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11 fat écrit vers l'an 1132.

Règle des Templiers.

cipaux d'entre eux étaient Hugues des Payens et Geoffroi de Saint-Aldemar; que n'ayant pas encore d'église à eux, ni de demeure, le roi Baudoin les logea pour un temps dans le palais voisin du temple; que la première de leurs obligations était de veiller à la sûreté des chemins, afin que les pèlerins fussent à couvert des incursions des brigands.

2. Il n'est pas aisé de fixer l'époque de ce livre. Il parait seulement que saint Bernard le composa dans un temps où l'ordre des templiers était déjà nombreux. Ce ne fut donc pas avant le concile de Troyes en 1127, où ces chevaliers n'étaient encore que neuf en tout; mais on ne peut aussi le mettre plus tard qu'en 1136, temps où Robert succéda à Hugues, premier maître de cet ordre. Dom Mabillon le met vers 1132.

3. On a inséré la Règle des Templiers dans la Chronique de Citeaux, parce qu'on l'a regardée comme l'ouvrage de saint Bernard 2; mais on n'en a jugé ainsi que par le prologue, où il est dit en effet que le concile de Troyes, en 1127, chargea saint Bernard de composer cette Règle. La suite fait voir qu'il se déchargea de cette commission sur un nommé Jean de Saint-Michel [qui assista au mois de janvier 1128 à un concile tenu à Troyes, dans lequel il remplit les fonctions de secrétaire, seule circonstance de sa vie que l'histoire nous ait transmise 3.] Albéric de Trois-Fontaines, de l'ordre de Citeaux, ne l'attribue pas à saint Bernard. Il dit au contraire qu'on donna aux templiers la règle de saint Augustin; d'où vient que dans le Monasticon Anglicanum, on les place parmi ceux qui suivent la règle de ce père. Quoi qu'il en soit, celle que l'on prescrivit aux templiers fut faite de leur consentement, et après qu'on eut consulté [à ce sujet] le Saint-Siége et Etienne, patriarche de Jérusalem. Elle est, selon l'édition d'Aubert le Mire, distribuée en soixantedouze chapitres, et tirée, pour la plus grande partie, de la règle de saint Benoît; mais il y a plusieurs articles qui n'ont été mis dans cette règle, que selon les diverses circonstances des temps, et à mesure que l'ordre s'est multiplié. Les chevaliers n'avaient point dans les commencements d'habits particuliers. Le pape Honorius et le patriarche Etienne leur ordonnèrent l'habit blanc, auquel ils attachèrent ensuite une croix d'une étoffe rouge.

1 Cap. v, num. 10.

2 Mabillon., præfat. in opuscul. 6.

3 Voyez la notice tirée de l'Histoire littéraire de

Analyse de ce livre, pag.

Cap. 1.

11.

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4. L'éloge que saint Bernard fait de ce nouvel ordre, ou, comme il dit, de ce nou- 550. veau genre de milice inconnu aux siècles précédents, est fondé sur le double combat qu'on y livre aux ennemis corporels, et aux spirituels, et sur les motifs qui animent les chevaliers du Temple dans la guerre contre les ennemis de la religion. Ils n'agissent par aucun mouvement de colère, d'ambition, de vaine gloire, ou d'avarice. Bien différents de ceux qui sont engagés dans la milice séculière, où souvent celui qui tue pèche mortellement, et celui qui est tué périt éternellement, ils font la guerre de Jésus-Christ leur Seigneur, sans craindre de pécher en tuant leurs ennemis, ou de périr, s'ils sont tués eux-mêmes; puisque, soit qu'ils donnent le coup de la mort aux autres, soit qu'ils le reçoivent, ils ne sont coupables d'aucun crime, au contraire il leur en revient beaucoup de gloire. S'ils tuent, c'est le profit de JésusChrist; s'ils sont tués, c'est le leur. Le chrétien est glorifié dans la mort d'un païen, parce que Jésus-Christ y est glorifié luimème.« Il ne faudrait pas néanmoins, dit saint Bernard, tuer même les païens, si l'on pouvait les empêcher par quelque autre voie d'insulter les fidèles ou de les opprimer. Mais dans le cas présent, il est plus expédient de les mettre à mort, afin que la verge des pécheurs ne frappe pas les justes. » Mais il pense que dans les combats ordinaires, le guerrier met son âme en danger, si la cause de la guerre n'est pas juste, et s'il n'a lui-même une intention droite, en sorte que ce ne soit ni la colère, ni la vengeance qui l'anime. Il ne croit pas même qu'on puisse appeler bonne la victoire de celui qui, sans aucune envie de se venger, tue uniquement pour sauver sa vie.

