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détreffe, d'un ton fuppliant. On les fit entrer; & on les reçut avec hofpitalité. Il y avoit dans la maifon, la maîtreffe, deux fervantes, des enfans, un vieillard, & un jeune garçon : le maitre étoit abfent. Les matelots, affis autour du feu, fe dirent tout bas les uns aux autres que l'occafion étoit belle pour réparer la perte de leurs habits & de leur argent. Ils firent leur plan; & lorfque le vieillard fe baiffa pour mettre du bois au feu, l'un d'entr'eux l'affomma d'un coup qu'il lui donna avec la pêle de fer qu'il tenoit à la main. Un autre prit le couteau qu'on leur avoit donné avec le pain, & poursuivant le jeune homme, qui fe fauvoit, il le poignarda. Ils fermerent les, portes en dedans; ils garroterent la femme & les enfans, & fe mirent à piller la maifon. Un des enfans qui continuoit à jeter des cris perçans, fut étranglé par ces fcélérats. Ils achevoient les paquets de tout ce qu'ils avoient trouvé à voler dans la maifon, lorfque le maître arriva. Il étoit con trebandier en même temps que laboureur. Il revenoit d'une expédition de contrebande, & avoit laiffé fes compagnons dans une auberge à quelque distance, avec les marchandifes. Surpris de trouver la maison fermée, & voyant des lumieres qui alloient & venoient dans les chambres, il conçut quelques craintes. Il écouta; il entendit les voix des matelots, & les vit au travers de la fenêtre, Il courut auffitôt cher.

cher fes camarades, & revint avec eux. Ils trouverent les matelots qui fortoient chargés de leur butin, & qui venoient de mettre le feu à la maison pour effacer les traces de leur crime. Ils firent fur eux, à bout portant, une décharge de leurs armes, & faifirent ceux qu'ils ne tuerent pas. Ils s'apperçurent que le feu étoit an bâtiment & ils fe háterent de l'éteindre. Les matelots furent conduits en prifon le lendemain, au milieu des malédictions de tous les voifins raffemblés.

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Lorfque le folitaire entendit raconter cetté hiftoire, il s'écria: « Quelle admirable intervention de la Providence pour la punition du crime! Puis il réfléchit quelques momens. • Mais pourtant, ajouta t-il, « s'il eût plû à la Providence de laiffer périr ces malheureux, quand ils venoient à terre dans la chaloupe après avoir abandonné tant d'innocens, ils ne feroient pas morts fur l'échafaud, chargés de crimes atroces. D'un autre côté, fi le maitre de la maifon, au lieu de fe livrer à un trafic contraire aux lois, étoit refté chez lui, il auroit peut-être péri avec toute fa famille, & les fcélérats auroient échappé au châtiment. - Que faut-il penfer de tout cela?». . . . Il réfléchit long-temps, & s'embarraffoit toujours davantage. Enfin il s'endormit.

Il fongea qu'il étoit au fommet d'une montagne & qu'un vieillard vénérable, vėtu d'une

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robe blanche, s'approchoit de lui pour favoir la caufe de fa trilteffe. « Je fuis trifte, répondit-il, « parce que je ne fais comment concilier les décrets de la Providence avec mes idées de fageffe & de juftice.» « C'eft, fans doute,, lui dit le vieillard, « parce que tes idées de fageffe & de juftice font fauffes. Tu t'attaches à des événemens particuliers, & tu ne confideres pas l'ensemble. Tout ce qui fe paffe dans l'Univers dépend fans doute des ordres de la Providence, puifque c'eft une fuite des lois établies par elle pour le bien général. Mais choisir certains événemens pour les attribuer spécialement à la Providence, parce que nous croyons y voir un but particulier; c'eft fuivre une route qui conduit à l'erreur & à la fuperftition. Suismoi jufqu'au bord de ce précipice. >> Il lui fembla qu'il fuivoit le vieillard.

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Regarde fous tes pieds,» reprit celui-ci, • & dis-moi ce que tu vois. » «Je vois, » répondit le Solitaire, un oifeau de proie qui fond fur un vol de petits oifeaux. Il en prend un, & les autres échappent. : « Penfes-tu, continua le vieillard, que l'oifeau qui a été pris fût fous un décret particulier de la Providence, & qu'elle ait fpécialement protégé les autres? Les oifeaux de proie font doués des moyens d'atteindre ceux qui font destinés à leur fervir de pâture. La vie fert au foutien de la vie. Mais la deftruction a fes limites. Les petits

oifeaux font beaucoup plus nombreux, & mul tiplient davantage que les oifeaux de proie; & quoiqu'ils ne puiffent pas réfilter à ceux-ci, ils ont, en général, affez d'adreffe pour leur échapper. C'est dans cet équilibre que fe montre la fageffe de la Providence; & laneilleure preuve que tu puiffes en avoir, c'eft que les espèces deftructives, comme celles qui fervent de proie, ont fubfifté depuis la création. Regarde encore maintenant, & dis-moi ce que tu vois. »

« Je vois, dit le Solitaire, « des nuages noirs qui fe raffemblent dans le Ciel. J'entends le bruit du tonnerre, & je vois des éclairs qui fillonnent les nues. Je vois la foudre qui tombe fur un grand chêne qu'elle brife. L'arbre écrafe un boeuf qui avoit cherché l'abri. Je vois encore la foudre qui tombe au milieu d'un troupeau de brebis. Elles fe difperfent; plufieurs demeurent fans vie. Hélas! le berger lui-même a été frappé, & git fur la plaine. Voilà que la foudre tombe encore fur un clocher, & met en feu une cabane ! »

« Qu'est-ce que tu conclus de ce fpectacle?, reprit le vieillard. Ne fais-tu pas que la mème chaleur qui donne la vie aux animaux & aux plantes, qui fait mûrir les fruits de la terre, produit auffi ce feu électrique qui s'accumule dans les nuages & retombe en foudre? Faut-il donc que la foudre fe détourne pour ne pas

frapper les temples & les bergers? Des millions de millions de créatures doivent la vie à cet élément; faut-il s'étonner fi quelques-unes y trouvent la mort? Ainsi le torrent qui def cend des monts pour fertilifer les campagnes, détruit quelquefois les travaux de l'homme, & fait périr l'homme lui-même. »

Je comprends affez bien tout cela, » dit le Solitaire; mais pourrois-je favoir de vous quelle eft la caufe de ce mal moral, que nous trou➡ vons dans des événemens comme celui d'hier. Quel avantage peut-il y avoir à faire de l'homme le fléau des autres hommes, & à conferver le coupable aux dépens des innocens ?>

« C'est également là une conféquence de la fageffe des lois Divines,» reprit le vieillard. Il eft dans la nature de l'homme d'être une créature d'habitude; c'eft-à-dire, de faire mieux ce qui lui eft le plus familier. Le matelot fe tire d'affaires dans un naufrage, plus aifément que le paffager; & l'attachement naturel à la vie le porte à s'occuper de fa fureté avant de penfer aux autres. L'influence de l'habitude donne à celui qui mene une vie de peine & de dangers, un caractere de hardieffe & d'infenfibilité. Ce qui fait le courage dans l'homme bien dirigé, conduit au vol & à l'affaffinat l'homme fans principes. Les lois humaines interviennent pour corriger les maux qu'elles n'ont pû prévenir. Le méchant trouve tôt ou tard la punition qui.

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