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XIV.

ment libre en lui, comme il préférà librement la vie de son corps à la vie de son âme. Il ne renonça à Jésus-Christ, que parce qu'il le voulut. Or, ce qui est volontaire est libre. Si la volonté peut être contrainte, ce n'est que par elle-même. Il suit de là qu'à l'exception du péché originel, tous les autres péchés sont l'effet de la volonté, qui s'y porte sans contrainte de la part des objets extérieurs. Mais le libre arbitre, qui a dans lui-même le principe de sa damnation, n'a pas celui de son salut. Ses efforts 1 pour le bien sont vains, si la grâce ne les aide; et il n'en fait aucun, si la grâce ne l'excite. Les mérites du salut sont donc l'effet de la miséricorde de Dieu, qui a divisé les dons qu'il nous fait en mérites et en récompenses. Il a voulu que les dons qu'il nous fait en cette vie devinssent nos propres mérites par une possession libre; quant aux dons futurs, il a voulu et que nous les attendissions, fondés sur ses promesses toutes gratuites, et que nous fussions en droit de les demander comme nous étant dus. D'où saint Bernard conclut que tout est un don de Dieu, nos mérites, et les récompenses que Dieu nous accorde.

10. Il enseigne que nos bonnes œuvres sont en même temps nos mérites et des dons de Dieu nos mérites, parce que c'est l'ouvrage de notre libre arbitre; dons de Dieu, parce que le consentement libre de notre propre volonté, en quoi consiste notre mérite, est l'effet de la grâce de Dieu. « Ce ne sont pas mes paroles, dit saint Bernard, ce sont celles de l'apôtre, qui attribue à Dieu, et non au libre arbitre, tout le bien qui peut être dans l'homme, c'est-à-dire le penser, le vouloir et l'action. Dieu fait le premier 2 sans nous, le second avec nous, le troisième par nous. Comme nous ne pouvons pas nous prévenir nous-mêmes, il est hors de doute que le commencement de notre salut vient de Dieu, et non de nous, et qu'il ne se fait pas même avec nous; mais le consentement et l'action, quoiqu'ils ne soient pas de nous, ne se font

1 Cujus liberi arbitrii ad bonum conatus, et cassi sunt si a gratia non adjuventur, et nulli si non excitentur. Ibid., cap. XII.

2 Si ergo Deus tria hæc, hoc est bonum cogitare, velle, perficere operatur in nobis; primum perfecte sine nobis; secundum nobiscum, tertium per nos facit. Siquidem immittendo bonam cogitationem nos prævenit; immutando etiam malam voluntatem, sibi per consensum jungit; ministrando et consensui facultatem, foris per apertum opus nostrum internus opifex innotescit. Ibid., cap. XIV.

pas néanmoins sans nous. » Saint Bernard s'explique plus clairement en disant : « Dieu, en nous inspirant une bonne volonté, nous prévient; en changeant notre mauvaise volonté, il nous unit à lui par le consentement; et en nous donnant le pouvoir d'accomplir le bien que nous voulons, ce qu'il opère audedans se manifeste au-dehors par l'ouvrage extérieur. >>

3

11. On doit donc attribuer à la grâce toutes Cap. XIV. les œuvres du salut. C'est elle qui 3 excite le libre arbitre, lorsqu'elle sème en nous de bonnes pensées; qui le guérit, lorsqu'elle change son affection et sa volonté; qui le fortifie pour le conduire à l'accomplissement de la bonne action; qui le conserve, de peur qu'il ne sente quelque affaiblissement dans le bien. Mais ce que la grâce a commencé seule, s'accomplit par elle et par le libre arbitre. Leuropération est commune, et non séparée; ils agissent conjointement, et non successivement. La grâce ne fait pas une partie de l'œuvre, et le libre arbitre l'autre; ils opèrent ensemble par une opération indivisible. Le libre arbitre fait tout, et la grâce fait tout; mais, comme la grâce fait tout dans le libre arbitre, de même le libre arbitre fait tout par la grâce. Saint Bernard, après avoir donné cette explication de la manière d'agir de la grâce et du libre arbitre, dit qu'il croit qu'elle ne déplaira pas à ses lecteurs, parce qu'il n'a fait que suivre la doctrine de saint Paul.

