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connaît pas dans la treizième. La quatorzième est encore dans le manuscrit de Bigot parmi celles de saint Anselme, et dans un manuscrit de Vienne qui a servi à l'édition du père Raynaud. Elle est divisée en sept paragraphes, suivant l'usage de ce père, et intitulée Enchiridion ou Manuel. Le saint archevêque remarque dans le prologue que, comme nous nous trouvons environnés de piéges de la part de nos ennemis, l'amour des biens célestes se refroidit aisément en nous, et qu'il est besoin de pressants motifs pour nous rappeler à l'amour du souverain bien. C'est, ajoute-t-il, ce qui l'a engagé à composer ce manuel des plus belles sentences des pères; et il avoue que lorsqu'il se trouvait dans la tiédeur à l'égard de son salut, la lecture de ce manuel ranimait sa ferveur et son amour envers Dieu. C'est aussi le but principal de cette méditation.

13. D'une méditation divisée en trois parties dans l'édition de Lyon, en 1630, on en a fait trois dans la nouvelle édition, savoir les quinzième, seizième et dix-septième. Elle se trouve aussi dans le manuscrit de Bigot. Saint Anselme l'adressa à sa sœur, qui avait consacré à Dieu sa virginité. Quelques uns l'ont attribuée à saint Augustin on la trouve en effet toute entière dans le livre de la Vie érémitique, imprimé parmi les ouvrages de ce père; mais on convient que ce livre n'est pas de lui, qu'il est d'un écrivain plus récent que saint Benoît et saint Grégoire qui y sont cités 1. Saint Anselme s'occupe, dans cette méditation, des bienfaits de Dieu, passés, présents et futurs, comme d'autant de raisons d'aimer Dieu. La dix-huitième a en tête huit vers héroïques, dans lesquels l'auteur donne le précis de la vie de Jésus-Christ depuis sa naissance jusqu'à son ascension au ciel. Il nous le fait envisager dans cette méditation comme notre maitre, notre Sauveur, notre espérance, notre salut, à qui nous devons d'infinies actions de grâces pour ses miséricordes, et de qui nous devons attendre les secours dont nous avons besoin. Le père Raynaud l'a tirée du manuscrit de Vienne. On ne la trouve point ailleurs. Elle ne contient rien qui ne puisse convenir à saint Anselme. C'est l'ouvrage d'un homme qui vivait en communauté et qui en était supérieur. Il l'écrivit donc dans l'abbaye du Bec.

1 Cap. XIV, XIX, XLVI.

Dix neuviè me, vingtième me Médita

et vingt-nniè

237.

14. Les trois dernières respirent l'onction et la piété de saint Anselme. La dix-neuvième a été donnée sur un manuscrit du Va- tion. tican, et la vingtième sur un manuscrit de la bibliothèque de De Thou. La vingt-unième porte le nom de ce père dans divers manuscrits. Elle est tirée, pour la plus grande partie, du Prosloge. De ces trois méditations, il n'y a que la première qui soit divisée en paragraphes. Saint Anselme y donne des raisons pourquoi nous devons plus aimer Dieu. qu'aucun homme parce que si nous aimons les hommes pour des bienfaits qui ne durent que peu de temps, nous devons beaucoup plus aimer Dieu, puisque les grâces dont il nous favorise, soit en cette vie, soit en l'autre, sont plus stables, et que celles de l'autre vie dureront toute l'éternité. Il met la ressemblance de l'homme avec Dieu, en ce qu'il a été créé raisonnable, et bon par volonté. La vingtième est une plainte que l'àme fait à Dieu, quand elle s'en voit abandonnée à cause de ses péchés. Elle s'excite dans la vingt-unième à chercher Dieu et à se donner les mouvements nécessaires pour le trouver. Nous ne nous arrêterons pas a d'autres Méditations qui portent le nom de saint Anselme dans quelques manuscrits, mais que l'on n'a pas encore rendues publiques.

S V.

Des Oraisons de saint Anselme, de ses Hymnes, et de son Psautier.

2

Pag.

