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Que la propagation de la foi soit une œuvre utile et même souverainement utile, ce n'est point une supposition seulement, c'est un fait et un fait incontestable. Nous venons de le montrer surabondamment, je pense. En doutez-vous encore? Lisez quelques numéros des Annales de cette propagation, et vous ne tarderez pas à vous ranger de notre avis.

Cela reconnu, à savoir, que la propagation de la foi est de la plus grande utilité, pourquoi s'étonner des sacrifices qu'elle demande? Pourquoi les déplorer? Pourquoi se plaindre de ce qu'ils sont faits, en grande partie, par la France? Ah! plutôt, il faut nous en glorifier et nous en réjouir, parce que, plus les sacrifices auront été grands, et plus grande aussi sera la récompense, nonseulement de la part de Dieu qui ne laisse pas sans récompense un verre d'eau froide donnée, en son nom, au moindre des siens (111), mais encore de la part des hommes, qui se montrent pourtant si souvent ingrats et injustes envers leurs semblables.

Nous avons déjà répondu à cette objection, il y a quelques années, dans l'ouvrage dont nous venons de citer quelques frag

ments.

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«Et qu'on ne dise pas, » nous écriions-nous alors, avec une sorte d'indignation, « et qu'on ne dise pas C'est un or précieux arraché du sein de notre chère patrie, et dispersé au loin. Quoi donc! jeté dans un des bassins de la balance, l'or doit-il emporter la vertu? Qui ne voit d'ailleurs qu'en se privant, pour le bien, de quelques économies, le peuple s'ôte la liberté d'en user pour satisfaire ses passions dégradantes? Qui ne voit que cet or n'est point perdu, mais qu'à l'aide des idées religieuses et des bénédictions célestes, il rapporte, au contraire, en influence morale, en véritable gloire, beaucoup plus que d'immenses sacrifices purement matériels? Cette considération inspira à Fénelon un des plus beaux compliments qui soient sortis de la bouche d'un orateur. Il prêchait au séminaire des Missions étrangères. Le cœur ému au souvenir de ce que faisait Louis XIV pour la propagation de la foi, il s'écria tout à coup: Sache, par nos histoires, la postérité la plus reculée, que l'Indien est venu mettre aux pieds de Louis la richesse de l'aurore en reconnaissance de l'Evangile reçu par ses soins. Encore n'est-ce pas assez de nos histoires: fasse le Ciel qu'un jour, parmi ces peuples, les pères attendris disent à leurs enfants, pour les instruire: Autrefois, dans un siècle favorisé de Dieu, un roi nommé Louis, jaloux d'étendre les conquêtes de Jésus-Christ bien loin au delà des siennes, fit passer de nouveaux apôtres aux Indes; c'est par là que nous sommes Chrétiens; et nos ancêtres accoururent d'un bout de l'u

nivers à l'autre pour voir la sagesse, la gloire et la piété qui étaient dans cet homme mortel. Ce que Fénelon disait à Louis XIV, en

(111) Et quicunque potum dederit uni ex minimis istis calicem aquæ frigidæ tantum in nomine discipuli : DICTIONN. DES OBJECT. POPUL.

qui se résumait alors la grandeur de la France, je le dirai au peuple très-chrétien, puisque, aujourd'hui, les peuples semblent avoir hérité de l'influence et des titres qu'avaient autrefois les rois: Fasse le Ciel qu'un jour, parmi ces nations converties par vos sacrifices, les pères attendris disent à leurs enfants: Autrefois un peuple, jaloux d'étendre les conquêtes de Jésus-Christ bien loin au delà des siennes, fit passer des apôtres aux lieux les plus éloignés. C'est par là que nous sommes Chrétiens, et nos ancêtres accoururent d'un bout de l'univers à l'autre pour voir la sagesse, la gloire et la piété qui étaient dans ce peuple mortel.»

Ce n'est donc point un or dispersé, comme vous avez dit, mais un or semé, qui, comme toute bonne semence, doit rapporter au centuple, parce que, quel que soit le terrain sur lequel il tombera, Dieu s'est chargé lui-même de le faire produire, ne fût-ce que dans l'éternité.

