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pandaient alors un laïque nommé Tanquelme, en Flandres; Pierre de Bruys, en Provence; et d'autres en Bourgogne et en différentes provinces de France. Abaillard, reprenant après cette digression la suite de son sujet, traite de la nature divine, de la distinction des trois personnes en Dieu, de leur co-éternité, de la génération du Fils, et de la procession du Saint-Esprit. Il prouve contre les ariens, que le Fils est consubstantiel au Père; et contre les Grecs, que le Saint-Esprit proPag. 1087. cède du Père et du Fils, et que le terme Filioque a pu être inséré dans le Symbole, pour donner une idée de l'unité de substance en trois personnes. Il compare la sainte Trinité à un cachet de cuivre comme, dit-il, la matière et la figure qui est sur ce cachet, ne sont qu'une même substance, quoique la matière ne soit pas la figure, ni la figure la matière; de même, quoique le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans la Trinité ne soient qu'une même substance, le Fils néanmoins n'est pas le Père, ni le Père n'est le Fils, et ni l'une ni l'autre de ces personnes n'est le Saint-Esprit. On reprocha cette comparaison à Abaillard dans le concile de Sens; et en effet, elle n'est pas juste; mais y en a-t-il sur cette matière une seule parfaite? L'exemple qu'il donne pour faire entendre la coéternité des personnes, a quelque chose de mieux; il est tiré de la lumière et de la splendeur de cet astre, qui existent dans le même instant que le soleil même. Mais la manière dont il distingue la procession du Saint-Esprit, d'avec la génération du Fils, lui a attiré de grands reproches, comme s'il eût nié que le Saint-Esprit fût de la substance du Père et du Fils. Il dit en effet que le Fils, parce qu'il est engendré, est de la substance même du Père, étant la sagesse même; mais que si l'on veut parler proprement et avec précision, on ne doit pas dire que le Saint-Esprit est de la substance du Père, quoiqu'il lui soit consubstantiel, parce qu'il ne procède pas de lui par voie de génération, comme le Fils, mais par voie d'amour. Quoique cette façon de parler ne soit pas exacte, et qu'elle semble favoriser l'arianisme, on ne peut toutefois accuser Abaillard de cette erreur, car il la con. damne en disant que le Saint-Esprit est consubstantiel au Père, et qu'il procède du Père comme du Fils. Il avait dit plus haut, qu'encore que l'attribut de puissance se donne spécialement au Père, celui de sagesse au Fils, et la charité ou l'amour au Saint-Esprit,

1085 et 1086.

988, 989.

ces attributs sont néanmoins communs au Père, au Fils et au Saint-Esprit, à cause de leur nature (qui est une), et que par cette raison nous disons du Fils et du Saint-Esprit, comme du Père, qu'ils sont tout-puissants. L'erreur d'Abaillard en cet endroit est donc plus dans les termes que dans le sens de sa proposition; et il n'y est tombé que pour avoir voulu substituer la subtilité de l'école aux façons de parler des pères de l'Eglise, qu'il reconnaît s'être exprimés autrement que lui.

:

Pag. 1086.

Troisième livre, p. 1102.

55. Dans le commencement du troisième livre, il fait voir qu'il est bien plus avantageux à l'univers d'être gouverné par un seul, que par plusieurs; et qu'en effet c'est un seul Dieu qui l'a créé, et qui le gouverne il cite sur cela le témoignage de Cicéron. Traitant ensuite de la puissance de Dieu, il dit : << On ne doit pas s'imaginer que Dieu soit impuissant parce qu'il ne peut pécher, puisque dans nous-mêmes, pouvoir pécher n'est pas puissance, mais faiblesse. Quand on dit donc que Dieu peut tout, ce n'est pas qu'il puisse tout faire; mais qu'en tout ce qu'il veut rien ne peut résister à sa volonté. Il ne peut faire des choses injustes, parce qu'il est la souveraine justice, et la bonté même il est toutpuissant, non qu'il puisse tout faire, mais parce qu'il peut faire tout ce qu'il veut, et il est nécessaire qu'il veuille ce qui est convenable; d'où il suit, que ce qu'il ne fait pas, n'est pas convenable. » Abaillard avoue que Pag. 1118. cette opinion lui est particulière. Saint Bernard s'éleva contre ces propositions, et Abaillard en rétracta la doctrine dans son apologie, où il déclare 1 qu'il croit que Dieu ne peut faire que ce qu'il lui convient de faire; mais qu'il peut faire beaucoup de choses qu'il ne fera jamais. Il traite après cela de l'immensité de Dieu, de sa sagesse, de sa bonté, de sa science et de sa prescience des choses futures. Sur quoi il dit qu'encore que Dieu ait tout prévu et préordonné, sa prescience toutefois n'impose aucune nécessité à notre libre arbitre, qu'il définit la délibération de l'âme par laquelle elle se propose de faire une chose, ou de ne la pas faire. Il enseigne que cette sorte de liberté ne convient pas à Dieu, mais à ceux-là seulement qui peuvent changer de volonté, et prendre un parti contraire. Ce qu'il dit sur l'incarnation du Verbe, est entièrement conforme à la foi catholique. Ce troisième livre est imparfait.

