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Il combat

Porrée,

1148.

en

évêque de Chartres, et l'abbé de Clairvaux. Henri était un moine apostal, qui étant retourné dans le siècle, s'y adonna à la débauche, surtout à l'impureté. Se trouvant dénué de tout, il fut obligé de mendier son pain, et d'errer partout en vagabond, parce que personne ne voulait le recevoir. Pour se tirer de la misère il se mit à prêcher dans le Mans et à Toulouse les erreurs de son maître. Les peuples, amateurs de la nouveauté, se laissèrent séduire. Bernard, par ses discours et par ses miracles, détrompa ceux qui avaient été infectés d'erreur, soit au Mans, soit à Toulouse, soit ailleurs. Un des plus éclatants miracles fut celui qu'il fit à Sarlat en Périgord. Après avoir fini son discours, grand nombre de personnes lui présentèrent des pains à bénir; en les bénissant 2, il éleva la main, fit dessus le signe de la croix, et dit : « Vous connaîtrez que ce que nous vous disons est vrai, et que ce que les hérétiques vous prêchent est faux, si vos malades guérissent aussitôt qu'ils auront mangé de ces pains. » L'évêque de Chartres, craignant qu'il ne se fût trop avancé par une proposition si générale, ajouta «S'ils le mangent avec foi, ils recouvreront la santé. » Mais Bernard qui ne craignait point, reprit : « Ce n'est pas ce que je dis; mais assurément ceux qui en goûteront seront guéris, afin qu'ils sachent que nous sommes véridiques, et vraiment envoyés de Dieu. » La chose arriva ainsi : tous les malades qui goûtèrent de ces pains y trouvèrent la guérison de leurs maux. Les henriciens répandus dans le Périgord avaient pour chef un nommé Ponce. Le moine Héribert décrit les erreurs des henriciens du Périgord, dans une lettre adressée à tous les fidèles, et imprimée dans les Analectes de dom Mabillon. On aura lieu de les détailler dans la suite, de même que celles des divers hérétiques de ce temps. Nous remarquerons seulement ici que la plupart ne reconnaissaient point d'Eglise hors de leur secte; qu'ils rejetaient le baptême des enfants, et le mariage, le culte des saints, les jeûnes, et les autres mortifications corporelles.

18. Gilbert de la Porrée, évêque de PoiGilbert de la tiers, était accusé d'erreurs toutes différentes, savoir, d'enseigner que l'essence divine n'est pas Dieu; que les propriétés des personnes divines ne sont pas les personnes

1 Bernard., Epist. 241, 242.

2 Gaufridus, Vita Bernardi, lib. III, cap. VI. 3 Gaufridus, Vita Bernardi, lib. III, cap. v.

mêmes; que la nature divine ne s'est pas incarnée, mais seulement la personne du Fils. Toutes ces erreurs lui furent reprochées dans le concile de Paris en 1147, en présence du pape Eugène qui présidait à cette assemblée. On y disputa beaucoup sur cette matière ; mais le pape en renvoya la décision au concile qu'il devait tenir à Reims, le 22 mars de l'année suivante 1148. Bernard qui avait été le principal adversaire de Gilbert dans le concile de Paris, l'attaqua encore dans celui de Reims 3, et le convainquit d'erreur. Le concile en condamna tous les articles, défendit la lecture du livre de Gilbert, et ordonna que l'on y corrigerait tout ce qui avait rapport aux erreurs condamnées.

4

19. La croisade n'ayant pas eu le succès qu'on en avait attendu, le roi Louis revint en France en 1149. La même année, le pape Eugène rentra dans Rome; et ce fut pour le consoler au milieu de tant d'afflictions dont son pontificat avait été agité, que saint Bernard composa l'ouvrage intitulé de la Considération. Il reçut lui-même une lettre de consolation de Jean, abbé de Casemarie, au sujet de la croisade. Eugène III mourut le 8 juillet 1153, après huit ans et près de cinq mois de pontificat. Bernard, dont les forces défaillaient de jour en jour, lui survécut de peu, étant mort le 20 août de la même année, dans la soixante-troisième de son âge, trentehuit ans après qu'il avait été élu abbé de Clairvaux.