Ne dites point non plus que c'est un or arraché. Non il n'est point arraché; car il est donné volontiers et sans peine. Il est donné volontiers, puisqu'il vient du cœur; il est donné sans peine, car qu'est-ce qu'un sou par semaine?-C'est quelque chose à la fin, me direz-vous. -Oui, et c'est là précisé ment l'excellence de l'œuvre d'arriver à un grand résultat, avec rien ou à peu près; car, je le répète, un sou par semaine ne saurait être compté. Le compteriez-vous, s'il s'agissait de la satisfaction des plaisirs sensuels? Pourquoi donc le compter, quand il s'agit de la satisfaction des joíes spirituelles, surtout quand à ces joies se trouve jointe l'attente des éternelles récompenses?

Non, encore une fois, ce n'est point un or arraché; car on n'exerce aucune pression pour l'obtenir. Bien loin de là, on ne parle qu'à la raison, au sentiment, à la foi. Voulez-vous vous en convaincre encore par vousmême? Lisez ces lignes si touchantes, extraites du Mandement de MM. les vicaires capitulaires du diocèse d'Aire:

Oh! le beau spectacle que donnent en ce moment nos chrétiennes populations! Jusqu'ici on aurait pu dire que c'était de leur abondance ou dans leur aisance qu'elles prenaient maintenant travaillées par les plus rudes privations, soumises aux suites d'une disette qui a déjà multiplié étrangement les pauvres à secourir, ignorant le terme qu'il plaira à Dieu d'imposer à ces maux, elles souffrent avec patience, elles partagent avec ceux qui ont faim le pain de chaque jour, que Dieu n'a pas encore retiré, et pourvoient de plus aux grands intérêts de la propagation de l'Evangile. Une telle charité ne peut qu'être très-précieuse aux yeux de Dieu. Si le verre d'eau donné à un pauvre pour le désaltérer ne demeure pas sans récompense, quelle récompense ne méritent point ceux qui, après avoir donné de leur substance pour soulager les pauvres de Jésus

amen, dico vobis, non perdet mercedem suam. (Matth. x, 42.)

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Christ, envoient encore jusqu'aux extrémités de la terre leurs offrandes pour susciter des adorateurs au vrai Dieu !

« C'est à vous, o pieux associés de la propagation de la foi, qu'appartiennent les grandes œuvres apostoliques qui s'accomplissent aujourd'hui; c'est vous qui faites lever le soleil de justice sur tant de peuples, jusqu'à ce moment assis à l'ombre de la mort; c'est vous qui baptisez des multitudes d'infidèles, c'est vous qui plantez notre glorieuse croix sur les terres les plus inhospitalières, c'est vous qui civilisez tant de barbares, c'est vous qui faites immoler l'auguste Victime aux derniers confins des continents et sur les îles les plus lointaines, isolées aux extrémités et comme dans les profondeurs de l'Océan. Ces œuvres immortelles

sont les vôtres, parce que ceux qui les opèrent au nom de Dieu et pour sa gloire, ne sont que des guerriers spirituels que vous armez par vos prières et que vous soldez par vos aumônes.

« Continuez, ô pieux fidèles! Au milieu des maux que l'impiété moderne a appelés sur notre patrie, au milieu des terreurs qu'inspire à tous les bons Chrétiens le mépris où semblent être tombés parmi nous et le nom de Dieu et ses plus saintes lois, de grands motifs de confiance nous demeurent: Ja dévotion à la sainte Vierge et l'œuvre de la Propagation de la foi. Tout le temps que nous conserverons ces deux ancres de salut, nous pourrons être éprouvés par la justice de Dieu; mais délaissés par sa miséricorde, jamais.»>

PROPHÉTIES.

Objections.-Qu'est-ce que ça prouve, une prophétie?-On n'en voit plus aujourd'hui. Ou plutôt on n'en voit que trop. Sans aucune importance, ces prophéties tombent d'elles-mêmes, et doivent faire tomber les autres.

