Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

même du nécessaire. Un des premiers soins du zélé prélat fut de substituer des moines à leur place et en peu de temps, il en rassembla jusqu'à soixante, qui donnèrent sous ses yeux l'exemple de la plus parfaite régu larité, et rendirent à cette Eglise désolée son ancienne splendeur. La sainteté du vieux pontife était si généralement reconnue, que le roi Guillaume-le-Roux, qui n'avait que de la durelé pour les autres évêques, honorait Gondulfe jusqu'au point de lui donner toute sa confiance et d'enrichir son Eglise des dépouilles qu'il enlevait aux autres. L'évêque de Rochester était regardé comme le premier suffragant du siége métropolitain et primatial de Cantorbéry. C'était à lui d'y remplir les fonctions pastorales pendant la vacance du siége ou en l'absence de l'archevêque.

Il y avait près de quatre ans déjà qu'il gouvernait ce diocèse avec le sien, lorsque Ja Providence envoya pour succéder au bienheureux Lanfranc, Anselme du Bec, le seul ami qui fût capable de le consoler de la perte de son prédécesseur. Quelle joie pour l'un et l'autre de se voir ainsi rapprochés après une longue séparation! Nous avons dit ailleurs tout ce que saint Anselme eut à souffrir, tant de la part des deux rois Guillaume-le-Roux et Henri Ier, que de celle des évêques politiques, ses collègues. Gondulfe sut se comporter avec tant de prudence dans ces temps orageux, qu'il resta toujours étroitement attaché au saint archevêque, sans jamais offenser ses adversaires. A la mort du roi Guillaume, le prince son successeur éprouva de la part des Anglais des contradictions qui menaçaient de dégénérer en guerre civile. L'évêque Gondulfe, qui était singulièrement chéri et honoré du peuple, trouva moyen d'apaiser les troubles, et contribua plus que personne à affermir la couronne du nouveau roi. Aussi eut-il l'insigne honneur de baptiser de sa main et de tenir sur les fonts du baptême le .premier issu du mariage de Henri et de la reine Mathilde, et héritier de cette couronne qu'il avait conservé à son père. Il ne protita de cette faveur que pour le bien de son Eglise et des monastères qu'il avait fondés, Environ un an avant sa mort, Dieu, pour achever de le purifier, permit qu'il fût attaqué d'une maladie de langueur, pendant laquelle il montra la résignation la plus parfaite, et édifia tous ceux qui l'entouraient par l'exemple des plus touchantes vertus. Saint

Anselme, son ancien et intime ami, vint lui rendre visite et lui administra les derniers sacrements. Il vécut cependant encore plusieurs jours; mais lorsqu'il sentit que sa dernière heure approchait, il voulut finir en moine, se fit étendre sur un cilice, et rendit ainsi le dernier soupir le 8 mars 1108, qui, cette année-là, se trouvait être le troisième dimanche de Carême, c'est-à-dire le jour même où il avait été sacré évêque. Il était dans la quatre-vingt-cinquième année de sou âge, et la trente-unième, moins onze jours, de son épiscopat. Sa Vie, écrite quelques années après sa mort par un moine de sa cathédrale, se trouve au tome II de l'Anglia sacra, et de là au tome CLIX de la Patrologie, col. 811-836], et mérite d'autant plus de croyance que l'auteur avait vécu plus longtemps avec le saint personnage qui en fait le héros. On y voit qu'aux miracles près, Gondulfe réunissait en lui tous les caractères auxquels on reconnaît les saints.

