que les écrivains sacrés s'expriment de fa- çon, sur l'efficacité de la grâce, qu'ils lui at- tribuent toute la bonne action, comme si le . libre arbitre n'y avait aucune part, et qu'ail- évêque, qui était encore alors engagé dans le schisme, ayant eu quelque dispute avec les Grecs, consulta sur cela saint Anselme, qui lui envoya d'abord son traité de la Pro- Cap. I. cession du Saint-Esprit, puis celui du Pain azyme et du pain levé. Il y établit que ni l'une ni l'autre de ces qualités ne changeant la substance du pain, on peut, sauf l'essence du sacrifice, offrir avec du pain azyme ou avec du pain fermenté; qu'il est mieux, toutefois, de ne sacrifier qu'avec du pain azyme, parce que Jésus-Christ en a usé ainsi; qu'en imi- tant le Sauveur en ce point, les Latins ne sont point censés judaïser, parce qu'ils ne le font pas pour observer la loi qui défendait l'usage du pain levé pendant la fête de Pâ- mais pour une autre cause qui n'a point de rapport avec la loi judaïque. Il ajoute qu'ils 6. Les reproches que saint Anselme fit à Valéranne sur son adhésion au schisme, eu- rent leur effet. Cet évêque se réconcilia avec l'Eglise romaine, et reconnut de bonne foi le pape Pascal II. C'est ce qu'il déclare dans le dernier chapitre de la lettre qu'il écrivit à saint Anselme pour lui demander raison de la variété des cérémonies dans l'administra- tion des sacrements, notamment du sacrifice de l'autel. On administrait différemment en Palestine, en Arménie, à Rome, dans les Gaules et en Allemagne. Valéranne craignait que cette variété ne nuisît à l'unité de l'E- glise, et il ne concevait pas pourquoi l'on ne s'en était pas tenu exactement à la liturgie que l'on avait reçue des anciens pères. En quelques Eglises on ne faisait qu'un signe de croix sur le pain et sur le calice, lorsqu'on les bénissait. L'ancien Ordre romain le prescri- vait ainsi, conformément à ce qui est dit dans l'Evangile, que Jésus-Christ, prenant le pain, Lettre da sieurs signes de croix sur le pain et le vin. 7. Saint Anselme, après avoir, dans sa ré- CL dans toute l'Eglise; mais que la diversité qui s'y rencontre à cet égard ne tombant ni sur l'essence ou la substance des sacrements, ni sur la foi, on doit plutôt la tolérer en pa- tience, que de la condamner avec scandale. Il fonde sa décision sur celle des saints pères, qui ont enseigné, que la différence des cou- tumes ne nuit pas à l'unité de la foi dans la charité. Cette variété lui paraît venir des dif- férentes idées des hommes sur une même chose. Ce qui plait à l'un, est désapprouvé de l'autre. Saint Anselme convient aussi que l'on aurait pu ne pas multiplier les signes de croix et se contenter de deux, l'un sur le pain, l'autre sur le calice; mais que l'on peut aussi varier sur ce point sans préjudicier à la vérité ni à l'essence du sacrifice. Il paraît ne point approuver les raisons mystiques que l'on ap- portait pour couvrir ou ne point couvrir le calice avant la consécration; mais il en trouve une physique et littérale, qui est d'empêcher qu'il ne tombe dans le calice quelque mouche ou quelque autre chose indécente, comme il est arrivé souvent, et à quoi il serait toujours exposé si on le laissait découvert. 8. Le petit traité des Clercs concubinaires gest tiré de la lettre de saint Anselme à Guil- Trithem., Chronic. Hirsaug, tom. I, pag. 257. 1 Censura tractal, de Presbyter, concubin. de saint Grégoire-le-Grand à Secundus, que Traité des tre parents. 