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Les Cherokees font graves & calmes; ils ont une forte de roideur & de circonfpection; ils fe livrent peu dans le commerce ordinaire : mais ils font néanmoins pleins de franchise, de gaieté & d'humanité. Ils tiennent avec paffion au maintien de leurs droits; ils font toujours prêts à. facrifier leurs goûts, leurs plaifirs & leur vie même, à la confervation de leur liberté. Ils font d'ailleurs diftinguéspar leur juttice & la générofité de leurs fentimens. Ils ne fouffrent qu'avec impatience le joug des Mufcoggées. J'ai été témoin d'une humiliation déchirante qu'ils fupporterent de la part de ceux-ci, au grand congrès d'Augufta, lorfque trois cens Creeks & environ cent Cherokees s'y rendirent pour conclure le dernier traité d'achat de terres.

Parmi les préliminaires à régler le premier jour dans la convention, fe trouvoit une réclamation des Georgiens, rélativement à un territoire fur la riviere de Tugilo, lequel avoit été cédé par les Cherokees, fans que les Creeks en euffent connoiffance. Les Georgiens regardant cette affaire comme conclue, les Creeks demanderent en pleine affemblée fur quoi ils prétendoient fonder leur droit ; & fur la réponse que ce territoire avoit été vendu par les Cherokees, un des chefs Creeks se leva furieux. Il apoftropha de la maniere la plus dure & la plus infultante les chefs-Che

rokees, les traita de vieilles femmes, & leur dit que depuis long-temps eux, les Creeks, les avoient forcés à porter des jupes. Cette infulte faite en préfence des chefs de toutes les Tribus confédérées ou voifines, des dé putés de la Georgie, de la Caroline, de la Virginie, du Maryland & de la Penfylvanie, & au milieu des huées & des éclats de rire des jeunes Virginiens voisins & ennemis des Cherokees, demeura fans réponse.

Cette brutalité renfermoit une injustice, parce que la riviere de Savanah étoit regardée comme la borne naturelle entre les deux Nations; les traités avoient fanctionné cette limite; & cependant, ces chefs hautains mena cerent de rompre immédiatement les conférences fi le marché n'étoit annullé, & fi les Georgiens ne confentoient à racheter d'eux ce que ceux-là avoient déja payé il fallut en paffer par-là.

Le caractere national des Mufcoggées, politiquement parlant, a des traits héroïques. Ils font pleins de fierté, d'ambition, & de bravoure. Ils font conftamment occupés des projets & des exercices de la guerre; mais ils fe montrent magnanimes envers un ennemi vaincu. Ils font toujours prêts à accorder amitié & protection aux tribus qui les recherchent. Ils agré gent les peuples foumis, à la confédération, & ceux-ci jouiffent de tous les droits de citoyens,

fur un pied d'égalité parfaite avec les vain queurs. On ne leur reproche pas d'avoir exterminé aucune tribu, fi ce n'eft les Yamafees, qui n'ont jamais voulu fe foumettre, & dont quarante guerriers feulement, qui avoient échappé à la derniere bataille, fe jeterent fous la protection des Espagnols à St. Auguftin.

Leur tradition, que je crois fondée, porte que, dès les premiers établitlemens des Georgiens & des Caroliniens, ils formerent avec les colons Anglais un pacte d'amitié perpétuelle qui a toujours été refpecté. Leurs vieillards parlent de cette alliance avec un fentiment de vénération; & la confiderent comme un des événemens les plus mémorables & les plus glorieux qui foyent confignés dans leurs annales.

Un Espagnol refpectable de la Floride orien tale m'a communiqué une anecdote que je vais rapporter ici, parce qu'elle fait connoitre leurs idées fur le droit des gens, & leurs notions de justice.

Le fils du Gouverneur Espagnol de St. Augustin fit le projet d'une partie de chaffe & de pèche avec deux de fes amis. Pourvus d'un canot, d'un affortiment de filets, & de leurs armes, ils fuivirent la côte vers le Sud, du côté de la pointe de la Floride, en entrant dans les bayes ou les rivieres, lorfqu'ils avoient l'ef pérance d'y trouver du gibier & du poiffon. Attirés par la beauté du pays & l'abondance

du gibier, ils dépafferent les poftes fortifiés des Efpagnols, & s'étant endormis à terre dans un endroit où ils fe croyoient en fureté, ils furent entourés par une troupe de Creeks qui les fit prifonniers, & les conduifit au travers d'une très-grande étendue de pays, jufques dans une de leurs villes.

La guerre fe faifoit alors avec fureur entre les deux nations, qui renchériffoient l'une fur l'autre en cruautés. Les malheureux jeunes gens furent condamnés à être brûlés.

Il fe trouvoit alors chez ces Indiens des marchands Anglais qui, efpérant une récom penfe confidérable du Gouverneur Espagnol, intercéderent vivement en faveur de fon fils.Les Chefs fe raffemblerent pour tenir confeil fur cette importante affaire, & après l'avoir mûrement confidérée, ils s'exprimerent ainfi en réponse:

« Freres & amis. Nous avons examiné l'af faire de nos captifs, fous les yeux du Grand Efprit, & dans fa crainte. Vous favez qu'ils appartiennent à une nation ennemie & cruelle, qui n'épargne jamais la vie des hommes rou. ges lorfqu'ils tombent entre fes mains. Vous dites que l'un de ces jeunes gens eft le fils du Gouverneur Espagnol: nous le croyons. Nous fommes fachés qu'il foit entre nos mains; mais il est notre ennemi. Ses deux jeunes compa gnons font également nos ennemis ; nous fom

mes fachés de les voir nos prifonniers; mais tous les trois font dans le même cas; il n'y a à nos yeux aucune différence dans leurs os & dans leur fang. Si nous en fauvions un, il faudroit les fauver tous trois ; & nous ne le pouvons point: car les hommes rouges demandent leur fang pour appaifer les efprits de leurs parens tués à la guerre. Nous fommes chargés par la nation du maintien des lois & des droits : nous ne pouvons pas trahir fa confiance. »

» Cependant notre loi facrée nous permet quelque adouciffement. Nous pouvons fauver l'un des trois; mais le Grand Esprit ne refpecte point les qualités : le fort décidera entr'eux. » — On tira au fort, en effet, & le fils du Gouverneur fut brûlé.

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En faifant un effort pour écarter nos préjugés, nous ne pouvons qu'approuver la morale privée de cette nation.

Les Mufcoggées font juftes, honnètes, généreux, & hofpitaliers. Ils ont de l'amitié & des égards pour leurs femmes & leurs parens ; ils aiment tendrement leurs enfans. Ils font induf trieux, fobres, charitables, pleins de modération les uns envers les autres. J'ai paffé des mois entiers parmi eux dans leurs villes, & je n'ai jamais vu le moindre fymptôme de violence dans leurs relations réciproques. Je ne connois aucun exemple d'un mari qui ait maltraité fa femme de coups, ni même de paroles dures,

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