12. Le dernier éditeur de ce traité dit que dans sa brièveté il renferme plus de substance et de doctrine solide que les plus grands volumes sur la même matière1; que le style en est vif et lumineux, les termes propres et convenables au sujet, le discours aisé, naturel, sans art; ni faible, ni languissant, mais nerveux et bien nourri; élégant, net et agréable, débarrassé des expressions triviales de l'école. « L'auteur, ajoute-t-il, n'est ni trop précis dans ses raisonnements, ni trop diffus. C'est comme un fleuve dont les eaux ont un cours égal, tranquille et majes

3 Ipsa liberum excilat arbitrium, cum seminat cogitatum; sanat, cum immutat affectum; roborat, ut perducat ad actum; servat, ne sentiat defectum. Ita tamen quod a sola gratia cæptum est, pariter ab utroque perficitur, ut mixtim, non sigillatim, simul, non vicissim per singulos profectus operentur. Non partim gratia, partim liberum arbitrium; sed totum singula opere individuo peragunt. Totum quidem hoc, et totum illa; sed ut totum in illo, sic totum ex illa. Ibid.. cap. XIV.

Mabillon., præfat. in Opuscul. IX.

Jagement de ce traité.

Traité da Baptême.

Anslyse de ee traité, pag.

631.

Cap. 1.

tueux, qui annonce l'abondance de la source d'où elles partent, et on voit bien qu'il n'a pas puisé ce qu'il dit ailleurs que dans luimême, ou plutôt qu'il l'a reçu de Dieu, et que c'est le fruit d'une méditation continuelle des divines Ecritures, particulièrement des épitres de saint Paul. » [Cependant ce traité laisse à désirer: on ne voit pas, en effet, que saint Bernard y distingue d'une manière aussi nette et aussi précise qu'ont fait depuis saint Thomas et l'Eglise catholique, la nature et la grâce, l'ordre naturel et l'ordre surnaturel, distinction qui éclaircit bien des doutes et concilie bien des difficultés, car on conçoit aussitôt, avec l'Ange de l'Ecole, que dans l'ordre naturel l'homme déchu peut encore, même sans la grâce, quelque bien, mais qu'il ne peut et n'a jamais pu, sans la grâce, aucun bien surnaturel. Voyez Rorhbacher, Histoire de l'Eglise, tome XV, troisième édition, pages 237, 238.]

§ XI.

Traités du Baptême et contre les erreurs d'Abaillard.

1. Le traité du baptême était, dans les anciennes éditions, la soixante-dix-septième des lettres de saint Bernard. Horstius l'a mise au nombre des Opuscules; en quoi il a été suivi par dom Mabillon1. Il est adressé à Hugues, chanoine régulier de l'abbaye de Saint-Victor à Paris, connu par un grand nombre d'ouvrages, et mort en 1152, ce qu'il est bon de remarquer pour le distinguer d'un chanoine régulier de ce même nom et de la même abbaye, qui vivait quelque temps après, et dont il est fait mention dans une lettre d'Eugène III à l'abbé Suger. Nous n'avons plus celle qui donna occasion à ce traité de saint Bernard; mais on voit, par la réponse de ce père, que Hugues de Saint-Victor lui avait fait part de plusieurs propositions peu exactes qu'un anonyme venait de publier. On ne sait qui était cet anonyme. Il y a là-dessus diverses conjectures, mais aucune n'est assez forte pour nous faire croire que ce soit Jean, archevêque de Séville; Hugues Fersite ou quelque autre, cela est égal. Voici ces propositions :

2. La première portait que depuis le moment que Jésus-Christ eut dit à Nicodème :

1 Mabill., præfat. in Opuscul. x.

2 Ambros., de Obitu Valentiniani; Augustin., 1. IV

Si l'homme ne renaît de l'eau et de l'esprit, il Joan., 1 1, 5. ne peut entrer dans le royaume de Dieu, tout homme a été dans l'obligation de recevoir réellement et visiblement le baptême, sous peine de damnation, s'il n'y suppléait par le martyre. Cet anonyme n'exceptait ni l'impossibilité de recevoir ce sacrement, ni le désir sincère accompagné d'une vraie foi et d'un esprit de pénitence. Saint Bernard répond qu'il y avait de la dureté à soutenir qu'une instruction faite à Nicodème eût force de loi dans tout l'univers; qu'une loi qui n'est point publiée ne peut faire de prévaricateurs; qu'il n'en est pas d'une loi positive, telle qu'est celle qui prescrit l'obligation du baptême, comme de la loi naturelle. Celle-ci n'a pas besoin d'être publiée : elle est gravée dans le cœur de tous les hommes; mais ni la nature ni la raison n'enseignent que nul ne peut être sauvé sans être extérieurement lavé des eaux du baptême. C'est une loi positive, une institution de Jésus-Christ. Les apôtres ont été chargés de l'annoncer, et maintenant qu'elle a été publiée jusqu'aux extrémités de la terre, le mépris de cette loi serait inexcusable, parce qu'on ne saurait excuser l'ignorance.