1 Pag. 331.

1131.

1132.

Prose d'Abaillard, pag. 1136.

Théologie d'Abaillard,

dot., Mart., pag. 1148.

56. Il a été remarqué, en parlant du prologue d'Abaillard sur son recueil de sermons, qu'il en avait fait un autre d'hymnes et de séquences, ou de proses pour les offices divins. On a dans le Bréviaire du Paraclet plusieurs de ses hymnes; mais nous ne connaissons de lui d'autre prose que celle qui est imprimée à la fin de ses œuvres, et qui est en l'honneur de la sainte Vierge. L'éditeur l'a tirée de l'Elucidatorium de Josse Clithou, et il juge par la facilité, l'élégance et la grâce de cette prose, qu'elle peut être d'Abaillard.

57. Il composa plusieurs autres ouvrages tom. V Auec qui n'ont vu le jour que depuis quelques années. Le plus considérable est celui qu'il a intitulé Théologie chrétienne, divisé en cinq livres. Dom Martène et dom Durand, qui l'ont inséré dans le cinquième tome de leurs Anecdotes, sur un manuscrit de l'abbaye de Marmoutiers, ne doutent pas que ce ne soit le même qu'Abaillard fut obligé d'apporter au concile de Soissons en 1120, et de jeter au feu de sa propre main: ou l'un des deux qui tombèrent entre les mains de Guillaume de Saint-Thierry, et qui en tira plusieurs propositions qu'il envoya à Geoffroi, évêque 1bid. de Chartres, et à saint Bernard. On trouve en effet dans ce traité plusieurs de ces propositions, et d'autres dans l'Introduction à la Théologie, dont nous venons de parler, et qui est sans doute le second des deux que Guillaume de Saint-Thierry avait eus en mains. Il est à remarquer que le premier et le cinquième livre de la Théologie chrétienne, se trouvent presque mot pour mot dans l'Introduction à la théologie.

Analyse du premier livre, pag. 1156,

58. Dans le premier livre, Abaillard examine ce que c'est la distinction des perque sonnes en Dieu, et ce que signifient les noms de Père, de Fils et de Saint-Esprit. Il rapporte sur ces différents articles les passages de l'Ecriture et des pères, auxquels il joint les témoignages des philosophes, qui, selon Pag. 1171. lui, sont parvenus à la connaissance de Dieu par les lumières de la raison, et l'ont encore méritée en quelque sorte par la sobriété de leur vie. Il préfère à tous les philosophes Platon et ses disciples, parce que selon le témoignage des saints pères, ils ont eu plus de connaissance de la religion chrétienne, et exprimé dans leurs écrits le mystère de la sainte Trinité, reconnaissant un Verbe né de

1 Notæ ad Histor. Calamit. Abælard., pag. 1161.

Dieu, et co-éternel à Dieu, et une troisième personne qu'ils nommaient l'âme du monde. Il dit beaucoup d'autres choses à l'avantage des Platoniciens, dans le dessein de montrer que leur doctrine approchait de la nôtre. I n'oublie pas ce que Valère-Maxime dit de 131. Platon, qu'étant enfant, des abeilles vinrent se poser sur sa bouche, et y dégorgèrent du miel; d'où les interprètes des prodiges inférèrent qu'il serait un jour très-éloquent. Abaillard va plus loin, et regarde cet événement comme un présage des mystères dont il devait faire part aux autres. Aux témoignages des philosophes, il ajoute ceux de la Sybille, et de la quatrième lettre de Sénèque à saint Paul.

Deuxième livre, p. 1197,

Pag. 1903, 1204.

