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Epist. 313

314.

rent conjointement, vers l'an 1125, une lettre où, après avoir montré que l'intérêt des gens de bien et celui de Jésus-Christ étant le même, il fallait peu s'inquiéter de certains envieux qui s'opposaient aux desseins des personnes de piété; passant de là aux louanges d'Haimeric, ils relèvent son penchant naturel à obliger, mais plus encore ses talents pour la charge importante de chancelier, puisqu'il ne se fait, disent-ils, presque aucun bien dans la chrétienté, sans qu'il en soit le canal et l'organe. Comme rien n'est approuvé qui n'ait été décidé par son jugement, réglé par son conseil, appuyé de son avis, confirmé par son autorité; comme c'est à lui qu'il s'en faut prendre quand on manque de faire quelque bien, ou quand on ne le fait pas avec assez d'exactitude; c'est sur lui aussi que rejaillit la gloire de tout ce qu'on entreprend de saint et de louable.

76. Geoffroi, abbé de Sainte-Marie d'York, se plaignait, sur ses vieux jours, de ce que quelques-uns de ses religieux l'abandonnaient pour passer à un genre de vie plus austère. « N'est-ce pas manquer de zèle et d'amour pour ses enfants, lui écrivit saint Bernard, que d'être jaloux de leur avancement? Si vous êtes disposé à suivre les conseils des plus sages, ils vous conseilleront d'empêcher ceux qui vivent avec vous sous une règle mitigée, de tomber dans le relâchement; de favoriser ceux qu'une louable délicatesse de conscience porte à observer la règle dans sa pureté, et à passer à un état plus parfait. Vous devez vos soins aux premiers, de peur qu'un trop grand adoucissement de la règle ne les perde; vous devez votre affection aux derniers, pour les animer à remporter la couronne. » Il blâme deux religieux qui, après avoir quitté la vie mitigée de leur monastère pour embrasser la réforme, étaient retournés à leur premier état; et il ne croit pas que cela se puisse faire sans péché.

77. On avait rendu suspecte au pape Innocent la fidélité de l'archevêque de Milan, dont la réputation était toutefois sans reproche. Saint Bernard travailla à le justifier, et en attendant qu'il pût aussi ramener à l'obéissance et à l'union les villes de Crémone et de Milan, il le pria de suspendre l'effet de 317 ses menaces. La mort de l'antipape Anaclet,

arrivée le 7 janvier 1138, mit fin au schisme et au séjour de saint Bernard en Italie. Quel315. ques années auparavant il écrivit à Mathilde, reine d'Angleterre, pour la prier d'accomplir

la promesse qu'elle lui avait faite, de céder le droit d'une certaine dîme à l'abbé de la Chapelle, au diocèse de Boulogne, Il s'em- Epist. 316. ploya aussi auprès de Henri, archevêque de Sens, et du chancelier Haimeric, pour faire remettre à un religieux un bénéfice possédé par un officier de guerre, qui en avait jusquelà consumé les revenus à servir le roi dans les armées. La ville de Reims était à la veille de sa ruine par les révoltes et les divisions qui y régnaient. Saint Bernard, ne voyant 318. pas de moyen plus efficace pour la réunir, que de lui donner un évêque, supplia le pape Innocent d'en faire hâter l'élection. Il dissuada Turstin, archevêque d'York, de se démettre de son archevêché, ne trouvant pas suffisants les motifs qu'il en alléguait; mais 319. au cas qu'il en eût quelque raison secrète, il lui conseilla de ne faire sa démission qu'avec l'agrément du pape, et de se retirer alors dans la maison religieuse qu'il trouverait la mieux réglée, sans faire attention ni à sa pauvreté, ni à l'austérité de la règle.

