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Epist. 27

26, 28, 42, 43, 44, 45.

29.

Clermont, parce que le porteur, qui était frère du captif, ne put en obtenir l'élargissement qu'en donnant ces lettres à l'évêque. L'abbé Pierre, n'ayant donc pu exécuter les autres commissions portées dans ces lettres, se contenta d'instruire le pape de la mauvaise conduite de l'évêque de Clermont, dont le diocèse était destitué de tout secours spirituel et temporel de la part de ce prélat. Il n'entra pas dans le détail de ses désordres, ne doutant pas que d'autres n'en instruisissent le pape.

51. Pierre s'intéressa auprès de lui en faveur de Humbert de Beaujeu, qui depuis son retour d'outre-mer avait quitté l'ordre des chevaliers du Temple, et repris sa femme. Cette démarche étant contraire au vou de chasteté que faisaient les chevaliers, le pape ne voulait pas souffrir qu'il rentrât dans le monde ni qu'il demeurât avec sa femme. L'abbé de Cluny avait cru d'abord qu'Humbert, en passant à Rome, avait obtenu du pape cette dispense. Mais ayant été détrompé, il pria le pape de laisser Humbert en cet état, disant que s'étant établi dans le territoire de Cluny, il en avait banni tous les pillards et les brigands, mis les pauvres à couvert de la persécution des tyrans, rendu la paix partout; que sa conduite était réglée; enfin que s'il s'était engagé dans l'ordre des chevaliers, sa femme n'y avait point consenti et ne s'était point engagée depuis à vivre dans la continence. L'abbé écrivit sur le même sujet à Ebrard, maître du Temple. Il y a plusieurs autres lettres de recommandation de l'abbé de Cluny au pape Eugène III

une est contre le prévôt et les autres supérieurs ecclésiastiques de Brioude, qui avaient, sans aucune formalité de justice, dépouillé de ses biens un clerc de cette Eglise, quoiqu'il leur offrit de comparaître à jour certain et désigné par eux, et de leur donner son argent, ses parents et ses amis pour gages de sa parole, et qu'il consentit, à défaut de jugement judiciaire, à se justifier par l'épreuve du feu, pourvu qu'ils permissent de faire sur le bucher les exorcismes ordinaires, ce qu'ils avaient refusé.

52. La lettre de l'abbé de Cluny à ses deux nièces, Marguerite et Ponce, est un éloge de la virginité à laquelle elles s'étaient vouées l'une et l'autre. Il en fait voir les avantages, et emprunte sur ce sujet quelques beaux endroits des écrits de saint Augustin, de saint Ambroise, de saint Cyprien et de saint HiXIV.

laire. Comme elles avaient dans leur famille même de grands exemples de vertu, Pierre les leur propose à imiter.

53. De retour du voyage qu'il avait fait à Epist. 46. Rome en 1150, il fit à saint Bernard le récit de la réception que le pape Eugène III lui avait faite. « Il a, dit-il, toujours eu pour moi un visage égal, quoiqu'il en changeât avec discrétion pour les autres, suivant la diversité des personnes et des événements. Tel je l'ai trouvé à mon arrivée, tel je l'ai laissé en prenant congé de lui. Il me préférait à tous, même à ceux qui étaient d'un rang plus élevé, même au patriarche de Ravenne, qui était présent. J'étais presque le seul étranger qui fût admis à ses conseils avec les Romains; voilà pour le public. Mais dans le particulier, je n'ai jamais trouvé d'ami plus fidèle ni de frère plus sincère. Il m'écoutait patiemment, il me répondait promptement et efficacement, il me traitait comme son égal, quelquefois comme son supérieur. Rien ne sentait le faste ou la grandeur; ce n'était qu'équité, humilité et raison. Ce que je lui ai demandé, il me l'a accordé, ou il me l'a refusé de manière que je ne pouvais m'en plaindre. Je l'avais vu à Rome la première année de son pontificat; je l'avais vu depuis à Cluny, à Auxerre, à Châlons, à Reims et ailleurs, mais je l'ai trouvé encore tout autre. » Pierre remarque que pendant son séjour en Italie, qui fut de plus de quatre mois, on eut toujours un temps serein, pendant qu'en France il pleuvait presque continuellement, comme il l'apprit à son retour. Quelque temps après, il écrivit à Nicolas, secrétaire de saint Bernard, pour l'inviter à une conférence qu'il devait avoir avec ce saint, à Dijon, le troisième dimanche d'après la Pentecôte, si toutefois elle pouvait se tenir en ce jour.

