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ticles de foi communs aux Grecs et aux Latins,
en ce qui regarde le mystère de la sainte
Cp Trinité. Ils croient les uns et les autres qu'il
n'y a qu'un Dieu en trois personnes, le Père,
le Fils et le Saint-Esprit; que chaque per-
sonne est esprit, avec cette différence que le
Père et le Fils ne sont l'esprit d'aucun, au
lieu que le Saint-Esprit est l'esprit du Père
et du Fils. Les Latins ajoutent qu'il procède
du Père et du Fils; les Grecs soutiennent
I. qu'il ne procède que du Père. Saint Anselme
fait voir, en premier lieu, que le Fils et le
Saint-Esprit tirent leur origine du Père; le
Fils par la génération, le Saint-Esprit par la
procession; en second lieu, que le Fils ne
reçoit rien du Saint-Esprit; troisièmement,
que le Saint-Esprit procède du Père et du
Fils. Il ne procède du Père, que parce qu'il
V. est du Père: il procède donc aussi du Fils,
puisqu'il est l'esprit du Fils, et qu'il est en-
voyé par le Fils comme par le Père, cela est
25. dit en termes clairs dans l'Evangile. Il y est
dit encore que quand l'Esprit de Vérité sera
venu, il ne parlera pas de lui-même, mais
qu'il dira tout ce qu'il aura entendu, et an-
11, 15. noncera les choses à venir. C'est lui, ajoute

Jésus-Christ, qui me glorifiera, parce qu'il
prendra de ce qui est à moi et il vous l'an-
noncera. Saint Anselme insiste beaucoup sur
ces paroles du Fils: Il prendra de ce qui est
à moi. L'Ecriture ne pouvait en effet mar-
quer plus clairement que le Saint-Esprit tient
son essence de celle du Fils et qu'il en pro-
GL cède. Il rapporte d'autres passages qui ten-

ΣΤ.

dent à la même fin. Les Grecs disaient quel-
quefois que le Saint-Esprit procède du Père
par le Fils: façon de parler inintelligible, et
qui n'est point fondée dans l'Ecriture. Ils
IT. objectaient que Jésus-Christ, parlant de l'Es-
prit de Vérité, dit bien qu'il procède du
8. Père, mais qu'il ne dit pas qu'il procède aussi
C. du Fils. Saint Anselme répond que souvent
l'Ecriture n'attribue qu'à une seule personne
ce qui appartient à deux, ou même à toutes
7. les trois. C'était sans doute le Père, le Fils
et le Saint-Esprit qui avaient révélé à saint
Pierre la divinité de Jésus-Christ, et toutefois
l'Evangile n'attribue cette révélation qu'au
Père. Elle dit du Saint-Esprit qu'il fera con-
naître toute vérité. Le fera-t-il à l'exclusion
du Père et du Fils? Les Grecs se plaignaient
qu'on eût ajouté la particule Filioque sans

1 Lib. I, Cur Deus homo, cap. XVII, lib. de Con-
ceptu Virg., cap. XXIX, et lib. de Concord., cap. VII.

leur consentement. Saint Anselme répond cap. xxt:.
que l'éloignement des lieux ne l'a pas per-
mis, et que d'ailleurs ce consentement n'é-
tait point nécessaire, parce qu'il n'y avait
aucun doute de la part des Latins sur l'article
ajouté au Symbole; que le Symbole ne con-
tenant pas tous les articles de la foi, on a pu
y ajouter ceux qu'on a crus nécessaires. Il
prouve que cette procession n'emporte aucune xx, xxv.
autre priorité que celle d'origine, en sorte que
le Saint-Esprit n'en est pas moins égal au Père
et au Fils; tout étant commun au Père, au
Fils et au Saint-Esprit, excepté ce qui est
propre à chaque personne, ou relatif, comme
la paternité, la filiation, la procession.

