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Cap. xx.

Analyse de ce livre, pag. 5(5.

Præfat.

Cap. 1.

son insu saint Bernard touchant l'obligation de la règle de Saint-Benoît qu'ils professaient. Il ne répondit pas d'abord à leur lettre; mais en ayant reçu une seconde, écrite comme la première sans la permission de leur abbé, il adressa sa réponse, non à ces moines, mais à Roger, abbé de la Coulombs, du même ordre et du même diocèse, afin qu'il la remit à l'abbé de Saint-Père, et ensuite à ses moinés, sous son agrément. Roger fut abbé de la Coulombs depuis l'an 1131 jusqu'en 1158. Saint Bernard avait eu dessein de répondre séparément aux deux lettres; mais s'apercevant que la matière qu'on l'avait prié de traiter grossissait sous sa plume, au lieu d'une lettre il fit un livre, laissant toutefois à ces moines la liberté de le qualifier lettre ou livre. Il l'intitula: du Précepte et de la Dispense, parce qu'entre plusieurs questions qui y sont traitées, il y examine quels sont les préceptes dont on peut dispenser, à qui ce droit appartient, et comment se doit accorder la dispense.

2. Il paraît par la lettre à l'abbé de la Coulombs 1, que l'on a mise à la tête de ce traité, que ce fut lui qui exhorta saint Bernard à lui donner tant d'étendue; qu'il le lui adressa pour le remettre à l'abbé Udon, et ensuite aux moines de son monastère, sachant que les moines ne peuvent, suivant la règle de Saint-Benoît, ni écrire, ni recevoir de lettres qu'avec la permission de leur abbé; et que ce qui engagea le saint abbé de Clairvaux à ne pas répondre à leur première, fut qu'ils l'avaient écrite sans en avoir obtenu l'agrément de leur supérieur. Il surmonta cet obstacle en considérant la confiance qu'ils avaient en lui, et qui était fondée sur l'expérience qu'ils avaient de son savoir, soit pour l'avoir ouï parler, soit pour avoir lu ses écrits.

3. La première question consiste à savoir si tout ce qui est contenu dans la règle de Saint-Benoît est de précepte, ou s'il y a quelques articles qui ne soient que de conseil. Saint Bernard répond que cette règle est de précepte pour tous ceux qui ont librement fait vœu de l'observer: d'où il suit que tout ce qu'elle contient est d'obligation pour eux. Mais il distingue entre ce qui est dit dans la règle des vertus spirituelles, comme la charité, la douceur, l'humilité, et ce qui est prescrit touchant les observances extérieures, telles que la psalmodie, l'abstinence,

1 Epist. ad Abbat. Columb.

le silence, le travail des mains. Les préceptes touchant les vertus, venant de Dieu même, ne souffrent point de dispense; mais on peut, Cap. I. dans le besoin, en accorder pour les observances monastiques, parce qu'ils ne sont, ni par elles-mêmes, ni naturellement bonnes, et qu'elles n'ont été instituées que pour procurer ou conserver la charité. Tout le temps donc qu'elles font pour la charité, le supérieur même ne peut dispenser de ces observances; mais si elles viennent à être contraires à la charité, alors il pourra en dispenser. Saint Bernard cite sur cela les témoignages des papes Gélase et saint Léon [le grand], qui décident que l'on doit inviolablement observer les décrets des pères, à moins que l'utilité de l'Eglise n'oblige à en dispenser.

4. Il remarque que saint Benoît, en lais- m. sant à l'abbé [la faculté] de dispenser, au besoin, des observances régulières, ne remet pas cette dispense à sa volonté seule, puisqu'il est lui-même tenu à l'observance de la règle; mais qu'il la remet à sa prudence pour en dispenser, suivant la loi de la charité, en l'avertissant qu'il rendra compte à Dieu de tous ses jugements.

5. Saint Bernard remarque encore que la iv et v. formule de profession étant conçue en ces termes : « Je promets l'obéissance selon la règle de Saint-Benoît, » et non suivant la volonté de l'abbé, celui-ci ne peut commander à ses religieux que ce qui est porté par cette règle, et rien qui y soit contraire, ni au-delà de la règle; mais il dit que cette sorte d'o- VI. béissance, restreinte au devoir, est imparfaite; que celle qui est parfaite ne connaît. ni loi, ni bornes, et qu'il est d'un vrai religieux d'aller même au-delà de ce qu'il a promis, et de se porter à une obéissance aussi étendue que la charité, à l'exemple de Jésus-Christ, qui a été obéissant jusqu'à la

mort.

