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Ses études. poque de son entrée en religion. Il était dans sa vingt-troisième année 1, selon Guillaume de Saint-Thierry et Jean l'Hermite, lorsqu'il entra à Citeaux, et ce fut 2 en 1113. Bernard eut pour père Tescelin 3, issu des comtes de Châtillon, et pour mère Aleth, de la maison de Monsbar [ou Montbar]. Elle l'envoya 'faire ses études à Châtillon-sur-Seine, sous de savants ecclésiastiques qui y tenaient les plus célèbres écoles de la province. Bernard s'y appliqua à la lecture des meilleurs auteurs profanes; mais, non content de s'être formé dans les lettres humaines, il commença dès lors à lire les Livres saints.

l . fait moine à CI

2. Il revint à Châtillon dans sa dix-neuteaux en 1113. vième année. Six mois après, il perdit sa mère. A mesure qu'il avançait en âge, croissaient en lui les belles qualités de son esprit et les grâces de son corps. Bien fait de sa personne, beau de visage, de mœurs douces, d'un esprit vif mais flexible, d'un génie vaste et sublime, parlant avec élégance, tous ces talents lui ouvraient une entrée avantageuse dans le monde. Il en connut et éprouva les dangers, et, persuadé qu'il ne pouvait y demeurer avec sûreté, il se retira à Citeaux en 1113, accompagné de trente gentilshommes qu'il avait convertis. Jusque-là cette abbaye s'était vue réduite à un petit nombre de religieux. L'abbé Etienne en gémissait devant Dieu, mais dans l'espérance que sa miséricorde multiplierait ses serviteurs. Au bruit de la retraite de Bernard et de ses compagnons à Cîteaux, ils y furent suivis par des personnes de tout âge, de toutes dignités et de tous les côtés, voyant que ce qui leur avait d'abord paru au-dessus des forces humaines dans l'observance établie en cette abbaye n'était pas impraticable.

Sa conduite pendant son noviciat.

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3. Dès le premier jour que Bernard entra dans l'appartement destiné aux novices, il commença de pratiquer ce qu'il devait un jour enseigner aux autres. Il avait toujours dans le cœur et souvent dans la bouche cette parole: « Bernard, qu'es-tu venu faire? » Jamais il ne se pardonnait rien, mortifiant continuellement les désirs sensuels et les sens par lesquels ils entrent dans le cœur; à peine leur accordait-il la liberté nécessaire pour le commerce de la vie civile et extérieure. Il se fit de cette conduite une habitude qui se chan

1 Guillelm., in Vita Bernard., cap. Iv, lib. I.

2 Ibid. 3 Ibid., cap. I.

5 Ibid., cap. IV.

6 Manriq., ad ann. 1113.

Ibid.

gea presque en nature, ne vivant plus que pour les choses spirituelles; en sorte que, voyant des yeux du corps, il ne voyait pas; écoutant, il n'écoutait pas; mangeant, il ne goûtait rien. On s'en aperçut quand, après avoir passé une année entière dans le dortoir des novices, il ne savait pas, lorsqu'il en sortit, si le haut du plancher était en voûte, ni s'il y avait dans l'église plus d'une fenêtre. Il veillait au-delà de ce que peut la faiblesse humaine, n'apportant d'autre modération dans ses veilles que de ne point passer toute la nuit sans dormir. A l'égard du manger, il ne s'y portait que par la seule crainte de tomber en défaillance. Quoique d'un naturel fort délicat, il ne se dispensait d'aucun exercice de la vie commune, travaillant des mains, bêchant la terre, coupant du bois, le portant sur ses épaules, sciant les blés. Il aimait à lire l'Ecriture sainte, sans commentaire et de suite, disant qu'il ne l'entendait jamais mieux que par elle-même; néanmoins il lisait aussi les interprétations des saints pères de l'Eglise, se faisant un devoir de conformer ses sentiments aux leurs.