59. On trouva mauvais qu'Abaillard prouvât les dogmes de la religion par l'autorité des païens qui ne la connaissaient pas. Il se justifie là-dessus par l'exemple de saint Jérôme, qui, blâmé de ce que dans ses écrits il alléguait les témoignages et des païens et des hérétiques, se justifia lui-même, en disant que saint Paul avait cité dans ses épìtres Epimenide et Ménandre; et que saint Hilaire s'était servi des versions et des homélies d'Origène. « Saint Jérôme savait, dit Abaillard, que l'on trouve quelquefois des grains de blé dans les pailles, et des perles sur les fumiers, plus précieuses que sur les couronnes des rois. » Il avance même, sans l'assurer positivement, que tous les philosophes ont eu le don de la foi, et que les mystères de la Trinité et de l'Incarnation ont été révélés à quelques-uns d'entre eux : d'où il conclut que rien ne nous oblige à désespérer du salut de ceux qui, avant la venue du Rédempteur, faisaient naturellement ce que prescrit la Loi, sans en avoir été instruits. II décrit la vie humble, sobre et laborieuse des philosophes, et les vertus de quelques empereurs païens; entre autres de Trajan, dont il dit que l'équité et la justice furent si agréables à Dieu, et à saint Grégoire le Grand, que ce pape obtint, par ses prières, que l'âme de ce prince, quoique mort sans baptême, sortirait des enfers; c'est ce qu'Abaillard avait lu dans la Vie de saint Grégoire, par Jean Diacre. Il est surprenant qu'ajoutant foi si légèrement à une histoire fabuleuse, il ose combattre le sentiment de saint Ambroise, qui, connaissant les bonnes œuvres que l'empereur Valentinien avait faites avant d'être reçu cathécumène, assurait, qu'encore qu'il fût mort sans baptême, parce 1234.

1205, 1909, 1219, 1224 et seq.

1234.

qu'il n'avait pas eu le temps de le recevoir, il ne laissait pas d'être dans le séjour des Pag. 1233. élus. On ne doit pas être moins surpris qu'il

ait cru, sur la foi de Suétone, que Vespasien, avant d'être empereur, avait fait des mira1207. cles. Enfin Abaillard semble préférer la manière dont Platon a parlé de la création, à ce qu'en a dit Moïse.

Troisième livre, p. 1242.

et seq.

60. Dans le troisième livre, il invective contre les dialecticiens, qui soutenaient que l'on pouvait comprendre la nature de Dieu par des raisons humaines, et que l'on ne devait pas croire ce qui ne se pouvait prouver, ni défendre par la force de la raison. Il Pag. 1258 propose la foi de l'Eglise sur l'unité de nature, et la trinité des personnes en Dieu, et il s'explique là-dessus de façon à effacer tous les soupçons qu'il avait fait naître sur sa doctrine touchant le Saint-Esprit, dans son Introduction à la théologie. Il dit, que les trois personnes sont égales en tout, et co-éternelles; que le Père n'est pas autre chose que le Fils et le Saint-Esprit c'est-à-dire autre en nature, parce que chacune des trois personnes est absolument la même substance divine, quoique chacune personnellement soit distinguée de l'autre; que la substance divine est simple, exempte d'accidents et de forme, n'y ayant rien en Dieu qui ne soit Dieu. Ensuite il résout les objections des dialecticiens contre le mystère de la sainte Trinité, et prend ses solutions, pour la plupart, dans les écrits de saint Augustin et de saint Jérôme.

Quatrième livre, p. 1289.

61. Il continue la même matière dans le quatrième livre; et après avoir montré que les trois personnes de la Trinité ne sont pas de simples noms, comme le disaient les sabelliens, mais des réalités, ainsi qu'il est dit Joan., v. 7. dans l'épître de saint Jean: Il y en a trois

qui rendent témoignage dans le ciel, et ces trois sont une même chose; il répond aux difficultés que l'on formait contre la génération du Pag. 1318. Verbe. C'est dans ce livre qu'il répète ce qu'il dit dans l'Introduction à la théologie, que le Père est la pleine puissance; le Fils, une certaine puissance; et que le Saint-Esprit n'est aucune puissance; expressions toutefois qu'il assure dans son Apologie, n'être jamais sorties de sa plume, et qu'il rejette avec horreur, comme hérétiques et diaboliques 2. Il établit la procession du Saint-Esprit, comme

1 Non est, inquam, aliud in natura, cum unaquæque trium personarum sit eadem penitus divina subs

Pag. 1330 et seq.

