Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

de Saint-Bertin le moine nommé Thomas, à cause que la discipline régulière y était moins bien observée, et que ce religieux s'était de lui-même consacré à Dieu dans l'abbaye de Epist. 396. Clairvaux. Il n'en usa pas de même à l'égard de Ricuin, évêque de Toul, à qui il témoigne être prêt à lui renvoyer le vénérable frère Guillaume, l'ayant reçu à Clairvaux sans savoir qu'il fût profès de la maison de ce prélat, c'est-à-dire ou de Saint-Mansui, ou de SaintLure, deux abbayes situées dans les faubourgs de Toul.

397.

93. La lettre suivante est au nom de Hugues, abbé de Pontigny, et de Bernard de Clairvaux. Ils y exhortent Odon, abbé de Marmoutiers, à terminer un procès que sa communauté avait avec quelques ecclésiastiques au sujet d'un autel, c'est-à-dire d'une église paroissiale avec la dime. On s'en était remis de part et d'autre à la décision de l'évêque de Chartres et de Thibaud, comte de Champagne. La sentence arbitrale ne fut pas favorable à la communauté de Marmoutiers; quelques-uns des moines voulurent en revenir, quoique la chose eût été proposée de la part de l'abbé, et de l'avis des anciens. Saint Bernard et l'abbé de Pontigny font voir l'indécence de cette opposition, et par l'autorité de la règle de saint Benoît, qui ordonne aux religieux d'une communauté de se soumettre sans résistance à ce que l'abbé aura résolu après avoir recueilli leurs avis, et parce que dans le cas présent la cause des clercs était plus favorable que celle des moines. En effet, la paroisse qui faisait le sujet de de la contestation était desservie uniquement par des ecclésiastiques, et les moines de Marmoutiers ne lui rendaient aucun service. Sur quoi il leur dit : « De quel front osez-vous boire le vin d'une vigne que vous n'avez pas plantée, prendre le lait d'un troupeau que vous ne paissez point? Si vous prétendez y avoir droit, baptisez donc les enfants, enterrez les morts, visitez les malades, faites les mariages, catéchisez les ignorants, reprenez les libertins, excommuniez les rebelles, absolvez ceux qui confessent leurs fautes, réconciliez les pénitents, faites-vous entendre au milieu de l'église, vous dont le devoir capital est d'écouter et de vous taire. » Cependant saint Bernard convient que les moines de Marmoutiers avaient un droit légitime de jouir de ces dimes depuis que l'évêque les en avait investis, et il se réduit à les condamner sur la transaction qu'ils avaient faite avec les chanoines.

Dom Mabillon rapporte, dans ses notes sur cette lettre, l'acte de donation d'une église et d'une chapelle à Odon, abbé de Marmoutiers, en considération du zèle que l'on faisait paraître dans sa communauté pour le service divin.

94. Guy, abbé de Montier-Ramey, et ses Epist. 398. religieux, avaient prié saint Bernard de composer un office en l'honneur de saint Victor, patron de leur monastère. Il s'en défendit d'abord, disant qu'il était besoin, pour un ouvrage de cette importance, d'un homme dont la science, la capacité, la dignité, la piété, le style, répondissent à la grandeur et à la sainteté du sujet. Il ajoutait que dans la solennité d'un saint on ne devait rien dire qui eût un air de nouveauté ou de légèreté, rien qui ne fût du goût de la saine antiquité, qui ne fût grave et édifiant; qu'au cas que le sujet ful susceptible des grâces de la nouveauté, on devait choisir un auteur qui eût assez d'éloquence et d'autorité pour s'insinuer utilement dans les esprits par le tour agréable de ses expressions, des pensées assez élevées pour faire briller la vérité, aimer la vertu; assez vives et assez fortes pour éclairer l'esprit, redresser le cœur, mortifier les passions, réformer les sens, inspirer la dévotion; qu'il fallait encore que le chant fût si grave, qu'il ne ressentit ni la mollesse, ni la rusticité; que son harmonie n'eût rien d'efféminé, qu'elle touchât le cœur en frappant agréablement les oreilles; qu'il dissipât la tristesse et adoucit l'humeur. Quoique saint 403. Bernard ne se connût point tous ces talents, il ne laissa pas de faire ce qu'on lui avait demandé. Prenant pour matière d'anciens mémoires fournis par les moines de MontierRamey, il composa deux discours à la louange de saint Victor, une hymne, douze répons et vingt-sept antiennes, une autre pour les premières vêpres, et deux répons, l'un pour laudes et l'autre pour les vêpres du jour. Toutes ces pièces se trouvent dans le recueil de ses œuvres.