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Il est fait abbé de Clair

4. Ayant fini son noviciat 9, il fut revêtu de l'habit religieux avec ses compagnons, et aux en !!!6. tous ensemble se consacrèrent à Dieu par la profession solennelle, au commencement de l'an 1114. L'un d'eux, nommé Hugues, fut choisi la même année pour abbé de Pontigny, et préféré à Bernard, peut-être comme son ancien. L'année suivante, l'abbé Etienne envoya les frères de Bernard, religieux comme lui de Citeaux, pour bâtir le monastère de Clairvaux, et leur donna Bernard pour abbé. Ils firent d'une retraite de voleurs un temple de Dieu et une maison de prières 10; vivant dans une grande simplicité et une merveilleuse pauvreté d'esprit, dans la faim, dans la soif, dans le froid, dans la nudité, faisant souvent du potage de feuilles de hêtres, mangeant du pain d'orge, de millet et de vesce. L'abbaye de Clairvaux étant située dans le diocèse de Langres, c'était à Joceran, qui en était évêque, de donner à Bernard la bénédiction abbatiale; mais cet évêque étant ou absent, ou occupé d'autres affaires, Bernard alla à Châlons la recevoir de Guillaume de Champeaux, avec qui il lia, depuis ce moment-là, une amitié très-étroite.

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Sa manière de gouverner.

5. L'établissement de Clairvaux, qui ne s'était formé que lentement, prit insensiblement des accroissements. Grand nombre de personnes venaient à ce monastère, les uns pour converser avec Bernard, et jouir de sa présence; les autres pour se mettre sous sa discipline. Il disait à ceux qui témoignaient de l'empressement pour être reçus à Clairvaux : « Si vous 1 désirez vivre dans cette maison, il faut que vous laissiez dehors le corps que vous apportez du monde; il n'y a que les âmes qui doivent entrer ici, la chair ne sert de rien. » Voyant que les novices s'effrayaient par la nouveauté de ce discours, il soulageait leur faiblesse en leur disant, que par le corps qu'il leur ordonnait de laisser dehors, il entendait la concupiscence. Il sortit de Clairvaux une 2 colonie pour aller établir un monastère dans le diocèse de Châlons, en un lieu qui fut nommé Trois-Fontaines. Guillaume de Champeaux avait demandé cet établissement à Bernard, pour s'unir ensemble encore plus étroitement. Cet abbé envoya une autre colonie dans le diocèse d'Autun, qui donna naissance au monastère de Fontenay. Cela se passa en 1118. L'année suivante, il céda à saint Norbert le lieu dit Prémontré, qu'un homme de bien nommé Guy lui avait donné pour y établir un monastère suivant la règle observée à Clairvaux. 6. De toute la famille de Bernard, il ne saint Ber- restait dans le monde que sa sœur Humbeline. Ses frères s'étaient consacrés à Dieu dans le monastère. Elle y vint avec toutes ses parures mondaines. Aucun de ses frères ne voulut l'entretenir. Mais ayant déclaré qu'elle se présentait comme pécheresse pour demander conseil des gens de bien, Bernard vint à elle pour essayer de la convertir. Il lui rappela les exemples de leur mère commune, celui de ses frères, uniquement occupés de leur salut, tandis qu'elle ne l'était que du soin de son corps, et ne pensait qu'à la terre. Honteuse de ses égarements, elle entra dans le dessein que son frère lui inspirait de renoncer au monde, et de se donner tout entière à Dieu.

Conversion

de la sœur de

nard.

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primé dans le recueil de ses ouvrages sous le titre De la Réforme des ecclésiastiques. En 1126, il écrivit 5 au pape Honorius II en faveur d'Albéric, élu évêque de Châlons d'une voix unanime du clergé et du peuple. Invité eu 1128 au concile de Troyes, il s'excusa d'abord d'y venir, sur une fièvre aiguë dont il était tourmenté; mais ensuite il s'y rendit avec les abbés de Citeaux, de Pontigny, de Trois-Fontaines. Il écrivit même à Thibaud, comte de Champagne, pour le féliciter sur l'honneur que le cardinal Matthieu, évêque d'Albane, et légat du pape en France, avait fait à la ville de Troyes, de la choisir pour cette assemblée. Louis VI, roi de France, surnommé le Gros, voulant examiner lequel des deux l'on reconnaîtrait pour pape, ou d'Innocent ou d'Anaclet, indiqua, en 1130, un concile à Etampes, où Bernard fut nommément appelé, de l'avis commun du concile. On s'en rapporta 6 à lui pour la décision de cette affaire. Bernard n'accepta la commission qu'avec crainte, et par le conseil de ses amis. Il examina soigneusement la forme de l'élection, le mérite des électeurs, la vie et la réputation de celui qui avait été élu le premier; puis il déclara que l'on devait recevoir Innocent pour pape. Tous y applaudirent, et ayant chanté les louanges de Dieu, selon la coutume, ils promirent obéissance au pape Innocent, et souscrivirent à son élection. Elle fut aussi confirmée dans un concile 7 de seize évêques assemblés à Wirtzbourg, au mois d'octobre de la même année 1130, par ordre du roi Lothaire. Le pape, à l'invitation des deux rois, et des évêques des deux nations, fit un voyage en France et en Allemagne. Etant à Liége, où l'on avait assemblé un concile, Lothaire le pressa de lui rendre les investitures; saint Bernard 9, qui était présent, s'opposa à la proposition du roi, en fit voir la malignité, et obligea Lothaire à se désister de sa demande. Après le concile de Liége, le pape Innocent en tint un à Reims, au mois d'octobre de l'an 1131, où il couronna roi Louis, second fils de Louis-le-Gros, devenu son aîné par la mort de Philippe, qui avait été couronné dès le 14 avril 1129. Saint Bernard, que le pape 10 voulait avoir toujours auprès de lui, se trouva à ce concile, assis