Cinquième livre, p. 1343.

ayant pour principe commun le Père et le Fils, et prouve contre les Grecs, qu'on a eu raison d'ajouter au Symbole la particule Filioque. Il rapporte sur la procession du Saint-Esprit, les passages des pères, tant grecs que latins. 62. Son but, dans le cinquième livre, est d'établir la foi en un seul Dieu, la perfection et l'immutabilité du souverain bien. Ce livre contient, ainsi qu'on l'a déjà remarqué, à peu près les mêmes choses que l'Introduction à la théologie. Il enseigne que, comme Dieu veut nécessairement, il agit aussi nécessairement; qu'ainsi il a voulu et fait nécessairement le monde; qu'il ne suit pas pag. 1354. toutefois de là qu'il ait été oisif avant de le créer, parce qu'il ne devait pas le faire avant qu'il ne l'a fait. L'anonyme qui écrivit contre Abaillard, s'est élevé fortement contre ces façons de parler dans son troisième livre. Il lui en est échappé beaucoup d'autres qu'on ne pourrait lui pardonner, s'il n'avait soumis 1258. ses écrits au jugement des gens habiles, et conséquemment au jugement même de l'Eglise.

Commentaire sur l'ouvrage des six jours, tom. V. tenn..p.136%.

63. Dom Martène a donné à la suite de la Théologie d'Abaillard, son Commentaire sur l'ouvrage des six jours. Héloïsse le lui avait Anecdot Mardemandé avec beaucoup d'instances, parce qu'elle avait peine à comprendre certains endroits du commencement de la Genèse. Comme il ne savait rien lui refuser, il rendit ce commentaire le plus parfait qu'il put, en y donnant le sens littéral ou historique, le moral et l'allégorique. On croit qu'il s'était dès-lors retiré à Cluny, ainsi ce fut un de ses derniers écrits; du moins est-il certain que dans le temps qu'il le composa, il ne confondait plus l'âme du monde, des étoiles et des planètes avec le Saint-Esprit, comme il avait Pag. 1384. fait en écrivant sa Théologie chrétienne. Il cherche l'intelligence du texte, non-seulement dans saint Augustin, et dans quelquesautres anciens commentateurs, mais aussi dans l'hébreu. Il remarque sur ces paroles : Dieu créa, que les trois personnes de la Trinité concoururent à la création de l'univers, et que les œuvres de la Trinité sont indivisibles. Il n'admet pas l'opinion de ceux qui croient que le monde a été créé au printemps; sa raison est, qu'il n'y avait pas encore de soleil, dont l'approche fait ce que nous appelons le printemps; mais il penche

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1371.

1381

beaucoup pour le sentiment des interprètes qui pensent que nos premiers parents demeurèrent quelques années dans le paradis terrestre, avant de tomber dans le péché; Pag. 1414. et il en juge ainsi par le temps qu'il fallut pour inventer une langue, et donner le nom à tous les animaux. Selon lui, les volatiles étant créés des eaux, comme les poissons, sont moins nourrissants que la chair des 1388 animaux à quatre pieds; c'est pour cela que saint Benoît, qui défend de manger de ceux-ci, n'interdit pas l'usage de la volaille. Dom Martène a tiré ce commentaire du MontSaint-Michel. Il trouva dans un autre manuscrit de Notre-Dame-des-Fontaines, dans le diocèse de Tours, sous le nom d'Abælard, l'Elucidarium imprimé parmi les opuscules 1362. attribués faussement à saint Anselme; mais il remarque que dans un manuscrit de Clairvaux, ce traité porte le nom d'Angeld de Mont-Léon.

Morale d'Abaillard, tom.

Pez. part. 2, pag. 626.

