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soit par d'autres motifs. Il fait voir quelles sont les obligations des évêques1, quelles doivent être leur science, leur vigilance, leur patience, leur humilité. Il se plaint de ce qu'ils ordonnaient quelquefois sans examen des religieux et des clercs qui leur étaient présentés d'un autre diocèse avec des lettres dimissoriales; il remarque en passant que ce n'était que depuis peu qu'on avait mis le sous-diaconat au nombre des ordres sacrés. Il invective contre l'abus d'apprébender des enfants dans l'Eglise 3, avant qu'ils soient en âge de se décider sur leur vocation; et d'un autre abus encore plus grand, celui de confier à des enfants, ou à des néophytes, les prélatures de l'Eglise. « Il y a, dit-il, un âge réglé par les canons. Si Jérémie, si Daniel, si Timothée ont été employés jeunes dans le ministère, c'est un privilége de peu de personnes, qui ne doit pas tirer à conséquence. Comment celui qui a besoin qu'on lui rompe le pain, le rompra-t-il aux autres? Comment ceux qui sont encore allaités donneront-ils du lait aux autres? Comment deviendront maîtres ceux qui n'ont pas encore été disciples ? N'est-ce pas un opprobre pour l'Eglise, de voir dans le chœur celui qui était hier sur le théâtre; hier dans le cirque, aujourd'hui à l'autel; hier le fauteur des gens de théâtre, aujourd'hui le consécrateur des vierges ? »

22. Pierre rapporte un grand nombre de traditions et d'usages observés 4, tant dans les monastères que dans les chapitres de chanoines, et dit que l'on doit abandonner à cet égard tout ce qui est contraire à la loi de Dieu. Il désapprouve le décret du pape [saint] Grégoire VII, qui ordonne de jeûner les mercredis et vendredis pendant cinq ans, pour obtenir de Dieu la consolation de l'Eglise de Jérusalem; le décret du troisième concile de Latran, qui porte qu'on retirera les dimes des mains des laïques, sous peine d'anathème en cas de refus de leur part; et les variations qu'il y a eu sur les degrés de parenté et d'affinité, dans lesquels il était permis ou défendu de contracter mariage: sa raison est, que tous ces décrets multiplient les prévaricateurs, ou entretiennent l'avarice

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LE 573 dans les avocats chargés de faire la preuve des degrés où se trouvent les contractants.

23. Le luxe et la superfluité dans les habits 5, dans le boire et le manger, dans les édifices, n'échappent pas à la censure de Pierre de Poitiers. Il doute que l'idolâtrie ait poussé ces choses à un aussi grand excès que les chrétiens. Il détaille tous les ouvriers dont ils se servaient pour contenter leur vanité et leur mollesse ; blâme ceux-ci de l'abus qu'ils faisaient de leurs talents 7, et dit qu'il ne leur accorderait pas la pénitence, qu'ils n'eussent renoncé à leur art.

24. Ensuite il traite des vertus théologales, et des autres qui y ont du rapport, commençant par la foi, qu'il appelle la mère et l'origine de toutes les autres; puis des vertus cardinales ; de la prière, et de ses effets; de l'hospitalité, et des œuvres de miséricorde. Il se plaint de ce que l'hospitalité était négligée chez les évêques et les clercs 10, et de ce que les laïques ne recevaient les étrangers que pour de l'argent.

25. «Quatre choses, selon lui 11, sont nécessaires pour la pénitence parfaite; l'infusion de la grâce, la contrition du cœur, la confession de la bouche, et la satisfaction des œuvres les trois dernières, dit-il, sont insuffisantes sans la première : en vain nous serons contrils 12, nous confesserons nos péchés, nous satisferons, et nous nous affligerons par les travaux de la pénitence, sans l'infusion de la grâce et sans la foi qui opère par la charité. » Pour mieux faire connaître quelle doit être la contrition ou la douleur du péché, il propose l'exemple de ce qui se passa en Jésus-Christ lors de la résurrection de Lazare, et dit : « Pour vous tirer de l'abîme des vices, jetez dans vous le trouble par la douleur, frémissez d'horreur par la crainte de l'enfer, pleurez par des sentiments de piété 13, criez vers Dieu par la confession, la prière, les bonnes œuvres, en disant à votre âme : Sortez de l'abîme de vos désordres. » Il veut qu'avant de confesser ses péchés aux prêtres 14, l'on examine avec soin sa conscience, afin qu'il n'y reste aucun vestige de péché; que le confesseur fasse à l'égard du pénitent

12 Ad pœnitentiæ sufficientiam, perfectionem et integritatem quatuor sunt necessaria; scilicet gratiæ infusio, cordis contritio, oris confessio, operis digna satisfactio tria sine primo insufficientia sunt. Inutiliter enim conterimur, confitemur, satisfacimus et labore pœnæ affligimur sine infusione gratiæ, sine fide operante per dilectionem. Ibid., cap. CXLI.

