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les heures de loifir; & je regrette autant la jument grife que je perdis à Gottingen que la plus jolie femme que jaie connue.»

> Bon voilà précisément comme je faifois quand j'étois jeune. Je me fouviens toujours que quand je commençois à dire des politeffes aux jeunes filles, la premiere question qu'elles me faifoient, étoit pour favoir fi mon pays étoit bien loin, & la feconde, quand nous nous marierions. Ah ah! cela ne faifoit pas le compte du pauvre Buxar. Auffi, je retirois tout doucement mon col du lacet, puis je décampois comme du tabac d'Espagne.

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THE COUNT DE SANTERRE. Le Comte de Santerre, roman en deux volumes; par une femme; chez Dilly. Londres 1797.

PLUS d'une jeune écoliere, voyant Mlle. Guimard applaudie jufqu'au transport pour un certain pas de côté qui fembloit n'avoir rien de difficile, fe difoit, « je faurai bien en faire » autant il ne s'agit que de gliffer le pied, en balançant le corps & la tète d'une certaine maniere. L'auteur de ce roman pourroit fort bien s'être dit, en voyant les fuccès de Mad.

Radcliffe, rien n'eft plus facile que de réuffir > dans ce genre il ne s'agit que de raconter des chofes qui faffent peur aux femmes; de copier des descriptions de vertes prairies & > de ciel fans nuages; d'y mettre des châteaux > ruinés, du clair de lune, des couvens & des » montagnes, des orages & des fouterrains : > effayons.

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Il y a une finguliere fymétrie dans ce roman tout y eft en nombre pair. Deux amans malheureux fe font hermites. Deux amantes infortunées prennent le voile. Deux femmes meurent en couches. Deux femmes deviennent folles. Deux enfans font adoptés : l'un eft légitime, cru bâtard, l'autre eft bâtard cru légitime. Deux filles échappent à la tyrannie de leur pere. Deux hommes pleurent fur le tombeau de leur maîtreffe. Deux femmes trouvent un captif dans un caveau. Quatre perfonnes racontent leur hiftoire, & quatre autres hiftoires font enchaffées dans celles-ci. Enfin le monf tre du roman (car il faut un monftre à préfent) a quatre châteaux, dont deux font à apparitions. C'est dommage que l'auteur ait employé cinq portraits comme moyens dans l'intrigue : quatre auroient pû fuffire, & la fymétrie eût été gardée. Sans doute que maintenant on n'attend pas de nous un précis de la fable: ceux qui voudront faire connoiffance avec les vingtfept perfonnages du roman, le liront. L'Ari

mane de tout ce monde là c'eft le Comte Santerre, ou l'homme aux quatre châteaux. Il n'ar rive rien d'horrible ou de malheureux, qui ne vienne de lui; mais tout eft fi iuvraisemblable, fi découfu, fi copié, que, pour lui en vouloir férieufement, il faudroit être d'auffi bonne foi que ce brave amateur du tragique à qui Carmontel fait dire: Je hais les tyrans! ils ne font dans les pieces que pour faire le malheur des gens vertueux!

On dit que les libraires ne vendent plus que des romans, & que les plus abfurdes ne font pas les moins courus. Si celui-ci fe tra duit & fe vend, ce fera une forte préfomption pour penser que, dans le public qui lit autre chofe que des gazettes, le bon fens & bon goût ne font pas à l'ordre du jour.

MÉLANGES.

PROVIDENCE. La Providence, ou le Naufrag (Conte tiré des Evenings at bome.)

L'Orage grondoit de toutes parts. Le vent fouf

floit de la mer avec violence. Des vagues énormes fe fuccédoient fur le rivage, & entouroient d'écu me les rochers de l'entrée de la baye. Un vaif feau parut au loin. Il avoit cargué fes voiles

& dérivoit rapidement vers la terre. Tantôt il fe montroit fur le fommet des vagues, tantôt il difparoiffoit dans les abîmes qui les féparoient. Dans peu d'inftans il échoua fur les rochers. La lame le battoit avec fureur. Elle paffoit fur le pont, & cachoit par momens une partie des mâts. « Grace! grace pour eux!» s'écrioit du haut de la colline un vieux folitaire qui contemploit cette fcene avec effroi. Ce fut en vain le vaiffeau brifé, difparut.

Bientôt après cependant, un point noir fe montra fur l'onde, & fembla fe rapprocher du rivage. D'abord, ce n'étoit qu'une ombre incertaine au milieu des flots d'écume; puis on découvrit diftinctement que c'étoit une chaloupe couverte d'hommes qui ramoient de toutes leurs forces pour gagner le rivage. Le pieux hermite accourut au bord de la mer, &, dans l'agitation de la crainte & de l'efpérance, il fuivit des yeux leurs progrès. Enfin, après des dangers inouïs, la chaloupe fut brifée contre la terre, & les matelots à demi-morts de fatigue & d'effroi, fe traînerent fur le rivage jufques hors des atteintes de la vague.

Dieu foit loué!» dit le folitaire, «quel Il conduifit ces pauvres gens tout tranfis, dans fa cellule. Il alluma du feu; il leur étala tout ce qu'il avoit de provifions; & peu-à peu ils reprirent des forces & du courage. Et il n'y a donc que

coup de la Providence!»

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Vous fix qui ayez échappé!» leur dit l'hermite. Pas davantage, répondit l'un d'eux. « Nous étions foixante-quinze hommes, femmes, ou enfans fur le bâtiment, quand il a touché. Imaginez-vous un peu l'hourvari & la confufion de tout cela. Les femmes qui fe pendoient au col de leurs maris; les enfans qui s'accrochoient à leurs meres tout prioit Dieu, tout jetoit des cris perçans. Ma foi, il n'y avoit pas du temps à perdre. En un clin d'oeil nous avons forti la petite chaloupe, & nous nous fommes jetés dedans, fans nous embarraffer du Capitaine qui avoit la fottife de s'occuper des paffagers. Nous avons coupé le cable; nous avons eu le bonheur d'échapper à l'inftant même où le vaiffeau a coulé bas; & nous voici bien portans & joyeux. Un gros juron termina ce difcours. Le folitaire fut fcandalifé; & il ne put pas s'empêcher de défirer. qu'il eût plû à la Providence de fauver quelques-uns des innocens paffagers plutôt que ces reprouvés.

Après avoir tiré de l'hermite tout ce qu'il pouvoit leur donner; les matelots le remercierent à peine, & s'acheminerent dans l'intérieur du pays. La nuit vint. Ils découvrirent une lumiere à quelque distance, & s'en approcherent. Elle venoit de la fenêtre d'une maison affez propre, qui avoit une cour & un jardin. Ils frapperent à la porte, & firent connoître leur

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