64. Il s'en trouve un de la Morale d'AbailI, Anecdot. lard, dans l'abbaye de Saint-Emmeram, à Ratisbonne, et c'est de là que dom Bernard Pez l'a passer dans le troisième tome de ses Anecdotes; il porte aussi ce titre : Connaissezvous vous-même; ce qui revient assez à l'idée que fournit le titre de Morale. A baillard y donne différents préceptes pour la formation des mœurs, qu'il réduit à la pratique de la vertu, et à la fuite du vice. Il examine en quoi consiste le péché, et se fait là-dessus plusieurs questions, dont la solution est qu'il n'y a point de péché sans le consentement de la volonté. A l'égard de la réconciliation du pécheur avec Dieu, elle consiste en trois choses, la pénitence, la confession, la satisPag. 661, faction. La pénitence qui naît de l'amour de Dieu, est utile. Abaillard ne fait point de cas de celle qui n'a d'autre principe que la crainte des peines de l'enfer, parce que ce n'est pas le péché qui déplaît, mais la peine dont il doit être puni; mais il ne doute pas que Dieu ne pardonne à celui qui, véritablement contrit de ses fautes, ne trouve pas l'occasion de les confesser, et n'a pas le loisir de les expier par la pénitence. Par le péché irrémissible en ce monde et en l'autre, il entend l'impénitence finale. Il dit que les prêtres sont les ministres de la pénitence, en ce qu'ils l'imposent à ceux qui se sont confessés à eux; qu'encore que les évêques donnent

673.

1 Il est actuellement à la bibliothèque communale d'Avranches.

aux autres le pouvoir d'absoudre, ils ne sont pas dispensés de confesser leurs péchés, ni d'en faire pénitence; et qu'ils peuvent choisir Pag. 676 entre leurs inférieurs quelqu'un pour entendre leurs confessions, et leur imposer une satisfaction. Il parle du secret de la confession, 677. comme inviolable, et ne désapprouve pas les pénitents, qui, ayant sujet de douter de la prudence de leurs prélats, s'adressent, avec leur permission, à d'autres pour se confesser.

65. Sur la fin du traité, Abaillard de- Suite. mande s'il appartient généralement à tous Pag. 681. les évêques de pouvoir lier ou délier? Sa réponse est, que le pouvoir des clefs a été accordé aux apôtres personnellement, et non généralement à tous les évêques. Il croit toutefois que ceux qui par leurs vertus sont les imitateurs des apôtres, ont le même pouvoir qu'eux à l'égard des clefs; en sorte qu'ils ne l'ont pas précisément en vertu de la dignité épiscopale: ce qui est une erreur dans Abaillard. Elle ne lui fut pas objectée 686. par Guillaume, abbé de Saint-Thierry; mais il faut bien qu'on lui en ait fait un crime, puisqu'il s'en justifie dans son apologie, où Apolog. pag. il déclare que le pouvoir de lier et de délier a été donné non-seulement aux apôtres, mais encore à leurs successeurs; et que les évêques, soit dignes, soit indignes, jouissent de ce pouvoir, tant que l'Eglise les reçoit. Dans Pag. 479. le treizième chapitre de son traité contre les Hérésies, il attribue le même pouvoir à tous les prêtres, sans aucune distinction de mérites; ce qui donne lieu de croire qu'Abaillard écrivit sa Morale avant son Apologie, et avant le traité contre les Hérésies.

332.

Autres

écrits d'Abai.

depuis Dom Ceillier. Le livre in

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[66. Le fameux ouvrage intitulé Sic et non, l'un des trois qui donnèrent le plus de prise lard publiés aux adversaires d'Abaillard, a été publié pour la première fois en 1836, par M. Victor Cou- titulé: Sic et sin. Voici ce qu'en disaient longtemps d'avance les auteurs de l'Histoire littéraire de la France, tome XII: « On le voit à la bibliothèque du Mont-Saint-Michel et dans celle de Marmoutiers 2. Dom Montfaucon et dom Martène l'avaient aussi vu parmi les manuscrits de Saint-Germain-des-Prés. Le dernier assure même l'avoir examiné soigneusement dans le dessein, d'en faire part au public, dessein qu'il abandonna, dit-il, après avoir reconnu que ce livre était plus propre à scandaliser les fidèles qu'à les édifier. Mais

2 Il est à la bibliothèque communale de Tours.

cet exemplaire a disparu depuis, à moins que ce ne soit ou celui de Marmoutiers, ou celui du Mont-Saint-Michel, qui était alors en dépôt à Saint-Germain, et qu'on aura renvoyé depuis. L'ouvrage est trop important pour ne pas mériter qu'on en donne au moins une légère notion. D. Gervaise, qui ne l'a jamais connu que par le titre, en parle avec l'assurance d'un homme qui l'aurait parcouru d'un bout à l'autre et avec la prévention d'un partisan déterminé d'Abaillard.