3. Saint Bernard enseigne qu'avant JésusChrist il y avait d'autres remèdes que le baptême pour la rémission du péché originel; la foi et les sacrifices pour les adultes fidèles qui se trouvaient parmi les idolâtres, et la foi des parents pour les enfants; chez les Juifs, la circoncision. Il renvoie l'anonyme à saint Ambroise et à saint Augustin 2, qui ont cru l'un et l'autre que celui qui désire sincèrement le baptême, en reçoit le fruit lorsqu'il se trouve dans l'impuissance de se faire baptiser réellement, et pensent que si le martyre supplée au baptême, c'est moins à cause du supplice, qu'à cause de la foi qui l'accompagne; que sans la foi le martyre serait un vain tourment. « Si la foi, ajoute-t-il, donne au martyre le privilége du baptême, pourquoi n'aura-t-elle pas la même efficacité aux yeux de celui qui connaît tout sans avoir besoin de preuves? Nous croyons donc que la foi seule, sans le secours du martyre et du baptême, quand elle est accompagnée d'une sincère conversion de cœur, sauve un mourant qui veut, mais qui ne peut être baptisé. Pour ce qui est des enfants, comme leur âge les met hors d'état

cont. Donatistas, c. XXII.

Cap. 11.

d'avoir la foi, et de se convertir à Dieu, il n'est point de salut pour eux, s'ils meurent sans baptême. Ce sacrement leur donne en quelque façon cette foi, sans laquelle il est impossible de plaire à Dieu; et la foi d'autrui supplée à celle dont ils ne sont pas capables. >>

Cap. 111. 4. L'anonyme soutenait, en second lieu, que les justes de l'ancienne loi qui ont précédé l'avènement de Jésus-Christ, connaissaient l'avenir aussi clairement que nous qui sommes nés depuis l'incarnation du Verbe, l'enfantement d'une Vierge, la doctrine du Sauveur, ses miracles, sa croix, sa mort, sa sépulture, sa descente aux enfers, sa résurrection, son ascension. Hugues de SaintVictor, en rendant compte de cette seconde proposition de l'anonyme, l'avait réfutée solidement. Saint Bernard n'entreprend donc pas de la réfuter de nouveau; seulement il ajoute qu'en la supposant vraie, il faut supposer dans les anciens justes autant de lumières que dans les enfants de l'Evangile, et plus de grâces; puisque ce n'était ni à la lecture, ni à la prédication, qu'ils se trouvaient redevables de leurs connaissances, mais à la seule onction du Saint-Esprit, qui leur enseignait toutes choses. Il fait voir que saint JeanBaptiste, le plus grand d'entre les enfants nés des hommes, ayant, de son propre aveu, Matth, x1, 3. ignoré quelque chose: Est-ce vous, dit-il à

Jésus-Christ, qui devez venir? En attendonsnous un autre? On ne pouvait dire, sans lui faire injure, que les justes qui l'ont précédé, aient tout connu. Jésus-Christ ne dit-il pas : Plusieurs rois et plusieurs prophètes ont souhaité Luc., x, 24. vainement de voir ce que vous voyez, d'entendre ce que vous entendez. Pourquoi ? Parce qu'ils souhaitaient de voir pleinement les choses dont ils n'avaient que des lueurs et des ombres. Saint Bernard dit, d'après le Vénérable Bède, que les anciens justes n'ont connu ni le temps, ni l'ordre, ni l'économie de la rédemption, quoiqu'ils espérassent en un rédempteur.

Cap. IV.

5. Il vient à la troisième proposition de l'anonyme, qui n'admettait aucun péché d'ignorance. «En cela, dit-il, il se contredit luimême, puisqu'ayant avancé dans sa première proposition, que le précepte du baptême donné en secret à Nicodème, obligeait même ceux qui ne pouvaient en avoir connaissance, il suit de là nécessairement qu'il y a des péPsal. XXIV, 7. chés d'ignorance. David ne demande-t-il pas pardon des péchés commis par ignorance?