9. L'édition de ses œuvres, à Cologne en dogmatique, on lui a donné place entre les opuscules dans la dernière édition, où l'on dit qu'il est de saint Anselme, et parce qu'il porte son nom, et à cause qu'on y remarque ses façons de parler et de raisonner. Mais on ne fait pas connaître la personne à qui l'écrit est adressé. L'auteur la qualifie son frère, et il semble que cet inconnu lui proposait de temps en temps des questions à décider. Celle qui fait le sujet de ce traité regarde le mariage entre parents, jusqu'à quel degré il est dé- fendu d'en contracter, et la raison de cette défense. Saint Anselme dit que rien n'est plus fréquent, dans les conciles et dans les écrits des pères que la défense aux parents de se marier; mais qu'il n'en a lu nulle part la raison, si ce n'est dans l'Ancien Testament où Dieu défend les mariages entre les per- sonnes de différente tribu, de peur que ce mé- lange n'entraîne la diminution des biens et des héritages dans les tribus. Il ajoute que dans la loi nouvelle, où la charité est plus estimée que les héritages temporels, le mariage en- tre parents est défendu jusqu'au sixième de- gré, parce qu'en ce degré on est encore assez proches parents pour conserver dans une fa- mille l'amitié et la charité qui doivent y ré- degré, l'autre au septième, le mariage pou- vait alors se contracter au sixième degré ; ou qu'on ne le pouvait qu'au septième, s'ils étaient l'un et l'autre parents au sixième. Telle est la disposition du concile de Londres 10. Le dialogue qui a pour titre le Gram- mairien est une introduction à la Dialectique, qui opère, une qui approuve, une qui per- Des Homélies de saint Anselme et de ses 1. Les traités dont nous venons de parler 3. On trouve sous son nom une homélie sur la Dédicace, dans un manuscrit 5 du collége de Saint-Benoît à Cambridge, et une sur la félicité éternelle, dans un recueil de divers opuscules des pères, imprimé à Lyon en 1615, in-12, par les soins de Thomas Galletti. Mais un manuscrit de l'abbaye du Bec l'attribue à Eadmer, qui en prit la matière dans les ouvrages de saint Anselme. L'exhortation au mépris des choses temporelles et à l'amour des éternelles, n'a été rendue publique qu'en 1630, par Théophile Raynaud, et c'est sur sa parole 7 qu'on l'a mise depuis parmi les vé- ritables écrits de saint Anselme, car il n'a apporté aucune preuve qu'elle soit de cet archevêque. Comme on y trouve plusieurs maximes tirées presque mot pour mot de la règle de saint Benoît, il est au moins vrai- semblable que cette exhortation est l'ouvrage 4. C'est aussi le père Théophile Raynaud qui a le premier publié l'avertissement à un moribond effrayé de la vue de ses péchés. Il porte le nom de saint Anselme dans le ma- nuscrit du Vatican, sur lequel il a été rendu public, et dans quelques autres où il est in- titulé Comment on doit interroger le ma- lade à l'article de la mort, et comment il doit répondre. Ces formules sont différentes, suivant la qualité du mourant. Aux inter- rogations sont jointes des prières tirées des Psaumes, une oraison à la sainte Vierge pour implorer son secours au moment de la mort, et quelques avis au moribond. Entre ↳ Bibliot. Angl. manusc., part. III, num. 1532, 27. autres demandes qu'on lui fait, nous remar- Pene da 5. Le poème du Mépris du monde n'est qu'en partie dans l'édition des œuvres de saint Anselme faite à Cologne en 1573; mais il est tout entier dans celle que l'on fit en la même ville en 1612, sur un manuscrit de l'abbaye de Saint-Victor de Paris; [il est re- produit au tome CLVIII de la Patrologie, col. 687-708]. On le trouve encore en d'autres manuscrits, dans aucun sous le nom de saint Anselme. Il y en a qui l'attribuent à Bernard de Cluny; celui de l'abbaye du Bec le donne à Roger de Caen, moine du Bec sous saint Anselme, qui en est effectivement l'auteur. Dom Mabillon ne témoigne là- dessus aucun doute, et le nom de Roger qui se trouve à la tête du manuscrit de la mai- son même où ce poème a été composé, est une preuve suffisante pour le lui attribuer. Il est visible d'ailleurs que l'attribution qui en est faite dans le manuscrit de l'abbaye d'Oudenbourg à Bernard, moine de Cluny, est fautive. Il est vrai que Bernard a écrit en vers sur le