95. Voici ce que nous remarquons dans les lettres qui suivent: selon saint Bernard, il est plus expédient qu'un moine, quelque coupable qu'il soit, fasse pénitence dans son monastère, que de permettre qu'il erre de province en province, sous prétexte de pèlerinage; le baptême conféré par un laïque à un enfant dans une extrême nécessité, sous

1 Not. in Bern. Epist., pag. 90.

cette forme: Je te baptise au nom de Dieu et de la vraie et sainte croix, est bon, non-seulement parce qu'il a exprimé par ces mots : au nom de Dieu, l'unité de la nature divine qui est dans la Trinité, mais aussi parce qu'il a marqué en termes clairs et précis la passion de notre Seigneur, en ajoutant au nom de la sainte croix, et qu'on lit dans les Actes des apôtres que l'on baptisait quelquefois au nom de Jésus-Christ seul; au reste, il est sans apparence que ce laïque ait péché en n'employant point la forme usitée dans l'Eglise, sa simplicité rendant son action excusable, ni que sa faute, s'il y Epist. 404. en a eu, ait préjudicié au salut de l'enfant ; il est mieux de manger deux, ou du moins une fois par jour, que d'en passer plusieurs sans rien prendre; un dépôt étant une chose sacrée, on doit le restituer, à quelque prix 11. que ce soit, fallût-il vendre un vase sacré; les avantages temporels sont comme une fleur dont l'éclat s'efface en un jour, mais la bonne conscience est un trésor inestimable : elle n'est ni épuisée par les fatigues, ni détruite par la mort; toujours florissante, elle nous réjouit pendant la vie, nous console à la mort, nous fait revivre après la mort, et 612 et 415. revivre pour toujours; quand on a fait le vœu de se consacrer à Dieu, il faut l'exécuter sans délai, servir le Seigneur étant moins un fardeau qu'un honneur.

teuses.

407.

Lettres don- 96. Les deux dernières lettres regardent quelques affaires temporelles. Elles sont suivies de trois chartes, dont l'une est une sentence arbitrale rendue entre l'abbaye de SaintLure de Toul et l'abbaye de Lugeen par saint Bernard, à qui le pape Innocent II avait renvoyé l'affaire. Il se fit assister des abbés de Saint-Martin de Troyes, de Châtillon, de Trois-Fontaines, de la Crête et de Charlieu. Aux lettres qui sont constamment de saint Bernard, dom Mabillon en a joint vingt-sept autres qui sont ou douteuses, ou supposées. Epist. 420. Celle que l'on compte, dans la nouvelle édi

tion, pour la quatre cent vingtième, est d'un style tout différent de celui de saint Bernard, moins coulant et plus affecté. Elle ne se trouve sous son nom que dans un seul manuscrit du Vatican; non dans le recueil de ses lettres, mais à la suite du Discours sur le mépris du monde. On y établit d'ailleurs une maxime qui ne paraît pas s'accorder avec la doctrine de saint Bernard, savoir: que comme Jésus-Christ a glorifié dans toutes ses œuvres Dieu son père, nous devons le glorifier de

même dans les nôtres, et dire, s'il nous condamne Que son nom soit béni, parce que nous l'avons mérité; s'il nous sauve : Que son nom soit loué, parce que sa miséricorde a surpassé sa justice. Il est vrai que saint Bernard, dans sa quarante-deuxième lettre à Henri, archevêque de Sens, étend le désir qu'avait Moïse d'être effacé du livre de vie, et saint Paul d'être anathème pour ses frères, jusqu'à descendre aux enfers, s'il était nécessaire, pour les sauver; mais il fait accompagner ce désir d'une bonne conscience, qui ne se trouvera pas dans les damnés qui, loin de bénir Dieu de leur sort, le détesteront avec opiniâtreté.

Epist. 421, 422, 423, 424.