78. Saint Bernard, ayant appris la vacance 320, 321. de l'abbaye de Fontaines en Angleterre, proposa, pour la remplir, l'abbé de Vauclaire, nommé Henri de Murdach. Ce religieux fut choisi par la communauté, et ensuite fait archevêque d'York. Voici une partie du discours 322. que le saint abbé tint à un jeune homme de qualité, qui pensait à renoncer aux vanités du monde pour se faire religieux. « Reconnaissez la grâce que le Seigneur vous a faite; ayez le courage d'un homme formé; ne soyez enfant qu'en malice. Pour n'être point rebuté dans votre tendre jeunesse par les austérités de la règle, comparez la rudesse des habits aux troubles des mondains; la paix intérieure, à une conscience déchirée de mille remords. Dieu vous fera sentir uue joie secrète. Le prophète assaisonnera avec un peu de farine IV Reg. IV, 14. les viandes les plus stupides. Dès que vous sentirez les aiguillons de la tentation, jetez les yeux sur le serpent d'airain, baisez les plaies, ou plutôt sucez les mamelles de JésusChrist crucifié. Il vous tiendra lieu de mère, et vous chérira comme son fils. Les clous dont il est attaché à la croix, ont percé ses pieds et ses mains avant de percer les vôtres. » Saint Bernard rappelle à ce jeune homme les paroles dont saint Jérôme s'était servi pour engager Héliodore à ne faire aucune attention aux obstacles que la tendresse de ses parents apportait à sa retraite; puis il ajoute «Evitez les conversations des gens

Epist. 325.

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du dehors; accoutumez-vous à l'oraison. Elevez votre âme au ciel avec vos yeux et vos mains. Présentez-vous au Père des miséricordes dans toutes vos nécessités. Vous ne sauriez craindre sans impiété que Dieu soit insensible à vos vœux, qu'il soit sourd à vos cris et à vos gémissements. Au reste, souvenez-vous d'écouter avec docilité les conseils de vos pères spirituels, et de leur obéir comme à Dieu même. » Hugues, c'est le nom de ce novice, fut ensuite abbé de Bonneval. Il y avait en l'abbaye de Dunes, transférée depuis à Bruges, un novice d'un tout autre caractère. Sur le rapport que l'abbé en fit à saint Bernard, il décida qu'il fallait refuser de l'admettre à profession, jusqu'à ce qu'il eût donné des preuves d'une véritable vocation, ou le renvoyer.

79. Guillaume de Saint-Thierry avait envoyé son livre contre Abaillard à l'abbé de Clairvaux, qui le goûta et le crut assez fort pour détruire les erreurs qu'il attaquait; néanmoins, pour ne rien décider en une affaire de cette conséquence, qu'après y avoir bien réfléchi, il en renvoya la discussion après Pâques de l'an 1139; car il était alors au carême, et il craignait de sortir de l'esprit d'oraison et de recueillement convenable à ce temps. L'année suivante, il écrivit au pape contre l'élection faite à Rhodez d'un sujet, que ses infamies connues rendaient indigne de l'épiscopat. L'affaire fut renvoyée à l'évêque de Limoges; et ce fut une raison pour saint Bernard d'écrire à ce prélat sur le même 338. sujet. Au contraire, il prit auprès du pape

327, 328.

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Innocent la défense d'Alvise, évêque d'Arras, que les moines de Marchiennes, au diocèse de Tournay, avaient osé calomnier. Il paraît que l'abbé de Saint-Waast d'Arras y entrait pour quelque chose, ou du moins qu'il était allé à Rome pour une affaire qui déplaisait à saint Bernard; car il parle de lui et de son compagnon en mauvais termes. Il recommanda aussi au pape l'évêque d'Angers, au sujet d'un différend que celui-ci avait eu avec une maison religieuse.

80. Malachie, archevêque d'Irlande, pensait à y établir un monastère dont l'observance fût semblable à celle de Clairvaux. Il en écrivit à saint Bernard, et lui demanda deux de ses religieux pour cet établissement.

1 Voir sur Josselin une notice tirée de la Gallia christiana, et reproduite au tome CLXXXVI de la Patrologie, col. 1475-1478; elle est suivie d'une Exposition du Symbole et de l'Oraison dominicale, par

Les porteurs de sa lettre, qui étaient moines en Irlande, étaient chargés de rendre à l'abbé de Clairvaux un bâton dont l'archevêque lui faisait présent. Il fut extrêmement satisfait de la lettre de Malachie, de la modestie de ses religieux, et du bâton « qui m'aide, dit-il, à soutenir mon corps infirme.» Aussitôt il choisit deux religieux de sa communauté, les forma, autant qu'il fut possible, à tous les exercices de la vie religieuse; les mit au fait de l'endroit qu'il faudrait choisir pour y bâtir un monastère, et les renvoya en Irlande. Cette maison s'accrut bientôt dans le temporel et dans le spirituel. Saint Bernard en félicita l'archevêque, le priant de cultiver avec une ardeur toujours nouvelle le champ qu'il avait semé. Les religieux de Clairvaux y revinrent d'Irlande au bout de quelque temps, et saint Bernard renvoya ceux qui en étaient venus, après les avoir bien instruits de la règle, et mis en état de la faire observer aux autres.