6. La seconde question des moines de vII. Saint-Père roulait sur les degrés d'obéissance. Saint Bernard répond il est de l'ordre d'obéir plutôt à Dieu qu'aux hommes; aux maîtres, qu'aux disciples; et entre les maîtres, plutôt à ceux de la maison qu'aux étrangers; pour juger du degré d'obligation dans l'obéissance, il faut faire attention à la qualité de celui qui commande, et à l'importance de son commandement; l'obéissance que l'on rend par amour, est préférable à celle que l'on ne rend que par crainte, l'une étant de nécessité, l'autre de

3.

charité; et pour obéir parfaitement, il faut faire ce qui est commandé dans l'intention Cap. vi. même de celui qui l'a ordonné. Il décide que celui qui péche par mépris pour sa règle, est plus coupable que celui qui y contrevient par négligence; la raison qu'il en donne est que la désobéissance du premier vient de son orgueil, et que la désobéissance du second n'est que l'effet d'une langueur de paresse. Il infère de là que le mépris rend mortel le péché, qui ne serait que véniel par la légèreté de la matière, ou par la négligence.

IX.

7. On doit obéir au supérieur comme à Dieu même, dont il est le vicaire, si ce n'est qu'il commande quelque chose contre la loi de Dieu. Il n'importe, en effet, que Dieu nous commande ou par lui-même, ou par ses disciples; par des anges, ou par des hommes. I, II. C'est le fait des imparfaits de discuter ce qui leur est commandé, avant d'obéir, et de ne se soumettre, qu'après s'être fait rendre compte du précepte. Tout péché contre la loi de Dieu n'étant pas mortel, ceux que l'on commet contre la règle ne peuvent conséquemment être regardés tous comme mor. tels. Et quoique toute désobéissance soit inexcusable, aucune n'est mortelle, que celle dont on ne fait pas pénitence, ou qui a pour principe l'enflure de l'orgueil.

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8. Les moines de Saint-Père avaient dit dans leur lettre, que l'on peut à peine observer les commandements de Dieu; mais que l'on ne pouvait absolument accomplir ceux de l'abbé. Saint Bernard leur fait voir qu'ils ne s'étaient exprimés ainsi, que parce qu'ils n'avaient pas encore goûté combien le joug du Seigneur est doux, ni fait attention au Matth xx, précepte que Jésus-Christ nous fait d'obéir à ce qui nous est commandé, même par des pasteurs de mauvaises mœurs. Ensuite il les tire de l'erreur où ils étaient, qu'en faisant profession de la règle de Saint-Benoit, on s'engageait par vou à ne point contrevenir à ce qui y est prescrit. « Il faut, leur dit-il, diviser l'observance régulière en deux, en préceptes, et en remèdes. Les préceptes nous enseignent à vivre de façon que nous ne péchions pas les remèdes nous rendent l'innocence perdue par le péché. Notre profession renferme tellement ces deux choses, que s'il arrive que nous devenions prévaricateurs en violant les préceptes de la règle, et qu'en

1 Gregor., lib. IX, Epist. 33.

2 Aug., lib. de Bono viduit., ibid., cap. IX.

suite nous recourions aux remèdes, nous ne sommes pas censés avoir violé notre promesse. Celui-là seul doit passer pour avoir enfreint son vou, qui a méprisé les préceptes et les remèdes. >>

9. Ces moines avaient demandé à saint Cap. XVI. Bernard jusqu'où s'étendait la stabilité que l'on promettait dans la profession, et s'il y avait des cas où il fut permis de passer d'un monastère à l'autre. Il répond que cela est permis lorsque l'on se trouve dans une maison l'essentiel de la règle ne s'observe pas, mais non dans les monastères bien réglés, fût-ce même dans le dessein de mener une vie encore plus parfaite; que dans le cas de changement, il faut le consentement de l'abbé de la maison d'où l'on sort; qu'il n'est permis de sortir d'un monastère où l'on pratique la règle à la lettre, ni même de celui où on ne la pratique pas tout entière, parce qu'on ne s'y est pas engagé, pourvu que d'ailleurs on y vive dans une bonne discipline. Il donne pour exemple des monastères d'où l'on ne doit pas sortir, ceux de Citeaux et de Cluny. A l'égard de celui qui serait sorti de son monastère pour entrer dans un autre mieux réglé, et qui ensuite en aurait du scrupule, craignant d'avoir scandalisé ses frères par sa sortie, il n'est pas d'avis qu'on lui permette de retourner à son premier monastère, de peur qu'il ne cause un nouveau scandale.