20. Sa piété connue de toute l'Eglise, son zèle pour la pureté de la foi, le grand nombre de ses miracles l'ont fait mettre au nom. bre 5 des saints, presque aussitôt après sa mort, c'est-à-dire en 1174, par Alexandre III. Ce pape, qui n'était pas moins informé de son savoir et de sa doctrine, que de sa sainteté, lui donna le premier le titre de docteur de l'Eglise, en lisant à la messe qu'il célébra le jour de sa canonisation, la collecte et l'évangile que l'on a coutume de lire le jour de la fête des docteurs. Innocent III, élu en 1198, fit lui-même en l'honneur de saint Bernard une collecte particulière, où il lui donne la qualité d'abbé et de docteur excellent. Quelques-uns l'ont qualifié depuis docteur mielleux, à cause de la douceur de son style et de ses expressions. Nicolas le Fèvre, précepteur de Louis-le-Juste, nommait saint Ber

* Mabillon., Chronolog. Bernard., ad ann. 1149, 1150, 1153. 5 Tom. X Concil., pag. 1376, et Mabillou., Præfat in Op. Bernardi, num. 2.

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nard le dernier des pères, parce qu'il est le dernier qui ait suivi la méthode des anciens pères, de traiter les matières théologiques en s'appuyant sur l'Ecriture et sur la tradition, On les traita depuis par des raisonnements philosophiques; et c'est ce qu'on appelle la théologie scholastique, par opposition à la théologie positive suivie par les pères. Saint Bernard avait lu leurs écrits, surtout ceux de saint Augustin, comme il est aisé de le voir par son traité de la Grâce et du Libre arbitre. Lors donc qu'il disait à ses amis, qu'il n'avait eu d'autres maîtres dans l'étude de l'Ecriture sainte que les chênes et les hêtres, il ne voulait dire autre chose, sinon, qu'il avait plus de confiance en la prière, qu'en sa propre industrie et en son travail. Aussi, après avoir 3 dit qu'il avait reçu principalement dans les champs et dans les bois l'intelligence des Ecritures, il ajoute que ce fut par la méditation et par la prière. On ne peut mieux juger de l'autorité et du crédit qu'il s'était acquis dans le monde et dans l'Eglise par ses vertus et par sa science, que sur le témoignage de Guillaume, abbé de SaintThierry, témoin oculaire. « S'est-il trouvé, dit-il, un homme, en parlant de saint Bernard, à la volonté duquel les plus grandes puissances de la terre, soit du siècle, soit de l'Eglise, aient déféré avec tant de soumission, et aux conseils duquel elles se soient rendues avec tant d'humilité ? Les rois, les princes, les tyrans les plus superbes, les gens de guerre, les usurpateurs les plus violents, le craignent et le révèrent de telle sorte, que l'on voit en quelque façon en lui cette parole Luc. x, 19. de Notre-Seigneur à ses disciples: Je vous ai donné le pouvoir de fouler aux pieds les serpents, les scorpions, et toute la puissance de l'ennemi, et rien ne pourra vous nuire. » Trois abbés, contemporains de saint Bernard, ont pris soin d'en écrire la Vie: Guillaume, dont nous venons de parler; Arnaud, abbé de Bonneval dans le diocèse de Vienne; et Geoffroi, religieux de Clairvaux, secrétaire du saint. Leurs ouvrages, que l'on a imprimés à la suite des écrits de saint Bernard, ont été traduits en français par Le Maître, sous le nom emprunté du sieur Lamy, et imprimés en cette langue à Paris, chez Antoine Vitré en 1648, in-4°, et 1649, in-8°.

1 Guillelm., Vita Bernard., lib. I, num. 23, cap. iv, 2 Idem, lib. III, cap. 1, num. 1.

3 Idem, lib. I, cap. iv, num. 23.

ARTICLE II.

DES ÉCRITS DE SAINT BERNARD.

§ I.

De ses Lettres.

Lettres de saint Ber

edit.

1.

Epist. 1 Paris, p.