même sujet : mais son poème est en vers héroïques, et divisé en trois livres : au lieu que celui de Roger est en vers élé- giaques et sans aucune division. La poésie en est même beaucoup au-dessus de celle de Bernard, plus douce, plus coulante, plus moelleuse. Le poème de Bernard a été im- primé plusieurs fois à Bâle en 1557, in-8°, par les soins de Matthias Flaccius, entre les poèmes de l'Etat corrompu de l'Eglise, à Brème en 1597, in-8°; à Rostoch en 1610, in-8°; à Rintel en 1626; à Lunébourg en 1640, in-12. Celui de Roger du Bec ne se trouve que dans les éditions des œuvres de saint Anselme depuis celle de Cologne en 1612. Il était né à Caen en Normandie. S'é- tant consacré à Dieu dans l'abbaye du Bec sous l'abbé Herlouin, dont il était parent, il en fut depuis prieur, et on le compte 2 pour le troisième qui remplit cet emploi depuis la 6. Son poème est de plus de huit cents vers. Il y fait une description détaillée des devoirs d'un moine, en remarquant d'abord que ce n'est ni la tonsure, ni l'habit qui fait le moine, mais l'austérité de la vie, la cons- tance dans la vertu, l'humilité, le mépris du monde, la pureté de la vie, la sobriété, l'ac- complissement des voeux faits à Dieu. Maître de ses passions avec le secours de Dieu, il doit laver ses fautes passées dans ses larmes; s'appliquer continuellement à l'étude des Li- vres saints, ou à des études utiles et honnê- tes; se persuader que, Dieu étant présent partout, ses plus secrètes actions lui sont connues; ne se relâcher en rien de la ri- gueur de la discipline. Il repasse tous les ob- jets du monde qui peuvent exciter nos pas- sions, et en fait voir le vide; montrant qu'il y a bien plus de paix et de tranquillité dans la pauvreté volontaire que dans l'abondance, dans les honneurs, dans les plaisirs du siècle et dans tous les autres avantages que le monde estime. Il s'étend beaucoup sur les dangers que court un moine dans des liaisons avec des personnes d'un autre sexe. Ce poème fut publié en 1612, par Jean Picard, chanoine de Saint-Victor de Paris, avec deux autres petites pièces de poésie, dont la première, qui est en grands vers rimés, est aussi inti- tulée du Mépris du monde; l'autre, Que l'on ne doit aimer que Dieu. Celle-ci est en vers élégiaques, on n'en connaît point l'auteur: et c'est une pure conjecture de les attribuer à Roger, parce qu'elles se sont trouvées dans le même manuscrit que le long poème dont on vient de parler. Barthius fait l'éloge d'un autre poème sur le mépris du monde, qui, dans quelques manuscrits, porte le nom de Roger. Mais il n'est guère à présumer qu'un même poète se soit exercé jusqu'à trois fois sur une même matière, après l'a- voir surtout traitée avec autant d'étendue; à moins qu'on ne veuille faire passer les deux 7. Le recueil des Méditations de saint An- selme en comprend vingt-une, mais on ne les croit pas toutes de lui. Il en est parlé dans sa Vie 5 par Eadmer, et le saint en parle lui-même dans ses lettres 6. Elles se trouvent Deuxième Mélitation. Pag. 207. Troisième Méditation et suivantes. Pag. 208. Septième et huitième Mé prologue qui est à la tête de ces Méditations nous apprend que saint Anselme les composa pour exciter ses lecteurs à aimer et à craindre Dieu, et les aider à s'examiner et à se connaître eux-mêmes. C'est pourquoi il leur conseille de les lire dans un temps de tranquillité, lentement et peu à la fois, sans s'astreindre à en lire une entière de suite. Il les partagea en plusieurs paragraphes, afin qu'il fût libre à chacun de commencer ou de finir à quel endroit il voudrait, et d'éviter par ce moyen l'ennui que cause la prolixité. La première méditation a pour matière la dignité de l'homme considéré comme fait à l'image et à la ressemblance de Dieu, et sa misère depuis sa chute dans le péché. Elle est divisée en quatorze paragraphes, et c'est déjà une raison de l'attribuer à saint Anselme. Une seconde preuve est, qu'elle porte son nom dans quelques manuscrits; et la troisième, c'est qu'on y trouve plusieurs choses qu'il répète à peu près en mêmes termes dans son Monologue et son Prosloge. 