Epist. 353 354.

81. En faisant l'éloge de Josselin, évêque 342. de Soissons et ministre d'Etat 1, il marque quelles doivent être les qualités de celui qui est destiné à un emploi si important. « Je ne puis, lui dit-il, trop louer la confiance dont le roi vous honore, tant il est persuadé que vous êtes plein d'affection pour sa personne et pour son Etat, et que cette affection est d'ailleurs réglée et soutenue d'une rare prudence. Il faut en effet qu'un ministre d'Etat possède ces deux qualités qu'il soit affectionné; qu'il soit prudent. C'est l'ordre et la règle qu'on doit suivre dans cette espèce de choix. Dès qu'un ministre rassemble ces deux caractères, il ne peut donner que de bons conseils; mais lorsque son affection n'est point guidée par la prudence, ou que sa prudence n'est pas soutenue par son affection, malheur à l'Etat ! » Saint Bernard, connaissant le mérite de Josselin, n'avait garde de le soupçonner d'entrer dans le procès mal fondé que le roi faisait à l'archevêque de Bordeaux. C'est pourquoi il le prie d'apaiser ce prince, et de lui faire entendre que le prélat, en consacrant évêque de Poitiers celui qui avait été élu d'une voix unanime, et en distribuant aux pauvres et aux églises un legs fait par un homme mourant, n'avait fait que se conformer aux saints canons.

cet évêque, d'après Martène, Amplissima collectio, et d'une Charte accordée au monastère de Sauve-Majour. (L'éditeur.)

Epist. 345.

348, 349, 350 351,361,

82. « Les douleurs et les misères du corps humain me touchent de pitié, disait saint Bernard en écrivant aux moines de SaintAnastase à Rome, mais les maladies de l'âme me font frémir. Il ne convient point, il n'est pas même expédient pour le salut à des religieux de recourir à l'art de la médecine. Qu'ils usent, s'ils veulent, de certaines herbes communes et convenables à la pauvreté de leur état; mais on ne peut, sans blesser la bienséance et la pureté de notre profession, surtout celle de notre règle, acheter des drogues, appeler des médecins, se servir de potions et de remèdes. Laissons-en l'usage aux gens du monde. » Il parlait ainsi pour témoigner à ceux de Saint-Anastase qui, à cause que leur maison, située dans un lieu malsain, leur occasionnait beaucoup de maladies, faisaient usage de l'art de la médecine, qu'il désapprouvait leur conduite en cela. Ce n'est pas qu'il condamnât l'usage des remèdes on voit par sa lettre quatre cent cinquième, que les cisterciens en usaient; mais il souhaitait que l'on se contentât des herbes médicinales, sans recourir aux drogues des apothicaires.

83. La suite des lettres de saint Bernard en 267, 370, 383: présente plusieurs de recommandation adressées soit au pape, soit à d'autres personnes. Le privilége qu'Innocent II lui accorda, pour lui et ses successeurs dans l'abbaye de Clairvaux, porte: Qu'en considération des services qu'il avait rendus à l'Eglise, de son zèle infatigable, de sa piété singulière, et 352. pour satisfaire aussi ses justes désirs, le mo

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nastère de Clairvaux sera à l'avenir sous la protection du Saint-Siége; qu'il jouira irrévocablement de tous les biens dont il jouissait alors, ou qui lui seraient donnés dans la suite; que défense sera faite à tous archevêques et évêques de citer au concile aucun abbé de l'ordre de Citeaux; que l'abbaye de ce nom étant le chef de l'ordre, elle aura le privilége de se choisir un abbé de son corps; que le même privilége aura lieu pour les abbayes qui en ont d'autres dépendantes d'elles, et qu'elles regardent comme leurs filles. Enfin, le pape l'étend même aux abbayes qui n'ont aucune dépendance. Il exempte encore du paiement de la dîme les fruits que les frères de tout l'ordre retireraient du travail de leurs mains.