1. Le premier tome des ouvrages de saint Bernard, selon l'édition de Paris en 1719. com- nard. prend ses lettres qui sont au nombre de quatre cent quarante-sept, rangées pour la plus grande partie suivant l'ordre chronologique. Nous suivrons cette disposition. Pendant que ce saint abbé, séparé de sa communauté pour an. 1719, p cause de maladie, vivait seul dans une cellule hors de l'enceinte du monastère, le grand prieur de Cluny, que l'on croit être Bernard surnommé le Gros, vint à Clairvaux sous prétexte de s'y édifier, mais en effet pour en retirer Robert, cousin-germain de saint Bernard, qui après avoir été d'abord offert à l'abbaye de Cluny, avait fait profession à Citeaux, d'où il était sorti pour passer à Clairvaux. Il ne lui fut pas difficile de tenter ce jeune homme, à qui la vie dure de Citeaux et de Clairvaux était peut-être devenue à charge. Quoi qu'il en soit, le grand prieur l'emmena, le revêtit de l'habit de l'ordre de Cluny, obtint de Rome un rescrit qui ordonnait à Robert de se stabilier à Cluny, et lui fit faire une nouvelle profession. Saint Bernard fut quelque temps à attendre si Robert reviendrait de lui-même; mais frustré dans son espérance, il lui écrivit une lettre que l'on peut regarder comme la plus éloquente de toutes, également remplie de force, de sentiments de tendresse et de charité. Comme il la dictait en pleine campagne, pour la tenir plus secrète, à Guillaume son secrétaire, depuis premier abbé de Riéval en Angleterre, il survint une pluie. Le secrétaire voulant serrer le parchemin sur lequel il écrivait, saint Bernard lui dit : « C'est l'oeuvre 5 de Dieu, écrivez, ne craignez rien. » Le secrétaire continua; et encore qu'il plût tout autour, la lettre ne fut pas mouillée. Saint Bernard fait envisager doucement à Robert qu'il n'a pu sortir de Clairvaux sans violer son vœu d'obéissance, ni en quitter l'habit sans apostasie; que personne ne s'étant trouvé à Rome pour réfuter les raisons exposées dans la supplique des clunistes, il se flattait en

Ibid, cap. XIV, num. 70.

5 Bernard. vita, per Guillelm., lib. I, cap. XI.

8.

Epist. 2, p.

vain que le siége apostolique l'avait délivré, tandis que la sentence du souverain Juge tenait sa conscience enchaînée; qu'au reste, l'abbaye de Cluny n'avait aucun droit de le revendiquer; qu'il n'avait été que promis, et non pas donné à ce monastère; que ses parents n'avaient pas demandé qu'on le reçût; qu'il n'avait pas été offert en présence de témoins, ni sa main couverte de la palle de l'autel; qu'ainsi c'était du siècle, et non de Cluny qu'il était venu à Citeaux ; qu'il avait demandé d'y être reçu, fait un an de noviciat, après lequel il avait fait profession. Saint Bernard censure en passant la vie molle, commode et délicate que l'on menait à Cluny, et fait voir à Robert que, cette vie étant trèsdangereuse pour le salut, il lui est expédient de revenir à Clairvaux observer l'abstinence, les veilles, le silence, le travail des mains et les autres austérités. Cette lettre, écrite vers l'an 1119, fut pour lors sans effet; mais en 1122, Pierre, devenu abbé de Cluny, renvoya Robert à saint Bernard.

2. Son zèle ne se bornait pas aux religieux de son ordre. Ayant su que Foulques, chanoine régulier, gagné par les caresses et les promesses de son oncle, avait quitté le monastère pour vivre dans le monde en clerc séculier, il lui écrivit qu'il devait plutôt obéir à Dieu, avec qui il s'était engagé par vou, qu'à son oncle, qui ne cherchait qu'à le perdre en le tirant du cloître pour le jeter dans les délices du siècle. « Vous qui l'aviez méprisé, comment, lui dit-il, vous y attachez-vous de nouveau ? Si vous prétendez jouir des avantages temporels, et ensuite des biens éterLuc. XVI, 25. nels, on vous dira: Souvenez-vous, mon fils, que vous avez reçu vos biens dans votre vie. Mais quels sont donc ces biens que vous avez reçus ? Des bénéfices de l'Eglise? Fort bien. Vous vous imaginez que vous n'en recevez pas gratuitement les revenus, parce que vous assistez à matines, à la messe, aux heures du jour et la nuit. En effet, il est juste que celui qui sert à l'autel, vive de l'autel; c'est ce que l'on vous accorde sans peine, si vous servez bien. Mais on ne vous permet pas d'user des biens de l'autel pour le luxe, pour contenter votre vanité, pour acheter des brides dorées, des selles brodées, des éperons argentés, des bracelets de pourpre au cou et aux mains. Non, tout ce que vous retenez des revenus 1

1 Quidquid præter necessarium victum ac simplicem vestitum de altario retines, tuum non est : rapina est,

de l'autel, après avoir fourni à votre nourriture et à votre habillement, n'est pas à vous: c'est une rapine, c'est un sacrilége. »