La loi de Moïse n'ordonne-t-elle pas des sa- Levit., v, 17. tisfactions pour les péchés d'ignorance?

6. La dernière proposition de l'anonyme cap. v. regardait saint Bernard, qu'il accusait de s'être trompé en disant dans ses homélies, que le mystère de l'incarnation n'avait été révélé à aucun ange, avant de l'avoir été à la sainte Vierge. Ce père répond qu'il ne s'était pas expliqué affirmativement sur ce point, et qu'il avait laissé au lecteur le choix des deux sentiments, dont l'un est que les anges ont connu ce mystère avant son accomplissement, l'autre qu'ils ne l'ont pas connu. II en prend un troisième qui tient le milieu, savoir, qu'il a été révélé aux anges; mais que les circonstances de ce mystère, le temps, le lieu, la manière, la personne de qui devait naître le Messie, leur ont été inconnus. 7. Le onzième opuscule par lequel saint Bernard réfute les erreurs condamnées dans d'abilard. Abaillard au concile que les évêques de France tinrent à Sens, en 1140, en présence de Louis-le-Jeune, roi de France, a été mis au nombre des lettres dans les éditions antérieures à celles de Horstius et de dom Mabillon. Ce qui nous a engagé à suivre ces anciennes éditions, c'est le grand nombre de lettres que saint Bernard fut obligé d'écrire au sujet des nouveautés que ce théologien continuait de répandre. Nous avons rapproché ces lettres du traité contre les erreurs d'Abaillard, et donné de suite dans l'analyse générale des lettres, ce qu'il contenait de remarquable '.

§ XII.

Traité costre les erreurs

Vie de saint Malachie, ar

lande.

Vie de saint Malachie, archevêque d'Irlande. 1. Ce saint prélat désirant depuis plusieurs années le pallium, autant pour honorer son chevêque d'Irsiége, que pour remplir toutes les cérémonies auxquelles, suivant l'usage de l'Eglise, şa qualité d'archevêque l'obligeait, prit le temps que le pape Eugène III était en France. Mais ayant été arrêté quelque temps en Angleterre par les ordres de la cour, il n'arriva à Clairvaux que plusieurs jours après le départ du pape pour Rome. Il ne laissa pas de se disposer à le suivre; mais surpris par la fièvre dans cette abbaye même, il y mourut la nuit du second jour de novembre 1148. Saint Bernard écrivit aussitôt aux communautés d'Irlande pour les consoler de la mort de leur archevêque, fit son oraison funèbre

1 Voyez la lettre 190 au pape Innocent II.

Epist. 376.

Ce qu'elle contient de remarquable.

le jour même de son décès, et écrivit sa Vie à la prière de l'abbé Congan et de ses religieux, qui étaient de l'ordre de Citeaux. Elle fait le douzième des Opuscules de saint Bernard.

2. Saint Malachie, né en Irlande l'an 1095 de parents nobles et riches, fut élevé à ArCap. 1. magh, où il fit aussi ses études. Sa mère qui avait beaucoup de piété, s'appliqua à lui faire connaître le vrai chemin qui conduit à la vie, persuadée que la vertu serait plus utile à son fils, que la connaissance des belles-lettres. Malachie fit des progrès dans l'une et dans l'autre. S'étant mis sous la conduite d'un saint homme nommé Imarius, il mena avec lui une vie très-austère, jeûnant souvent, passant les jours et les nuits en prières, 11. Celse, archevêque d'Armagh, l'ordonna diacre, et ensuite prêtre; mais il fallut user de contrainte pour l'engager dans les ordres. Il reçut le diaconat avant la vingt-cinquième année de son âge, et la prêtrise avant la trentième. C'était contre les canons. Son mérite l'en fit dispenser.

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3. L'archevêque le fit son vicaire, et le chargea de l'instruction d'un peuple aussi barbare qu'ignorant. Malachie l'instruisit, le poliça; et comme il avait appris le chant dans sa jeunesse, il l'enseigna aux clercs et aux simples fidèles, l'établit pour les heures canoniales, introduisit les coutumes de l'Eglise romaine, mit en vigueur les décrets des saints pères et les constitutions apostoliques, l'usage de la confession, le sacrement de confirmation, et la règle dans les mariages. IV. Pour se perfectionner dans la discipline de l'Eglise en l'administration des sacrements, il alla consulter Malc, évêque de Lesmor en Moumonie, et demeura quelques années avec lui.