Dans un long prologue, où le dessein et le but de ce traité sont expliqués, l'auteur commence par dire que bien qu'on rencontre dans les écrits des pères un grand nombre de contrariétés, il n'est pas néanmoins permis de les juger témérairement, ni de les mépriser, encore moins de les condamner. «Ne nous étonnons point, dit-il, si, n'ayant pas l'esprit qui a conduit leur plume, nous n'avons pas la clef de plusieurs de leurs expressions dont l'usage est aboli ou changé. D'ailleurs le même terme a souvent diverses significations; et comme chacun abonde en son sens, chacun a aussi sa façon particulière de s'énoncer. » Il donne ensuite des règles de critique pour discerner d'où viennent les contrariétés qui se trouvent quelquefois dans les écrivains sacrés, et à plus forte raison dans les auteurs ecclésiastiques. Ces règles sont judicieuses et exactes. Abaillard rapporte divers endroits des pères où, reconnaissant humblement qu'ils peuvent se tromper, ils prient les lecteurs de les excuser. Les Rétractations de saint Augustin ne sont point oubliées. Abaillard finit son prologue par ces paroles: His itaque prælibatis, placet, ut instutuimus, diversa sanctorum Patrum dicta colligere, prout occurrerint memoriæ; aliqua, ex dissonantia quam habere videntur, quæstionem continentia quæ teneros lectores ad maximum inquirendæ veritatis studium provocent et acutiores in executione reddant. Hæc quippe primæ sapientiæ clavis definitur; assidua scilicet seu frequens interrogatio; ad quam quidem toto desiderio amplectendam philosophus ille omnium perspicacissimus in Prædicamento ad aliquid studiose adhortatur, dicens: Fortasse autem difficile et de hujusmodi rebus confidenter declarare, nisi pertractæ sint. Dubitare autem de singulis non erit inutile. Dubitando autem ad inquisitionem venimus..... Unde placuit huic operi nostro quod ex sanctorum dictis compila

Fragments philosophiques, tom. II; Mémoires sur

XIV.

vimus, in unum volumen congregatis, decretum Gelasii de authenticis libris præscribere, quo videlicet sciatur nihil nos hic ex apocryphis induxisse. Excerpta etiam Retractationum B. Augustini adjunximus, ex quibus appareat nihi ex his quæ ipse retractando correxit, positum esse. Ce prologue est une assez bonne preuve du savoir d'Abaillard. Il serait à souhaiter que, fidèle aux règles qu'il venait d'établir, il se fût appliqué à remplir dans le cours de l'ouvrage les engagements qu'il avait pris. Mais au lieu d'une bonne critique propre à lever les contrariétés apparentes des pères, on ne voit qu'un tissu de leurs passages respectifs qui paraissent se combattre, soit pour le fond des sentiments, soit pour les expressions. Ces passages roulent sur la foi, la Trinité, l'Incarnation et les sacrements. Chaque article montre plusieurs pères comme aux prises les uns avec les autres. On dirait que Abaillard doutait lui-même de leur unanimité sur des points aussi essentiels, et qu'il voulait porter ses lecteurs à en douter. Mais écartons un soupçon si injurieux, et croyons plutôt qu'il n'avait dessein que de faire une vaine parade de son érudition. » Cet ouvrage, d'après M. Cousin, aurait été composé avant l'an 1121, époque du concile de Soissons, et serait le premier ouvrage théologique d'Abaillard. Au reste le philosophe éditeur voit dans cet écrit des questions posées avec une grande indépendance et beaucoup de hardiesse, et signale en particulier les questions sur l'arianisme et le pélagianisme'.

D'alogue entre un philosophe, un juif et un

67. Un autre écrit d'Abaillard, publié en 1831, à Berlin, par Rheinwald, dans les Anecdota ad historiam ecclesiasticam pertinen- chrétien. tia, part. 1, 1 vol. in-8°, est un dialogue entre un philosophe, un juif et un chrétien. Il a été reproduit d'après un manuscrit du XIII® siècle de la bibliothèque de Vienne. L'écrit porte le nom de Pierre Baiolard, ce qui est la même chose qu'Abaillard. On y reconnaît le style, la méthode et le génie d'Abaillard, On y voit un homme nourri des Dialogues de Platon. Les auteurs de l'Histoire littéraire de la France avaient parlé de cet ouvrage, tome XII, pag. 132. « Deux conférences ou disputes, disent-ils, l'une d'un philosophe avec un juif, l'autre d'un philosophe avec un chrétien. Ces deux pièces font partie des manuscrits de Thomas Barlow, évêque de Lincoln, et de ceux de Thomas Gale. La seconde se

le Sic et le Non, pag. 104 et suiv.

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