8. La seconde méditation lui est aussi attribuée dans tous les imprimés, comme dans tous les manuscrits. Il l'avait, ce semble, envoyée à Durand, abbé de la Chaise-Dieu, et depuis évêque de Clermont, qui l'en remercia par une lettre où il en fait un grand éloge. Elle est intitulée de la Crainte du jugement de Dieu. Saint Anselme la composa n'étant que prieur du Bec, et avant l'épiscopat de Durand, qui commença en l'an 1076. 9. On peut rapporter au même temps la troisième méditation, et la mettre au nombre des opuscules propres à inspirer de la componction, dont il est parlé dans la lettre de l'abbé Durand, que l'on vient de citer. Cette méditation a pour objet d'exciter à la douleur et à la pénitence des péchés commis dans la jeunesse. Elle est sous le nom de saint Anselme dans tous les manuscrits 2, de même que les trois suivantes. Le pécheur trouve dans la quatrième des motifs pour l'engager à se corriger; dans la cinquième, les avantages d'une bonne mort, et les suites funestes de la mort des impies; dans la sixième, des préservatifs contre le désespoir, dont le principal consiste dans une véritable pénitence de ses péchés. 10. La septième méditation est composée Pag. 214,215 de quatre paragraphes, dont les deux pre- ditation. miers se lisent sous le nom de saint Anselme dans un manuscrit de Saint-Martin de Tournay les deux autres sont du style et du génie de saint Anselme. Il est vrai que l'on trouve les deux premiers dans le livre intitulé de la Contrition du cœur, imprimé dans l'appendice du neuvième tome des Euvres de saint Augustin. Mais il faut remarquer que ce livre n'est qu'un extrait des Méditations et des Oraisons de ce père. Le père Théophile Raynaud a donné la huitième méditation sur un manuscrit du Vatican. Elle ne contient rien qui ne soit digne de saint Anselme. On y voit un pénitent qui crie vers Dieu pour obtenir sa miséricorde. Dans la septième, après s'être représenté les bienfaits dont Dieu l'a comblé, il déplore son ingratitude, et confesse son péché dans l'amertume de son cœur. 11. Les titres de la neuvième méditation varient suivant les différents manuscrits. Elle est intitulée tantôt 3: De l'Humilité de JésusChrist, tantôt : Le Miroir de la parole évangélique, tantôt: L'Aiguillon de l'amour divin. On l'a quelquefois attribuée à saint Bernard, mais elle n'est point de son style; on n'y remarque non plus aucune des expressions familières à saint Anselme : elle est toutefois sous son nom dans toutes les éditions de ses œuvres, et dans quelques manuscrits; mais elle se trouve aussi intitulée du nom d'Ecbert, abbé de Saint-Florin, ou Schonauge au diocèse de Trèves, dans trois manuscrits: et c'est sur leur autorité que dom Bernard Pez la lui a attribuée dans le tome VII de sa Bibliothèque ascétique, imprimée à Ratisbonne en 1725, in-8°. Il y a plusieurs autres écrits de cet abbé, dont il sera parlé dans la suite. La dixième a été publiée par le père Théophile Raynaud, sur un manuscrit du Vatican. On n'a pas d'autre preuve qu'elle soit de saint Anselme. La onzième est constamment de lui. Eadmer dit qu'il la composa 5 étant à Lyon, en 1099. Elle roule sur l'économie de la rédemption du genre humain par l'incarnation du Fils de Dieu. 12. La douzième méditation a été publiée pour la première fois par le père Raynaud sur un manuscrit de Bigot, où elle est parmi les Méditations de saint Anselme. On y remarque aussi son style: mais on ne le re 3 Anselm. vit., lib. II, pag. 23. 6 Censura Meditat. Neuvièm dixième et me Medi tion. Pag. 1 et seq. Douzii treizième Méditalic nato z $4. 22 |