Oraisons de raint Ansel

1. Ses Oraisons, dans le recueil que nous en avons, sont au nombre de soixante-qua- me. Pag. 246. torze, la plupart faites pour ses amis. On les a distribuées suivant l'ordre des matières. La première est à la sainte Trinité; la seconde au Père par les mérites de Jésus-Christ; les onze suivantes à Dieu; la quatorzième au Saint-Esprit; les suivantes, jusqu'à la vingthuitième inclusivement, sont à Jésus-Christ. Il y en a plusieurs pour le prêtre avant la messe, pendant la messe, et avant la communion. Suivent un long rhythme adressé à Dieu et à tous les saints; des oraisons à la croix, à la sainte Vierge; un autre rhythme en son honneur et à celui de tous les saints; des oraisons à l'ange gardien, à saint Jean-Baptiste, aux saints apôtres Pierre, André, Jean; aux saints Etienne et Laurent, à saint Martin, à saint Benoît, à saint Dunstan, à saint

2 Anselm. vit., lib. I, pag. 4.

Preaves que

Ces oraisons sont de lui.

Paul, à sainte Marie-Madeleine, et une générale pour le patron de quelque église.

3

2. Il n'y a pas lieu de douter que ces oraisons ne soient de saint Anselme. Eadıner son historien dit qu'il en composa plusieurs pour ses amis, étant prieur du Bec. Il en cite lui-même trois dans sa lettre à Gondulphe 2. Durand, abbé de la Chaise-Dieu, loue la piété et l'esprit de componction qui règne dans ces prières. Enfin elles sont sous le nom de saint Anselme dans quantité 3 de manuscrits. Nous n'avons plus celle qu'il avait adressée à saint Nicolas, et dont il fait mention dans sa lettre à Baudric, prieur du Bec. L'oraison avant la communion, donnée par dom Mabillon dans ses Analectes, ne se trouvait pas dans la première édition des œuvres de saint Anselme, en 1675. On l'a ajoutée dans celle de 1721. Elle est remarquable, parce que le prêtre y prie en général pour tous ceux à qui il devait des prières; pour ceux qui lui en avaient demandé, ou qui lui avaient confessé leurs péchés. Elle est suivie dans les mêmes Analectes d'une autre prière avant la communion, où le prêtre demande à Dieu son secours contre les usurpateurs et détenteurs des biens de l'Eglise. Il n'est pas dit dans l'inscription qu'elle soit de saint Anselme. Dom Mabillon, en parlant, au même endroit, du livre des Prières, que l'abbé Jean, qu'il croit être celui de Fécamp, composa pour l'impératrice Agnès, qui vivait encore en 1075, remarque qu'il s'y en trouve plusieurs de celles que l'on attribue à saint Anselme. Cet abbé avait composé son livre de ce qu'il avait lu dans les anciens pères, surtout dans saint Augustin; mais il ne paraît pas qu'il ait eu recours aux écrits de saint Anselme, qui était encore jeune lorsque l'abbé Jean était déjà avancé en âge. Cette différence d'âge fait dire à dom Mabillon qu'il est plus vraisemblable que saint Anselme a emprunté de l'abbé Jean 5, que non pas l'abbé Jean de saint Anselme. On pourrait opposer à cette conjecture 1° que l'abbé Jean fait profession à la tête de son livre de l'avoir composé des passages de l'Ecriture et des pères : ce qui marque proprement un compilateur, titre qu'on ne peut donner à saint Anselme; 2° qu'en mettant la composition de ce livre de prières entre l'an 1066 et

1 Eadmer., Vita Anselm., lib. I, pag. 4.
Lib. I, Epist. 20.

3 Censura Orat.

Mabill., in Analect., pag. 448. 5 Mabill, ibid, pag. 126. 6 Ibid., pag. 121.

1075, comme fait dom Mabillon 7, on peut dire que saint Anselme était en état de fournir des oraisons à l'abbé Jean, puisque saint Anselme en composa étant prieur du Bec, et qu'il l'était en 1063. S'il en écrivit pour ses amis, pourquoi n'en aurait-il point envoyé à l'abbé de Fécamp, qui en cherchait pour son livre de prières? Cet abbé ne mourut & qu'en 1078, et saint Anselme était abbé du Bec dès l'année précédente. Cela ne forme pas une si grande disparité d'âge. Quoi qu'il en soit, outre les oraisons que nous avons de saint Anselme dans les imprimés, il s'en est perdu plusieurs, entre autres celle qu'il adressait à saint Nicolas, dont il fait mention dans une de ses lettres 9.