97. On ne remarque, dans les lettres à Alphonse, roi de Portugal; à Jean Cirit, abbé de Tarouca, et à l'abbé de Saint-Benoit, ni le génie, ni le style, ni la modestie de saint Bernard. On ne le reconnaît pas non plus dans celle qui est adressée au roi Louis. La 426, 427,428. lettre au comte et aux barons de Bretagne, et la suivante à l'empereur Manuel Comnène, portent le nom de Nicolas, secrétaire de saint Bernard; mais il est dit dans l'inscription, que c'est lui-même qui y parle. Ce sont des exhortations à la croisade. On le fait encore 410. parler dans la lettre à l'évêque de Lucques, le même qui lui avait recommandé Pierre Lombard, connu sous le titre de Maître des sentences. Saint Bernard fut chargé de terminer un différend entre Hugues, évêque d'Auxerre, et Guillaume, comte de cette ville. La sentence qu'il rendit en cette occasion fait 429 et 430. la lettre quatre cent vingt-neuvième. Etienne, évêque de Paris, était aussi en procès avec Etienne de Garlande. Geoffroy, évêque de Chartres, conseilla au premier de prendre pour abitre saint Bernard; c'est le sujet de la lettre quatre cent trentième. Toutes les lettres suivantes sont de divers auteurs, et aucune de saint Bernard. Il y en a une de lui dans le tome II 1 de la Bibliothèque des manuscrits de dom Montfaucon, adressée à Raymond, chevalier, sire du château d'Amboise. Elle est en latin et en français, de la version faite par saint Bernard lui-même. C'est une instruction qu'il donne à ce seigneur, tant pour le gouvernement de sa famille que pour celui de ses biens temporels, et sur l'usage qu'il en devait faire. Voici ce qui nous paraît le plus remarquable dans les maximes qu'il pose pour principes d'une sage économie. « Si vos

1 Pag. 1384.

Livres de la Considéra

tion.

dépenses sont égales à vos revenus, il surviendra un accident inopiné qui renversera votre maison. Pourvoyez à la nourriture de vos bestiaux; ils ont faim, et ne peuvent demander. Nourrissez votre famille de viandes grossières, et non délicieuses. Aux fêtes de Pâques, donnez-lui abondamment, sans affecter des mets délicats. La dépense que vous faites pour la chevalerie est honorable; celle qui est pour vos amis est raisonnable; c'est à pure perte que vous aiderez les prodigues. Vendez vos blés quand ils sont à leur valeur, et non quand le pauvre ne peut plus en acheter. Ne vendez point à un plus puissant que vous, mais donnez plutôt à meilleur marché à votre inférieur. Les chiens de garde sont utiles; ceux de chasse coûtent plus à nourrir, qu'ils ne font de profit. Ne faites pas vos enfants dispensateurs de vos biens. A l'approche de votre vieillesse, recommandez-vous plutôt à Dieu qu'à votre fils. Disposez de vos affaires avant la maladie. » Dom Montfaucon rapporte au même endroit une autre version de la même lettre, mais dont le langage est le même que celui de la première. L'une et l'autre lui ont été communiquées par dom Calmet.

§ II.

Des cinq livres de la Considération.

1. Dans les éditions des œuvres de saint Bernard, par Horstius, le tome II présente d'abord ses sermons du temps et des saints, ensuite ceux qui traitent de divers sujets; et ce n'est que dans le tome III que l'on trouve les différents traités de ce père, encore n'y sont-ils qu'après des discours sur le Cantique des Cantiques. On a suivi une autre méthode dans l'édition de dom Mabillon, où le tome II est composé des traités de morale, de doctrine et de controverse. L'éditeur en a usé ainsi, parce qu'il lui a paru plus convenable de donner, à la suite des lettres, des traités écrits dans le style et la forme épistolaires, et dont quelques-uns ont été tirés d'entre les lettres pour être mis au nombre des traités. Au reste, il s'est plus arrêté à la dignité des matières qu'à l'ordre des temps, dans la place qu'il leur a donnée. C'est pour cela que ce tome II commence par les livres de la Considération, qui surpassent tous les autres en dignité, soit que l'on regarde la personne à qui ils sont dédiés (c'était le pape Eugène), soit que l'on fasse attention à la sublimité du

sujet, à la majesté du style et à l'élévation des pensées.

Ils ont été comma

Bernard, in Proleg.