5. Saint Bernard décrit ensuite la vie des chevaliers du Temple, soit dans leurs maisons, soit à la guerre. « En tout lieu ils suivent l'obéissance pour leur règle. Toutes leurs démarches sont réglées par celui qui préside. C'est par ses ordres qu'on leur distribue la nourriture et le vêtement dans l'un et dans l'autre ou évite toute superfluité, on ne consulte que la nécessité. Ils vivent en commun dans une société agréable, mais modeste et frugale, n'ayant ni femmes, ni enfants, ni rien en propre, pas même leur volonté; mais ils ont grand soin de conserver entre eux

la France, et reproduite au tome CLXVI de la Patrologie, avec la Règle des Templiers, col. 833-874. (L'éditeur.)

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Cap. IV.

l'union et la paix; aussi dirait-on que tous ne font qu'un cœur et qu'une âme. Jamais oisifs, ni répandus au-dehors par curiosité, quand ils ne vont point à la guerre, ce qui est rare, ils raccommodent leurs armes et leurs habits, ou font tout ce qui leur est commandé par le supérieur, et ce qui concerne le bien de la communauté. Sans acception de personnes, ni de noblesse, on rend l'honneur au plus digne. On n'entend parmi eux ni murmure, ni parole indécente le coupable ne demeurerait pas impuni. Ils détestent les échecs et les dés, ont en horreur la chasse, et ne se donnent pas même le plaisir de la fauconnerie. Ils rejettent les spectacles, et tout ce qui y a rapport; ils se coupent les cheveux, se baignent rarement, et sont ordinairement couverts de poussière et brûlés du soleil. »>

:

«< 6. Lorsque l'heure du combat approche, ils s'arment de foi au dedans, et de fer au dehors; et après s'être préparés à l'action avec soin, quand il est temps de donner, ils chargent vigoureusement l'ennemi, mettant toute leur confiance au Dieu des armées, à l'exemple des Machabées. C'est une chose admirable, que la manière dont ils savent allier la douceur de l'agneau avec la férocité du lion; et l'on peut dire qu'ils sont tout à la fois moines et soldats, parce qu'ils ont la mansuétude des premiers, la force et la vav. leur des seconds.» Saint Bernard dit, que ce qu'il y a de plus consolant dans ce nouvel ordre, c'est que la plupart de ceux qui s'y engagent, étaient auparavant des scélérats livrés à toutes sortes de crimes : qu'ainsi leur conversion produit deux biens; l'un de délivrer le pays de ceux qui l'opprimaient et le ravageaient; l'autre, de fournir du secours à la Terre-Sainte. Il fait le parallèle du Temple de Jérusalem, tel qu'il était alors, avec celui que Salomon avait fait bâtir, et donne la préférence au premier, à cause de la piété, de la pureté des mœurs de ceux qui y servaient, et de l'excellence des hosties pacifiques que l'on y offrait tous les jours. Il s'arrête aussi sur tous les lieux que Jésus-Christ a sanctifiés par sa présence corporelle, Bethleem, Nazareth, le mont des Oliviers, la vallée de Josaphat, le Jourdain, le Calvaire, le SaintSépulcre, Belphagé, Béthanie, et fait sur

VI. VII, VIII, IX, etc.

1 Quamobrem ministros Verbi sacerdotes caute necesse est ad utrumque vigilare sollicitos, quo videlicet delinquentium cordibus tanto moderamine verbum timoris et contritionis infligant, quatenus eos nequaquam a verbo confessionis exterreant; sic corda aperiant, ut