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tant avec les cardinaux aux délibérations publiques. Les particuliers s'adressaient même à lui pour leurs affaires, dont il faisait ensuite le rapport à la cour.

8. Sigefroi, évêque de Gênes, étant mort en 1130, on offrit Bernard de le remplacer; mais il s'en excusa, et refusa l'année suivante l'évêché de Châlons, pour lequel il fit élire Geoffroi, abbé de Saint-Médard de Soissons 2. Le pape Innocent, pendant son séjour en France, alla visiter l'abbaye de Clairvaux. Il y fut reçu par les pauvres de JésusChrist, grossièrement vêtus, portant une croix de bois simple et mal polie, chantant les psaumes d'un ton modeste, les yeux attachés à la terre, sans regarder ni de côté ni d'autre. A ce spectacle, le pape et les évêques qui l'accompagnaient ne purent retenir leurs larmes. Tous admirèrent la gravité et la modestie de cette communauté. Il ne se trouva rien dans Clairvaux qui pût exciter la cupidité, ni flatter la sensualité. On ne pouvait y envier que les vertus; les murailles étaient nues, même dans l'église. Toutes les délices de la table consistaient en herbes et en légumes, avec du pain bis. Si par hasard on eut du poisson, il fut servi au pape seul, les autres n'en eurent que la vue.

9. Son séjour dans les Gaules ne fut pas long. Il était en Lombardie en avril de l'an 1132, et célébra à Ast la fête de Pâques, qui, en cette année, était le 10 de ce mois. L'abbé Bernard le suivit en ce 4 voyage, fut le médiateur de la paix entre les Génois et les Pisans, et refusa une seconde fois l'évêché de Gênes, soit que Syrus eût abdiqué, soit

1 Mabillon., in Chronolog. Bernard., ad ann. 1130. 2 Voyez sur Geoffroi, évêque de Châlons-sur-Marne, une notice tirée de la Gallia christiana et reproduite dans la Patrologie avec les lettres et les diplômes de ce prélat au nombre de sept, bien qu'il en existe neuf. La première de ces lettres, imprimée dans la Bibliothèque de Cluny et reproduite au tome CLXXXIX, col. 264, est adressée à Pierre le Vénérable, pour le remercier des bontés qu'il avait témoignées à son fils spirituel, cu plutôt à son Ethiopien, comme l'appelle l'auteur, en le faisant prieur d'une maison voisine de Châlons. La seconde lettre est adressée à Etienne, évêque de Paris : elle est publiée dans le tome III du Spicilége, et l'éditeur la rapporte à l'an 1132. On la trouve reproduite au tome CLXXIII de la Patrologie, col. 1412. Elle a pour objet d'engager ce prélat, au nom de l'abbé des Vertus et de sa communauté, à leur envoyer un religieux de Saint-Victor de Paris pour les gouverner. La troisième lettre, insérée dans le tome V des Mélanges de Baluze, est adressée au pape Innocent II, dans le but de justifier la sentence de déposition prononcée par Alvire, évêque d'Arras, contre Gauthier, abbé de Saint-Vaast dans la même

qu'il n'eût pas encore été placé sur le siége épiscopal de cette ville. Le roi Lothaire avait fourni au pape deux mille hommes pour lui aider à rentrer dans Rome. Ce secours n'étant pas suffisant, Bernard écrivit au roi d'Angleterre, qui joignit ses troupes à celles du roi de Germanie. Le pape rentra dans la ville le 1er mai de l'an 1133. Bernard, après y avoir fait quelque séjour avec le pape, passa par son ordre en Allemagne, pour réconcilier l'empereur Lothaire avec les neveux de son prédécesseur, Conrad et Frédéric.