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Jugement de cet ouvrage.

les fonctions de père et de mère, c'est-à-dire qu'il inspire de la douleur et donne de la consolation; qu'il soit prudent, discret, doux, affable; que la satisfaction pour les péchés soit, autant qu'il est possible à l'homme, égale à la peine dont Dieu punit les péchés dans le feu du purgatoire.

26. Il conseille d'avoir toujours dans l'esprit la brièveté de la vie 2, afin d'accélérer la pénitence qu'on doit faire, dans la crainte d'être surpris par la mort avant de l'avoir accomplie; de méditer aussi sans cesse les biens et les maux de l'autre vie. Il fait consister la béatitude dans la connaissance de Dieu, et dans la joie de le posséder. Pierre le Chantre finit son ouvrage par quelques remarques sur la propriété des moines. Saint Jérôme, saint Benoit, saint Grégoire le Grand l'avaient en horreur, et ne croyaient pas dignes de la sépulture chrétienne ceux qui en étaient convaincus. Pierre ne concevait pas que des moines, à qui il n'est pas même permis d'écrire ou de recevoir des lettres sans le consentement de leur supérieur, eussent au réfectoire commun des pitances particulières. Il se plaint de la liberté que les moines de son temps se donnaient hautement d'avoir quelque chose en propre, et rapporte plusieurs histoires pour donner de l'éloignement de cette prévarication dans un point essentiel de la règle.

27. L'ouvrage de Pierre le Chantre est solide; il n'avance presque rien qu'il ne le prouve par l'autorité de l'Ecriture, des conciles et des pères, souvent même des auteurs profanes dont il avait une grande connaissance; son style est vif autant que son zèle pour la pureté de la doctrine et des mœurs. L'éditeur, dom George Galopin, a donné cet

1 Cap. CXLVI. 3 1 Cap. CXLVII et seq. 3 Cap. xv, de Script. Eccles.

ouvrage au public sur deux manuscrits, l'un de Saint-Waast d'Arras, l'autre de Camberon. Il en trouva un troisième à Marchiennes, différent des deux autres depuis le chapitre LXVI jusqu'au LXXX. Pour ne rien laisser à désirer, il a fait imprimer le texte de ce manuscrit à la suite de ses notes sur tout l'ouvrage de Pierre le Chantre.

Ouvrages de Pierre non

28. Ses autres écrits non imprimés sont des Distinctions, ou une Somme intitulée : imprimés. Abel, parce qu'elle est distribuée selon l'ordre alphabétique, et qu'elle commence par Abel, appelé le principe ou le commencement de l'Eglise; une autre Somme qui traite des sacrements et des conseils de l'âme; un opuscule sous le titre : Des contrariétés de la théologie, et quelquefois : Des contrariétés de l'Ecriture, parce que l'auteur, au commencement de l'ouvrage, parle de quelques contrariétés apparentes des Livres saints; une Grammaire des théologiens, livre assez utile pour l'intelligence de plusieurs endroits de l'Ecriture: elle est citée par Henri de Gand3; des Commentaires sur les cinq livres de Moïse, sur Josué, les Juges et Ruth, et sur les Psaumes; des gloses sur le Nouveau Testament; une grande Somme des Conciles et des choses ecclésiastiques. Albéric de TroisFontaines la marque au nombre des écrits de Pierre le Chantre. Sixte de Sienne lui attribue encore des commentaires sur les Proverbes, l'Ecclésiaste, la Sagesse, Ezéchiel, les Actes des Apôtres, les Epitres canoniques et l'Apocalypse; d'autres lui donnent un commentaire sur tout l'Ancien et le Nouveau Testament; mais il faut remarquer que l'on a souvent confondu les ouvrages de Pierre-le-Chantre avec ceux de Pierre de

Reims.

Chronic. Alberic., pag. 411.

Saint Etienne de Grandmont,

II institue

un ordre reli gieux.

La bulle de Grégoire VII

CHAPITRE XLIV.

Saint Etienne de Muret, instituteur de l'ordre de Grandmont '.