Réponse. Dieu, dans sa bonté, a multiplié les preuves sur lesquelles repose notre sainte religion, pour donner plus de force à la foi des fidèles, et laisser sans excuse ceux qui refusent de croire. Une de celles qui font sur nous le plus d'impression, c'est la preuve par les prophéties. De là les efforts que ne cesse de faire l'incrédulité pour la discréditer dans l'opinion des peuples.

Qu'est-ce que ça prouve, une prophétie? nous demande-t-on quelquefois.

Demandez-le donc à tous les peuples qui partout et toujours ont regardé les prophéties comme une des preuves les plus frappantes, les plus convaincantes d'une mission céleste. Et, de bonne foi, ne pensez-vous pas de même, vous qui en contestez la valeur? Vous est-il possible de penser autrement? Que vous souteniez que telle et telle prédiction n'est point une prophétie véritable, parce que ce qu'elle annonce pouvait être connu par des moyens naturels, ou bien encore parce que l'événement, excessivement simple, a pu coïncider naturellement avec ce qui en avait été dit par avance, je le comprends, et je serai peut-être même de votre avis; mais que vous souteniez, en outre, qu'une prophétie véritable, c'est-à-dire l'annonce faite par avance d'un événement qui ne saurait être connu par aucun moyen naturel, tant il est profondément caché dans l'avenir, et qui ne saurait, non plus, vu sa nature et les circonstances qui l'accompagnent, coïncider naturellement avec l'annonce qui en a été faite, que vous souteniez, dis-je, qu'une telle prophétie ne prouve rien, c'est ce que je ne conçois pas, parce que cela est en opposition avec la croyance unanime des peuples, avec la vôtre aussi probable

ment.

Qu'est-ce que ça prouve, une prophétie?

avez-vous demandé. Mais il est pourtant bien facile de le voir: une prophétie véritable, telle que celles qui ont été faites en faveur de notre religion! cela prouve une connaissance aussi claire de l'avenir que du présent; cela prouve la science divine; cela prouve que nous ne pouvons sans crime refuser notre adhésion à la doctrine en faveur de laquelle cette prophétie a été faite. « La prophétie, »dit Origène (Contra Cels.), « est le caractère distinctif de la Divinité: la connaissance des choses futures est au-dessus de l'intelligence humaine. L'accomplissement de la prophétie est donc une preuve sans réplique que Dieu en est l'auteur. »><

« Nous lisons dans la parabole du mauvais riche, que ce réprouvé demandant que Lazare ressuscitât pour aller attester aux cinq frères qu'il avait laissés ici-bas la vérité dè l'autre vie, et leur en faire éviter les tourments, il lui fut répondu : Ils ont Moise et les prophètes, qu'ils les écoutent... Que s'ils n'écoutent Moïse ni les prophètes, ils ne croiront pas non plus, quand même quelqu'un des morts ressusciterait. (Luc. XVI, 29, 31.)

« Telle est en effet la force de nos prophéties pour celui qui en examine attentivement l'antiquité, le nombre, la répétition, l'antériorité certaine, et l'admirable accord avec l'accomplissement, qu'on peut dire que le miracle qu'elles étalent est aussi grand que la résurrection d'un mort. Rendre la vie à ce qui n'est plus ne suppose pas plus de puissance que la prédire en ce qui n'est pas, lorsque la prédiction est tellement éloignée, tellement circonstanciée et ponctuelle qu'il n'y a que l'Auteur de la vie qui peut avoir confié le secret de son événement. La puissance de prédire se confond alors avec la puissance de produire, et n'en est qu'une dérivation. Le temps n'oppose pas un voile moins épais, un silence moins muet que la mort aux investigations de l'homme; ce sont deux abîmes également fermés; ce sont comme les deux mains de Dieu par lesquelles il donne l'être ou le retire: lui seul peut les ouvrir, et faire voir ce que lui seul peut faire.