84. Il n'y a que deux lettres adressées à Célestin II, dont le pontificat fut très-court, c'est-à-dire depuis le 26 septembre 1143, jus

qu'au 9 mars 1144. Par la première, saint Bernard le supplie de procurer la paix à Thibaud, comte de Champagne, sans doute avec le roi Louis. Le motif qu'il emploie est que le Siége apostolique étend tous ses soins sur tous les fidèles, afin d'être le lien de leur union, et de conserver entre eux l'unité d'un même esprit dans la charité. La seconde est Epist. 357. au nom de la communauté de Clairvaux, saint Bernard absent; elle regarde l'abbé de Morimond, qui avait inconsidérément quitté son monastère dans le dessein de faire le voyage de la Terre-Sainte, et emmené avec lui tous ses meilleurs religieux. Pour pouvoir errer et courir sans scrupule, il avait dessein d'obtenir une permission du pape. Ce fut pour le prévenir là-dessus, que les moines de Clairvaux lui écrivirent en commun. lls craignaient aussi que le mauvais exemple de l'abbé de Morimond n'eût des suites fâcheuses dans l'ordre, où la supériorité était accompagnée de peu d'honneurs et de beaucoup de peines. Cet abbé disait qu'il avait emmené avec lui des religieux, pour pratiquer dans le pays les observances de la règle; mais il était évident que la Palestine avait alors plus besoin de soldats pour combattre, de la part des chrétiens, que de moines pour chanter ou pleurer.

85. En effet, saint Bernard écrivit en 1146 363. une lettre circulaire au clergé et au peuple de la France occidentale, pour les exciter à prendre les armes afin de chasser les infidèles d'un pays que Jésus-Christ a illustré par ses miracles, consacré par son sang, et orné des prémices de notre résurrection. Il leur représente cette conquête comme un moyen d'effacer leurs péchés, en les confessant avec douleur. « Changez, leur dit-il, en un saint zèle cette valeur farouche et brutale qui vous arme si souvent les uns contre les autres, et vous fait périr de vos propres mains. Ce n'est point un acte de bravoure et de magnanimité, c'est une folie et une rage qui vous fait courir le hasard de faire mourir votre âme, de la même épée dont vous aurez égorgé votre eunemi. Je vous offre une occasion de vous battre sans péril, de vaincre avec gloire, de mourir avec avantage. » Il veut toutefois que leur zèle soit tempéré par la science; que loin de faire mourir les Juifs, ils ne les inquiétent pas même dans leurs demeures, parce que ce sont des caractères vivants qui nous rappellent l'accomplissement des mystères de notre rédemption, et de la passion de

Petrus, Epist. 17, 18, 19, 20.

Epist. 364. Jésus-Christ. Saint Bernard, qui faisait grand fond sur les avis de Pierre, abbé de Cluny, l'invita à l'assemblée que l'on devait tenir à Chartres, le 21 avril, pour régler le voyage de la croisade; mais Pierre s'en excusa, tant sur un défaut de santé, que sur ce qu'il avait convoqué un chapitre à Cluny pour le même jour. L'abbé de Clairvaux, averti par Henri, archevêque de Mayence, qu'un moine nommé Raoul se mêlait de prêcher, et d'exciter les chrétiens à massacrer les juifs, écrivit à Epist. 365. cet archevêque, que ce moine n'ayant mis

362.

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sion ni de Dieu, ni des hommes, devait demeurer dans le silence, et se souvenir que son office était de pleurer, et non d'enseigner; qu'à l'égard des juifs, ce serait agir contre l'autorité de l'Eglise, qui prie Dieu de lever de dessus leur cœur le voile ténébreux qui leur dérobe la lumière de la vérité; et de l'Ecriture, qui défend de les faire mourir, parce qu'ils doivent se convertir un jour1.

86. Aussitôt après la promotion du pape Eugène, au mois de février 1144, saint Bernard écrivit à Robert Pullus, cardinal et chancelier de l'Eglise romaine, pour l'exhorter à s'acquitter de sa charge avec un zèle mêlé de fermeté et de prudence, pour préserver le pape des surprises auxquelles la multitude des affaires l'exposait continuellement. Saint 366. Bernard en était accablé lui-même. C'est la raison qu'il donnait à Hildegarde, abbesse du Mont-Saint-Robert, au diocèse de Mayence, de ce qu'il ne lui écrivait pas plus au long. Elle lui avait demandé des instructions. « N'avez-vous pas, lui répond-il, un maître intérieur, de qui l'onction vous enseigne toutes choses? J'apprends, en effet, que l'Esprit Saint vous développe les secrets du ciel, vous révèle ce qui est au-dessus de la portée des hommes. » Il dit à Gui, cardinal-diacre : « J'ai montré à nos religieux votre lettre, où vous peignez si bien votre cœur, et les sentiments de charité et de religion dont il est plein. Je leur ai fait voir aussi le présent que vous faites à notre maison, et je leur ai recommandé, comme vous le souhaitez, de célébrer la messe dans les vases que vous nous envoyez, à votre intention, et à celle de vos parents et amis. »>

368.