[Ecrivain latin, 1124.]

1. Né dans la basse Auvergne, vers le milieu du x1° siècle 2, d'Etienne, vicomte de Thiers, et de Candide son épouse, il fut élevé de bonne heure dans les maximes de la religion chrétienne, et dans les belles-lettres. Son père étant allé en Italie pour y visiter les tombeaux des apôtres, et les autres lieux de dévotion, passa par Bénévent, où il logea chez Milon, son compatriote et peut-être son parent. Son fils, qu'il avait mené avec lui, y tomba malade; ne pouvant le soulager luimême, il en laissa le soin à Milon et retourna seul en son pays. Il y avait alors, en divers endroits de la Calabre, des religieux qui faisaient leur demeure dans des lieux déserts, et y vivaient dans une grande réputation de piété; Etienne les alla voir, conversa avec eux, et forma le dessein de les imiter.

2. Après quelque séjour dans la Calabre, il alla à Rome, et communiqua au pape Alexandre II son désir d'instituer un ordre religieux, où l'on pratiquât une règle de vie semblable à celle qu'il avait vu observer en Calabre, et qu'il y avait observée lui-même. Le pape ne le trouvant pas assez expérimenté dans la pratique des vertus religieuses, ni d'une santé assez forte, différa de lui accorder la grâce qu'il demandait. On dit que [saint] Grégoire VII, son successeur, voyant la persévérance d'Etienne, lui fit expédier une bulle à cet effet, la première année de son pontificat, c'est-à-dire l'an 1073, le premierjourde mai. Dom Mabillon a rapporté cette bulle dans la seconde préface sur le vi° siècle bénédictin elle est adressée à Etienne, vicomte de Thiers, et aux frères qui devaient mener avec lui une vie régulière.

:

3. C'est sur ce monument que les grandpour Etienne montains soutiennent aujourd'hui qu'ils sont

cat supposee.

1 Voir sur saint Etienne la notice historique tirée de la Gallia christiana novą, tom. XI, et une notice littéraire tirée de l'Histoire de la France littéraire, tom. XII. Elles sont reproduites au tome CCIV de la Patrologie, col. 999-1006. Voir aussi la Vie de saint Etienne par Gérard, septième prieur de Grandmont,

capables des bénéfices de l'ordre de saint Benoît, parce qu'il y est dit qu'Etienne demanda au pape d'établir son ordre selon la règle de saint Benoît, qu'il avait lui-même longtemps pratiquée en Calabre avec des religieux bénédictins. Mais sans entrer dans un long détail des faussetés de cette bulle, il est aisé de montrer qu'elle est supposée : 1o On n'y reconnaît point le style de la chancellerie 3; 20 l'inscription est conçue en ces termes «Grégoire, serviteur des serviteurs de Dieu. » Or ce pape ne l'employa dans aucune de ses lettres écrites avant sa consécration, qui ne se fit que le second jour de février de l'année suivante, 1074. Avant cette cérémonie, il inscrivait ainsi ses lettres : « Grégoire, élu pontife des Romains. >> 3° L'inscription porte: « Salut et bénédiction apostolique, et à la mémoire perpétuelle de la chose; » façons de parler qui ne se rencontrent pas ensemble dans les bulles authentiques. 4° Milon, chez qui Etienne avait demeuré, est appelé archevêque de Bénévent; mais Milon ne l'était pas au mois de mai 1073, date de cette bulle: il ne le fut, selon Ughelli, qu'en 1074. 5o Le sceau de cette bulle porte un lion, qui de son pied droit montre une étoile, avec cette légende: « Il marque le chemin aux astres : » sceau sans exemple dans toutes les bulles des papes. 6o La bulle dont il est question ne se trouve dans aucune des collections faites par les anciens grandmontains de leurs bulles et de leurs priviléges. C'est l'aveu de frère Jean l'Evêque, dans son Abrégé des Annales de cet ordre, imprimé à Troyes, chez Eustache Renaud, en 1662.

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Sa manière de vivre.

Il reçoit la visite de deux cardinaux.

Sa mort, en

1124.

çant à tous les biens et à tous les honneurs du siècle, il fixa sa demeure dans le désert de Muret, au voisinage de Grandmont, dans le territoire de Limoges, n'emportant avec lui qu'un anneau. S'étant construit en cet endroit une cabane avec des branches d'arbres entrelacées, il se consacra à Dieu, et renonça au diable et à toutes ses pompes. Il écrivit sa profession, la mit sur sa tête, et son anneau dans son doigt, en disant que l'un et l'autre lui serviraient de bouclier et de défense contre l'ennemi.