47.

Autres let

de Cluny.

54. Des huit lettres publiées de nouveau dans la Bibliothèque des Pères à Lyon, il y en tres de Pierre a trois de Pierre de Cluny à l'abbé Suger; la quatrième est une réponse de cet abbé. Les trois suivantes sont de saint Bernard, et la huitième de Pierre de Celle à l'abbé de Cluny. Elles ne contiennent rien de remarquable. André Duchêne a inséré quatre lettres de Pierre de Cluny dans le tome IV des Ecrivains français, comme pouvant servir à l'histoire du royaume; mais elles avaient déjà été imprimées dans la Bibliothèque de Cluny, à Paris en 1614. Il y a aussi de ses lettres qui

1 Pag. 458 et seq.

1

33

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ont été rendues publiques par Pierre du Montdes-Martyrs, à Paris en 1522. Dom Mabillon nous en a donné deux qui n'avaient pas encore vu le jour. L'une est adressée aux sénateurs de Venise, de qui l'abbé de Cluny avait reçu plusieurs marques d'amitié étant en cette ville. Ils s'étaient obligés à fournir gratuitement à l'abbaye de Cluny, en l'honneur de Dieu et des saints apôtres saint Pierre et saint Paul, chaque année, cent livres d'encens blanc, comme une offrande pour la rémission de leurs péchés. En reconnaissance, Pierre de Cluny ordonna que tous les ans, le lendemain de la fête de saint Benoît, on célébrerait, pour leurs parents défunts, un office général avec la messe solennelle; que chaque prêtre dirait une messe, et que ceux qui ne l'étaient point réciteraient un certain nombre de psaumes, suivant qu'il se pratique à Cluny. L'autre lettre est aux religieux de la Grande-Chartreuse. Elle porte qu'il avait été arrêté dans le chapitre de Cluny que lorsqu'on y aurait avis de la mort d'un chartreux, on célébrerait pour lui à Cluny l'office des morts avec la messe conventuelle; qu'en outre chaque prêtre dirait une messe pour le repos de son âme, et les simples clercs les sept psaumes de la pénitence et sept fois le Miserere mei, Deus; qu'on célébrerait aussi l'office des morts et la messe conventuelle dans les prieurés dépendants de Cluny, et que le nom du mort serait inscrit dans le Nécrologe. Les chartreux, en répondant à cette lettre, s'engagèrent à rendre les mêmes services à chaque religieux de Cluny, aussitôt qu'ils apprendraient leur mort. Geoffroy, abbé de Vendôme, contracta avec les clunistes le même engagement, comme on le voit par la lettre qu'il leur écrivit, et qui est aussi rapportée dans les Analectes de dom Mabillon.

55. Ces sortes d'associations tiraient leur origine de la persuasion où l'on était que les prières de l'Eglise produisaient leur effet sur ceux qui en étaient membres, et qu'il y avait entre les fidèles une communion de bonnes œuvres. Elles avaient aussi pour principe l'ancien usage de l'Eglise de nommer dans les sacrés diptyques les vivants et les morts pendant la célébration des divins mystères. C'est sur 2 cet usage que l'on a introduit dans les monastères celui des nécrologes, où l'on écrivait le nom des frères, des

1 Mabillon., in Analectis, pag. 159. 2 Mabillon., in Analectis, pag. 160.

bienfaiteurs et de ceux que l'on avait associés aux prières de la communauté. Comme le jour et le mois de leur mort étaient marqués dans ce Nécrologe, on récitait leurs noms à prime, après la lecture du Martyrologe et de la Règle de saint Benoit, afin que l'on fit en commun des prières pour le défunt ou pour plusieurs, s'il y en avait plus d'un dont la mort fùt annoncée en un même jour. La matrone Théodetrude, en faisant quelques donations à l'abbaye de Saint-Denis, l'an quarante-trois du roi Clotaire, exigea que l'on écrivit son nom dans le livre de vie. Berchramn, évêque du Mans, demanda la même chose par son testament. Le vénérable Bède, dans sa lettre à l'évêque Edfride et aux moines de Lindisfarne, leur demande des messes et des prières après sa mort; et Alcuin obtint, par la médiation de Charlemagne, des évêques assemblés à Francfort, d'être admis à la communion de leurs suffrages.