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tre du royaume, crut qu'il valait mieux y établir des chanoines réguliers. Rome donna à cet effet une bulle. Saint Bernard congra- Epist. 370. tula Suger de cette bonne œuvre, et l'exhorta à rétablir aussi la discipline dans l'abbaye de Saint-Victor. Il lui adressa une lettre pour le roi, par laquelle il dissuadait ce prince de donner sa fille en mariage au fils du comle d'Anjou, parce qu'ils étaient parents dans un degré prohibé.

88. La lettre de saint Bernard à Pierre, évêque de Palencia dans le royaume de Léon, est un éloge des vertus de ce prélat, de son humilité, de ses mortifications, de son amour pour la lecture, de son exactitude dans l'observation de la loi de Dieu; mais en le louant, il se rabaisse lui-même. « Ne vous laissez point toucher, lui dit-il, aux louanges que je vous donne; je ne suis qu'un pécheur dont les douceurs doivent vous être suspectes. N'en goûtez jamais d'autres que celles qui naissent d'un cœur pur, d'une bonne conscience, et d'une foi sincère. Si je vous loue, c'est afin de publier en vous les effets de la grâce de Jésus-Christ. J'ai dessein de louer le Créateur, non pas la créature; le dispensateur des dons, non pas le sujet qui les reçoit; la gloire de celui qui donne l'accroissement, non pas le néant de celui qui plante ou qui arrose; de relever le bienfait et le bienfaiteur, sans penser à l'homme et au serviteur sur qui on le répand. » Il ajoute qu'on s'élève dans la grâce par trois degrés par l'humilité, par la foi et par la crainte. L'humilité l'attire; la foi la reçoit; la crainte la

conserve.

89. Voici comment saint Bernard console les religieux d'Irlande sur la mort de l'archevêque saint Malachie, arrivée à Clairvaux le 2 novembre 1148. « Nous devons féliciter cette sainte âme du bonheur dont elle jouit, de peur qu'elle ne nous reproche notre peu d'amour. Elle n'a fait que nous précéder, en se réunissant à son principe. Ne serait-ce pas avoir de l'indifférence pour un père, de l'ingratitude pour son bienfaiteur, de s'affliger de ce qu'il est passé du travail au repos, de l'orage au port, de ce monde à son Père? Si c'est l'aimer que de pleurer sa mort, c'est l'aimer bien plus de se réjouir de sa vie nouvelle. En effet, ne vit-il pas heureux? Il paraît mort aux yeux des insensés, et il jouit d'une vie délicieuse; voilà le premier motif qui doit nous consoler. Le second est la vue de notre propre utilité. Nous acquérons au

371.

372.

374.

Epist. 376, 377, 378, 379, 380, 381.