2. Aussi, dès que l'ouvrage parut, chacun s'empressa de l'avoir et de le lire. Saint Ber-cés en 1149. nard le composa pour l'édification et la consolation du pape Eugène, et il s'y proposa de lui donner des conseils, moins comme un maître que comme une mère, ou plutôt comme un ami, parce qu'il conserva toujours pour Eugène, qui avait été son disciple à Clairvaux, un amour paternel. Le premier livre fut achevé en 1149, comme on le voit par la lettre de Nicolas, son secrétaire, à Pierre, abbé de Cluny 1, à qui il dit : « Je vous envoie le livre de l'abbé de Clairvaux au pape. » Le second n'était pas fait alors : saint Bernard ne le finit qu'après qu'on eut reçu des nouvelles de l'expédition infructueuse de Terre - Sainte, c'est-à-dire l'an 1150, auquel il envoya ce second livre à Eugène. Le troisième fut achevé après la mort de Hugues d'Auxerre, arrivée en 1152; le quatrième et le cinquième quelque temps après, et avant le 8 juillet 1153, qui fut le jour de la mort de ce pape, car les cinq livres lui sont dédiés.

Analyse du

pag 414.

3. Quand saint Bernard eut conçu le dessein d'un ouvrage où il pût édifier et consoler premier livre, le pape Eugène III, il se trouva combattu par le respect et par l'amour, qui lui commandaient deux choses opposées; l'amour le pressait d'écrire; le respect le lui défendait. L'amour l'emporta sur une timidité respectueuse; et voici la raison qu'en donne saint Bernard. « Je sais bien, dit-il à Eugène, que Prolog. vous avez été élevé au souverain pontificat; mais quand vous seriez, s'il est permis de le dire, élevé sur les ailes des vents, je ne laisserais pas de vous aimer toujours de la même sorte. L'amour que j'ai pour vous ne vous considère point comme mon maître, il vous reconnaît pour mon fils, et la qualité de souverain pontife ne l'assujettit pas davantage. Il se soumet à vous volontairement, il vous obéit sans espoir de récompense, il vous révère sans contrainte. Tous n'en usent pas ainsi la crainte ou la cupidité sont les principes de leurs mouvements. Ils font beaucoup de caresses, et dans le besoin ils abandonnent; mais la charité ne ment jamais. J'avoue que je suis déchargé envers vous des soins de mère, mais je n'en ai pas perdu les sentiments. » Saint Bernard commence son

1 Pet., lib. VI, Epist. 7.

Cap.1.

premier livre par compatir à la peine qu'Eugène avait ressentie en se voyant arraché des délices du doux repos de la solitude, pour être appliqué à un travail continuel et accablant. Ensuite il l'exhorte à se méfier des effets que produit l'assiduité aux grandes Cap. II. Occupations. Un fardeau qui dans les commencements paraît insupportable, devient plus léger, à mesure que l'on s'y accoutume; ensuite on ne le sent plus, et enfin on y prend plaisir. C'est ainsi que l'on tombe dans l'endurcissement de cœur, et de là dans l'aversion du bien. Il fait une description de ces funestes effets, et conseille au pape de les prévenir en ne se livrant qu'avec ménagement aux occupations extérieures, et en se réservant des moments de loisir pour s'enI. tretenir et traiter avec lui-même « Quel est, je vous prie, cet état, lui dit-il, d'entendre plaider depuis le matin jusqu'au soir? Les nuits mêmes ne sont pas libres. A peine laisse-t-on à la nature ses besoins. Il n'est permis ni de respirer, ni de prendre du repos. La patience est une grande vertu; mais je ne souhaite point qu'il vous faille la pratiquer en cette occasion.

IV.