Livre de la
Chute du dia-

Cap. 1, 11,

3. Il est parlé du livre de la Chute du dia-
ble dans plusieurs autres écrits de saint ble. Pag. 62.
Anselme. Il l'écrivit 2, suivant l'auteur de sa
Vie, étant prieur de l'abbaye du Bec, c'est-
à-dire dans le temps qui s'écoula depuis l'an
1063 jusqu'en 1077, auquel il fut élu abbé.
L'ouvrage est en forme de dialogue. Le traité
du Mal, dont saint Anselme parle dans sa
lettre à Maurice, est tiré entièrement du
onzième chapitre de ce livre. C'est pour cela
qu'on n'a point imprimé séparément le traité
du Mal dans la nouvelle édition de ses œu-
vres. Saint Anselme fait voir dans le livre de
la Chute du diable, qu'encore que Dieu n'ait, v, vi.
pas donné aux mauvais anges le don de la
persévérance dans la vérité, qu'ils ne pou-
vaient avoir que de lui, ils n'ont pas laissé de
pécher en ne persévérant pas, parce qu'en
effet ils n'ont pas voulu persévérer dans le
bien; que les bons anges avaient également
le pouvoir de ne pas persévérer, mais
qu'ayant préféré la justice, ou le bien dans
lequel ils avaient été créés, à l'injustice,
c'est-à-dire au désir immodéré d'être sem-
blables à Dieu, ils ont été, pour récompense
de leur fidélité, confirmés dans l'état de
grâce; au lieu que les mauvais anges, en
punition de leur péché, ont perdu le bien
qu'ils avaient, c'est-à-dire la justice, et se
sont mis hors d'état de la recouvrer jamais.
Saint Anselme traite à cette occasion de la
nature du mal et de son origine. Il soutient
que le mal n'est que la privation du bien ou
de la justice; qu'on peut dire néanmoins
que Dieu est auteur du mal, en ce qu'il ne
l'empêche pas, comme on dit qu'il induit en
tentation lorsqu'il n'en délivre pas; qu'on

2 Eadmer., lib. I, de Vita Anselm., pag. 6.
Lib. II, Epist. 8.

IX, X, XI.

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lie, où les mauvais traitements de ce prince

l'obligèrent à se retirer. Jean, abbé de Saint-

Sauveur, dans la terre de Labour, l'avait

prié de venir faire sa demeure à Sélanie,

terre dépendante de son monastère. L'ar-

chevêque l'accepta, et charmé du repos

d'une si agréable solitude, il y reprit la suite

de l'ouvrage dont nous parlons. Il faut l'en-

tendre lui-même en expliquer l'occasion

dans le premier chapitre : « Plusieurs person-

nes m'ont, dit-il, prié souvent et avec beau-

coup d'instances de mettre par écrit les rai-

sons que je leur rendais d'une question qui

regarde notre foi, non pour arriver à la foi

par la raison, mais pour avoir le plaisir d'en-

tendre et de contempler ce qu'ils croient, et

de pouvoir en rendre raison aux autres. C'est

Ja question que nous font les infidèles, en se

moquant de notre simplicité; pour quelle rai-

son ou par quelle nécessité Dieu s'est fait

homme, et a rendu la vie au monde par sa

mort, puisqu'il le pouvait faire par un autre,

soit un ange, soit un homme, ou par sa seule

volonté ?» Avant que l'ouvrage fût achevé

et châtié comme il convenait, des amis d'An-

selme en copièrent la première partie à son

insu. Cela l'obligea à supprimer plusieurs

choses qu'il avait dessein d'y ajouter, et à le

finir plus tôt qu'il n'aurait souhaité. Il l'acheva

avant d'aller au concile de Bari, qui se tint

au mois d'octobre 1098. Ainsi, ce traité est

est. 25, antérieur à celui de la procession du Saint-

Esprit, qui ne fut écrit que quelques années

après ce concile. Aussitôt saint Anselme

que

eut fini l'écrit Pourquoi Dieu s'est fait
homme, Eadmer, qui avait été moine du
Bec, en fit une copie pour cette abbaye.
Quelque temps après, les moines de Cantor-
béry en firent une autre par ordre de l'ar-
chevêque, pour être envoyée au pape Pascal.