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Traité des Derrés d'bs

1. Ce traité, qui fait le septième des Opuscules de saint Bernard, devait en être le pre- milite. mier 2, selon l'ordre des temps, puisqu'il le met lui-même le premier dans la liste de ses ouvrages, en écrivant 3 au cardinal Pierre, et qu'il est aussi nommé le premier par Geoffroi, auteur de sa vie. Sa lettre au cardinal Pierre ayant été écrite vers l'an 1127, on ne peut mettre guère plus tôt qu'en 1125 le traité de l'Humilité, qui est marqué dans cette lettre comme le premier des quatre que saint Bernard avait déjà faits. Il le dédia à Geoffroi, alors prieur de Clairvaux, et depuis évêque de Langres, son parent. Geoffroi l'avait engagé à écrire sur cette matière, pour expliquer plus au long ce qu'il en avait dit en présence de la communauté.

2. Les degrés d'humilité qu'il se propose d'expliquer, sont ceux dont il est parlé dans la Règle de saint Benoît. On peut, selon saint Bernard, définir l'humilité, une vertu par laquelle l'homme se reconnaissant véritable. ment tel qu'il est, devient méprisable à luimême. Il nous la fait envisager comme le chemin qui mène à la vérité; et la connaissance de la vérité, comme le fruit de cette vertu. Après quoi il distingue trois degrés dans la vérité : la connaissance de sa propre misère, pour en gémir, en devenir plus humble et plus doux; la connaissance des infirmités du prochain pour y compatir; et savoir purifier l'œil du cœur pour pouvoir contempler les choses célestes et divines. Toutes ces connaissances sont en nous l'ouvrage de Dieu, ou, comme dit saint Bernard, c'est la sainte Trinité qui les opère en nous. Venant

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Analyse de ce traité, pag. 565.

Cap. 1

II.

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à l'explication des douze degrés d'humilité, il dit que nous les comprendrons, lorsque nous aurons remarqué les douze degrés d'orgueil qui leur sont opposés, et que le dernier degré d'orgueil répond au premier degré d'humilité; parce qu'en rétrogradant, l'on commence à monter par où on a cessé de descendre. Par exemple, le douzième degré XXI. d'orgueil est l'habitude de pécher. Donc le premier degré d'humilité doit être de renoncer au péché. Il détaille tous les degrés d'orgueil, d'où il prend occasion de donner aux moines des instructions très-solides.

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3. Après avoir achevé cet ouvrage, et apparemment après l'avoir rendu public, il s'aperçut qu'en citant l'endroit de l'Evangile où Jésus-Christ dit, que le Fils de l'homme ne sait pas le jour du jugement, il y avait ajouté un mot qui n'est pas dans le texte, quoiqu'il ne change rien au sens; et qu'en parlant des séraphins, il avait avancé une opinion qu'il n'avait ouïe, ni lue nulle part; il se crut obligé de se rétracter et de joindre sa rétractation à ce traité même. On cite quatre manuscrits où elle se trouve à la tête du livre. Le mot ajouté à l'Evangile était nec ipse, au lieu qu'on lit neque Filius scit 1. Manriquez, auteur des Annales Cisterciennes, reprend vivement les théologiens mystiques, qui ne craignent pas de donner des interprétations nouvelles au sens littéral ou sublime de l'Ecriture; au lieu d'imiter la sage retenue de saint Bernard, qui regardait comme suspect ce qu'il avait expliqué dans un sens différent des pères de l'Eglise.

§ IX.

Traité de l'Amour de Dieu.

1. Entre plusieurs questions du cardinal Haimeric à saint Bernard. il y en avait une sur l'amour de Dieu. Ce fut à celle-là seule qu'il répondit. Un nommé Bérenger, disciple d'Abaillard, lui en fit un procès 2, disant que vainement il avait travaillé à établir un précepte qui n'est ignoré de personne, pas même des idiots. Mais il y a une grande différence entre connaître un précepte, et l'accomplir. L'esprit et le cœur ne sont pas toujours d'accord sur ce point. On confesse de bouche qu'il faut aimer Dieu; mais on le nie de fait en ne conformant pas sa vie à ses obligations.

2. Haimeric, à qui saint Bernard adressa cet écrit, était Français de naissance, de la 1 Mabillon., præfat. in Opuscul. VII. 2 Mabillon., præfat. in Opuscul. VIII; et Apolog. Bereng., pag. 316.