« Qu'on ne dise pas que la prévision de l'homme et le calcul des conjectures peuvent souvent rencontrer juste. Cela n'est vrai que lorsque l'événement à venir se rattache par quelque point aux événements présents, et rentre dans les lois générales sous lesquelles on se trouve placé, parce qu'alors cet événe ment n'est pas à proprement parler à venir, il existe déjà dans le présent comme dans son germe; il ne s'agit que de l'en dégager: de même aussi qu'il est vrai que l'art medical peut retenir la vie dans un corps qu'elle n'a pas entièrement abandonné, et en qui elle tient encore par quelque organe. Mais lorsque la vie n'est absolument plus, ou qu'elle n'est absolument pas; lorsqu'elle est tellement enfoncée dans le temps ou dans la mort, qu'il n'en subsiste aucun principe ni aucune relation dans le présent; lorsque son objet est tellement singulier et individuel qu'il échappe à toute induction tirée des lois générales, et qu'il est enfin jeté loin de toute portée conjecturale dans les profondeurs de l'avenir, alors la prédiction est un vrai prodige, et la puissance de prophétiser, de susciter en quelque sorte l'événement, est égale à celle de ressusciter (112). Qu'est-ce donc lorsque l'événement n'est pas seulement éloigné, singulier, hors de toute relation avec les lois générales, mais qu'il est contre les lois générales, contre les lois naturelles. mêmes, une exception, un phénomène, un prodige? Si prophétiser est un prodige, qu'est ce donc que prophétiser un prodige?

« Or, telles sont les prophéties sur lesquelles s'appuie notre religion. Elles forment la plus magnifique preuve de la divinité du christianisme, et le spectacle le plus curieux qui puisse être offert à l'esprit humain. Elles sont d'ailleurs disposées avec une si riche économie qu'on peut dire que, si les autres preuves du christianisme laissent l'incrédulité sans raisons, celle-ci la laisse sans prétextes. »(Etudes philosophiques sur le christianisme.)

On n'en voit plus aujourd'hui, avez-vous dit encore.

Quand bien même ce que vous dites serait vrai, il ne faudrait point en être surpris. Quel a toujours été le grand but des prophéties? l'établissement du christianisme. Grâce à ces prophéties et aux autres preuves sur lesquelles elle repose, cette divine religion est établie aujourd'hui par tout le monde. Il y a plus de dix-huit cents ans que son règne y a commencé, et ne cesse de s'y maintenir, malgré les attaques auxquelles elle est en butte, et qui se trouvent être aussi une des circonstances de ces prédictions, malgré le temps qui détruit tout, tout absolument, si ce n'est Dieu, et ce que Dieu veut maintenir avec lui. Il était donc inutile qu'il y eût d'autres prophéties.

On n'en voit plus aujourd'hui !.... Est-ce

(112) Aussi la qualification de prophète emportait celle de thaumaturge; nous lisons, Eccli. LXVIII que le corps d'Elisée prophétisa après sa mort, parce que l'attouchement de ce corps ressuscita un

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bien vrai? et ne faut-il pas être frappé d'aveuglement, pour parler de la sorte? Une prophétie se compose de deux choses principales: l'annonce d'un événement futur, la réalisation de cet événement. Il y a quelquefois entre ces deux choses un temps considérable, et cela ne donne que plus de force à la prophétie, en montrant qu'elle ne peut être le résultat des conjectures de l'esprit humain. Telles sont nos grandes prophéties, celles en particulier qui regardent le Messie. Dieu les a placées de distance en distance, dans le cours des siècles, comme des phares propres à illuminer le monde, et à tourner les regards vers ce Sauveur universel; mais la dernière a précédé son arrivée de cinq cents ans. « Dieu donna à la majesté de son Fils,» dit le grand Bossuet, « de faire taire les prophètes durant tout ce temps, pour tenir son peuple en attente de Celui qui devait être l'accomplissement de tous les oracles.» (Disc. sur l'histoire universelle.) Il n'est pas possible, en pareil cas, d'avoir été témoin soimême et de l'émission de la prophétie, et de sa réalisation. Il y a à cela un obstacle invincible la courte durée de la vie humaine. Mais quel est celui qui peut dire avoir été témoin de la prophétie? Evidemment, celui qui en voit la réalisation, parce qu'il en voit la partie principale; ou plutôt parce qu'il la voit tout entière, pouvant s'assurer de l'annonce qui en a été faite plusieurs siècles à l'avance, aussi hien et mieux encore peutêtre que s'il avait vécu alors. Čela reconnu, qui ne comprend combien il est faux de dire que nous ne voyons plus de prophéties aujourd'hui ? Nous en voyons tous; elles frappent les yeux les moins clairvoyants; elles sont partout, autour de nous, en nous, elles sont nous-mêmes, si je puis m'exprimer de la sorte, puisque tout ce que nous voyons et ce que nous sommes avait été prédit longtemps à l'avance, et dans des circonstances où il était tout à fait impossible, humainement parlant, que la chose se réalisât.