56. Ce n'était jusque-là que des associations de quelques particuliers, mais dans la suite il s'en fit de monastères entiers. Il y en a des exemples dans les lettres de saint Boniface. Dans la vingt-quatrième, il recommande aux prières de l'abbé Aldher, quelques frères défunts dont il lui envoyait les noms. Par la quatre-vingt-quatrième, Dodon, abbé d'Hornbach, supplia Lulle, archevêque de Mayence, de le recevoir, lui et sa communauté, à la communion de ses prières, de celles de ses amis, des évêques ses suffragants, des abbés et du clergé de son diocèse; le priant en même temps de lui envoyer les noms de tous ses amis, tant vivants que défunts, afin que l'on fit pour eux des prières dans son abbaye d'Hornbach. Ce fut donc dans le viie siècle que commença cette association générale et mutuelle de suffrages. Il s'en fit une la vingt-cinquième année de Louis le Pieux, entre les moines de St-Denis et ceux de Saint-Remy, dont l'acte est rapporté au quatrième tome du Spicilege. On en voit une autre, sous le règne de Charlemagne, entre les moines de Richenow et ceux de Saint-Gall. Les bonnes œuvres prescrites par ces sortes d'associations, étaient des messes, des prières, des aumônes, tantôt pendant un an entier, quelquefois pendant trente jours. Les églises cathédrales firent aussi entre elles des sociétés de prières. Ful

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3 Mabillon., ibid.

Suite.

Autres let. tres de Pierre de Cluny.

Traités de

bert, évêque de Chartres, fait mention dans sa cent dixième lettre, de celle qu'il établit avec l'évêque de Lisieux en 840. Les évêques du concile du Mans s'obligèrent mutuellement à célébrer douze messes pour chacun de ceux d'entre eux qui viendraient à mourir. On convint que le doyen de chaque cathédrale enverrait au synode prochain le nom des chanoines morts depuis le concile précédent; et que l'on offrirait douze fois pour chacun le saint sacrifice, avec grand nombre de prières spécifiées dans l'acte d'association. On en cite une entre les chanoines de Laon et les moines de Saint-Remy de Reims, faite en 928, qui porte pour chaque défunt quatre vigiles et autant de messes, savoir, le premier jour de sa mort, le troisième, le septième, le trentième; et la récitation du psautier avec l'obligation d'inscrire dans le Nécrologe son nom, pour être mis devant les yeux du prêtre au Memento des morts.

57. On lit au premier tome des Anecdotes de dom Martène une lettre de Pierre de Cluny à Hugues 1, abbé de Trois-Fontaines, de l'ordre de Citeaux, par laquelle il lui fait, à la prière de saint Bernard, donation d'un certain terrain qui était à la bienséance de cette abbaye, sous le cens annuel de dix sous proviniens. Cette lettre est de l'année 1150, de même que celle qui est adressée au prieur et aux religieux de Saint-Benoît-sur-Pau, soumis à l'abbé de Cluny. C'est une permission d'élire un abbé, conformément aux priviléges à eux accordés par les papes Grégoire VII, Urbain II, Pascal II, Gélase II, Calixte II, Honorius et Lucius II. La troisième lettre publiée par dom Martène regarde un démêlé entre les moines de Sainte-Marie de la Deaurade et les chanoines de Saint-Etienne de Toulouse. Pierre ordonne aux premiers de faire cesser les plaintes que les chanoines faisaient contre eux. La quatrième, adressée à tout l'ordre de Cluny, fait mention de l'association faite de l'abbaye de Rebais à cet ordre 2. La cinquième est une protestation d'amitié à l'abbé Suger, et en même temps une lettre de recommandation pour le porteur, chargé de certaines affaires dans lesquelles il pouvait être aidé par l'abbé Suger 3.

58. Nous pouvons regarder comme le pre

1 Tom. I Anecdot. Marten., pag. 407.

2 lbid., pag. 416.

3 Toutes les lettres de Pierre le Vénérable sont réunies au tome CLXXXIX de la Patrologie lati

Clany.

Lettre à Pierre de St

Jean. t. XXI pag. 970.

Bibliot. Patr,

Matth.