4. » Ne m'opposez point ce que dit l'apô1 Cor. ix, 19. tre: Qu'étant libre, il s'est fait esclave de tout le monde. Pensez-vous que de toutes les parties de l'univers on vît venir à lui des ambitieux, des avares, des simoniaques, des sacriléges, des concubinaires, des incestueux, et une infinité de semblables monstres pour obtenir les dignités ecclésiastiques, ou pour y être maintenus par l'autorité apostolique? Non. Il s'était fait esclave de tous pour les gagner à Jésus-Christ, et nullement pour contenter leur avarice. Vous ferez une chose plus digne de votre apostolat en écoutant ce I Cor. v, 23, que cet apôtre dit ailleurs: Vous avez été acheté

chèrement, ne vous faites pas esclave des hommes. Or, est-il rien de plus servile et de plus indigne, surtout. d'un Souverain Pontife, que de travailler continuellement à de telles affaires, et pour de telles gens? Quand prionsnous? Quand instruisons-nous les peuples? Quand édifions-nous l'Eglise? Quand méditons-nous la loi de Dieu? Il est bien vrai qu'on entend citer des lois dans votre palais; mais ce sont celles de Justinien, et non celles Cap. v. de Notre-Seigneur. Vous vous croyez redeva

ble aux sages et aux insensés; mais ne soyez pas le seul que vous refusiez de servir. Souvenez-vous de vous rendre à vous-même, je ne dis pas toujours, ni même souvent, mais

du moins par intervalle. » Saint Bernard con- Cap. Vr. vient que le temps ne permettait pas à un pape de ne s'occuper que de fonctions ecclésiastiques; qu'on trouverait mauvais qu'il ne répondit point à ceux qui demandaient justice pour des intérêts séculiers; qu'on le traiterait de rustique et d'ignorant qui ne connaîtrait pas son pouvoir, et qui déshonorerait sa dignité; mais il dit aussi que la manière de penser de son siècle, n'était pas celle des apôtres. Ils ont été cités devant les tribunaux pour y être jugés, et non pour y faire l'office de juges. Occupés uniquement du service de Dieu, ils ne s'embarrassaient point d'affaires séculières. Jésus-Christ ne voulut pas se ren- Luc. xır, 14. dre arbitre entre deux frères.

5. « Votre pouvoir, ajoute saint Bernard, s'étend sur les consciences des hommes, et non sur leurs biens; les clefs du royaume des cieux vous ont été données pour l'un, et non pour l'autre. Les rois et les princes de la terre sont juges des affaires terrestres; pourquoi usurpez-vous le droit d'autrui? » Il cite ce passage du psaume XLV : Considérez et voyez que je suis Dieu, et en prend occasion de traiter de la considération, qui fait le sujet de son ouvrage. « Son premier effet est, ditil, de purifier l'âme, ensuite d'en diriger les désirs et les actions, de corriger les excès, d'adoucir les mœurs, et de porter l'esprit à la connaissance des choses, tant divines qu'humaines. C'est elle aussi qui, comme juge entre la volupté et la nécessité, leur prescrit des bornes raisonnables, donnant à l'une ce qui suffit, et ôtant à l'autre ce qu'elle a de trop; ce qui produit la vertu qu'on appelle tempérance. La considération forme aussi la justice, la prudence et la force, en nous apprenant à ne faire à autrui que ce que nous voulons qui nous soit fait, et à renfermer notre volonté dans des bornes étroites entre le trop et le trop peu; ce qui est un effet de la force et de la prudence. >>

6. « Si, dit saint Bernard au pape Eugène, vous vous appliquiez à cette philosophie, on vous accuserait d'affecter de la singularité, et de blâmer vos prédécesseurs, en vous éloignant de leur conduite; mais il pourra venir un temps où il vous sera libre de vous y donner peu à peu, et de suivre l'exemple des anciens papes, qui se donnaient du loisir au milieu des plus grandes affaires; comme saint Grégoire qui, pendant le siége de Rome, expliquait la partie la plus difficile de la prophétie d'Ezechiel avec autant de soin que

1 Tim. XII,.

Cap. VII.

[ocr errors]

IX.

Cap.x. d'élégance. Si donc à présent la fraude et la calomnie, qui règnent par toute la terre, la violence et l'oppression des pauvres, vous obligent à juger des causes, faites du moins qu'on les plaide comme il convient; car je ne sais comment vos oreilles peuvent souffrir ces disputes d'avocats, et ces combats de paroles, plus propres à cacher la vérité, qu'à la découvrir. Rien ne la fait mieux connaître, qu'une courte et simple exposition du fait. Accoutumez-vous à décider promptement les causes que vous devez juger par vous-même; retranchez les détails inutiles et captieux. Connaissez par vous-même des causes des veuves, des pauvres, et de ceux qui n'ont rien à donner. Vous pourrez en commettre plusieurs à d'autres. Il se trouvera même des affaires indignes de votre audience, comme sont celles des personnes dont les péchés sont manifestes. Faites-vous craindre de ceux qui se fient à leur argent; qu'ils le cachent devant vous, et qu'ils sachent que vous êtes plus disposé à le répandre, qu'à le recevoir. »>