3. Toutes ces oraisons ont été en grande estime dans l'Eglise. Saint Thomas, archevêque de Cantorbéry, dans le même siècle que saint Anselme, en avait un recueil 10 où il faisait ses prières avant d'offrir le saint sacri. fice; et depuis elles ont passé à l'usage commun des églises. Quelques-unes des oraisons et des méditations de saint Anselme ont été traduites en français, avec d'autres opuscules, par Jean Guitot, et imprimées à Paris chez Pierre Lhuillier, en 1571; et en 1588 et 1642, chez Guillaume Bichon. On les réimprima à Rouen chez Thomas Doré, en 1602, et en allemand à Lunébourg, en 1638.

4. Les hymnes de saint Anselme en l'honneur de la sainte Vierge sont en vers iambiques, et il y en a pour toutes les heures de la nuit et du jour, depuis matines et laudes, jusqu'à complies. Suit le Psautier, que l'on ne commençait qu'après avoir récité l'antienne Salve, Regina. Il est composé de trois parties, et chaque partie d'un grand nombre de strophes, chacune de quatre vers iambiques, dont le premier commence toujours par Ave. Les strophes sont intercalées d'un verset de quelque psaume. Le Psautier finit. par l'antienne Ave, regina cælorum. Viennent ensuite diverses autres hymnes en l'honneur de la sainte Vierge. Jean Picard " est le premier éditeur de ce Psautier. Il ne dit pas s'il portait le nom de saint Anselme dans le manuscrit sur lequel il l'a fait imprimer. Le père Théophile Raynaud avoue qu'il ne l'a pas même trouvé manuscrit. Dom Gerberon en a vu deux, l'un de l'abbaye de Saint-Victor 8 Ibid., pag. 126.

7 lbid., pag. 125. 9 Lib. II, Epist. 51.

10 Marten., tom. I, de Vir. Eccles., pag. 375. 11 Censura Psullerii.

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4. de

de Paris, l'autre de l'abbaye de Fleury, où se trouvaient les hymnes, pour tous les offices du jour jusqu'à complies. Le reste manquait, c'est-à-dire le Psautier même de la Vierge; et ces deux manuscrits étaient sans nom d'auteur. Il y a donc tout lieu de douter qu'il soit de saint Anselme, surtout si l'on fait attention qu'il y a dans ce Psautier quantité d'endroits qui ne répondent point à l'élévation ni à la solidité de son esprit.

§ VI.

Des Lettres de saint Anselme. - Livre premier.

1. On a remarqué dans sa Vie qu'il demeura pendant trente-trois ans dans l'abbaye du Bec, qu'il y fut trois ans simple religieux, quinze ans prieur et quinze ans abbé; qu'ensuite on le plaça sur le siége archiepiscopal de Cantorbéry, qu'il occupa environ seize ans. On a suivi cet ordre dans la distribution de ses lettres, qui font la troisième partie de ses œuvres. Le premier livre contient celles qu'il écrivit avant d'être abbé du Bec; le second, celles qu'il écrivit étant abbé; le troisième et le quatrième, celles qu'il écrivit pendant son épiscopat. Ce qui fait en tout quatre cent vingt-six lettres, suivant l'édition de dom Gerberon. Mais il lui en est échappé plusieurs dont on parlera dans la suite.

2. Aussitôt que saint Anselme eut avis de la promotion de Lanfranc à l'archevêché de Cantorbéry, il lui en écrivit une lettre de félicitation, à laquelle il joignit un petit présent que Lanfranc lui-même avait autrefois donné à un moine du Bec, et qui était passé Epit. à Anselme. Il y joignit une lettre pour Odon

et Lanzon, deux moines de Cantorbéry, dans laquelle il leur prescrivait, suivant leurs désirs, un plan de vie plus sainte que celle qu'ils avaient menée jusqu'alors. En supposant qu'ils trouveront dans la lecture de l'Ecriture sainte, à laquelle il les exhorte, toutes les lumières nécessaires pour se conduire sagement, il se contente de leur dire de ne point s'arrêter à ce qu'ils avaient fait de bien jusque-là, mais de s'avancer de plus en plus dans la perfection, et de vivre avec autant de piété que l'on en remarque dans ceux qui donnent à juger par leur conduite qu'ils sont du nombre des prédestinés.