10. Il n'y avait pas longtemps que Bernard était de retour à Clairvaux, lorsque le pape Innocent l'appela au concile convoqué à Pise. En passant par la Lombardie, les Milanais le prièrent, par lettres, de les réconcilier avec l'empereur et le pape Innocent, qui les avait excommuniés et ôté à leur ville la dignité de métropole, pour avoir pris le parti de l'antipape Anaclet. Bernard leur promit sa médiation, et aussitôt que le concile de Pise fut fini, il alla à Milan avec deux cardinaux envoyés par le pape : Guy, évêque de Pise; Matthieu, évêque d'Albane, et Geoffroi, évêque de Chartres. Les Milanais vinrent audevant d'eux jusqu'à sept milles. On traita en public du sujet de leur voyage. Toute la ville se soumit à l'obéissance du pape Innocent. Elle quitta le parti de Conrad, pour ne reconnaître d'autre roi que Lothaire. Les peuples, aux discours de Bernard, se convertirent, frappés de ses vertus et de ses miracles. Ils firent leur possible pour l'obliger d'accepter le siége archiépiscopal de Milan, vacant par la déposition d'Anselme; mais il le ville. J'ignore pourquoi les éditeurs de la Patrologie ne reproduisent pas cette lettre. On conservait à l'abbaye de Saint-Thierry vingt-quatre sermons de Geoffroi qui n'ont jamais été publiés. Ils roulent sur différents sujets et contiennent une morale pure et évangélique, mais ils manquent d'élévation. Nous avons six chartes de Geoffroi. Quatre sont insérées dans le tome X de la Gallia christiana, une autre fait partie des Preuves de l'Histoire de Lorraine, par D. Calmet. La sixième charte a été publiée par Petit dans son édition du Pénitentiel de saint Théodore. Elle est commune à Geoffroy et à Hugues de Macon, évêque d'Auxerre. C'est un accommodement fait par l'ordre du pape Innocent entre l'abbaye et le curé de Faremoutier au diocèse de Meaux. Les éditeurs de la Patrologie n'indiquent pas cette charte au tome CLXXIII. Voyez l'Histoire littéraire de la France. (L'éditeur.)

3 Ernald., lib. II, cap. II.

* Mabillon., in Chron. Bernard., ad an. 1132.

5 Mabillon., Chron., Bernard., ad an. 1134, et Ernald., lib. II Vitæ Bern., cap. II.

Saint Bernard fait

second voya 1134.

en Italie en

Il fait de nouveaux bå

— SAINT refusa constamment. De cette ville il passa 1, par ordre du pape, à Pavie et à Crémone, pour y rétablir la paix. Sa médiation fut inutile aux Crémonois.

11. Il eut la consolation, en revenant à Clairvaux, d'y trouver la communauté dans en Aquitaine une union parfaite. Le nombre des religieux

timents

Clairvaux, va

en 1135.

s'était augmenté, et le lieu où ils étaient logés se trouvant trop serré pour les contenir, il parut 2 nécessaire de bâtir le monastère en un lieu plus étendu et plus commode. Thibaud, comte de Champagne, les évêques voisins, et plusieurs nobles et riches marchands fournirent aux frais. Pendant qu'on se disposait à exécuter le plan de ce nouveau bâtiment, Bernard reçut ordre du pape de passer en Aquitaine avec le légat Geoffroi, évêque de Chartres, pour travailler de concert à délivrer cette province du schisme dans lequel Gérard, évêque d'Angoulême, l'avait engagée. Guillaume IX, comte de Poitiers et duc d'Aquitaine, était le plus fort appui du schisme. Dès l'an 1131, Bernard avait eu avec lui une conférence sur ce sujet, mais sans succès. Dans une seconde, qui se fit à Parthenay, en 1134, le duc parut se déclarer pour le pape Innocent, mais à des conditions trop onéreuses. L'abbé de Clairvaux 3 étant entré dans l'église le lendemain de la conférence, pour offrir les saints mystères, le duc n'osant y entrer, parce qu'il était d'une autre communion, resta à la porte. Après la consécration, le saint donna la paix aux fidèles; puis poussé par un mouvement plus qu'humain, il met le corps de Jésus-Christ sur la patène, le porte avec lui, et le visage tout en feu, et les yeux étincelants, il sort de l'église, non en suppliant, mais en menaçant, et adresse au duc ces paroles terribles : « Nous vous avons prié, et vous nous avez méprisés; voici le Fils de la Vierge qui vient à vous; le Chef, le Seigneur de l'Eglise que vous persécutez: Voici votre Juge au nom duquel tout fléchit au ciel, sur la terre et aux enfers, votre Juge entre les mains duquel votre âme viendra. Le mépriserez-vous aussi, comme vous avez méprisé ses serviteurs? » Tous les assistants fondaient en larmes, attendant avec frayeur le succès de cet événement. Le duc, saisi de peur, tombe par terre, hors de lui-même, jetant de profonds soupirs. Le serviteur de