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Châtre en Berry. Il fut fait cardinal par le pape Calixte II, en 1121, et chancelier de l'Eglise romaine, en 1126, par Honorius II. Ce ne fut donc qu'après cette année que saint Bernard, son ami particulier, lui dédia son traité de l'Amour de Dieu, puisque, dans l'épître dédicatoire, il le qualifie cardinal et chancelier de l'Eglise romaine. Haimeric mourut en 1141.

Analyse de ce traité, pag.

3. « Vous voulez savoir de moi, lui dit saint Bernard, pourquoi et comment on doit aimer 890. Dieu? Je vous réponds que la raison de l'ai- Cap. 1. mer c'est qu'il est Dieu, et que la manière de l'aimer c'est de l'aimer sans mesure. Nous devons l'aimer pour lui-même, parce qu'on ne peut rien aimer de plus juste ni de plus profitable que lui; et nous devons aussi l'aimer à cause de nous-mêmes, parce qu'il nous a aimés le premier, qu'il s'est donné à nous sans que nous le méritions, qu'il nous ". comble chaque jour de ses bienfaits, en fournissant aux besoins de notre corps et de notre âme. L'infidèle même est averti par la voix de la nature qu'il doit aimer celui de qui il tient tout et qui pourvoit à ses besoins. >>

4. « Mais les chrétiens y sont obligés par II. des motifs beaucoup plus pressants, par la considération du sang que Jésus-Christ a répandu pour les racheter, de la rémission de leurs péchés par sa mort, de la gloire dont il leur a ouvert le chemin par sa résurrection et son ascension au ciel, et de quantité d'autres bienfaits plus abondants dans la Loi nouvelle que dans l'ancienne, d'où résulte aux chrétiens une obligation plus étroite d'aimer Dieu, qu'à ceux qui vivaient avant la venue de Jésus-Christ. Je me dois doublement à Dieu, dit saint Bernard, et parce qu'il m'a fait et parce qu'il m'a racheté en cette manière dans la création, il m'a donné à moimême; mais en me rachetant, il s'est donné à moi; et en se donnant à moi, il m'a rendu à moi. Par cette raison, je me dois deux fois à lui. Que lui rendrai-je? Quand je pourrais me rendre à lui mille fois, que serait-ce en comparaison de ce que je lui dois? Que suis-je en effet par rapport à Dieu ? »

5. Saint Bernard prouve encore l'obligation d'aimer Dieu par la considération de l'avantage qui nous en revient, car quoique le véritable amour n'ait pas en vue la récompense, il ne laisse pas de la mériter. D'ailleurs cet amour, qui n'est autre que la cha

3

3 Verus amor præmium non requirit, sed meretur, Cap. VII.

Y.

Cap. VII.

VIII.

IX.

rité, nous mène par le droit chemin au souverain bien, l'objet de nos désirs, mais que la plupart des hommes cherchent en vain. dans les créatures par de longs circuits.

6. Ce père distingue quatre degrés d'amour le premier, où l'homme s'aime pour lui-même; le second, où connaissant le besoin qu'il a de Dieu, il commence à l'aimer, mais toujours par rapport à lui-même; le troisième, où frappé des perfections infinies de Dieu, il l'aime pour lui-même, de cet amour qu'on appelle chaste et qui est sans x et xiv. retour sur celui qui aime; le quatrième est de ne s'aimer soi-même que pour Dieu. << Heureux, dit saint Bernard, celui qui a mérité de parvenir à ce quatrième degré! » Mais il ne croit pas que l'on parvienne en cette vie à la perfection de la charité. Selon lui, II. cet état n'est que pour les bienheureux dans le ciel, et après la résurrection seulement. Il n'en excepte pas les martyrs. Il ne suit pas toutefois de son principe que le précepte de l'amour de Dieu soit impossible dans cette vie, parce qu'il ne nous est pas commandé d'arriver à la perfection de la charité, mais seulement d'y tendre autant que nous le pouvons.>>

XII.