12. Un des travaux auxquels le saint pontife consacra spécialement son savoir, fut la correction des anciens livres et surtout des livres de l'Ecriture sainte. On a vu que c'était une des occupations littéraires du bienheureux Lanfranc, son maitre, de saint Anselme, son condisciple, et de plusieurs autres élèves de l'école du Bec, où il avait perfectionné ses études. C'est peut-être à ce travail, qui suppose un grand fonds d'érudition et une connaissance parlaite de la critique, que nous devons d'avoir conservé la tradition dans son intégrité, et de posséder aujourd'hui, dans sa pureté native, le texte des anciens auteurs. Du reste, les Eglises de France et d'Angleterre en ont tiré beaucoup de fruits, dès le siècle même où ces grands hommes s'appliquaient à leur procurer cet avantage. Il nous reste encore aujourd'hui un illustre monument qui atteste la part que l'évêque Gondulfe y prit en particulier. C'est une grande Bible en parchemin, écrite sur deux colonnes et en assez beaux caractères, dont la première partie annonce dès le frontispice qu'elle est l'œuvre de Gonduife, évêque de Rochester. Prima pars Bibliæ per bonæ memoria Gundulfum Roffensem episcopum. Le pieux et savant prélat en fit d'abord présent au monastère de sa cathédrale, et de concert avec le prieur et tous les prètres qui le composaient, il rendit un décret portant excommunication contre quiconque enlèverait, cacherait ce volume ou en effacerait

[blocks in formation]

l'inscription qui atteste qu'il appartient au monastère de Rochester. Ce décret fut copié à la tête de ce volume, ce qui n'empêcha pas qu'il ne fût enlevé dans la suite des temps, probablement lors de la fatale révolution qui bouleversa l'Eglise d'Angleterre sous le règne de Henri VIII. Ce précieux trésor, après avoir passé par les mains de différentes personnes, était entre celles d'Herman Van de Wal, bourgmestre d'Amsterdam. A sa mort, arrivée en 1734, il fut vendu aux enchères avec les autres livres de sa bibliothèque, et depuis on l'a tout à fait perdu de

vue.

13. L'ancienne et étroite union qui existait entre saint Anselme et Gondulfe, dut produire, après leur séparation, un grand nombre de lettres échangées entre les deux amis. Il nous en reste plus de vingt de la part du premier : ce qui en suppose au moins autant de la part de l'évêque de Rochester. Ces lettres formeraient un recueil aussi agréable qu'intéressant, si on avait eu soin de les conserver. Nous y découvririons encore mieux que dans son histoire l'esprit, le cœur, en un mot l'heureux caractère de ce grand évêque. D'ailleurs, les traits d'amitié chrétienne dont elles étaient remplies, comme le font supposer celles de saint Anselme, et même, à ce défaut, leur style tout seul suffirait pour les faire estimer; car on sait que les élèves du Bec, à cette époque, avaient le talent de mieux écrire que presque tous leurs contemporains. Nous pouvons en citer comme exemple Gondulfe lui-même, dans ses deux lettres échappées aux malheurs des révolutions qui nous ont privés des autres.

La première est écrite à ses chers amis les moines du Bec, comme il les qualifie luimême dans l'inscription, pour leur annoncer qu'après une vacance de près de quatre ans, le siége primatial de Cantorbéry vient d'être pourvu par la nomination d'Anselme, leur abbé, qui se trouvait alors en Angleterre pour les affaires de sa maison. Par conséquent cette lettre est du mois de février de Ian 1093. Il était à craindre que les moines du Bec, justement attachés à leur abbé, n'apportassent quelqu'obstacle à cette élection, qu'il regarde comme providentielle, ce qui aurait causé un grand préjudice à l'Eglise d'Angleterre, qui avait besoin d'un tel primat. Gondulfe s'efforce de prévenir cet inconvénient, et presse ceux à qui il écrit et qu'il console en même temps, de donner eur

consentement au plus vite, et de ne pas s'opposer à la volonté de Dieu qui venait de sc manifester.

L'autre lettre ne porte pas le nom de Gon- Col. 435. dulfe, mais on a des preuves qu'elle lui appartient. Elle est adressée à saint Anselme, et lui fut envoyée à Lyon, pendant le second séjour qu'il y fit, depuis la fin de l'année 1103 jusqu'en avril 1105. Le but de l'auteur est de déterminer le saint archevêque à revenir au plus tôt en Angleterre. Dans cette vue, il lui expose les raisons qu'il croit les plus pressantes, le renversement du bon ordre dans tous les états, les églises dépouillées, le sanctuaire souillé, le sacerdoce avili, les veuves et les vierges opprimées, les évêques sans vigueur et presque sans action, et plusieurs autres désordres qu'il rejette tous sur son éloignement et auxquels sa présence pourrait remédier.