3. Les chanoines d'Audicour, dans le dio- Epist. 3. cèse de Châlons, paraissaient inquiets de quelques-uns de leurs confrères qui s'étaient retirés à Clairvaux. Saint Bernard les rassura, en leur écrivant qu'il n'avait reçu ces chanoines dans son monastère, qu'à la prière de plusieurs personnes de considération, nommément de Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons, qui leur avait même conseillé cette retraite, dans la vue de passer d'une vie plus douce, telle que celle que prescrit la règle de saint Augustin, à une plus austère, comme est celle qui est prescrite par la règle de saint Benoît. On met cette lettre vers 1120, de même que la précédente.

4. La suivante fut écrite avant l'an 1126. Elle est adressée à Arnold, premier abbé de Morimont. Après avoir gouverné cette maison depuis sa fondation, c'est-à-dire depuis l'an 1115 jusqu'en 1125, dégoûté du gouvernement par les vexations des séculiers voisins du monastère, et par la désobéissance de quelques-uns de ses moines, il quitta Morimond avec quatre de sa communauté, sans l'agrément de l'abbé de Citeaux. Saint Bernard, en étant informé, écrivit à Arnold pour l'engager à revenir à Morimond, dans la crainte que son exemple ne fût nuisible à d'autres; mais Arnold était passé dans la Flandre, où il mourut le 3 janvier 1126. Dès que saint Bernard l'eut appris, il écrivit par ordre du chapitre général, aux quatre moines qui avaient accompagné Arnold dans sa retraite, de retourner en leur monastère, sous peine d'excommunication. Adam et Evrard, deux d'entre eux, s'étaient retirés dans le diocèse de Cologne. Saint Bernard pria Brunon, qui en fut fait archevêque quelque temps après, de les presser de rentrer dans leur devoir. Ils s'excusaient en disant : « Notre abbé nous a commandé de le suivre; devions-nous lui désobéir? » Saint Bernard répond qu'ils ne devaient pas lui obéir dans une chose mauvaise; qu'en tout cas, leur abbé étant mort, ils devaient revenir à leur monastère. Il regarde comme nulle, ou comme subreptice, la permission qu'ils disaient avoir obtenue du Saint-Siége, de passer à une autre maison; et parce qu'ils pouvaient lui objecter

sacrilegium est. Bernard., Epist. 2.

., წ, ..

7.

Epist. 8, 9, 10, vers l'an 1131.

11.

qu'il était passé lui-même de Citeaux à Clairvaux, il dit qu'il y avait été envoyé par son abbé. Il prévient une autre objection qu'on aurait pu lui faire; savoir, qu'il recevait à Clairvaux ceux qui sortaient des autres monastères, contre le gré de leurs supérieurs. « Je les reçois, dit-il, pour les aider à accomplir les vœux qu'ils ont faits en un lieu où ils ne peuvent les observer. Par l'observation des autres préceptes de la vie monastique, ils récompensent l'infraction de la stabilité. » Adam retourna à Morimond; et l'on croit que c'est lui qui fut choisi pour abbé d'Eberbach dans le diocèse de Wirtzbourg en Franconie, l'an 1127.

5. Brunon, dont on vient de parler, fils d'Engelbert, comte d'Altena, ayant été élu archevêque de Cologne, demanda à saint Bernard s'il devait accepter l'épiscopat. << Quel est l'homme assez hardi, lui répondit le saint abbé, pour décider une question aussi délicate? Peut-être que Dieu vous y appelle; oserait-on vous en détourner? Mais s'il ne vous y appelle pas, vous conseillera-t-on de vous y ingérer? » Laissant donc sa réponse indécise, il se contente de représenter à Brunon la nécessité où l'on est de travailler à son propre salut, avant de se charger de celui des autres, et de consulter Dieu sur sa vocation; les dangers inséparables de la conduite des âmes, la fermeté que l'on doit avoir dans la punition des crimes. Il le renvoie à saint Norbert, disant que plus ce saint personnage approchait de Dieu par sa vertu, plus il avait de lumières pour lui découvrir les desseins cachés de la Providence. Brunon accepta l'épiscopat, et fut sacré en 1132.