1 Bernard., Epist. 134. • Ernald., . Il, cap. v.

Dieu le pousse du pied, lui ordonne de se lever, et d'écouter debout la sentence de Dieu. « Voilà, lui dit-il, l'évêque de Poitiers que vous avez chassé de son église; réconciliez-vous avec lui par le baiser de paix, et le ramenez vous-même à son siége. Rétablissez l'union dans vos Etats; soumettez-vous au pape, comme toute l'Eglise lui obéit. » Le duc exécuta, sans répondre, ce que le saint abbé venait de lui ordonner. Ainsi les troubles que le schisme avait causés dans l'Aquitaine furent apaisés. Il n'y eut que Gérard, évêque d'Angoulême, qui s'opiniâtra dans le parti d'Anaclet.

12. Son crédit diminuait de jour en jour, et celui du pape Innocent s'augmentait. Il ne laissa pas d'écrire à Bernard, en 1137, de venir au secours de l'Eglise; il en fut aussi prié par les cardinaux. Arrivé à Viterbe, le pape et les cardinaux lui firent part de la disposition où était l'empereur de soutenir l'Eglise par la force des armes. L'abbé de Clairvaux, informé que la plupart des schismatiques ne tenaient pour l'antipape, que parce qu'ils craignaient les reproches qu'on leur ferait, s'ils l'abandonnaient, après le serment de fidélité qu'ils lui avaient fait, entra en conférence avec eux, les désabusa sur leur serment, et les fit rentrer dans l'unité de l'Eglise. Il fit à Roger, roi de Sicile, des conditions de paix pour l'engager à rentrer dans l'obéissance du pape Innocent. Roger proposa une conférence pour examiner la validité de son élection. Les disputes durèrent huit jours en présence de ce prince. Le dernier jour, il n'y eut que Pierre de Pise et Bernard qui parlèrent. Pierre avait été nommé de la part du roi, parce qu'il le connaissait pour éloquent; mais Bernard l'emporta sur lui par ses raisons. Le succès de la conférence jeta Anaclet dans un chagrin qui lui donna la mort le 7 janvier de l'an 1138.

Saint Bernard fait un

troisième lie en 1137.

voyage en Ita

Il fait finir le

1138.

13. Ceux de son parti élurent, de concert avec le roi Roger, Grégoire, prêtre-cardinal, schisme en à qui ils donnèrent le nom de Victor. Mais par cette élection, ils avaient moins en vue de perpétuer les troubles inséparables du schisme, que de se faire des conditions avantageuses en se réconciliant avec le pape. Les parents d'Anaclet se réconcilièrent en effet avec Innocent II, et Victor étant venu de

3 Idem, ibid.

Ernald., lib. II, cap. vi.

Concile de Latran,

1139.

en

Concile de Sens en 1140.

cil., p. 1018.

nuit trouver saint Bernard, ce saint abbé lui fit quitter tous les ornements pontificaux, et le mena aux pieds d'Innocent II, qu'il reconnut pour seul pape légitime, le jour de l'octave de la Pentecôte, 29 mai 1438. Cinq jours après, Bernard sortit de Rome pour retourner à Clairvaux', n'emportant avec lui qu'une dent de saint Césaire, et quelques autres reliques de saints. Le clergé, la noblesse et le peuple le reconduisirent hors de Rome, le regardant comme l'auteur de la paix.