Anselm. lib.

Analyse de

ce traite Liv.

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Analyse du

dag. 86.

7. Il montre dans le second livre que
l'homme a été créé juste, pour être heureux second livre.
en jouissant de Dieu; qu'il ne serait pas

25 mm. mort, s'il n'eût point péché; qu'il ressusci-
tera un jour dans le même corps avec le-
quel il vit à présent, afin de jouir en corps.
et en âme de la félicité éternelle; mais que,
ne pouvant y arriver que par un homme-
Dien, l'incarnation a été nécessaire au salut
du genre humain; qu'il fallait que le même,
c'est-à-dire notre Médiateur, fût Dieu par-
fait et homme parfait; qu'il fût selon son
humanité de la race d'Adam, et qu'il se fìt
chair dans le sein d'une Vierge; qu'en lui
les deux natures fussent unies en une seule
1. personne; que n'étant pas sujet au péché, il
ne l'était pas non plus à la mort, si ce n'é-
II. tait de son choix; et qu'ayant bien voulu sa-
crifier sa vie pour le salut des hommes, son
sang avait été plus que suffisant pour effacer
tous les péchés du monde, même de ceux qui
l'ont fait mourir.

8. Entrant dans le détail des circonstances
de l'Incarnation, Boson lui demande com-
ment Dieu a pris un corps de la masse pé-
cheresse ou corrompue par le péché, sans
en prendre le péché même? Car encore que
sa conception a été pure, il est né d'une
Vierge conçue dans le péché, et née avec le
péché originel, puisqu'elle a péché en Adam
en qui tous ont péché. Saint Anselme répond
que, comme il est constant que cet homme est
Dieu et l'auteur de notre réconciliation, il est
également certain qu'il est sans péché. A l'é-
gard de la sainte Vierge, il ne dit autre chose,
sinon que Dieu, avant de naître d'elle, l'avait
entièrement purifiée. Sur la fin de l'ouvrage
il donne diverses raisons de l'impossibilité
de la réconciliation du démon et des autres
mauvais anges. La principale est, qu'étant
tombés d'eux-mêmes et sans avoir été pous-
sés de personne, c'est à eux à se relever, ce
I. qui est impossible. Les infidèles dont saint

Anselme parle dans ce traité, étaient ou les
juifs ou les musulmans d'Espagne. Il pou-
vait aussi s'adresser aux païens, puisqu'il
n'argumente en faveur de nos mystères que
par des raisonnements appuyés sur les lu-
mières de la raison.

9. Ce fut encore aux instances du moine
Boson que saint Anselme composa le traité
de la Conception virginale et du péché origi-
nel. Il y a des manuscrits où il est simple-
ment intitulé: De la Conception virginale,
d'autres où il porte le titre : Du Péché origi-

1 Censura libri de Conceptu virginali.

Trithem., de Script. eccles., cap. CCCLI.
* Cap. VII.

3

nel: ce qui a occasionné à Trithème 2 d'en
faire deux ouvrages distincts. L'archevê-
que le composa après les conciles de Bari et
de Rome en 1099 ou 1100, pendant le séjour
qu'il fit à Lyon, d'où il ne sortit qu'au mois
d'août de cette année, après la mort de
Guillaume le Roux, roi d'Angleterre. Il est
fait mention de ce traité dans celui 3 de la
Concorde de la prescience et de la prédesti-
nation, auquel il est conséquemment anté-
rieur. Eadmer le met aussi 4 avant la Médi-
tation sur la rédemption du genre humain.
Saint Anselme le fit copier avec le précé-
dent, et envoyer au pape 5 Pascal II.