1. 3. Un moine nommé Hugues l'avait consulté sur la façon de se comporter envers son supérieur, qui n'était pas de bonnes mœurs, et avec lequel, pour cette raison, il ne pou

vait vivre en paix. Saint Anselme lui conseille ou de se séparer de ce supérieur, avec sa permission, ou de lui obéir en patience et en silence, parce qu'on n'est point obligé de reprendre ceux qui s'offensent des remontrances au lieu de s'en corriger. Anselme avait prêté des livres de la bibliothèque du Bec à une autre communauté. On les lui renvoya comme s'il les eût réclamés, avant qu'on s'en fût servi. La lettre qu'il reçut à ce sujet Epist 10. l'affligea. Il y fit une réponse très-obligeante, dans laquelle il proteste n'avoir aucune part à la répétition des livres, et offre tout ce qu'il y avait dans la bibliothèque, assurant Rodulphe, à qui sa lettre est adressée, qu'il lui fait cette offre du consentement de son abbé et de toute la communauté.

4. Girard, monétaire à Arras, pensait à 13. quitter le monde et à se faire moine au Bec; mais il était redevable à quelques-uns de ses créanciers. Anselme lui conseilla de s'adresser à Lanfranc, alors archevêque de Cantorbéry, avec assurance de recevoir de ce prélat de quoi s'acquitter; qu'ensuite il pourrait 12. se présenter au monastère pour y être reçu. Lanfranc aimait cette maison et lui faisait de temps en temps des présents. Il y a plusieurs 11, 17, 14. lettres à Gondulphe, ami particulier de saint Anselme. Comme elles ne contiennent que des marques de tendresse, nous ne nous y arrêterons pas, et nous en userons de même à l'égard de toutes les autres qui ne montreront rien d'intéressant pour notre sujet. Il détourna un moine nommé Henri de faire le voyage d'Angleterre en Italie pour délivrer de la servitude une sœur, qu'un riche voulait y réduire injustement. Ses raisons sont qu'il s. n'appartient pas à un moine d'entreprendre une affaire de cette nature au préjudice de l'observance des devoirs de son état, de la santé de son corps et du salut de son âme. Dans sa lettre à Rodulphe, il le prie, au nom 21. de son prieur, de lui noter un Antiphonaire.

10, 52, 23,

5. Lanfranc, archevêque de Cantorbéry, avait un neveu qu'il aimait tendrement. Il 24, 31. l'envoya au Bec préférablement à tout autre monastère, pour y être élevé dans la vertu et dans les lettres. Le jeune homme y fut reçu avec joie, y prit l'habit monastique et s'y rendit aimable par sa vertu. Son oncle lui avait défendu de lire au réfectoire et au chapitre, jusqu'à ce qu'il eût appris les psaumes et qu'il se fùt accoutumé aux exercices de la vie monastique. Le jeune homme ne put soutenir cette défense pendant un an. 11

35, 51.

fit tant d'instance à ses supérieurs, qu'on lui permit de lire en communauté. L'archevêque en témoigna d'abord du mécontentement, mais il se radoucit envers son neveu, quand il apprit de saint Anselme de quelle manière Epist. 34, la chose s'était passée. Ce saint lui avait envoyé un de ses religieux qu'il estimait beaucoup, nommé Maurice. Il profita de son séjour en Angleterre pour avoir, par son moyen, la Règle de saint Dunstan, le traité des Temps, par le vénérable Bède, les Aphorismes avec les gloses, et lui recommanda de n'apporter que les exemplaires les plus corrects, afin qu'on pût s'en servir pour corriger les exemplaires de ces ouvrages, qui se trouvaient dans la bibliothèque de l'abbaye du Bec. 43. Maurice n'était pas le seul des moines de ce monastère auprès de l'archevêque de Cantorbéry. Saint Anselme y en avait envoyé plusieurs, apparemment pour le service de la cathédrale; et quoiqu'il sût qu'ils ne manquaient point d'instructions ni de conseils de la part de Lanfranc, il ne laissait pas de leur en donner encore par lettres.

35, 46.