2

14. Avant son départ, il réconcilia Pierre de Pise, cardinal, avec le pape, qui lui rendit sa dignité dont il l'avait privé pour s'être attaché à l'antipape Anaclet; mais dans le concile tenu à Rome le 8 avril 1139, Eugène l'en priva une seconde fois. Bernard s'en plaignit au pape même, par une lettre très-forte, où il prend la défense de Pierre de Pise, et fait voir que le pape ne pouvait, sans ternir sa propre réputation, révoquer ce qu'il avait accordé à ce cardinal en le rétablissant dans sa place et dans tous ses honneurs. Je ne parle pas ainsi, lui dit-il, pour trouver à redire à la rigueur apostolique, et au zèle ardent dont Dieu vous dévorait contre les ennemis de l'unité; mais quand la faute n'est pas égale, la punition ne doit pas l'être; et il ne convient pas d'envelopper dans la même sentence celui qui a quitté le péché, et ceux que le péché quitte. »>

15. Guillaume, abbé de Saint-Thierry, et Tom. X Con- quelques autres, voulaient engager Bernard à écrire contre les erreurs qu'Abaillard continuait de répandre, quoiqu'elles eussent été condamnées au concile de Soissons. L'abbé de Clairvaux aima mieux l'avertir en secret, que de le confondre publiquement. Cette démarche de charité lui réussit pour un temps; mais Abaillard, se fiant trop à son esprit et à son expérience dans la dispute, demanda à l'archevêque de Sens de se défendre en public contre ses adversaires, et d'appeler Bernard au concile. Il se tint le 2 juin 1140. Henri, archevêque de Sens, y présida, assisté des évêques de Chartres, d'Orléans, d'Auxerre, de Troyes, de Meaux, et d'un grand nombre d'abbés. Louis, roi de France, s'y trouva, avec les comtes de Nevers et de Champagne. L'archevêque de Reims y vint aussi. L'abbé Bernard produisit au mi

1 Lib. IV Vitæ Bernard., cap. 1, et Ernald., cap. VII.

2 Epist., pag. 213.

Bernard., Epist. 220, 221.

lib. II,

lieu de l'assemblée le livre de la Théologie d'Abaillard, et les propositions absurdes, ou plutôt hérétiques, qu'il en avait extraites, demandant ou qu'il les prouvât, ou qu'il les désavouât. Abaillard ne fit ni l'un, ni l'autre. Bernard, au contraire, ayant prouvé évidemment la fausseté des propositions, le concile les condamna, et pria le pape, auquel Abaillard avait appelé, de les condamner aussi. La lettre synodale au pape est de l'abbé de Clairvaux.

3

16. Dans les années suivantes, comme dans les précédentes, il fut occupé de la fondation de plusieurs maisons de son ordre en diverses provinces. En 1144, il fut le médiateur de la paix entre le roi Louis, et Thibaud, comte de Champagne. L'année d'après, le jeune roi ayant reçu du pape Eugène une lettre, où il exhortait tous les Français à secourir l'Eglise d'Orient, déclara à quelques seigneurs de sa cour qu'il était résolu à se croiser, pour accomplir le vœu que Philippe, son frère aîné, avait fait, et qu'une mort imprévue ne lui avait pas permis d'accomplir. Ces seigneurs lui conseillèrent de consulter là-dessus l'abbé de Clairvaux, qui fut d'avis qu'une affaire de cette importance devait être renvoyée au pape pour en délibérer. La réponse du pape fut favorable. En conséquence, le roi Louis assembla les évêques et les seigneurs à Vézelay en Bourgogne, le 31 mars 1146, qui était le jour de Pâques. La croisade fut résolue, et Bernard chargé de la prêcher. A son premier discours, on s'écria de tous côtés pour demander des croix; le nombre de celles que l'on avait préparées ne suffisant pas, Bernard se trouva obligé d'y suppléer en mettant en pièces ses habits. Il fit en cette occasion plusieurs miracles. Le troisième dimanche d'après Pâques, le roi Louis assembla un parlement à Chartres, pour régler le voyage de la croisade. Pierre, abbé de Cluny, invité à cette assemblée, ne put y venir, parce qu'il tenait le même jour un chapitre de son ordre. L'avis commun était de choisir Bernard pour le chef de la croisade. 116 le refusa.

Saint Berpard foode

divers monss

tères. Dessein

de la croisade.

Saint Bernard combat

en 1147.

17. En 1147, Albéric, évêque d'Ostie, envoyé à Toulouse, comme légat du pape Eu- les henriciens gène, pour combattre l'hérétique Henri, disciple de Pierre de Bruis, prit avec lui Geoffroi,

Bernard., Epist. 426, et Guillelm, lib. III Vita Bernardi, cap. tv.

5 Bernard., Epist. 364. 6 Idem, Epist. 256.

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