XXII,

42.

mier des traités théologiques de Pierre de Pierre de Cluny, sa lettre à Pierre de Saint-Jean, puisqu'outre sa longueur, c'est une discussion d'une vérité fondamentale de notre religion. Ce Pierre de Saint-Jean avait averti l'abbé de Cluny, étant en conférence avec lui, que quelques-uns de ses religieux ne croyaient pas que Jésus-Christ se fût appelé clairement Dieu dans l'Evangile, quoiqu'ils en eussent lu le texte avec beaucoup d'attention. L'abbé, pour les désabuser, leur fait remarquer premièrement, qu'en tout temps le démon a fait ce qu'il a pu pour détruire dans l'esprit des fidèles la foi de la divinité de Jésus-Christ. Il leur dit, en second lieu, que si Jésus-Christ ne s'est pas d'abord appelé Dieu en termes aussi clairs que Dieu s'appelait dans l'Ancien Testament le Dieu d'Abraham, le Dieu de Jacob; c'est qu'il voulait convaincre insensiblement les Juifs de sa divinité. Que vous semble du Christ, leur disait-il un jour, de qui doit-il être fils? Ils lui répondirent: De David. -Comment donc, répliqua Jésus-Christ, David l'appelle-t-il en esprit son Seigneur ; et s'il est son Seigneur, comment est-il son fils? L'abbé de Cluny soutient que par ce raisonnement le Sauveur faisait voir clairement que le Messie était Dieu; mais il apporte des passages plus expressifs, ou Jésus-Christ se dit Dieu. Nous en citerons quelques-uns. La Samaritaine lui ayant dit: Je sais que le Messie, qui est appelé le Christ, doit venir; le Sauveur lui répondit: C'est moi-même qui vous parle. Ayant rencontré l'aveugle-né quelques moments après l'avoir guéri, il lui dit : Croyez- Joan. ix, vous au Fils de Dieu ? Qui est-il, Seigneur, lui répondit cet homme, afin que je croie en lui? Jésus lui dit : Vous l'avez vu, et c'est celui-là même qui parle à vous. Je crois, Seigneur, répliqua-t-il, et se prosternant, il l'adora. Pierre, le premier des apôtres, ayant dit au Sauveur: Vous êtes le Christ Fils du Dieu vivant: Vous êtes bienheureux, lui répondit le Sauveur, parce que ce n'est point la chair et le sang qui vous ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans le Ciel.

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59. Le second traité de Pierre le Vénérable est contre les Juifs, à qui il fait voir, par l'autorité des divines Ecritures, qu'ils admettent comme les chrétiens, que Jésus-Christ est Dieu et Fils de Dieu. Il tire ses princi

les lettres qui lui ont été adressées par divers personnages sont reproduites séparément pour la première fois, col. 471-488. (L'éditeur.)

Joan. iv, 25.

35.

Matth. XVI, 16.

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pales preuves du livre des Psaumes et des I, 1, 6 Prophètes, surtout d'Isaïe et de Michée. Le Michéo, v, 2. premier annonce la naissance du Messie,

et seq.

qu'il dépeint avec tous les caractères de la divinité; le second le fait naître à Bethleem, où Jésus-Christ est effectivement né. Isaïe parle de cette naissance comme ineffable, parce qu'en effet elle n'est connue que de Dieu, lui seul connaissant comment le Messie est né d'une Vierge, cette naissance étant son ouvrage. Pierre rapproche ce qu'on lit de la passion de Jésus-Christ dans l'Evangile, de ce qui en est prédit dans Isaïe; de là il conclut deux choses: la première, que ce que ce prophète dit du sacrifice et de la passion du Messie, a été accompli en JésusChrist; la seconde, que le premier avénement du Messie ne devait pas se faire dans l'éclat de sa majesté, comme le pensaient les Juifs, mais dans l'obscurité et les souffrances. Il Malach., 1, 2. applique à Jésus-Christ ce qu'on lit dans Malachie, que du lever du soleil jusqu'au couchant, le nom de Dieu serait grand parmi toutes les nations; qu'on lui offrirait des sacrifices et une oblation pure en tout lieu. La preuve en était évidente. Du temps de Malachie, toute la terre, excepté les Juifs, sacrifiait aux idoles. Ce n'est que depuis la venue de Jésus-Christ, que les Gentils connaissent et adorent le vrai Dieu; et c'est aussi depuis ce temps que l'on a bâti dans tout le monde des églises au nom de l'agneau de Dieu que les Juifs ont attaché à la croix. L'abbé de Cluny vient ensuite aux preuves tirées des prophéties de Jacob, touchant la durée du sceptre dans Juda jusqu'à la venue du Messie; de celle Dan., Ix, 24. des septante semaines du prophète Daniel; et de quelques autres prophéties, dont il fait voir l'accomplissement en Jésus-Christ. Après quoi il réfute quelques fables du Talmud des Juifs, qu'il suffisait de rapporter pour en faire sentir le ridicule. Quand on demandait aux Juifs ce que faisait Dieu dans le ciel, ils Cap. v,pag. répondaient : Qu'il n'y faisait autre chose

Gen., XLIX, 10.