Que cette lettre appartienne à Gondulfe, les réflexions suivantes ne permettent pas d'en douter. Eadmer, qui l'a enchâssée dans son Histoire, sans en nommer l'auteur, dit néanmoins qu'il était homme de piété, ami de Dieu, et l'un de ceux qui désiraient le plus ardemment le retour de saint Anselme. L'auteur, de son côté, s'y donne lui-même pour un évêque tout dévoué au saint prélat, toujours prêt à lui obéir, que son absence accablait de tristesse, et qui, malgré la liberté avec laquelle il se croyait obligé de lui écrire, conservait toujours la même affection pour sa personne. Tous ces caractères rapprochés du portrait que nous avons tracé de Gondulfe, ne permettent pas de le méconnaître. Ajoutons, pour confirmer cette ressemblance, que l'auteur, dans l'inscription de sa lettre, prend un titre qui semble désigner clairement l'évêque de Rochester, en s'y qualifiant le serviteur de toute la maison du Seigneur. A qui ce titre convient-il mieux, en effet, qu'au pontife qui suppléait aux absen. ces de l'archevêque de Cantorbéry, primat de toute l'Angleterre?

14. Si la perte des autres lettres de Gon- Ses sermons. dulfe est regrettable, combien doit l'être davantage encore celle qu'on a faite de ses sermons! Nous en jugeons ainsi sur l'idée que les critiques nous en donnent, et sur divers traits que l'écrivain anonyme a insérés dans son histoire. Le saint évêque était si vivement touché lui-même des grandes vérités qu'il annonçait à son peuple, que souvent les gémissements et les larmes lui coupaient

la parole, ce qui ne manquait jamais d'arriver, lorsqu'il lui prêchait la pénitence. Aussi ses discours faisaient-ils tant d'impression sur l'âme de ses auditeurs, qu'ils ne pouvaient s'empêcher de pleurer et de gémir comme lui. Ses discours particuliers et sa conversation habituelle n'étaient pas moins pathéti

ques que les sermons qu'il prononçait dans l'église et en présence d'une grande assemblée. « Rien de plus touchant, poursuit son historien, que ce qu'il disait sur la nécessité de la mortification et contre le vice de la vaine gloire. »]

Saint Hcgu s. Sa nais.

sance.

éducation.

CHAPITRE III.

Saint Hugues, abbé de Cluny [1109]; Thierry, abbé de Saint-Hubert en Ardenne [1109]; Guillaume, archevêque de Rouen [1110]; Théofroy, abbé d'Epternac [1110].

[Ecrivains latins.]

1. Environ huit jours après la mort de Sen saint Anselme, Hugues, abbé de Cluny, son ami intime, paya le même tribut à la nature. Il était né en 1024 1, à Semur en Brionois, dans le diocèse d'Autun, de parents de la première condition. Dalmace, son père, songea à le former de bonne heure dans la profession des armes. Oremburge de Vergy, sa mère, pensant différemment, l'élevait pour le service de Dieu. Hugues, se sentant de l'inclination pour ce dernier parti, obtint d'aller vivre sous la conduite de Hugues, évêque d'Auxerre, son grand-oncle.

11 80 fait moine à Cla

fait prieur.

2. A l'âge de quinze ans 2, l'évêque le conny; on lea duisit à Cluny, où saint Odilon, qui en était alors abbé, lui donna l'habit monastique. Quelques années après, voyant la maturité de ses mœurs, il le fit prieur de la maison, de l'avis de la communauté, et le députa ensuite à la cour d'Allemagne pour y négocier la réconciliation des moines de Payerne, monastère dépendant de Cluny, avec l'empereur Henri-le-Noir. Son voyage eut tout le succès qu'on en pouvait attendre mais il eut le chagrin, à son retour à Cluny, d'y apprendre la mort de son abbé, arrivée le 1er janvier 1049.

