esprit de prière, il faut choisir des lectures qui nous instruisent de nos devoirs et de nos défauts; qui, en nous montrant la grandeur de Dieu, nous enseignent ce que nous lui deet nous découvrent combien nous manquons à l'accomplir car il n'est pas question de faire des lectures stériles où notre cœur s'épande et s'attendrisse comme à un spectacle touchant; il faut que l'arbre porte des fruits (1); et on ne peut croire que la racine est vive, qu'autant qu'elle le montre par sa fécondité.

VIII. Le premier effet du sincère amour, c'est de désirer de connoître tout ce qu'on doit faire pour contenter le bien-aimé de notre cœur faire autrement, c'est aimer soi-même sous le prétexte de l'amour de Dieu; c'est chercher en lui une vaine et trompeuse consolation; c'est vouloir faire servir Dieu à son propre plaisir, et non se sacrifier à sa gloire.

(1) Matth. vii. 17.

A Dieu ne plaise que ses enfans l'aiment ainsi! Quoi qu'il en coûte, il faut connoître et pratiquer sans réserve tout ce qu'il demande de nous.

IX. Pour le temps de l'oraison, il doit se régler par le loisir, par l'état, la disposition et l'attrait de chaque personne.

La méditation n'est pas l'oraison, mais elle en est le fondement essentiel (1). Elle nous sert à nous remplir des vérités que Dieu nous a révélées. Il faut donc connoître à fond, non seulement tous les mystères de Jésus-Christ et les vérités de son Évangile, mais encore tout ce que ces vérités doivent imprimer personnellement en nous pour nous régénérer; il faut que ces vérités nous pénètrent long-temps, comme la teinture s'imbibe peu à peu dans la laine que l'on veut teindre.

X. Il faut que ces vérités nous deviennent familières, en sorte qu'à force de les voir de près et à toute heure, nous soyons accoutumés à ne juger plus de rien que par elles; qu'elles soient notre unique lumière pour juger dans la pratique, comme les rayons du soleil sont notre unique lumière pour apercevoir la figure et la couleur de tous les corps.

Quand ces vérités se sont, pour ainsi dire, incorporées de la sorte en nous, c'est alors que notre oraison commence à être réelle et fructueuse jusquelà ce n'en étoit que l'ombre; nous pensions voir à fond ces vérités, et nous n'en touchions que l'écorce grossière. Tous nos sentimens les plus tendres et les plus vifs, toutes nos résolutions les plus fermes, toutes nos vues les plus claires et les plus distinctes, (1) Ps. xxxvii. 4.

n'étoient encore qu'un germe vil et informe de ce que Dieu développe en nous.

XI. Quand sa lumière divine commence à nous éclairer, alors on voit dans la vraie lumière; alors il n'y a aucune vérité à laquelle on n'acquiesce dans le moment, comme on n'a pas besoin de raisonner pour reconnoître la splendeur du soleil dès le moment qu'il se lève et frappe nos yeux. Il faut donc que notre union à Dieu dans l'oraison soit le fruit de la fidélité à suivre toutes ses volontés. C'est par là qu'on peut juger de notre amour pour lui.

XII. Il faut que la méditation devienne chaque jour de plus en plus profonde et intime. Je dis profonde, parce que, quand nous méditons ces vérités humblement, nous enfonçons de plus en plus pour y découvrir de nouveaux trésors j'ajoute intime, parce que, comme nous creusons de plus en plus pour entrer dans ces vérités, ces vérités aussi creusent de plus en plus pour entrer jusque dans la substance de notre ame. Alors un seul mot tout simple entre plus avant que des discours entiers.

XII. Les mêmes choses qu'on avoit cent fois entendues froidement et sans aucun fruit, nourrissent l'ame d'une manne cachée, et qui a des goûts infinis pendant plusieurs jours. Enfin il faut bien prendre garde à ne point cesser de se nourrir de certaines vérités dont nous avons été touchés, tandis qu'il leur reste encore quelque suc pour nous; tandis qu'elles ont encore quelque chose à nous donner, c'est un signe certain que nous avons besoin de recevoir d'elles elles nous nourrissent même souvent sans aucune instruction précise et distincte; c'est un je ne

sais quoi qui opère plus que tous les raisonnemens. On voit une vérité, on l'aime, on s'y repose; elle fortifie le cœur, elle nous détache de nous-mêmes : il y faut demeurer en paix tout aussi long-temps qu'on le peut.

XIV. Pour la manière de méditer, elle ne doit être ni subtile, ni pleine de grands raisonnemens; il ne faut que des réflexions simples, naturelles, tirées immédiatement du sujet qu'on médite.

Il faut méditer peu de vérités et les méditer à loisir, sans effort, sans chercher des pensées extraordinaires.

On ne doit considérer aucune vérité que par rapport à la pratique. Se remplir d'une vérité sans prendre toutes les mesures nécessaires pour la suivre fidèlement, quoi qu'il en coûte, c'est vouloir retenir, comme dit saint Paul (1), la vérité dans l'injustice; c'est résister à cette vérité imprimée en nous, et par conséquent au Saint-Esprit même (2). C'est la plus terrible de toutes les infidélités.

XV. Pour la méthode de prier, on doit la faire dépendre de l'expérience qu'on a là-dessus. Ceux qui se trouvent bien d'une méthode exacte ne doivent point s'en écarter : ceux qui ne peuvent s'y assujettir doivent respecter ce qui sert utilement à tant d'autres, et que tant de personnes pieuses et expérimentées ont tant recommandé. Mais enfin, comme les méthodes sont faites pour aider, et non pour embarrasser; quand elles n'aident point, et qu'elles embarrassent, il faut les quitter.

XVI. La plus naturelle dans les commencemens

(1) Rom. 1. 18. — (2) Act. vii. 5.

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