5. On peut mettre sa retraite vers l'an 1078. Il y vécut seul la première année, ne prenant pour nourriture que du pain et de l'eau. Il portait sur sa chair une cuirasse de fer, et un mauvais habit par dessus. Outre l'office divin prescrit par l'Eglise, il récitait chaque jour l'office de la sainte Vierge, celui des Morts, et celui de la sainte Trinité à douze leçons. La peau de ses genoux, à force de génuflexions, s'était durcie comme celle d'un chameau souvent il passait deux ou trois jours sans manger. La seconde année il commença à recevoir quelques disciples: un des plus célèbres fut Hugues de Lacerta.

6. La réputation d'Etienne lui attira la visite de deux cardinaux, légats en France2, Grégoire, qui fut pape sous le nom d'Innocent II, et Pierre de Léon, antipape, sous celui d'Anaclet II. Ils lui demandèrent quel était son genre de vie. Il n'en spécifia aucun, et dit uniquement que lui et ses disciples faisaient la profession de pauvreté et d'abaissement qui leur avait été ordonnée par le pape en pénitence de leurs péchés; que ne pouvant atteindre à la perfection de ces anciens ermites, qui passaient des semaines entières dans la contemplation sans prendre aucune nourriture, ils se bornaient à imiter, autant qu'il était en eux, les frères qui servaient Dieu dans la Calabre. Les légats, édifiés de cette réponse, donnèrent à Etienne les louanges qu'il méritait.

7. Dans sa vieillesse, Etienne usait d'un peu de vin pour fortifier son estomac. Etant tombé malade, il exhorta ses disciples à ne point s'éloigner de l'état de pauvreté dans lequel ils avaient vécu jusque-là, les assurant que la Providence prendrait soin d'eux. Le cinquième jour de sa maladie, il se fit porter dans la chapelle, où, après avoir ouï

1 Mabillon., lib. LXIV Annal., num. 112, pag. 100. 2 Marten., ubi sup., pag. 1062.

la messe, reçu l'Extrême-Onction, et ensuite le corps et le sang de Jésus-Christ, il expira au milieu de ses disciples, le 8 de février 1123. Son humilité était si grande que, quoiqu'initié au sacerdoce 3, il ne voulut jamais. faire à l'autel d'autres fonctions que celles de diacre. Clément III lui donna place dans le calendrier, par une bulle du 13 mars de l'an 1189.

saint Etience.

8. Nous venons de remarquer qu'Etienne, Profession de en se consacrant à Dieu, mit sa profession sur sa tête, et à son doigt l'anneau qu'il s'était réservé en abandonnant tous ses biens; il est bon de rapporter les paroles dont il accompagna la cérémonie de sa consécration : « Moi, Etienne, je renonce au diable et à ses pompes; je m'offre et me remets à Dieu le Père, à son Fils et au Saint-Esprit. >> Et mettant sur sa tête la profession qu'il avait écrite, il ajouta : « Dieu tout-puissant et miséricordieux, qui demeurez toujours le même, vivez et régnez, un seul Dieu en trois personnes; moi, frère Etienne, je vous promets de vous servir dès ce moment en ce désert dans la foi catholique. C'est pourquoi je mets cet acte de foi sur ma tête et cet anneau à mon doigt, afin qu'au jour de ma mort cette promesse et cet acte me servent de bouclier et de défense contre les embûches de mes ennemis. Seigneur, rendez-moi, je vous en supplie, la robe nuptiale; daignez me mettre au nombre des enfants de votre Eglise, et lorsque mon âme se séparera de mon corps, revêtez-là de la robe de votre charité, et faites-la entrer dans la salle du festin des noces de votre fils pour régner avec tous vos saints. » Il recommanda aussi son corps, son âme et son esprit à la sainte Mère de notre Seigneur Jésus-Christ, et depuis ce moment il ne rentra plus dans le siècle.