4. Cependant ayant eu avis de la mort de sa sœur, il offrit pour elle le sacrifice de l'autel, et Dieu lui fit connaître que ses prières avaient eu leur effet. Depuis son retour de Lesmor, il rétablit le monastère de Bancor ruiné par les pirates, qui y avaient massacré en un seul jour jusqu'à neuf cents VI. moines. Saint Malachie, content de rétablir le monastère, en abandonna à d'autres la possession et les biens, par zèle pour la pauvreté. Saint Bernard ne l'approuva pas en cela, et l'évènement fit voir qu'il aurait mieux fait de retenir le tout.

1 Usum saluberrimum confessionis, sacramentum confirmationis, contractum conjugiorum, quæ omnia

XIV.

5. Vers l'an 1125, le siége épiscopal de Cap. VIII. Conneret en Ultonie étant venu à vaquer, Malachie fut choisi pour le remplir. Il était alors âgé d'environ trente ans. Ce diocèse était rempli de chrétiens qui ne l'étaient que de nom. A force de patience et de travaux, il y établit la même discipline que dans celui d'Armagh.Celse,qui en était évêque, se voyant près de mourir, déclara qu'il ne connaissait personne plus digne de lui succéder que Malachie. Il commanda même au roi et aux x. grands du royaume, par l'autorité de saint Patrice à laquelle on ne savait pas résister, parce que ce saint avait été l'apôtre de la nation, de ne point en élire d'autre. Il fut en effet choisi; mais son siége fut usurpé par un nommé Maurice, qui s'y maintint par force pendant. cinq ans. Il était d'une certaine famille qui avait possédé cet archevêché près de deux cents ans, par droit d'hérédité.

6. Saint Malachie ne prit possession d'Armagh qu'en 1133. Il y rétablit la paix et les mœurs; puis ayant remis cette Eglise à Gélase, homme digne de la gouverner, il alla prendre soin de celle de Doune, qui faisait auparavant partie de son ancien évêché, c'est-à-dire de Conneret, qu'il avait depuis partagé en deux, ainsi qu'il l'avait été autrefois. Voulant confirmer ce démembrement et obtenir le pallium pour le siége archiepiscopal d'Armagh,auquel on ne l'avait jamais accordé, il fit le voyage de Rome vers l'an 1139. Le pape le reçut avec honneur, lui accorda une partie des grâces qu'il demandait, et le fit son légat dans toute l'Irlande.

7. Ce voyage lui permit de voir deux fois. Clairvaux, où il laissa quatre de ces disciples pour en apprendre l'institut. De retour en Irlande, il y tint plusieurs conciles en qualité de légat, et fit divers règlements pour le rétablissement de la discipline. Il en sera parlé dans la suite. Son exemple et ses miracles donnaient beaucoup d'autorité à tout ce qu'il ordonnait pour la réformation des mœurs.

8. S'étant mis en chemin une seconde fois pour Rome en 1148, il tomba malade à Clairvaux. Les frères s'empressèrent à l'envi pour le soulager. Mais sachant que son heure était proche, il leur dit : « C'est ici le lieu où doit reposer mon corps. Pour ce qui est de mon âme, Dieu, qui sauve ceux qui espèrent en lui, en prendra soin, s'il lui plaît. » Il ajouta,

aut ignorabant, aut negligebant, de novo instituit Malachas. Vita, cap. III.

31

XIV.

XV.

XVI.

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XIX.

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Traité du Chant.

1

qu'il n'avait pas peu de confiance au jour où les vivants rendent tant de bons offices aux morts, voulant parler du jour auquel l'Eglise fait la commémoration de tous les fidèles défunts, et qui fut en effet celui de sa mort. Mais avant qu'elle arrivât, il se fit administrer l'extrême-onction, ensuite le viatique, se recommanda aux prières de la communauté, pria pour elle, imposa les mains à tous les frères présents, et leur donna sa bénédiction. Saint Bernard et plusieurs abbés l'assistèrent à la mort, qui arriva, comme on l'a déjà dit, le 2 novembre 1148, dans la cinquante-quatrième année de son âge.

9. Il est parlé de la Vie de saint Malachie faite par saint Bernard, dans la bulle de canonisation de cet archevêque, datée de la troisième année du pontificat de Clément III, c'est-à-dire en 1190.

§ XIII.

Traité du Chant ou de la Correction de l'Antiphonier.