6. Saint Bernard, brûlant du feu de la charité que Guiges, cinquième général des Chartreux, avait allumé dans son cœur par sa lettre, lui fit une réponse dans laquelle, après s'être loué de l'accueil qu'on lui avait fait à la Chartreuse, il traite de la charité, de sa nature, de ses effets, de ses différents degrés. Il montre qu'elle consiste dans un cœur pur, une conscience droite, et une foi sincère, qui nous fait aimer le bien de notre prochain comme le nôtre; qu'il n'y a que la charité, cet amour pur, qui détache le cœur de l'amour du monde et de soi-même, pour l'attacher à Dieu seul; que l'on peut dire en un sens très-véritable que la charité est Dieu même, et qu'elle est un don de Dieu, en sorte que la charité essentielle communique la charité accidentelle ; que cette charité nous

rend léger le joug de la loi, en nous la faisant aimer avec une pleine liberté ; qu'elle purifie la crainte en se mêlant avec elle, mais sans l'anéantir. Il distingue dans l'homme quatre degrés d'amour. L'homme commence à s'aimer pour lui-même, parce qu'il est charnel; mais faisant réflexion qu'il tient de Dieu son être, il se sent obligé de recourir à lui par la foi, et de l'aimer. Mais il s'aime pour soi-même, et non pour Dieu, jusqu'à ce que pressé par ses propres besoins, il se familiarise, pour ainsi dire, avec Dieu, en s'occupant de lui dans la méditation, dans la lecture, dans la prière. Alors il goûte combien le Seigneur est doux, et l'aime nonseulement par rapport à soi, mais aussi pour Dieu même. C'est là le plus haut degré d'amour où l'homme puisse monter en cette vie. De s'aimer uniquement pour Dieu, cela paraît réservé aux bienheureux dans le ciel. Par une autre lettre au même Guiges et à ses religieux, il leur témoigne sa douleur d'avoir passé auprès de leur monastère sans avoir pu s'y arrêter, et se recueillir avec eux pendant quelques jours.

Epist. 12.

13, 14, 15,

7. Le clergé et le peuple de Châlons avaient, en 1126, choisi pour leur évêque Albéric, doc- 16, 17. teur célèbre à Reims. Saint Bernard, qui en connaissait le mérite, pria le pape Honorius de confirmer l'élection. Elle n'eut pas lieu. Mais en 1139, Albéric fut élu archevêque de Bourges. Saint Bernard, dans l'inscription de cette lettre, ne se désigne que sous le titre de moine et de pécheur; mais il se nomme dans la suivante au même pape, qu'il sollicite en faveur de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon. Il s'agissait de la maintenir en possession de deux celles ou prieurés qu'on lui disputait. L'affaire fut décidée en 1129 par Etienne, archevêque de Vienne. L'abbé de Clairvaux écrivit sur le même sujet à Haimeric, chancelier du Saint-Siége, et à Pierre, cardinal-prêtre. Celui-ci se plaignit de ce que saint Bernard n'était pas allé le voir, comme il le lui avait ordonné. Le saint abbé s'excusa sur la résolution qu'il avait faite de ne jamais sortir de son cloître, sans y être contraint par de certaines raisons. Il s'excuse aussi de ne pas lui avoir envoyé d'ouvrages, ne sachant de quelle nature il les souhaitait. Le cardinal Pierre s'expliqua là-dessus, et saint Bernard promit de le contenter. Il recommanda au même cardinal, et au chancelier Haimeric, les députés de l'Eglise de Reims, qui allaient à Rome demander, ce semble, le

18.

19, 20.

