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mença à s'affoiblir fenfiblement par la perte de fon fang. Il rallentit fon pas, mais il ne parut point effrayé. Il étoit calme : il fembloit réfolu a affronter la mort avec fermeté. Je ne pus alors m'empêcher de plaindre ce noble animal; il me faifoit penfer au héros Thébain, entouré par les Spartiates à Mantinće. - Plufieurs cavaliers, le voyant affoibli, defcendirent de che. val, & à force de coups de fabre, lui couperent les jarets. Alors ce monarque des forêts regardant d'un air de mépris la foule de fes ennemis acharnés, balança quelques momens, puis tomba fur le côté, comme une montagne renversée par un tremblement de terre. Toute la troupe fe jeta fur lui. Cavaliers, fantaffins, tous effayoient leurs fabres, leurs haches, leurs épées, fur cet ennemi terraffé. C'étoit un spectacle affreux. Il ne fit pas entendre une plainte. Un effort qu'il effaya pour fe relever, acheva de l'épuifer: il tomba mort en pouffant un profond foupir. Ainfi périt plus d'un héros accablé par le nombre !

Le Nabab fe retira enfuite dans fa tente, auffi glorieux qu'Achille après la victoire. Le refte de la journée, & les jours fuivans furent employés à retracer les hauts faits de fon Excellence, dans cette grande occafion. La flatterie & l'exagération furent pouffées à un point incroyable.

« Le Prince favouroit les louanges, & fentoit flatter fon orgueil. Il gagnoit & regagnoit fes

> batailles. Trois fois il mit en déroute les mê> mes ennemis. Trois fois il retua les morts. »

En quittant les montagnes, nous nous dirigeámes fur Buckra Jeel qui eft un lac d'environ trois milles de circonférence dans les baffes eaux, & trente milles dans les hautes eaux. Il eft fitué au pied des monts Gorrackpoore. Il est entouré d'une herbe haute & épaiffe. Cette herbe est remplie de toute efpece de gibier, d'éléphans, de rhinocéros, de tigres, de léopards, de buffles, & de daims. C'étoit là le principal théàtre des exploits projetés, & tous les jours le Nabab nous entretenoit des reffources des environs de ce lac pour les grandes chaffes. Le 5 décembre, au matin, on nous avertit de nous préparer, 1200 éléphans furent difpofés en ligne, au Nord du lac, faifant face à l'Eft; & nous nous mîmes en marche, pleins d'impatience & d'efpoir.

O vous, Gentilshommes de campagne, chaf feurs de renards! retenez un moment vos vanteries, vos rélations exagérées, fur un lievre ou un renard forcé, fur un chat fauvage détruit; & dites-moi où je dois prendre des termes affortis à la grandeur de mon fujet.

Arrivés à l'extrémité du lac, du côté de l'Eft, nous découvrîmes une troupe nombreuse d'éléphans fauvages qui paiffoient au pied des montagnes j'en comptai cent foixante-dix. Dans le moment où nous fimes cette découverte,

Mr. Conway, Gentilhomme au fervice du Nabab, tomba de fon éléphant, parce que fa monture fit un faux pas, en mettant le pied dans un trou caché. Mr. Conway étoit extrèmement froiffé, & prefque fans fentiment; le Nabab le fit mettre fur un palanquin & l'envoya au camp fur les derrieres. Cet incident, qui fufpendit la marche, donna le temps aux éléphans fauvages de reconnoître notre ligne, & de prendre leur parti. Plufieurs d'entr'eux fe mirent à fuir du côté des montagnes. Le Nabab divifa fa troupe entiere en quatre corps, & les envoya à la pourfuite des éléphans fauvages, avec ordre de les prendre en vie, ou de les tuer. Je reftai avec la divifion du Nabab. Nous attaquâmes un gros male, & après une défense opiniâtre, il fuccomba comme celui dont j'ai parlé. Nous en tuâmes encore, quatre moins gros; & entre les quatre divifions, nous en primes vingt-un, en vie, que nous conduisimes en triomphe au camp.

J'ai paffé en deux mots fur le combat, parce que j'éprouve l'impuiffance de décrire avec des paroles ce que nous vîmes, & ce que nous éprouvâmes. Le bruit, le tumulte, les cris, la confufion, le feu, les mugiffemens, dans un combat de près de quatorze cens de ces animaux, tour à-tour attaqués & attaquans : c'eft un tableau, un enfemble qui effraye l'imagination, & qu'on affoibliroit en voulant le peindre. Je

fus furpris que notre perte ne fût pas plus grande. Nous cûmes vingt hommes & fix chevaux tués ou bleffés. J'avois dans mon kawas (1) un jeune homme qui chargeoit pour moi : j'avois deux carabines, & deux fufils doubles; je tirai environ quatre cens coups, & je ne pouvois pas fuffire à tout ce qui le préfentoit. Plufieurs de nos vieux máles, que nous avions mis en avant pour combattre, furent renversés, foulés aux pieds, & mis en fuite. Le plus grand éléphant fauvage que nous primes avoit dix pieds de haut (2), & fe feroit vendu vivant 20,000 roupies (2500 liv. sterl.) notre prife de la journée pouvoit s'estimer à 6000 liv. sterl.

De Buckra-Jeel nous vinmes à Faizebad, où nous nous reposâmes trois semaines au milieu des fètes, dans le ftyle de l'Orient. A notre retour ici, nous avions tué huit tigres, fix éléphans, & pris vingt-un de ceux-ci. Je ne parle pas d'une innombrable quantité de pieces de gibier de toute espece.

(1) Le kawas eft le lieu où les domeftiques font affis derriere le howda. Le howda eft une caiffe de phaëton, que l'on fixe fur le dos de l'éléphant, pour s'y affeoir. (A)

(2) Il y a des voyageurs qui parlent d'éléphans de feize pieds de haut: cela eft hyperbolique. J'ai vu des milliers d'éléphans, & jamais je n'en ai và de onze pieds. Le Nabab donne des prix exorbitans pour fes éléphans, & jamais il n'en a eu de onze pieds. (A)

TABLE DES ARTICLES

DU Sme. VOLUME,

de la division, intitulée : LITTÉRATURE.

EXTRAITS.

THEOLOGI E.

ANALOGIE de la Religion avec la constitution

de la Nature, par Butler. (Second extrait.) Pag. 3
(Troifieme Extrait.) ·

Défense de la Bible, par R. Watson ·

PHILOSOPHIE MORALE.

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413

137

De l'impreffion de réalité que nous éprouvons aux
représentations dramatiques, par le Dr. Aikin. 302

LEGISLATION.

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155

Lettre aux Rédacteurs de la Bibliothéque Britannique
fur les ouvrages de Bentham ·
Principes du Code Civil, d'après les Manufcrits
de J. Bentham

ECONOMIE POLITIQUE.

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277

Traité fur la police de la Capitale. (Second extrait.) 447

EDUCATION.

De la Politeffe & de la Culture des talens, par
Mad. Chapone

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HISTOIRE.

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316

Mœurs, vertus, vices & coûtumes des Anglais
fous les regnes de Henri VII & de Henri VIII;
tiré de l'Hiftoire de la Grande-Bretagne, par le
Dr. Henry.

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