10. Une autre question des moines de xvii. Saint-Père était pourquoi saint Grégoire avait reçu à la communion un nommé Venantius, qui avait quitté scandaleusement l'habit de moine, sans l'avoir auparavant obligé à le reprendre; et ce qu'on doit penser de saint Augustin, lorsqu'il enseigne que le mariage contracté par une personne qui a fait vœu de continence, est indissoluble 2. Saint Bernard se contente de répondre, et que tel a été le sentiment de ces deux pères, que c'était à eux à le défendre. Mais nous avons remarqué ailleurs 3 que l'Eglise n'avait pas encore alors fait du vœu de continence un empêchement dirimant du mariage; et que saint Grégoire fit non-seulement tout son possible pour obliger Venantius à reprendre son premier état, mais que le sachant à l'extrémité, il écrivit à l'évêque de Syracuse de l'y presser de nouveau, avec menace d'être condamné éternellement au jugement de Dieu.

3 Tom. I, pag. 483, et tom. XIX, pag. 271.

Cap. XVII.

11. Il est dit que ce même pape renferma plusieurs évêques dans des monastères pour y faire pénitence. Les moines de SaintPère en prirent occasion pour demander à saint Bernard s'ils avaient en cette occasion quitté leur habit pour prendre le monastique. Ils lui demandèrent aussi pourquoi l'on donnait à la profession religieuse le nom de second baptême; si, dans le cas de mort, ou de déposition d'un abbé, les moines avaient plus de liberté pour passer de leur monastère à un autre; et si un religieux qui avait quelque doute sur la canonicité de l'élection de son abbé, devait lui obéir. Saint Bernard répond à la première de ces questions, que ces évêques n'ayant été enfermés dans des monastères que pour un temps, il n'est pas vraisemblable qu'ils en aient pris l'habit; à la seconde, que la profession religieuse est appelée un second baptême, à cause du renoncement parfait au monde, et de la manière excellente dont on pratique la vie spirituelle dans les monastères; à la troisième, XVI. que le vœu d'obéissance que l'on fait à la

XIX.

profession religieuse, ne se terminant pas à la mort ou à la déposition de l'abbé en présence de qui on l'a prononcé, doit durer autant que la vie du religieux, et qu'ainsi il n'est en aucun temps le maître de changer de monastère; à la quatrième, que lorsque l'élection d'un abbé n'est pas évidemment défectueuse, le religieux doit lui obéir, eût-il contre son abbé une aversion secrète, et des doutes sur son élection.

12. Sur une autre question que ces moines lui avaient proposée dans une seconde lettre, savoir, si celui qui est tellement disposé envers un autre qui l'a offensé, qu'il ne voudrait pas lui faire du mal, mais qu'il ne serait pas fâché qu'il lui en arrivât, peut s'approcher de l'autel. Il répond qu'il ne le doit pas, jusqu'à ce qu'il n'ait plus aucun ressentiment. Enfin, à leurs prières, il fait voir qu'il n'y a point de contrariété entre ces deux Philip. II, passages de saint Paul : Nous vivons déjà dans le ciel, et Pendant que nous habitons dans ce corps, nous sommes éloignés du Seigneur ; parce qu'on peut les entendre en cette manière : Quoique nous soyons sur la terre, nous sommes déjà dans le ciel, par l'espérance d'y arriver un jour comme dans notre patrie.

xx.

21, et 11 Cor.

v, 6.

1 Mabillon., præfat. in Opuscul. v.

Mabilllon., lib. LXXIV Annal., num. 4, tom. VI.

§ VI.

Apologie de saint Bernard.