7. Il renvoie à la lettre qu'il avait écrite sur ce sujet aux chartreux, et il en transcrit une partie. Nous y remarquerons que la vraie charité, qui part d'un cœur pur et d'une bonne conscience, est celle qui nous fait aimer autant le bien du prochain que le nôtre; qu'il n'y a que l'amour de Dieu qui converXtv. tisse véritablement le cœur, d'où vient que l'esclave qui fait une action commandée de Dieu demeure néanmoins dans sa dureté de cœur; parce qu'il ne fait l'œuvre de Dieu que malgré lui. Le mercenaire la fait aussi, mais ce n'est que par intérêt. Le fils seul, sachant que Dieu est essentiellement bon, l'aime d'un amour chaste et filial.

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redevable à Dieu de m'avoir prévenu dans le bien, du progrès que j'y faisais et de l'espérance où j'étais de le conduire à la perfection, un des assistants me dit : Que faites-vous Cap. 1. donc ou quelle récompense espérez-vous, si c'est Dieu qui fait tout?» Ce fut pour répondre à cette objection plus amplement qu'il n'avait fait sur-le-champ, que saint Bernard entreprit son traité de la Grâce et du libre Arbitre. Il remarque que deux choses sont nécessaires pour faire le bien : l'instruction, et le secours; « qu'il est besoin que Dieu, qui m'éclaire par ses ministres, me donne la force de faire ce qu'il me fait connaître et me conseille; que, selon l'apôtre, c'est lui qui donne le vouloir et le parfaire. Que si Philip., 11, l'on me demande, ajoute saint Bernard, où sont mes maîtres dans le bien, je répondrai avec le même apôtre : Il nous a sauvés, non à Ad Tit. 11,5. cause des œuvres de justice que nous eussions faites, mais à cause de sa miséricorde. Et encore Le salut ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait misé- 15. ricorde et sans lequel nous ne pouvons rien faire.»

Rom, VIII, 26, el vil, 18;

13.

Rom. ix, 16; et Joan. XV,

3. Il remarque, en second lieu, que lorsque Cap. 11. la grâce opère en nous le salut, le libre arbitre coopère en donnant son consentement, en obéissant à Dieu qui commande, en ajoutant foi à ses promesses, en lui rendant grâces de ses bienfaits. Pour mettre cette vérité dans un plus grand jour, il enseigne que le consentement est un acte de la volonté; que la volonté est un mouvement raisonnable qui préside au sens et à l'appétit; qu'elle ne se meut jamais sans la raison, parce que la raison l'accompagne et la suit, et qu'elle lui est donnée pour l'instruire, et non pour la détruire; d'où il suit qu'elle n'impose aucune nécessité à la volonté, puisque si elle lui en imposait quelqu'une, elle la détruirait. En effet, la liberté est essentielle à la volonté; où il y a nécessité, il n'y a point de liberté, et conséquemment point de mérite. D'où vient que dans les enfants, dans les insensés, dans ceux qui dorment, leurs actions sont sans mérite ni démérite, parce que, comme ils ne sont pas maîtres de leur raison, ils n'ont pas non plus l'usage de leur liberté.

4. Le libre arbitre est appelé libre à cause de la volonté, et arbitre à cause de la raison. Il y a trois sortes de liberté : la liberté naturelle, la liberté de la grâce, la liberté de la gloire. Nous avons reçu la première par la création cette liberté nous exempte de la nécessité; la seconde par la régénération :

111.

Cap. IV.

VII.

VIII.

elle nous délivre du péché; la troisième, qui ne nous sera accordée qu'avec la possession de la gloire éternelle, nous assurera la victoire sur la corruption et sur la mort. La liberté qui exempte de nécessité convient également à Dieu et à toutes les créatures raisonnables, soit bonnes, soit mauvaises. Elle ne se perd ni par le péché ni par la misère; elle est au même degré dans l'impie comme dans le juste, dans l'homme comme dans l'ange, avec cette différence seule que . dans les justes elle plus réglée. Ceux qui veulent faire le bien et ne le peuvent, ne laissent pas d'être libres, puisqu'ils ont la volonté; mais ils ne sont pas libres de la liberté du péché, qui ne se trouve que dans ceux qui ont la grâce. Car c'est le libre arbitre qui nous fait vouloir, mais c'est la grâce qui nous fait vouloir le bien. C'est par le libre arbitre que nous avons le vouloir, et c'est de la grâce que nous vient le bon vouloir. Soit que nous appartenions à Dieu comme bons, soit que nous soyons au démon comme mauvais, nous conservons toujours notre liberté, qui est la cause de notre mérite ou de notre démérite. Cependant, quoique nous nous rendions 2 esclaves du démon par notre volonté, ce n'est pas par elle que nous nous assujétissons à Dieu : c'est par sa grâce, qui donne le vouloir parfait pour le bien.