1012.

que de lire le Talmud et en conférer avec les sages Juifs qui l'ont composé. Pierre de Cluny ne nous apprend point quelle fut l'occasion de ce traité. Mais on sait par d'autres que les Juifs, qui en tout temps se sont déclarés contre les chrétiens, le firent avec éclat dans le XIIe siècle, d'où sont venus les écrits que répandirent contre les Juifs Gil

1 Voir sur Robert de Rétines une notice tirée de Fabricius, et une autre tirée du père Antoine, au tome CLXXXIX de la Patrologie, col. 1073-1076. Ro

bert de Westminster, Rupert, abbé de Tuy, Guibert de Nogent, Pierre de Blois et quelques autres savants de ce temps-là.

60. Dans le voyage que Pierre de Cluny fit en Espagne en 1142, il se donna tous les soins nécessaires pour faire traduire en latin la loi des mahométans, nommée ordinairement l'Alcoran, et choisit à cet effet des personnes bien instruites de l'arabe, parce que l'Alcoran était écrit en cette langue. De ce nombre était Robert de Rétines 1, et c'est le seul dont le nom paraisse à la tête de la préface de cette translation, dédiée à l'abbé de Cluny. On n'a rapporté que cette préface dans la Bibliothèque des Pères, [et dans le tome CLXXXIX de la Patrologie, parmi les œuvres de Pierre le Vénérable, col. 657]; mais la traduction entière fut imprimée avec la préface de Robert, à Zurich en 1543, par les soins de Théodore Bibliander. Pierre de Cluny, de retour en France, envoya la version de l'Alcoran à saint Bernard, avec une lettre, où il l'exhortait à employer les talents que Dieu lui avait donnés, à la réfutation de ce livre. Cette lettre est de l'an 1143. Nous l'avons dans la Bibliothèque de Cluny et dans celle des Pères. Mais la réponse de saint Bernard n'est pas parvenue jusqu'à nous; et il ne paraît pas qu'il ait jamais rien écrit contre les mahométans, laissant ce soin à l'abbé de Cluny.

61. Cet abbé donna en particulier un sommaire des erreurs enseignées par les Sarrasins ou Ismaélites, et fit remarquer que la doctrine de cette secte n'est qu'un amas confus de fables judaïques, et de puérilités tirées de diverses hérésies. Puis il entreprit la réfutation des erreurs de cette secte, en quatre livres. Pierre de Poitiers mit par ordre tous les articles qui devaient y être traités. Mais l'abbé de Cluny ne voulut pas s'astreindre à les traiter comme ils avaient été proposés. Ces quatre livres ont été longtemps ensevelis dans l'obscurité des bibliothèques, et quelques soins que l'on se soit donnés pour les recouvrer, l'on n'a pu encore trouver que les deux premiers livres. On doit cette découverte à dom Martène et à dom Ursin Durand, qui les ont fait imprimer dans le neuvième tome de leur Grande Collection sur un manuscrit de l'abbaye d'Anchin.

62. Dans le prologue qui est à la tête de

bert était anglais; après plusieurs voyages, il se fixa en Espagne et devint archidiacre de Pampelune, où il mourut. (L'éditeur.)

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cette réfuta livre, p. 1125.

tion. Premier

Pag. 1134.

l'ouvrage, Pierre de Cluny entre dans le détail des hérésies qui ont attaqué la doctrine de l'Eglise dès son commencement; et après avoir détaillé aussi nommément tous ceux qui ont pris successivement la défense de la vérité, à mesure qu'elle était combattue par de nouveaux hérétiques, il dit que c'est pour imiter le zèle de ces défenseurs de l'Eglise, qu'il se propose de réfuter les erreurs des mahométans; et qu'il avait déjà cette intention lorsqu'il fit traduire en latin leur loi ou l'Alcoran, écrit en arabe.