Cap. 1.

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10. Boson, comme on vient de le dire, y
Analyse de
avait demandé à saint Anselme comment ce traite.
Dieu avait pris la nature humaine de la
masse corrompue du genre humain, sans
en avoir contracté le péché? Sa réponse ne
l'ayant pas pleinement satisfait, il traita la
même matière avec plus d'étendue dans le
traité dont nous parlons. Il commence par
la définition du péché originel, qu'il croit
être ainsi appelé, parce que tous les descen-
dants d'Adam le contractent dans leur ori-
gine, ou en naissant. Mais il ne rejette pas
l'opinion de ceux qui disent qu'on appelle
ce péché originel, parce qu'il vient à chaque
homme de ceux de qui il tire l'origine de sa
nature. Il dit ensuite que ce péché ne com-
mence à infecter l'homme, qu'après l'union
de l'âme raisonnable au corps dans le sein
de la mère; que le péché originel est le pé-
ché personnel d'Adam; qu'il passe à tous ses
descendants nés par la voie ordinaire de la
génération, en sorte que tous naissent avec
ce péché, excepté celui-là seul qui est né de
la sainte Vierge d'une manière miraculeuse
et contre les règles de la nature; c'est la rai-
son que donne saint Anselme pourquoi Jé-
sus-Christ, quoique né de la masse corrom-
pue, n'a contracté aucun péché en se faisant
homme. Il en donne une autre, qui est que
ce qui a servi à la formation de son corps
dans le sein de sa mère, n'avait rien d'im-
monde. Il soutient même que le germe de la
génération de tous les hommes n'est pas im-
pur en lui-même, et que nous ne naissons
avec le péché originel que par la nécessité
de satisfaire pour le péché d'Adam, qui nous
est communiqué par la génération. C'est
pourquoi il explique ces paroles de David:

Eadmer., in vita S. Anselm., pag. 23, 56.
* Lib. IV, Epist. 55.

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Paul. L. 7. J'ai été conçu dans l'iniquité, et ma mère m'a
conçu dans le péché, non d'une iniquité ou
d'un péché inséparable de l'acte ou de la
matière de la génération, mais de la néces-
sité de contracter le péché par suite de cette
génération, ce qu'il prouve par ce qui fut dit
Genes 11,17 à Adam: En quel jour vous manyerez du fruit
défendu, vous mourrez, non qu'il dût mourir
le jour même qu'il en aurait mangé, mais
que dès ce jour il serait nécessairement su-
jet à la mort. Quelques-uns s'offensèrent de
cette explication, prétendant qu'elle était
contraire aux divines Ecritures et à saint
Augustin. Un anonyme contemporain de
saint Bernard justifia ce qu'avait dit saint

Pag. 107. Anselme sur ce sujet. Son écrit se trouve à

la suite du traité de la Conception virginale

et du péché originel, dans les éditions des

œuvres de ce père.

11. La troisième raison que saint Anselme

donne de la naissance très-pure de Jésus-
Christ, est la même qu'il avait apportée dans
le livre précédent, savoir qu'il avait purifié
la sainte Vierge avant d'être conçu d'elle. Il
propose diverses questions qui ont rapport
au péché originel, entr'autres pourquoi ce.
péché est moins considérable dans les en-
XXII. fants que dans Adam. A quoi il répond que

la raison de cette différence vient de ce
qu'Adam a péché par sa propre volonté, et
que les enfants péchent par une nécessité
naturelle, parce qu'ils étaient dans Adam,
lorsqu'il tomba dans le péché; qu'au reste,
le péché originel comme le personnel, exclut
du royaume du ciel, pour lequel l'homme a
été fait, à moins qu'on n'en obtienne la rémis-
XVI. sion par Jésus-Christ. Il décide sans ambi-
guité que les enfants morts sans baptême
́sont damnés, et pour montrer que Dieu, en
punissant les enfants d'Adam par la faute de
leur père, ne commet point d'injustice, il
fait cette comparaison : « Si un homme et sa
femme, élevés sans aucun mérite de leur
part à la plus haute dignité, s'en rendaient
indignes par un crime commis de concert,
et étaient en conséquence déchus de cette
dignité et réduits en servitude, qui s'avise-
rait de trouver mauvais que les enfants qu'ils
engendreraient dans cet esclavage fussent
réduits au même état? »