Apologie du saint Her

1. Rien ne souleva plus les esprits contre lui, que son livre contre les moines de Cluny. nard, en 11:5. Ils étaient alors en si bonne odeur dans le monde, et en si grand nombre, que l'on ne pouvait les attaquer sans s'attirer un nombre infini d'adversaires'. Cet ouvrage trouve encore aujourd'hui des censeurs, qui le regardent comme la production d'un zèle outré, ne faisant pas attention que saint Bernard a été envoyé de Dieu pour réparer les brèches faites à la discipline de l'Eglse, et particulièrement de l'ordre monastique. Cet écrit porte tantôt le nom de Lettre, tantôt celui d'Opuscule, quelquefois d'Apologétique et d'Apologie. C'est sous ce nom qu'il le cite lui-même, et qu'on l'a imprimé. Il est un des premiers opuscules Epist. 18. de saint Bernard, qui le compte pour le troisième dans sa lettre à Pierre, cardinal, écrite vers l'an 1127. On peut donc le mettre en 1125, dans les commencements de Pierre le Vénérable, qui succéda dans le régime de l'abbaye de Cluny, à Hugues II, en 1122, six mois après que Ponce eut abdiqué 2. Cet abbé avait non-seulement dissipé les biens de Cluny, mais il en avait encore négligé l'observance; ce qui avait donné lieu à de grands relâchements qui excitèrent le zèle. de saint Bernard.

2. Pierre de Cluny ne fut pas peu sensible lui-même aux abus qui s'étaient glissés dans son ordre; et pour y remédier, il assembla chez lui un chapitre général, où il fit divers statuts propres à rétablir la discipline monastique. Orderic Vital, qui assista à ce chapitre, en parle sur l'an 1132; et ce qui s'y passa prouve bien que saint Bernard n'avait pas déclamé en vain contre les clunistes. Mais ce qui donna lieu à l'Apologie dont nous parlons, fut que les cisterciens, sous le prétexte de la vie régulière qu'ils menaient, censuraient vivement les usages des clunistes. Ceux-ci rejetèrent sur saint Bernard la cause de leur différend avec les cisterciens, ou du moins l'accusèrent de l'entretenir et de le fomenter. Ses amis l'engagèrent à se justifier de ce reproche, nommément Guillaume, abbé de Saint-Thierry 3, qui le pria, par lettres, de rétablir l'union entre ces deux ordres, mais en marquant ce qu'il jugerait digne de

3 Præfat. ad Opuscul v.

Quelle en fat l'occasion.

Analyse de la première

correction dans les pratiques de Cluny. Saint Bernard divisa son Apologie en deux parties. Dans la première, il reprend fortement les cisterciens de ce qu'à cause de l'austérité de leur vie, ils méprisaient les clunistes dont les mœurs étaient moins austères; dans la seconde, il rapporte les abus qui déshonoraient l'ancienne observance des clunistes.

3. Il proteste à Guillaume de Saint-Thierry, partie, p. 533. à qui l'ouvrage est adressé, qne lui et les

siens sont très-éloignés de blâmer un ordre

Cap. 1. religieux, tel que celui de Cluny, où il y avait de saints personnages, et assez éclairés pour qu'on les regardât comme les flambeaux de l'univers. « S'il nous arrivait, ditil, de nous élever par un orgueil pharisaïque au-dessus de ceux qui sont meilleurs que nous, à quoi nous serviraient notre abstinence, nos jeûnes, nos veilles, le travail des mains, et les autres austérités de notre vie? N'y avait-il pas un autre genre de vie plus 1. traitable pour nous conduire aux enfers? Qui m'a jamais ouï parler mal de cet ordre, en secret ou en public? Est-il aucun de ceux qui en sont membres, que je n'aie reçu avec joie, avec honneur, avec révérence? » Il fait l'éloge de cet ordre, de la vie pure que l'on y mène, de la charité que l'on y exerce envers les étrangers, comme il l'avait éprouvé luimême, et donne pour preuve de l'estime qu'il en faisait, le refus qu'il avait fait à plusieurs clunistes de les recevoir à Clairvaux; ajoutant que de ce nombre étaient deux abbés, à qui il persuada de garder le régime de leurs monastères.

111.

IV.