9. De savants critiques ont prétendu que la Règle que l'on a publiée sous le nom de saint Etienne de Grandmont n'est point de lui, mais de Pierre de Limoges, l'un de ses disciples, qui l'avait composée sur les discours et les exemples de son maître. Mais si l'on fait attention à la sagesse et à l'onction qui règnent dans toute cette règle, on ne pourra disconvenir qu'elle ne soit l'ouvrage d'un saint rempli de l'esprit de Dieu et de son amour. Ces premières paroles du pro

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Règle de
Eten-

saint qu'elle est de

De prec ves

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Cette règle est différente

saint Benolt.

logue « Mes enfants et mes frères trèschéris, » ne conviennent-elles pas mieux au fondateur de l'Ordre qu'à un de ses disciples? On en doit dire autant de ce qui suit au même prologue: «Toutes les règles écrites par les saints pères, comme celles de saint Basile, de saint Augustin, de saint Benoît, ne sont pas la source de la religion, mais des ruisseaux : ce sont des feuilles, et non la racine. La première source de la foi et du salut, la règle des règles, d'où toutes les autres sont sorties, comme des ruisseaux d'une fontaine, c'est l'Evangile. Quand donc on vous demandera de quelle profession vous êtes, quelle règle vous professez, vous répondrez que vous n'en observez point d'autre que l'Evangile. »>

10. N'est-ce pas encore le fondateur qui parle dans le chapitre neuvième 2 où nous lisons : « Vous me demanderez peut-être comment, après ma mort, vous pourrez vivre, vous à qui nous défendons d'avoir des églises, des bestiaux, des revenus, et le négoce?» Et dans le onzième chapitre 3 : « Il y en a peut-être, et j'en connais qui, par une piété feinte, vous disent: La manière extraordinaire dont votre maître vous fait vivre, durera un peu de temps et pendant sa vie; mais, après sa mort, comment pourrez vous soutenir votre observance, n'ayant ni églises, ni revenus, ni bestiaux, ni le moyen de faire aucun gain? » Ajoutons ce que saint Etienne dit de lui-même dans le chapitre quatorzième : « Il y a près de cinquante ans que je vis dans ce désert. Dans ce nombre d'années, quelques-unes ont été abondantes, d'autres stériles à mon égard les choses se sont passées de façon que, dans l'abondance, je n'ai rien eu de superflu, et que dans la stérilité je n'ai manqué de rien. Il en sera de même de vous, si vous gardez mes instituts. >>

4

11. Mais cette règle était-elle différente de de celle de celle de saint Benoît 5? Saint Etienne décide lui-même cette question dans le prologue de la sienne, où, après avoir nommé les règles de saint Basile, de saint Augustin, de saint Benoît, il dit à ses disciples: «Si l'on vous demande quelle règle vous professez, vous répondrez que vous n'en observez point d'autre que celle de l'Evangile, qui est la source de toutes les règles. » Il convient cependant

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au même endroit, qu'en lisant les règles des pères avec beaucoup de réflexion, et en consultant des personnes de savoir et de piété, il avait formé un corps de traditions et de préceptes pour ses disciples; c'est ce corps de statuts qui compose sa règle, et qui a toujours porté depuis le titre de Règle de saint Etienne. Ce qu'elle a de commun avec celle de saint Benoît, se trouve dans toutes les règles religieuses: l'obéissance, la pauvreté, la charité, qui devait tellement régner dans les disciples de saint Etienne, qu'ils ne fussent qu'un corps et qu'une âme; mais elle diffère de la règle de saint Benoît dans des points essentiels. Il est défendu dans le quarantième chapitre de recevoir des religieux d'un autre ordre, par la raison de la différence des mœurs et des usages au contraire, la règle de saint Benoît, aux chapitres 60 et 61, ordonne de recevoir les prêtres et les moines étrangers, qui, après s'être éprouvés dans le monastère, voudront s'y stabiliser.

12. La règle de saint Etienne défend ab- Suite. solument de recevoir des femmes dans le monastère ; de leur permettre d'aider les frères dans leurs travaux, et d'entrer dans leurs chambres depuis le coucher du soleil jusqu'au matin; mais elle ne désapprouve point qu'elles y entrent de jour, pourvu qu'elles soient accompagnées de quelqu'un qui ait de l'âge. Il n'est rien dit des femmes dans la règle de saint Benoît. Elle permet, au cinquante-septième chapitre, d'avoir des ouvriers dans le monastère, et de vendre leurs ouvrages, mais à un prix plus modique que n'ont coutume les séculiers. Elle permet encore, dans le chapitre suivant, au novice de disposer de ses biens avant sa profession, soit en faveur des pauvres, soit au profit du monastère.La règle de saint Etienne défend à ceux qui la professent de recevoir ou d'acquérir des terres hors de l'enclos de leurs monastères ou de leurs limites; et quoiqu'elle permette de vendre pour leurs besoins, elle bannit tout ce qui sent le gain et tout commerce.

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