[blocks in formation]

février de la même année par Hugues, archevêque de Besançon. Au mois d'octobre suivant, il assista au concile que Léon IX tint à Reims, et y fit, par ordre du pape, un discours contre les vices qui régnaient alors, la simonie et le concubinage des clercs. De Reims i reconduisit le pape à Rome. En passant à Mayence, il se trouva au concile. qui y fut tenu, et signa dans celui de Rome la condamnation des erreurs de Bérenger.

4. En 1052, l'empereur Henri-le-Noir l'appela à la cour, et pour lui donner des marques de son estime, il l'engagea à lever des fonts du baptême 5 un de ses fils né au mois de novembre l'année précédente. Peu de temps après il fut député en Hongrie par Léon IX, pour ménager la paix entre le roi André et l'empereur. Il réussit dans cette négociation. Au concile d'Autun en 1055 6, il persuada à Robert II, duc de Bourgogne, de pardonner aux meurtriers de son fils. Les papes Nicolas II et Grégoire VII, l'associèrent plusieurs fois aux légats qu'ils avaient en France, et il se tint peu de conciles dans ce royaume où l'abbé de Cluny ne se trouvât. Il présida même en qualité de légat 7 à celui d'Avignon, sous le pape Nicolas II, avant l'an 1061, car on ne sait pas l'année. Les affaires de l'Eglise et de l'Etat ne l'empêchaient pas de veiller au maintien du bon ordre de sa maison, et

Idem, lib. LIX, num. 72, 75.

5 Mabill., lib. LX Annal., num. 5; Bolland. in Vila, pag. 636.

Bolland., pag. 659; Mabill., ibid., num. 67. 7 Gallia Christiana nov., pag. 483.

des autres monastères qui en dépendaient, soit en France, soit dans les pays étrangers. Un auteur contemporain dit que l'abbé de Cluny avait jusqu'à dix mille moines sous sa discipline. Il étendit même ses soins sur plusieurs monastères de filles, nommément sur celui de Marcigny 2, qu'il for.da avec les libéralités du comte Geofroi son frère.

5. Il était à Florence 3 au mois de juillet 1057; le pape Etienne IX, qui s'y trouvait attaqué d'une dangereuse maladie, le pria de l'assister au lit de la mort. Il fut honoré de ce pape et de ses successeurs. En 1077, il ménagea avec la comtesse Mathilde 4 la réconciliation de l'empereur Henri IV avec le pape Grégoire VII, et fit rendre à ce prince la communion de l'Eglise. Urbain II ne fut pas plus tôt élevé sur la Chaire de saint Pierre, qu'il en écrivit à l'abbé Hugues; et il voulut loger à Cluny en allant au concile de Clermont, en 1095. Pascal II lui donna aussi avis de sa promotion et lui témoigna sa considération par divers priviléges. Philippe Ier, roi de France, Alphonse VI, roi d'Espagne, Robert II, duc de Bourgogne, et plusieurs autres princes de l'Europe respectèrent le mérite de l'abbé de Cluny. Il fut lié d'amitié avec les cardinaux, les archevêques, les évêques et les abbés les plus distingués.

6. Zélé pour l'observance de la discipline monastique, il en donna toujours l'exemple à ses frères, et la leur prêcha de vive voix. Au jour de Noël qui précéda sa mort, ils le conduisirent au chapitre pour recevoir ses instructions. Il les exhorta à la persévérance et à combattre fortement les princes des ténèbres. Il était alors dans la quatre-vingtcinquième année de son âge, et ses forces diminuaient considérablement. Il en eut toutefois assez pour aller jusqu'à Pâques, et pour assister le jeudi-saint à l'office divin. Ses religieux le prièrent de les absoudre. Il s'en défendit, se disant lui-même lié par ses péchés néanmoins il leur donna l'absolution et sa bénédiction; à l'heure du Mandat il leur lava les pieds, et ordonna ce jour-là une aumône plus abondante que de coutume. Le mercredi de Pâques, on lui apporta le viatique. Interrogé s'il reconnaissait la chair vivifiante de Jésus-Christ, il répondit : « Je la reconnais et je l'adore. » Il baisa la croix

[blocks in formation]

avec respect, se fit apporter la chape de saint Marcel dont il invoqua le secours avec larmes, et mourut le soir du même jour, 29 avril 1109, couché sur la cendre et le cilice, après avoir été abbé de Cluny soixante ans, deux mois et huit jours, laissant à ses religieux la joie de sa béatitude éternelle, l'exemple d'une sainte vie et l'espérance de l'avoir pour intercesseur dans le ciel. Ce sont les termes d'Hildebert, auteur de sa Vie. [Cette Vie est rapportée au tome CLIX de la Patrologie, col. 845-894, d'après les Bollandistes.]