[ocr errors]
[blocks in formation]
[ocr errors][ocr errors][merged small]

cet effet l'exemple de Moïse, qui, après avoir tiré de l'Egypte les Israëlites, par l'ordre de Dieu, confirmé par des miracles, ne les fit pas néanmoins entrer dans la terre fertile qu'il leur avait promise; celui de la guerre des autres tribus, pour venger par ordre de Dieu le crime de la tribu de Benjamin: guerre où ces tribus furent défaites jusqu'à deux fois, et ne vainquirent qu'à la troisième. Comme on aurait pu lui demander par quels miracles il autorisait la prédication de la croisade, il appelle en témoignage ceux qui avaient vu eux-mêmes ces miracles, ou qui les avaient appris de témoins oculaires.

8. Il revient ensuite à son sujet, définit la considération une recherche attentive de la vérité; la distingue de la contemplation, qui suppose une vérité déjà connue; et la divise en quatre parties, dont chacune à son objet. << Votre considération, dit-il au pape Eugène, doit commencer par vous-même. Considérez premièrement ce que vous êtes; ensuite, qui vous êtes; enfin, quel vous êtes. Ce que vous

1 Nec modo ovium, sed et pastorum tu unus omnium pastor. Lib. I de Consid., cap. VIII.

êtes, regarde la nature; qui vous êtes, la personne; quel vous êtes, les mœurs. » Saint Bernard passe légèrement sur le premier objet de considération, qui se borne à la nature de l'homme; mais il s'étend davantage sur le second, c'est-à-dire sur les devoirs attachés à la dignité de pape. Ils consistent, Cap. VL dit-il, à arracher et à détruire, à édifier et à planter. La papauté est un ministère, et non une domination. Le pape est assis sur une chaire élevée, mais c'est pour voir de plus loin; et le droit d'inspection qu'il a sur toutes les églises, doit plutôt le disposer au travail qu'au repos. « Voilà, ajoute saint Bernard, ce que l'apôtre saint Pierre vous a laissé, et non de l'or ni de l'argent. Vous pouvez bien en avoir à quelqu'autre titre, mais non comme héritier de l'apôtre, puisqu'il n'a pu vous donner ce qu'il n'avait pas. >> Il rapporte les passages de l'Ecriture qui défendent l'esprit de domination aux apôtres, et il ajoute : « Si vous vous glorifiez, ce doit être, comme saint Paul, dans les travaux et dans les souffrances; à dompter les loups, et non à dominer sur les brebis; à faire consister votre noblesse dans la pureté des mœurs, dans la fermeté de la foi, dans l'humilité, qui est l'ornement le plus éclatant d'un Souverain Pontife. >>

»

9. Il examine quelle en est la dignité et l'autorité, et dit à Eugène : « Qui êtes-vous ? Grand prêtre, Souverain Pontife, le prince des évêques, l'héritier des apôtres. Vous êtes celui à qui l'on a confié les clefs, à qui l'on a commis le soin des brebis. Il est vrai qu'il y a d'autres portiers du ciel, et d'autres pasteurs des troupeaux; mais vous avez hérité de ces deux qualités au-dessus des autres, avec d'autant plus de gloire, que vous les possédez avec une plus grande différence. Chacun d'eux a son troupeau particulier. Tous vous sont commis, de sorte que tous ces troupeaux n'en font qu'un dont vous êtes le seul pasteur; et non-seulement le pasteur des brebis, mais des pasteurs mêmes. » Saint Bernard le prouve par les paroles de JésusChrist à saint Pierre Pierre, si vous m'aimez, paissez mes brebis. Il dit 2 néanmoins ailleurs, que les évêques sont les vicaires de Jésus-Christ.

VIII.

Joan. 1x1, 15.

Cap. IX, I.

10. De là saint Bernard passe à la troisième considération, qui a pour objet les x, x,

2 lte nunc ergo, resistite Christi vicario. Idem, de Officio episcop., cap. IX, num. 36.

« ZurückWeiter »