près de Dieu un puissant patron, un fidèle intercesseur, dont la charité est trop vive pour oublier ses enfants, dont le mérite est capable d'obtenir tout ce qu'il demandera pour eux. » Saint Bernard rend témoignage à ces religieux que ce saint évêque se souvint d'eux en mourant, et redoubla ses vœux pour eux auprès de Dieu. Puis il ajoute : « Marchez fidèlement sur les traces d'un si saint père; profitez des exemples de vertu qu'il vous a donnés si longtemps; pratiquez ses leçons, pour vous perfectionner dans la piété.>> 90. Entre les six lettres à l'abbé Suger, ministre et régent du royaume, il y en a une où il lui conseille d'employer les censures ecclésiastiques pour réprimer l'usage diabolique des duels, que quelques seigneurs, revenus depuis peu de la croisade, étaient sur 382. le point de renouveler. Il écrivit sur le même sujet aux archevêques de Reims, de Sens, aux évêques de Soissons et d'Auxerre, au comte Thibaud et au comte Raoul. Dans sa Jettre à Léonius, abbé de Saint-Bertin, il l'exhorte à ne pas détourner un de ses religieux d'entrer à Clairvaux. L'abbé Léonius se fondait sur ce que les parents de ce religieux l'avaient youé au monastère de SaintBertin. Saint Bernard répond que la disposition la mieux fondée est celle que nous faisons de nous-mêmes; qu'en tout cas le vœu des parents se trouve alors accompli plus parfaitement, le fils ratifiant par son choix l'offrande de ses père et mère. Les libéralités des moines de Saint-Bertin envers ceux de l'ordre de Citeaux l'engageaient à des remerciments; mais quelquefois il les accompagnait d'avis salutaires. Il écrivait aux religieux de ce monastère : « Qu'aucun de vous ne dise : J'en ai assez, je veux demeurer comme je suis, je veux être aujourd'hui tel que j'étais hier. » Quiconque est dans cette disposition, s'arrête en chemin avant d'être parvenu au terme. Où est l'ambiteux qui se borne aux honneurs où il est monté, le vain et le curieux, qui ait jamais assouvi ses yeux et ses oreilles? Notre négligence ne trouve-t-elle pas sa condamnation dans l'insatiable avidité de la volupté, de la vaine gloire? Rougissons d'être moins ardents pour des biens spirituels; ayons honte d'avoir eu pour le péché plus de vivacité, que nous n'en avons pour la vertu. Après avoir foulé aux pieds le monde entier, rompu les liens de la chair et du sang, pourquoi perdre, par notre tiédeur, le mérite d'un sacrifice si généreux? »

385.

Epist. 387 et 389.

91. Les deux lettres à Pierre, abbé de Cluny, contiennent des protestations d'estime et d'amitié. Saint Bernard y rejette sur un de ses secrétaires quelques paroles aigres dont Pierre de Cluny avait eu lieu de se plaindre, et promet, pour éviter un semblable inconvénient, de relire à l'avenir toutes les lettres qu'il aura dictées. Celle qu'il écrivit à 390. l'archevêque de Lunden, métropole de Danemark, est aussi remplie de témoignages d'une amitié mutuelle. En exhortant l'ab- 391. besse de Faverney, au diocèse de Besançon, à rétablir la maison dont elle était chargée, il l'exhorte à réformer les mœurs de ses religieuses, et à empêcher ses officiers de piller les biens de l'hôpital. Cette abbaye, qui était alors possédée par des bénédictines, ayant été ravagée et réduite presque en solitude, fut cédée, en 1132, aux moines bénédictins de la Chaise-Dieu. Elle est maintenant de la congrégation de Saint-Vannes.

393.

92. Saint Bernard écrivait à Raoul, pa- 398. triarche d'Antioche : « Soyez toujours sur vos gardes dans le lieu éminent où vous êtes, de peur qu'en tombant de si haut, votre chute n'en soit plus mortelle. Au lieu de vous élever à cause de votre dignité, tenez-vous dans la crainte; l'élévation est bien moins pour un homme sensé un motif d'orgueil, qu'un sujet de frayeur. » Dans sa lettre à Guillaume, patriarche de Jérusalem, il relève en ces termes les prérogatives de ce siége: « De tant de prélats que le Seigneur honore de son sacerdoce, il vous choisit préférablement aux autres pour vous établir dans la maison de David son serviteur; entre tous les évêques du monde, vous êtes le seul à qui il confie l'heureuse terre où est né le fruit de vie. Vous êtes le seul, comme son pontife familier, à qui il soit donné d'entrer tous les jours dans son tabernacle et de l'adorer dans le lieu dont il a fait autrefois sa demeure. Moïse eut ordre d'ôter ses souliers à cause de la sainteté du lieu où il marchait; ce lieu n'était que la figure de celui que vous habitez. L'un est aussi différent de l'autre, que l'ombre de la vérité. » L'archevêque de Lyon avait condamné et déposé l'abbé d'Aisnay sans aucune formalité de justice, et quoiqu'il fût estimé universellement. Saint Bernard en fit à ce prélat de vifs reproches, en le priant de révoquer sa sentence et de rétablir l'abbé dans sa dignité. Il représenta à Alvise, évêque d'Arras, qu'il ne pouvait, sans blesser sa conscience, renvoyer de Clairvaux à l'abbaye

396.

395.

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