[ocr errors]

Il est mis nombre

7. Elle fut encore écrite par deux moines de Cluny, l'un nommé Ezelon, qui aupara- des saint vant était chanoine de Liége; l'autre Gilon, depuis cardinal-évêque d'Ostie. Raynaud, son neveu, abbé de Vézelay, et ensuite archevêque de Lyon, écrivit aussi sa Vie en prose et en vers élégiaques. Les derniers. sont conçus en ces termes: Hæc Pater Hugo tui Rainaldi dicta nepotis suscipe, quæso, pie, meque tuere, Pater. [La Vie de saint Hugues par Raynaud est reproduite au volume cité de la Patrologie, col. 893-910. Elle est suivie d'un abrégé qu'un anonyme a fait de celles que Ezelon et Gilon avaient composées, et des Analectes recueillis dans la Bibliothèque de Cluny.] On en connaît une quatrième, mais plus courte que les précédentes, composée par un moine du nom de Hugues. Mais tous ces écrivains étaient au-dessous de leur matière, et le saint abbé de Cluny 7 méritait un historien aussi exact que celui de saint Anselme, je veux dire Eadmer. Les vertus et les miracles de Hugues engagèrent le pape Calixte II à le mettre au nombre des saints que l'Eglise révère au 29 avril.

8. Ses lettres devaient être précieuses pour toutes les personnes à qui il en écrivait, et il eut lieu d'en écrire un grand nombre, occupé très-souvent des affaires de l'Eglise et de l'Etat. Il n'en reste toutefois que sept ou huit, que l'on aurait peut-être encore perdues, si elles ne se trouvaient enchâssées en différents monuments considérables. [Elles sont reproduites au tome CLIX de la Patrologie, col. 927-932. On les a fait suivre des lettres que différents personnages lui adressèrent.] La première lettre de saint Hugues est rapportée dans la Bibliothèque de Cluny et dans les Annales d'Angleterre du père Al

6 Mabill., lib. LXXI Annal., num. 73.—7 Idem, ibid.
8 Bolland., ad diem 29 april., pag. 633.
• Cluniac. Bibliot., pag. 454; Alford. Annal., ad

an. 1078.

Ses lettres

à Gaill ame, terre.

roi d'Angle.

Lettre à

salut Anastase, ermite.

Lettres an Tape Urbain

Lettres à saint Ansel. me.

ford, sur l'an 1078. C'est une réponse à Guillaume-le-Conquérant, qui avait demandé à l'abbé Hugues quelques-uns de ses religieux, s'offrant de payer à l'abbaye de Cluny pour chacun de ceux qu'on lui enverrait, cent livres d'argent. L'abbé ne crut pas devoir envoyer ses religieux à de pareilles conditions, et fit entendre à ce prince qu'il en achèterait plutôt lui-même pour fournir aux besoins de plusieurs monastères dont il s'était chargé Le vrai motif de son refus était la crainte de voir ceux qu'il enverrait en Angleterre se relâcher de l'observance établie à Cluny, attendu qu'il n'y avait pas encore de monastère de son ordre en Angleterre.

9. Il avait permis à un de ses religieux nommé Anastase, dont il a été parlé plus haut, de se retirer dans les monts Pyrenées pour y vivre en ermite. L'odeur de sa sainteté y attirait quantité de personnes pour recevoir de lui des instructions. Au bout de trois ans, l'abbé Hugues, étant bien aise de l'avoir sous ses yeux comme un modèle de piété pour toute sa communauté, lui écrivit de revenir à Cluny. Anastase plein de joie se mit aussi en chemin. Mais ayant été saisi de la fièvre en un lieu nommé Doydes, au diocèse de Rieux, il y mourut au mois d'octobre de l'an 1086. C'est donc à cette année qu'il faut rapporter la seconde lettre de saint Hugues. Gauthier, auteur de la Vie de saint Anastase', l'a insérée dans sa narration.