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13. Le traité de la Vérité est en forme de
dialogue, de même que celui du Libre arbi- ce traité.
tre. Saint Anselme ne se souvenait d'avoir
lu nulle part la définition de la vérité.
Avant de la donner lui-même, il en rapporte
plusieurs exemples. « On dit qu'un discours
est vrai, quand il assure ce qui est en effet,
ou qu'il nie ce qui n'est pas; que nous pen-
sons vrai, lorsque nous pensons des choses
comme elles sont; que nous voulons vrai,
quand nous voulons ce qui est de justice et
de notre devoir; que nous faisons la vérité,
lorsque nous faisons le bien. Il y a même
une vérité dans nos sensations, parce que
nos sens nous rapportent toujours vrai; et
s'ils nous sont une occasion d'erreur, ce
n'est que par la précipitation de notre juge-
ment. Enfin la vérité est dans l'essence de
toutes choses, parce qu'elles sont ce qu'elles
doivent être relativement à la suprême Vé-
rité, de qui est l'essence des choses. D'où il
suit que la vérité des choses est leur recti-
tude, autant qu'elle peut être conçue par
l'esprit. Car cette rectitude n'est pas percep-
tible aux yeux du corps. Il raisonne sur la
justice comme sur la vérité, mais il la fait
plus consister dans la volonté de celui qui
agit que dans l'action même.

14. Suit, dans la nouvelle édition, un petit

traité de la Volonté, que l'on n'avait pas en-

core mis au jour. L'éditeur l'a donné sur

un manuscrit de la bibliothèque de Saint-

Victor de Paris, ne doutant pas qu'il ne fût de

saint Anselme, soit à cause de la conformité de

ce traité avec le chapitre xi des livres de la

Conception virginale et de la Concorde de la

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Traité da

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I.

1

prescience et de la prédestination, soit parce
qu'on y reconnaît la même doctrine, le même
génie, les mêmes raisonnements, et quelque-
fois les mêmes expressions; soit parce que
saint Anselme s'était comme engagé à trai-
ter cette matière dans un autre de ses ou-
vrages. Il commence, dans celui-ci, à traiter
de la volonté de l'homme, qu'il dit être l'ins-
trument naturel de l'âme, et il y distingue
deux affections principales: l'une, qui en est
inséparable, savoir de vouloir toujours ce
qui lui est commode; l'autre, qui en peut
être séparée, comme de vouloir la justice ou
l'injustice. Ensuite il distingue en Dieu trois
volontés l'une efficiente, qui fait tout ce
qu'elle veut; l'autre, qui approuve ce qui est,
et approuverait encore d'autres choses si elles
existaient; la troisième, qui ne fait que per-
mettre que telle chose soit, sans le faire ni
l'approuver. Saint Anselme traite aussi du
pouvoir, mais en général il le définit l'apti-
tude pour une chose.