4. Il montre que la variété des ordres religieux ne doit en aucune façon rompre le lien de l'unité et de la charité. La raison qu'il en donne, c'est que l'on ne trouverait jamais un repos assuré, si chacun de ceux qui choisissent un ordre particulier, méprisait ceux qui vivent autrement, ou croyait en être méprisé; puisqu'il n'est pas possible qu'un même homme embrasse tous les ordres, ni qu'un seul ordre renferme tous les hommes. Il compare les divers ordres dont l'Eglise est composée à la tunique de Joseph, qui, quoique de différentes couleurs, était une, en signe de la charité qui doit régner dans tous les ordres. « Je les loue tous, ajoute-t-il, et je les aime, pourvu qu'ils vivent avec piété et justice dans l'Eglise, et en quelqu'endroit de la terre qu'ils se trouvent; et si je n'en embrasse qu'un seul par la pratique, je les embrasse tous par la charité, qui me procu

rera, je le dis avec confiance, le fruit des observances que je ne pratique pas. »>

5. S'adressant ensuite aux moines de son Cap. v. ordre, il leur demande qui les avait établis juges des autres, et pourquoi, tandis qu'ils se glorifiaient de l'observation de la règle, ils y contrevenaient en médisant d'autrui. Il convient avec eux que les clunistes ne vi- vi. vaient pas conformément à la règle dans les habits, dans la nourriture, dans le travail; qu'ils se revêtaient de fourrures; qu'ils mangeaient de la viande ou de la graisse en santé; qu'ils négligeaient le travail des mains et plusieurs autres exercices; mais il soutient que le royaume de Dieu étant au-dedans de Luc, XVII, 21. nous, selon que le dit l'Ecriture, à laquelle la règle de saint Benoît n'est pas contraire, l'essentiel de cette règle ne consiste ni dans les vêtements, ni dans les aliments extérieurs du corps, mais dans les vertus de l'homme intérieur; qu'en vain l'on mène une vie dure et pénible, si le cœur est plein d'orgueil, et l'âme dépouillée d'humilité. Ce n'est pas que saint Cap. v11. Bernard regarde les observances de la vie monastique comme inutiles, ou de peu de conséquence: au contraire, il en prescrit la pratique; mais il veut qu'en les observant, on s'applique aussi à orner son âme des vertus chrétiennes et religieuses. Les reproches de médisance que saint Bernard fait dans cette première partie à ceux de son ordre, ne peuvent tomber sur les moines qu'il avait à Clairvaux sous sa discipline, puisqu'il dit au commencement qu'ils étaient très-éloignés, lui et les siens, de blâmer aucun ordre religieux.

la

Analyse de

deuxième

I Cor. iv, 5. Rom. XIV, 4.

6. Dans la seconde partie, il parle des pratiques de Cluny, que les cisterciens des au- partie, p. 540. tres monastères censuraient indiscrètement, puisqu'ils n'étaient pas en droit de juger les serviteurs d'autrui, saint Paul le défendant expressément. Saint Bernard avoue sans peine que les instituteurs de l'ordre de Cluny en ont tellement réglé la discipline, que plusieurs puissent y trouver le salut; et il Cap. VIII. se garde bien de mettre sur leur compte toutes les vanités et toutes les superfluités que quelques particuliers avaient introduites. « J'admire, dit-il, d'où a pu venir entre des moines une si grande intempérance dans les repas, tant d'excès dans les habits, les lits, les montures, les bâtiments, et comment plus on s'y laisse aller, plus on dit qu'il y a de religion, et que l'ordre est mieux observé. Venant au détail, il blâme la profusion des

repas que l'on faisait aux étrangers; et comparant la façon de les recevoir, avec ce qui se passait à cet égard du temps de saint AnCap. IX. toine, il dit : « Lorsqu'il arrivait à ces saints moines de se rendre des visites de charité, ils étaient si avides de recevoir les uns des autres le pain de l'âme, qu'ils oubliaient le pain nécessaire à la vie du corps, et passaient souvent le jour entier sans manger, uniquement occupés des choses spirituelles; mais maintenant il ne se trouve personne qui demande le pain céleste, personne qui le donne. On ne s'entretient ni des divines Ecritures, ni de ce qui regarde le salut de l'âme; ce ne sont pendant le repas que des discours frivoles dont on repaît l'oreille, à mesure que 1. bouche se remplit d'aliments. » Il passe des superfluités de la table au luxe des habits. La règle de saint Benoit ordonne qu'ils seront d'étoffes à meilleur marché; mais on ne s'en tenait pas là, les moines se faisaient tailler. un froc de la même pièce d'étoffe qu'un chevalier prenait un manteau; en sorte que les plus qualifiés du siècle, fussent-ils rois, ou empereurs, n'auraient pas dédaigné de se servir des habits des moines, s'ils eussent été d'une autre forme proportionnée à leur état.