5. Outre la liberté naturelle, saint Bernard en distingue deux autres, qu'il appelle liberté de conseil et liberté de complaisance, et il demande si elles étaient toutes les trois dans Adam. Sur la première, il dit que l'on ne peut en douter. Il distingue deux degrés dans chacune des deux autres: le supérieur et l'inférieur; le premier, dans la liberté de conseil, est de ne pouvoir pécher; le second est de pouvoir ne pas pécher. Dans la liberté de complaisance, le degré supérieur est de ne pouvoir être troublé; l'inférieur, de pouvoir n'être pas troublé. Après cette distinction, il décide que le premier homme avait reçu dans la création le degré inférieur de chacune de ces deux libertés, mais qu'il en a été dépouillé par son péché, en sorte qu'il ne lui est resté que la liberté naturelle.

6. Le premier homme a bien pu par luimême passer du bien au mal; mais, depuis sa chute, il ne peut plus par lui-même passer du mal au bien. Il a pu tomber, mais il

1 Liberum arbitrium nos facit volentes, gratia benevolos; ex ipso nobis est velle, ex ipsa bonum velle. Bernard., de Grat., cap. vi.

ne peut se relever de lui-même. Ce n'est que par Jésus-Christ qu'il peut recouvrer les deux sortes de liberté qu'il possédait dans l'état d'innocence en un degré inférieur, savoir : le pouvoir de ne pas pécher et celui de n'être pas troublé. D'après saint Bernard, c'est dans cap. 1x ces trois espèces de liberté que consiste notre ressemblance avec Dieu; les anges possèdent cette ressemblance dans un degré supérieur, étant confirmés dans le bien; nous ne la possédons que dans un degré inférieur, lors même qu'elle nous est rendue par la grâce du Sauveur, c'est-à-dire que nous n'avons plus qu'en partie la liberté de conseil et de complaisance. Nous pouvons, avec le secours de la grâce, n'être pas surmontés par le péché ni par la misère, mais nous ne pouvons généralement être sans péché.

7. Au reste, il ne faut pas croire que le libre arbitre consiste à pouvoir également et avec la même facilité se porter au bien et au mal; autrement ni Dieu, ni les anges, ni les saints, qui ne peuvent faire le mal, ne seraient libres, non plus que les démons qui ne peuvent plus faire le bien; mais on doit plutôt l'appeler libre arbitre, parce que soit que la volonté se porte au bien ou au mal, elle le fait librement, l'homme ne pouvant être bon ou mauvais que par sa volonté.

X.

XI.

8. Saint Bernard fait voir que la grâce ne déroge en rien au libre arbitre. «Encore, dit-il, qu'il soit écrit dans l'Ecriture que Dieu nous attire à lui, il ne nous sauve pas pour cela malgré nous; mais il nous sauve en nous faisant vouloir le bien, soit qu'il nous effraye par ses menaces, soit qu'il nous éprouve par les adversités. Celui-là ne souhaitait-il pas d'être attiré, qui demandait avec tant d'ardeur dans les Cantiques : Attirez-moi après Cant., 1, 3. vous, et je courrai à l'odeur de vos parfums.» Il faut, selon lui, dire la même chose de la concupiscence: elle ne nous contraint pas au mal. La tentation, quelque forte qu'elle soit, ne violente pas notre volonté, et ne nous en. lève pas la liberté. Nous sommes toujours libres de ne pas consentir au mal.

9. Il donne pour exemple la tentation à laquelle saint Pierre succomba. Cet apôtre aima mieux mentir que mourir, et conserver la vie de son corps que celle de son âme. Il aimait Jésus-Christ, mais il s'aimait encore plus luimême. Cet amour de préférence fut entière

2 Sune diabolo nostra nos mancipat voluntas; Deo subjicit ejus gratia, non nostra voluntas. Ibid.

Cap. XII.

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