6. Mais il ne trouvait pas aisément des personnes à qui il pût les confier, surtout quand il en adressait en Angleterre. Les passages lui étaient aussi bouchés pour la France. Les gens de guerre y insultaient les voyageurs, et lorsqu'ils rencontraient un moine, ils le dépouillaient, lui prenaient son équipage et tout ce qu'il portait. C'est ce qui empècha saint Anselme d'aller voir Folcérade son parent, et de lui envoyer les oraisons qu'il avait 52, 53. fait décrire pour lui. Il écrivit à Foulques que s'il ne pouvait, sans désobéir, refuser la dignité qu'on lui offrait, il devait l'accepter et en remplir les devoirs avec exactitude; et à l'abbé Gauthier, qu'il ne lui était pas permis d'abandonner sa communauté à cause de quelques calomnies répandues contre lui, vu qu'on en avait fait voir la fausselé.

56.

7. L'abbé Guillaume l'avait consulté au sujet d'un comte excommunié, qui ne laissait pas d'assister à la messe; et de certains prè tres, qui ne gardaient pas la continence et continuaient toutefois de monter à l'autel. Saint Anselme répond qu'il doit premièrement avertir ce comte de s'abstenir de l'entrée de l'Eglise, et d'observer tout ce qui lui était prescrit par la sentence d'excommunication; en second lieu, au cas que ce comte n'écoutât pas ses remontrances, consulter ou le Saint-Siége, ou quelqu'un qui en ait l'autorité en qualité de légat ou autrement, pour

savoir ce qu'il convient de faire en cette occasion. A l'égard des prêtres incontinents, il est d'avis qu'on leur fasse subir avec rigueur la sentence rendue contre eux par le Siége apostolique, en sorte qu'ils ne fassent aucune fonction de leur ministère. Il veut qu'on agisse différemment envers ceux qui étant dans les ordres sacrés sont tombés dans l'impureté, mais secrètement, pourvu qu'ensuite ils aient confessé leurs péchés et en aient fait pénitence; il croit qu'on peut leur permettre l'exercice de leur ordre.

8. Il avait dans son monastère les Epitres Epist. 57. de saint Paul, et dans un même manuscrit les Commentaires de Lanfranc sur ces épîtres. Cet archevêque lui demanda les Epîtres; et Anselme ne pouvant les séparer du manuscrit qui contenait les commentaires, il le pria de les lui renvoyer. Par une autre let- 63. tre, il pria Lanfranc d'examiner et de corriger son Monologue. Dans l'incertitude du ju- 65. gement qu'il en porterait, il écrivit à Maurice, qui devait retourner dans peu au Bec, de rapporter le Monologue au cas que l'archevêque y eût corrigé quelque chose, sinon de le laisser à Cantorbéry, parce qu'il avait gardé l'original.

74.

9. Sa lettre à Paul, nouvellement élu abbé . de Saint-Alban, est un compliment de congratulation sur sa promotion, et une instruction sur ses devoirs en qualité de supérieur. Il lui conseille d'instruire les peuples plus par sa bonne vie que par ses discours, puisqu'il se trouvait dans un pays dont il n'entendait pas la langue; de s'appliquer à se faire plus aimer par sa douceur et sa bonté, que craindre par une justice trop sévère qui ne pardonne à personne. Un autre abbé nommé Raynaud lui avait demandé son Monologue. Saint Anselme ne put le lui refuser; mais il lui recommanda de ne point le communiquer à des vétilleux ni à de grands parleurs. Il craignait qu'ils ne condamnassent ses expressions sans les comprendre, comme il était déjà arrivé à quelques-uns, qui voyant que saint Anselme s'était servi du terme de substance au lieu de personne, en parlant de la sainte Trinité, s'imaginaient qu'il admettait en Dieu trois substances proprement dites, quoique sous le nom de substance il entendît avec les Grecs ce que les Latins entendent par le mot de personne.

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§ VII.

Lettres du second livre.

In 1% 1. Les sept premières lettres du second livre sont ou des actions de grâces à l'archevêque Lanfranc, pour les secours qu'il envoyait à l'abbaye du Bec, qui était dans le besoin, ou pour des présents qu'il faisait à l'église de ce monastère, ou des recommandations pour ceux de ses moines qu'il faisait passer en Angleterre. Car il faut se souvenir que toutes les lettres de ce second livre furent écrites depuis qu'on l'eut élu abbé du Bec. Il joignit à la huitième lettre son traité du Mal, d'où il prend occasion d'expliquer une seconde fois comment on peut dire que le mal n'est rien, quoique le nom de mal signifie quelque chose dont nous avons horreur. Il fait làdessus de fort subtils raisonnements, qu'il rend sensibles par l'exemple de l'état de cécité. Ce n'est qu'une privation de la vue, conséquemment rien en lui-même. Mais le mot d'aveugle ne laisse pas de signifier quelque chose, savoir, que la vue manque où elle devrait naturellement se trouver.