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7. C'était aux abbés à réprimer les désordres, mais ils en étaient eux-mêmes coupables, or celui-là ne reprend pas avec liberté, qui est lui-même repréhensible. Saint Bernard leur reproche la magnificence de leurs. équipages, souvent si nombreux en hommes et en chevaux, que la suite d'un abbé aurait pu suffire à deux évêques. C'est de Suger, abbé de Saint-Denis, qu'il parle lorsqu'il dit : « J'en ai vu un qui avait plus de soixante chevaux. » Il ne souffre même qu'avec peine la somptuosité dans les églises des monastères, soit par rapport à leur étendue, soit par rapport aux ornements dont on les décore, et les peintures que l'on y applique sur les murailles, disant qu'en excitant la curiosité des fidèles, elles les empêchent d'être attentifs à leurs prières, et nous rappellent en quelque sorte les rits anciens des Juifs; mais il s'élève avec force contre les peintures grotesques que l'on mettait dans les cloitres des monastères, aux lieux mêmes où les moines faisaient ordinairement leurs lectures, des combats, des chasses, des singes, des lions, des centaures, et autres monstres, dont la vue ne pouvait que leur causer des

1 Mabillon., præfat. in 5 opuscul.

distractions, et les appliquer peut-être plus que les livres qu'ils avaient en main. « Si ces impertinences, ajoute-t-il, ne font pas de honte, que l'on craigne au moins la dépense.»>

8. Saint Bernard aurait pu relever divers Cap. 3115. autres abus dans l'ordre de Cluny; mais l'impatience où était le frère Oger de porter cette apologie à Guillaume de Saint-Thierry, l'obligea à finir en cet endroit, surtout après qu'il eut fait réflexion que quelques remontrances, faites avec douceur et dans la paix, sont plus utiles qu'un plus grand nombre faites avec hauteur et avec scandale. « Et plût à Dieu, disait-il, que le peu que j'ai écrit ne scandalise personne! Car en reprenant les vices, je sais que j'offenserai les vicieux; peut-être aussi que par la volonté de Dieu, ceux que je crains d'avoir irrités me sauront bon gré, s'ils changent de conduite. » Il finit en disant à l'abbé de Saint-Thierry 1 qu'il regardait comme étant de l'ordre, c'est-à-dire de l'observance de Cluny, parce qu'alors presque tous les moines noirs en suivaient les rits « Je loue et je publie ce qu'il y a de louable dans votre ordre; s'il y a quelque chose de repréhensible, je vous conseille de le corriger; c'est aussi l'avis que j'ai coutume de donner à mes autres amis. Je vous prie d'en agir de même à mon égard. » Pierre, abbé de Cluny, répondit à tous les reproches de saint Bernard, par une grande lettre qu'il lui écrivit. Il en sera parlé dans la suite.

§ VII.

1

Livre à la louange des Chevaliers du Temple.

1. Quoique cet écrit soit dans quelques manuscrits adressé en général aux chevaliers du Temple, c'est néanmoins à Hugues seul, leur premier maître, que saint Bernard parle dans le prologue; mais il paraît indifférent que ce livre soit dédié ou à tous les chevaliers, ou à leur maître. On les appelait chevaliers du Temple, parce qu'ils logèrent d'abord auprès du temple de Jérusalem, du côté du midi. Guillaume de Tyr dit qu'ils étaient de condition noble, pieux et craignant Dieu; et qu'à la manière des chanoines réguliers, ils s'étaient consacrés au service de Jésus-Christ entre les mains du patriarche, par les trois voeux de chasteté, d'obéissance et de pauvreté; que les premiers et les prin

2 Guillelm. Tyr., lib. XII, cap. vII, ad an. 1118.

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