10. La troisième se lit dans l'Histoire 2 de l'abbaye de Saint-Hubert en Ardenne, à la suite de celle de Hugues, archevêque de Lyon. Elles sont l'une et l'autre adressées au pape Urbain II, pour l'engager à maintenir la sentence de déposition, prononcée par Manassés II, archevêque de Reims, contre Robert, abbé de Saint-Remy. Cet archevêque lui avait donné lui-même la bénédiction abbatiale, le croyant capable de la dignité d'abbé; mais la conduite de Robert ne fut pas telle que Manassés avait espéré. Saint Hugues fait mention dans cette lettre d'une autre qu'il avait écrite au même pape, en faveur de l'archevêque dont il était ami. 11. Il l'était pareillement de Hugues, ar

1 Mabill., tom. IX Actor., pag. 492.

2 Marten., Collect. ampliss., tom. IV, pag. 999. later Epist. Anselm. Epist. 79, et Mabill., lib. LXXI Annal., num. 19.

Inter Epist. Anselm., Epist. 17 et 80.

Tom. II Spicileg., pag. 401.

6 On ne lit rien de semblable dans Frédegaire ni

chevêque de Lyon, et ils avaient l'un et l'autre pour ami commun saint Anselme de Cantorbéry. C'est pourquoi Hugues de Lyon étant mort en 1106, l'abbé de Cluny en donna avis à saint Anselme, en le priant de lui accorder après sa mort les marques d'amitié qu'il lui avait données de son vivant. L'année précédente il écrivit deux lettres à l'archevêque de Cantorbéry. Elles sont pleines de ces témoignages d'amitié et de charité, qui font en cette vie l'union des saints. Il demande à Dieu dans l'une des deux qu'il ne permette point, qu'ayant été unis en cette. vie, ils soient séparés dans la gloire; grâce que Dieu leur accorda, puisqu'ils passèrent presque dans le même temps à la félicité éternelle, ainsi que nous l'avons déjà remarqué. Dans l'autre lettre il partage avec saint Anselme ses peines et ses chagrins.

12. Philippe Ier s'était rendu méprisable par ses mœurs, et l'autorité royale s'était affaiblie dans ses mains : il avait été excommunié par Urbain II 5, et frappé d'anathème pour la seconde fois dans le concile de Poitiers. Ni l'abbé de Cluny, ni son ordre ne prirent aucune part à tout ce qui se fit contre ce prince. Ils le respectèrent comme leur souverain, et s'intéressèrent à sa gloire. Philippe en remercia l'abbé par une lettre que nous n'avons plus. Mais on voit par la réponse de Hugues, qu'il témoignait quelque désir de renoncer à la couronne, et d'aller finir ses jours à Cluny; qu'il souhaitait néanmoins de savoir auparavant s'il y avait des exemples qu'un roi se fût fait moine. L'abbé le loue de son dessein, il en rend grâces à Dieu, et lui cite pour exemple le roi Gontran qui renonça aux vanités et aux délices du monde, pour embrasser la vie monastique. Il l'exhorte à corriger ses mœurs, et à retourner à Dieu par une sincère pénitence; tâchant de lui inspirer une crainte salutaire des jugements de Dieu, par le récit de la manière dont Guillaume-le-Roux, roi d'Angleterre, et l'empereur Henri V venaient de finir misérablement leurs jours.

6

13. La huitième lettre de l'abbé de Cluny 7 est aux religieuses de Marcigny; il l'écrivit

dans les autres historiens français. Mais il est vraisem blable que Gontran, qui mourut dans le monastère de Saint-Marcel, y avait vécu quelque temps auparavan, et pris par dévotion l'habit monastique. Bolland., ad diem 29 april., pag. 631.

7 Bolland., ad diem 29 april., pag. 632, et Bibliot. Cluniacens., pag. 491, 493.

Let'ro Philippe. de Franca

Lettre religieuse

Marcigui.

« ZurückWeiter »