pallium pour Renaud de Martigni, transféré

à ce siége en 1124 de celui d'Angers. Peutêtre avaient-ils encore d'autres affaires à méEpist. 17. nager auprès du Saint-Siége. On voit par ces lettres que Gebuin, chantre et archidiacre de Troyes, avait fait un recueil des sermons de saint Bernard, à mesure qu'il les prononçait. Le cardinal Pierre lui témoignait une grande 18. considération. « Cette faveur, lui répondit le saint abbé, me donne beaucoup de joie; mais ce qui la tempère, c'est la honte d'en être redevable, non à mon mérite, mais à l'idée qu'on vous en a donnée. Je suis confus d'être susceptible du vain plaisir de voir qu'on n'honore; ou qu'on aime dans ma personne, non ce que je suis, mais ce qu'on veut que je sois. Ce n'est point moi qu'on aime alors, mais je ne sais quoi qu'on met à ma place, c'est-à-dire rien du tout. » C'est ainsi que saint Bernard pensait de lui-même. Il disait de tous ceux qui louent : « Les uns parlent pour flatter, et ce sont des fourbes et des imposteurs; les autres parlent selon leur opinion, et ce sont des ignorants trop crédules; mais dans quelque esprit qu'on nous loue, nous sommes également vains de nous enfler de ces éloges. Il n'y a de sage que celui qui dit avec l'apôtre Je me retiens, de peur que quelqu'un ne m'estime au-dessus de ce qu'il voit en moi, ou de ce qu'il entend dire de moi. » A sa troisième lettre au cardinal Pierre, saint Bernard joignit un mémoire de quelques-uns de ses ouvrages, pour lui en laisser le choix, savoir: un de l'Humilité; quatre homélies sur la sainte Vierge, ou sur le Missus est Angelus Gabriel; une apologie touchant les observances de Cluny et de Citeaux; quelques lettres et quelques discours recueillis par ses religieux.

21.

22.

8. Il était malade, lorsque Matthieu, premièrement chanoine de Reims, ensuite moine de Cluny à Saint-Martin-des-Champs, puis évêque d'Albane, cardinal et légat du SaintSiége, le manda pour quelques affaires de l'Eglise. Son excuse était toute naturelle. Il en donna toutefois encore une autre : son incapacité de manier des affaires difficiles. Il ne laissa pas de se soumettre à ses ordres, quand sa santé lui permettrait de les exécuter. Cette lettre fut écrite un peu avant le concile de Troyes, en 1128. Vers le même temps, il en écrivit une à Humbauld, archevêque de Lyon, et légat du Saint-Siége, pour lui recommander la cause de l'évêque de Meaux, qui écrivit lui-même de Clairvaux à

cet archevêque. Dans celle qui est à Atton, Epist. 23. évêque de Troyes, saint Bernard le félicite sur le rétablissement de sa santé, et de ce que, pendant sa maladie, il avait distribué ses biens aux pauvres, sans attendre que la mort lui ôtât le pouvoir de les donner, ou de les retenir, comme font la plupart. «Remerciez Dieu, lui dit-il, de vous avoir inspiré le mépris d'une fausse gloire, et de vous avoir frappé d'une crainte salutaire, à la vue du danger où vous étiez de périr. » La lettre à Gilbert, évêque de Lon- 24. dres, est sur un sujet à peu près semblable. Saint Bernard ne trouvait pas extraordinaire qu'étant en grande réputation de savoir, il eût été fait, de chanoine d'Auxerre, évêque de Londres; mais il ne trouvait rien de plus grand que de voir un évêque d'une si grande ville mener une vie pauvre. La patience fait supporter la pauvreté; la sagesse la fait aimer. On admire celui qui n'a point couru après les richesses; combien plus est admirable celui qui s'en dépouille!

25.

9. Hugues, archevêque de Rouen, se plaignait à saint Bernard de ce que la malice de ses diocésains s'accroissait tous les jours. Dans la crainte qu'elle ne le jetât dans le découragement, l'abbé de Clairvaux lui représentait, que si ce monde est une mer pleine d'orages, il y a dans le ciel un Tout-Puissant pour les calmer; qu'être bon parmi les bons, c'est l'effet d'une vertu commune, mais qu'être bon au milieu des méchants, c'est quelque chose d'héroïque; que ce serait pour lui une grande gloire de pouvoir dire : J'étais doux et Psal. CIX, 7. paisible au milieu des ennemis de la paix. Il lui conseille donc d'être patient, comme ayant à vivre avec des méchants. «Que votre charité, ajoute-t-il, soit zélée; mais que votre zèle soit modéré, et qu'il s'accommode au temps. Le relâchement n'est jamais bon; mais souvent une sage condescendance est plus propre à gagner les cœurs. » Saint Bernard marque en quatre lignes à Guy, évêque de Lausanne, les devoirs d'un évêque : « Vous êtes chargé d'un emploi très-pénible, vous avez besoin de courage; vous êtes établi surveillant de la maison d'Israël, vous avez besoin de prudence; vous êtes redevable aux fous et aux sages, vous avez besoin d'équité. Enfin, pour ne pas vous perdre en sauvant les autres, vous avez surtout besoin de tempérance et de sobriété. » Les deux lettres à Ardution, élu évêque de Genève, ont pour but de l'engager à rapporter à Dieu son élec

Epist. 20.

27, 28.

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