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rale de la Nature appele les mêmes individus à paffer par différens degrés de vie & de perception; & les facultés d'action, de joye, de fouffrance, dont ils font pourvus, ne font pas les mêmes dans les divers momens de cette exiftence fucceffive.

La même loi s'obferve en d'autres créatures; leur capacité & leur état, lorfqu'elles naiffent, ne reffemblent pas à la capacité & à l'état auxquels elles parviennent dans leur mâturité.

Le ver qui devient mouche étend, prodigieu fement fes facultés; l'oifeau, ou l'infecte qui brife la coque qui lui fervoit d'habitation, entre dans un monde abfolument nouveau, avec des organes nouveaux, appropriés à ce changement, & à la nouvelle fcene d'action qui l'attend.

Mais l'état où nous mêmes nous avons exifté dans le fein de notre mere, & enfuite dans notre premiere enfance, eft prefque auffi différent de celui où nous fommes parvenus à l'âge mûr, qu'aucun état ou degré d'existence que nous puiffions comparer l'un avec l'autre. Ce n'est donc pas s'écarter de l'analogie de la Nature que de fuppofer que notre état après la mort fera auffi différent de l'état actuel, que celui-ci l'eft du précédent. C'eft raifonner d'après un ordre naturel, du même genre que celui que nous avons érrouvé.

2o. Nous fommes maintenant doués de certaines capacités ou facultés d'action, de bon

heur, de mifere, donc il eft probable que nous les aurons à notre mort: probabilité fuffifante pour déterminer notre affentiment, à moins qu'il n'y ait quelque raifon de penfer que la mort eft la deftruction de ces facultés; parce, qu'en général, il eft probable qu'une chofe continuera d'exister telle qu'elle est à préfent, à moins qu'il ne furvienne un cas où nous avons lieu de croire qu'elle changera. C'eft le même raisonnement qui nous perfuade que le cours de la Nature fera demain tel qu'aujourd'hui, tel que l'hiftoire du paffé & notre expérience nous montrent qu'il a été. C'est le feul fondement fur lequel nous croyons qu'une fubftance qui exifte, exiftera dans un moment.

Si donc, nous étions affurés que la mort n'est pas la deftruction de nos facultés de perception & d'action, nous ne craindrions pas qu'aucun autre pouvoir ou événement, qui feroit fans liaifon avec le pouvoir ou l'événement de la mort, détruifit ces facultés, précisément lorfque l'individu ceffe de vivre par conféquent, nous ne douterions pas que ces facultés vivantes ne demeuraffent après la mort à moins, dis-je, qu'il n'y eût quelque raifon de croire que la mort et leur destruction (1).

(1) Cette expreffion, deftrudion des facultés vivantes peut fignifier ou la deftruction d'un être vivant, c'est-à-dire que le même Etre vivant fera incapable

Ainfi, quoiqu'il faille felon moi reconnoître qu'antérieurement aux preuves naturelles & morales d'une vie à venir, il s'éleve dans nos efprits un foupçon général & confus, que dans ce grand choc & cette altération que nous fubiffons à la mort, notre individu, c'est-à-dire nos facultés vivantes, peuvent être entiérement détruites cependant je ne puis voir aucun fondement diftinct de ce foupçon. S'il exifte, il doit repofer ou fur la raifon de la chofe, ou fur Panalogie de la Nature.

Or nous ne pouvons conclure de la raison de la chofe que la mort eft la destruction des agens vivans, parce que nous ignorons abfolument ce que c'eft que la mort; nous ne connoiffons que quelques-uns de fes effets, tels que la deftruction de la chair, de la peau, des os: effets qui n'emportent point la destruction

pour toujours de perception ou d'action: ou bien, elle indique la deftruction des moyens ou des inftrumens qui le rendent capable de fon état actuel de perception ou d'action. C'eft dans le premier fens que cette expreffion eft employée ici. La perte d'un œil feroit, par exemple, la deftruction d'une faculté vivante, dans le dernier fens. Mais dans le premier nous n'avons aucune raifon de croire poffible la deftruction des facultés vivantes. Nous n'avons pas plus de raifon de penfer qu'un être doué de facultés vivantes les perdra tant qu'il exiftera, que de croire qu'une pierre en acquerra jamais. (A)

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de l'agent vivant. D'ailleurs comme nous ignorons d'où dépend l'exercice de nos facultés vivantes, nous ne favons point non plus d'où dépendent ces facultés elles-mêmes, entant que diftinctes de leur exercice actuel & de la capacité de les exercer. Car le fommeil, les évanouiffemens nous montrent que ces facultés existent, non-feulement quoiqu'on ne les exerce pas, ainfi que la faculté paffive du mouvement demeure dans la matiere en repos, mais encore quoiqu'on n'ait pas la capacité préfente de les exercer; ou encore que cette capacité peut être fufpendue fans que les facultés mêmes foyent détruites.

Puis donc que nous ignorons d'où dépend l'exercice de nos facultés vivantes, on ne fauroit déduire de la nature de la chofe, par aucun argument valable, que la mort fera leur destruction. Elles peuvent dépendre de quelque chofe qui eft entiérement hors de fon atteinte. Ainfi l'effence des chofes ne nous montre aucune connexion entre la mort & la deftruction des agens vivans. L'analogie de la Nature ne fournit non plus aucune préfomption que les animaux perdent jamais leurs facultés vivantes, bien moins encore qu'ils les perdent par la mort. Car nous n'avons aucun moyen de les fuivre au moment de la mort, & par delà, pour favoir ce qu'elles deviennent. La mort les éloigne de notre vue, elle détruit la preuve fen

fible que nous avions auparavant, de l'existence de ces facultés, mais elle ne donne aucun lieu de croire qu'ils en font privés alors; & la connoiffance que nous avons que les animaux poffédoient ces facultés jufqu'à cette époque, eft pour nous une probabilité qu'ils les confervent par delà

» Nous fommes confirmés dans cette pensée, en obfervant les changemens étonnans qui nous font arrivés à nous-mêmes. Ils font tels, que l'existence qui nous eft deftinée dans un état à venir, de vie, de perception & d'action', fous la conduite de la Providence, ne paroît pas devoir être diffemblable à celle que nous avons éprouvée dans le cours de la Nature ».

Cependant comme il eft difficile dans ce cas de faire taire l'imagination fuffifamment pour n'entendre que la voix de la raifon; parce que nous fommes accoutumés dès l'enfance à écouter cette faculté déceptrice, qui fort toujours de fa sphere & produit toutes nos erreurs : comme nous nous perdons dans des notions indigeftes & groffieres, & croyons connoître ce que nous ignorons entiérement, il convient de confidérer les préfomptions qui nous repréfentent la mort & notre destruction comme une feule & même chofe. Nous verrons que c'est notre imagination fcule qui les produit, & qu'elles n'ont auçun poids réel »,

1o. C'est parce qu'on préfume que les êtres

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