11.

2. Saint Anselme ayant été fait abbé du Bec, il crut qu'il devait se qualifier abbé à la tête de tous ses ouvrages, non pour se donner à lui-même plus de relief, mais afin d'éviter l'équivocité du nom, parce qu'il était trèspossible qu'il y eût alors d'autres écrivains du nom d'Anselme. Il entrait quelquefois dans la conduite des autres monastères. Informé qu'un moine de Saint-Pierre-sur-Dive était allé à Paris, contre la volonté de son abbé, pour y faire ses études, et qu'il y demeurait dans le monastère de Saint-Magloire, il lui ordonna de s'en retourner au sien, en l'assurant que son abbé, dont il avait la parole, le recevrait avec douceur. Il n'en recevait jamais dans son abbaye du Bec qu'ils n'eussent une lettre de leur abbé, scellée de son sceau, et ne croyait pas qu'un abbé pût retenir chez lui un clerc malgré lui, avant que ce clerc eût fait vœu de stabilité. En ce cas il était obligé de demeurer dans le monastère où il avait fait sa demande et le vœu de moine, c'est-à-dire d'obéissance. Saint Anselme était lié d'amitié avec un reclus nommé Hugues. Sa réputation lui attirait la visite des séculiers, touchés du désir de leur salut. a Il en envoya deux à l'abbé du Bec, pour recevoir ses instructions, et il lui en demanda pour lui-même qu'il pût communiquer aux séculiers qui viendraient le voir. Tout ce que

saint Anselme lui prescrivit se réduisit à l'amour de Dieu et du prochain. « Dieu, lui dit-il, ne fait part de son royaume qu'à ceux quil'aiment plus qu'eux-mêmes, et qui aiment leur prochain comme eux-mêmes. Il suit de cet amour qu'ils ne veulent que ce que Dieu veut, et qu'ils ne veulent aussi que ce que veut leur prochain, pourvu qu'il ne veuille rien contre la loi de Dieu. De là vient qu'ils aiment la prière et se plaisent à s'entretenir des choses de Dieu; qu'ils compatissent aux besoins de leurs frères; qu'ils donnent volontiers aux pauvres; qu'ils méprisent les richesses, les voluptés, les honneurs. » De tout ce détail, ce saint abbé conclut que de l'amour de Dieu et du prochain dépendent la loi et les prophètes.

3. Pendant qu'il était en Angleterre pour Epist. 32, 33 les affaires de son abbaye, il reçut une lettre du pape Urbain II, qui lui ordonnait d'aider l'évêque de Beauvais dans le gouvernement de son église; et, en cas d'absence, d'envoyer pour le service de cette église quelqu'un de ses moines qui eût du zèle et de la science. Il lui manda par la même lettre d'envoyer à Rome ce qui était resté en Angleterre des effets du sous-diacre Hubert, et de la collecte du denier de saint Pierre, de venir lui-même le plus tôt qu'il pourrait visiter le Siége apostolique. Saint Anselme, dans sa réponse, fit l'apologie de l'évêque de Beauvais, contre lequel on avait prévenu le pape, et lui exposa les persécutions qu'il avait à souffrir, soit de la part de ses chanoines, soit de la part de quelques laïcs, uniquement parce qu'il reprenait leurs désordres avec zèle. Cet évêque était allé à Rome pour se justifier luimême. Saint Anselme prie Urbain II de le renvoyer dans son diocèse avec des lettres de recommandation pour l'archevêque de Reims, pour les évêques voisins, et pour le clergé et le peuple de Beauvais. Ensuite il supplie le pape d'accorder au monastère du Bec quelques priviléges contre la domination des évêques. Voyant depuis que l'évêque de Beauvais, quoique d'une vie pure, sucombait sous le fardeau de l'épiscopat et les attaques de ses ennemis, il écrivit une lettre à Urbain II pour le prier de décharger cet évêque du soin de son église, et de la confier à un autre.

4. On a vu plus haut que Roscelin enseignait que les trois personnes de la Trinité étaient trois choses réellement distinctes comme le sont trois anges ou trois âmes, et

31.

35, 41.

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