63. Adressant la parole aux mahométans mêmes, il leur dit, que s'il entreprend de combattre leur doctrine, c'est par amour pour eux, et non par haine : dans la seule vue de leur procurer le salut éternel. L'abbé de Cluny prend cette voie d'insinuation, afin de les engager du moins à lire son ouvrage, parce qu'il avait ouï dire que ceux de cette secte n'écoutaient jamais personne qui voulût disputer, ou contre les lois de leurs pères et de leur patrie, ou contre les rits introduits par Mahomet leur prophète. Il fait voir que tout esprit raisonnable doit aimer à connaître la vérité, et la chercher, surtout en ce qui regarde les choses divines; que de toutes les religions, celle de Mahomet est la seule qui aime à demeurer dans les ténèbres, ce qui est une preuve de sa fausseté; qu'il n'en est pas ainsi de la religion chrétienne; que tous

1 Petr, 111, 15. ceux qui la professent sont, aux termes de l'apôtre saint Pierre, obligés de rendre compte de leur espérance à tous ceux qui le leur demandent.

Pag. 1141.

1149.

64. Pierre rapporte l'endroit de l'Alcoran où il est défendu de disputer de la loi, et ordonné de dire anathème à quiconque veut en disputer, et même de le tuer. Il fait remarquer aux mahométans qu'un conseil de cette nature déshonore leur secte, en montre la faiblesse, et combien ils se défient de leur propre cause; que les Juifs ne poussent pas si loin leur opiniâtreté, puisqu'ils écoutent quand on leur prêche les vérités de la religion; que c'est en les écoutant avec attention, que les rois d'Angleterre se sont convertis avec leurs peuples; qu'il est surprenant que Mahomet qui, pour former sa loi, a emprunté plusieurs choses des chrétiens et des juifs, n'ait pas tout tiré de leurs écrits, en prescrivant aux siens, ou la religion chrélienne seule, ou la juive.

65. Les mahométans en donnaient pour raison, que les livres des chrétiens et ceux des

juifs avaient été corrompus. Pierre leur demande l'époque de cette altération, et les prie de lui citer quelque endroit de l'Alcoran ou de leurs autres livres, qui atteste cette falsification. Comme ils répondaient que l'exemplaire de la loi emporté de Babylone par les Juifs délivrés de la captivité, s'était perdu en chemin, il répond que la perte de cet exemplaire, quand elle serait arrivée de la manière fabuleuse qu'ils la racontaient, n'emportait pas nécessairement la perte de tant d'autres exemplaires qui étaient entre les mains des Juifs dispersés dans les autres provinces du monde. « Quelle est, dit-il, la nation qui, ayant à se conduire selon une loi écrite, n'en conserve pas plusieurs exemplaires pour les besoins de ceux qui, soumis à cette même loi, vivent éloignés les uns des autres en diverses villes ou provinces? » Il dit qu'il était d'usage chez les Juifs, avant la captivité, de conserver un exemplaire de la loi, non-seulement à Jérusalem, mais encore dans toutes les autres villes, afin qu'ils pussent aisément s'en instruire et l'observer; que les Sarrasins mêmes ont plusieurs copies de l'Alcoran. Pierre rapporte un passage du second livre d'Esdras, qui prouve nettement II Esd., VIII, que le livre de la loi existait depuis le retour de la captivité; et prouve que si cette loi avait été corrompue, on ne l'aurait pas reçue depuis avec tant d'unanimité; ou qu'en admettant qu'elle a été falsifiée, on doit rejeter l'Alcoran qui en a emprunté plusieurs choses. Il montre, par un semblable raisonne- Pag. 1157. ment, que l'Evangile et les autres livres des chrétiens ne sont ni perdus, ni altérés.

Deux ème

66. Venant au point capital de la religion mahométane, il l'attaque de front et soutient livre, p. 1161. que Mahomet ne fut jamais prophète. « La prophétie, dit-il, est la manifestation des choses inconnues, soit passées, soit présentes, soit futures, en vertu de l'inspiration divine, et non d'une invention humaine. D'où il suit que le prophète est celui qui, inspiré de Dieu, et non instruit des hommes, leur fait connaître les choses du temps passé, présent ou futur, qu'ils ne connaissent point d'euxmêmes. Moïse fut un vrai prophète, puisqu'il apprit aux hommes ce qui s'était passé à la création de l'univers, qu'il fit connaître aux peuples juifs combien Dieu était irrité contre eux, qu'il ordonna à Aaron de prier et d'offrir de l'encens pour leur réconciliation, et qu'il prédit un grand nombre de choses futures rapportées dans le Pentateuque. Isaïe,

Num., xvi, 46.

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