1. Le treizième et dernier des opuscules de saint Bernard dans le second tome de ses œuvres, est intitulé: du Chant ou de la Correction de l'Antiphonier 2. Il est précédé d'une lettre que les manuscrits attribuent à ce saint abbé, et qui est en effet de son style. Mais en d'autres manuscrits, la préface porte le nom de Gui, abbé de Charlieu dans le dioEpist. 197. cèse de Besançon, le même que saint Bernard recommanda à Pierre, doyen de cette Eglise, dans une de ses lettres. Il paraît néanmoins que l'auteur de cette préface, ou du traité du Chant, car c'est la même chose, ne demeurait pas dans le diocèse de Besançon, puisque sur la fin il appelle ses comprovinciales les Eglises de Reims, de Beauvais, d'Amiens et de Soissons, et qu'en parlant de l'Antiphonier de Soissons, il dit : « Nous l'avons, pour ainsi dire, à notre porte. » Cela fait conjecturer à dom Mabillon, ou que l'auteur du traité était de l'abbaye de Longpont, qui n'est pas éloignée de Soissons; ou que par Gui, abbé de Charlieu, il faut entendre un autre Gui, abbé d'une abbaye de même

1 Nec parum spei repositum mihi in die illa qua mortuis tanta a vivis beneficia impenduntur. Nec longe aberat dies ipsa, cum talia loqueretur. Interea jubet se sacro oleo ungi..... ungitur et sancto viatico, fratrum se orationibus, et frutres commendans Deo, ud lectum revertitur. Vita Malachie, cap. XXXI, num. 71.

2 Mabillon., præfat. in Opuscul. XIII.-Vita Stephani,

nom dans le diocèse de Senlis; ou enfin que Gui de Charlieu dans le diocèse de Besançon est appelé auteur de cet écrit, parce qu'il avait eu part à la correction du chant et de l'antiphonier.

2. Saint Bernard dit en effet dans sa lettre

Lettre de

que l'Antiphonier copié par les premiers pè-int Bernard. res de Citeaux sur celui de l'Eglise de Metz, qu'on disait être le même que le grégorien, se trouva si défectueux, que le chant en étant insupportable, les abbés de l'ordre lui donnèrent mission de le corriger; qu'il assembla, pour cet effet, ceux de ses confrères qui passaient pour habiles dans le chant; et que leur nouvel Antiphonier ayant été approuvé dans le chapitre général, il fut ordonné à tous les monastères de s'en servir. Il déclare dans la même lettre, que ceux qui avaient corrigé l'ancien antiphonier, avaient aussi rendu compte dans une préface, ou dans un traité [spécial], des changements faits par eux. Et c'est ce qui prouve encore que ce traité appartient à plusieurs personnes, et qu'on a pu l'attribuer tantôt à Gui de Charlieu, tantôt à un abbé ou religieux de Longpont.

3. Par ce qu'on vient de dire, il paraît hors de doute que l'Antiphonier de Câteaux fut corrigé par saint Bernard avec l'aide de ses confrères. Cependant il y en a qui prétendent que cette correction ne se fit pas de son vivant. La raison qu'ils en donnent, c'est qu'il semble par les premiers mots de la lettre qu'on lit à la tête de ce traité, et qui porte le nom de saint Bernard, que l'on ne travailla à la correction de l'Antiphonier, que longtemps après l'établissement de l'ordre de Citeaux. Mais outre que ces mots sont susceptibles d'un sens contraire, l'auteur de la Vie d'Etienne, abbé d'Obazin, qui écrivait sur la fin du XIIe siècle, lève toute difficulté, en disant 3, que saint Bernard fut chargé par un décret commun des abbés de Câteaux, de corriger les livres en usage dans l'ordre pour les offices divins; et qu'il les corrigea, en effet, secondé de ceux qui possédaient le chant 4.

4. L'Antiphonier ainsi corrigé, fut imprimé à Leipsick en 1517, chez Michel Lother; en

lib. II, cap. XIII, apud Baluzium, tom. IV Miscellan. Oudin prétend que le traité de la Correction du chant de l'ordre de Citeaux, appartient à Gui, abbé de Charlieu, et il appuie son sentiment sur l'autorité d'un manuscrit. Voyez tome CLXXXI de la Putrologie, col. 1719. L'ouvrage est reproduit au tome CLXXXV, col. 1121. (L'éditeur.)

Saint Bernard corrige l'Antiphonier de Citesa1.

Autres corrections attri bnées à saint Bernard.

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