15. Le pouvoir de pécher n'est point né-
herb tre. cessaire à la liberté, puisque le libre arbitre
n'est autre chose que le pouvoir de conser-
ver la droiture de la volonté, à cause de cette
droiture même. Les anges et l'homme, avant
leur chute, ont eu ce libre arbitre; et ils ont
conséquemment gardé la droiture de leur
volonté, tant qu'ils l'ont voulu. Ce pouvoir
n'a point péri par le péché d'Adam; nous
IV. l'avons encore, et quelque forte que soit la
tentation, nous pouvons, si nous voulons,
conserver la rectitude de la volonté. Saint
Anselme dit bien nellement que cette recti-
tude est un don de Dieu, et qu'il n'est point
au pouvoir de l'homme de la recouvrer après
l'avoir perdue, si Dieu lui-même ne la lui
rend. Il ajoute que Dieu fait un plus grand
miracle en rendant à la volonté la rectitude
qu'elle avait perdue, qu'en rendant la vie à
un mort. La raison qu'il en rend, c'est que
le corps en mourant ne pèche point, et par
conséquent ne se rend pas indigne de res-
susciter; au lieu que la volonté, en perdant
sa rectitude, pèche, et par là mérite d'en être
privée pour toujours. Il distingue le libre ar-
bitre en incréé et créé. Le premier est de
Dieu, le second des anges et de l'homme, et
se subdivise en deux, en celui qui a conservé
la droiture de la volonté, et celui qui l'a per-
due. Celui-là est celui des anges qui ont persé-
véré dans le bien; celui-ci, des mauvais anges

1 Lib. de Concordia præscient., quæst. 3, cap. XI.

et de l'homme tombé, avec cette différence
que les mauvais anges ne peuvent plus re-
couvrer cette rectitude, au lieu que l'homme
peut la recouvrer avec le secours de Dieu.
Ce traité fut imprimé séparément à Louvain
en 1648, in-4o, avec les opuscules choisis de
saint Augustin.

§ III.

Traités de la Concorde de la prescience, de la
prédestination et de la grâce avec le libre ar-
bitre; du Pain azyme et du pain fermenté,
et autres opuscules.

1. Le dernier des ouvrages de saint An-
selme, suivant l'ordre des temps, est la Con-
corde de la prescience, de la prédestination et de
la grâce avec le libre arbitre. La paix avait été
rendue à l'Eglise d'Angleterre lorsqu'il le com-
posa; mais il était alors attaqué 2 d'un dégoût
si général, que tous les aliments lui étaient à
charge, en sorte que manquant de forces pour
soutenir le travail, il fut très-longtemps à ache-
ver ce traité. Il s'y propose trois questions,
qu'il résout séparément d'où vient que les
copistes en ont fait quelquefois trois traités
particuliers, quelquefois deux.

2. La première est de savoir comment la
prescience en Dieu ne nuit pas au libre ar-
bitre de l'homme, puisque ce que Dieu a
prévu arrive nécessairement, et que néan-
moins le libre arbitre exclut toute né-
cessité. Saint Anselme répond qu'il n'y a
point d'incompatibilité entre la prescience et
le libre arbitre, parce que Dieu ne prévoit les
choses qu'en la manière qu'elles se feront,
sans imposer à l'agent libre aucune nécessité
d'agir. Il prévoit la mauvaise action du pé-
cheur, mais il prévoit aussi qu'il pèchera li-
brement. Si donc la prescience de Dieu em-
porte dans ce cas une nécessité, elle n'est
point antécédente, mais subséquente, c'est-
à-dire que le pécheur ne commettra pas un
crime parce que Dieu l'a prévu, mais que
Dieu ne l'a prévu que parce que le pécheur
le commettra librement. Saint Anselme fait
voir que si la prescience de Dieu imposait
nécessité, Dieu lui-même ne serait pas libre
dans ce qu'il fait chaque jour, et qu'il aurait
fait tout par nécessité, puisqu'il a tout prévu
avant de le faire. Il rapporte divers exem-
ples de l'Ecriture qui prouvent qu'il y a beau-
coup de choses qui passent pour nécessaires
et immuables par rapport à l'éternité, et qui

2 Anselmi vita, pag. 25.

Traité de la

Concorde de
de la prédes-

la prescience,

tination et de

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grâce avec
tre. Pag. 123.

le libre arbi-

Première
question. La
prescience de

Dieu nuit.
arbitre de

elle au 1.bre

l'homu.e?

Cap. 1, 11.

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