Ce que nous disons se voit clairement : « Il ne faut pas attendre beaucoup, » pouvonsnous dire avec Tertullien, «ni aller bien loin pour en être instruit. L'événement des prophéties est à découvert devant nous: c'est le monde moderne et tout ce qui s'y passe. Tout ce qui se fait, c'est ce qui a été prédit; tout ce qui se voit, c'est ce qui a été annoncé :>> Nec hoc tardius aut aliunde discendum; coram sunt quæ docebunt, mundus, et sæculum, et exitus. Quidquid agitur prænuntiabatur; quidquid videtur audiebatur. (Apologet., cap. 20.)

L'histoire du christianisme, qui n'est que l'histoire du monde moderne, voilà l'accomplissement des prophéties, pouvons-nous ajouter ici avec l'auteur que nous citions précédemment. Jésus-Christ a-t-il existé? L'époque et les circonstances historiques de

mort qui avait été mis dans le même tombeau. A a vue des miracles opérés par Jésus-Christ, les Juifs disaient aussi : Un grand prophète s'est élevé parms nous, et Dieu a visité son peuple. (Luc. xvi, 7.)

son apparition, l'obscurité de sa naissance, les principaux traits de son caractère et de sa vie, l'infamie et les douleurs de son supplice, la sublimité de sa doctrine, la révolution rapide qu'il a faite dans le monde, l'anéantissement de la nationalité juive qui l'a méconnu, et la dispersion de ce peuple dans l'univers, sous le coup visible d'une malédiction qui ne le conserve partout que pour le laisser vivre nulle part, la conversion de toutes les autres nations, jusque-là divisées par le polythéisme, à la seule loi pure et sainte de Jésus-Christ, la permanence et l'universalité invincible de son règne à travers les siècles, et son influence incessante et progressive sur le monde : tous ces principaux traits et les détails qui s'y rattachent, à ne les prendre que dans l'histoire profane, sont-ils, oui ou non, devant nous? Et que sommes-nous nous-mêmes, que leur expression et leur produit? L'événement des prophéties est en face de nous, autour de nous, en nous, nous-mêmes, comme nous le disions tout à l'heure, et on ne peut rien imaginer de plus certain.

Oui, les prophéties les plus frappantes se sont réalisées, et se réalisent encore chaque jour sous nos yeux: le plus ignorant, le plus petit enfant le peut voir. Entrons ici dans quelques détails. Mais on comprend que, vu la matière de notre travail, nous devons nous zestreindre, et ne parler que de choses qui sont de notoriété publique.

Il est de notoriété publique que JésusChrist a prédit lui-même sa passion, sa mort, sa résurrection et toutes les conséquences de cette divine résurrection. Cette prédiction avait été faite dès le commencement et renouvelée de temps en temps. Jésus la renouvela à son tour, il la précisa et elle se résume, comme chacun sait, en ces paroles brèves mais expressives: Quand j'aurai été élevé de la terre, j'attirerai tout à moi : « Et ego, si exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum.» (Joan. x, 32.) Il parlait ainsi, remarque l'évangéliste, pour signifier comment il devait mourir; « Hoc autem dicebat, significans qua morte esset moriturus.» (Ibid., 33.) C'est là une prophétie, ou il n'y en a pas. Jésus-Christ annonce un événement futur qui dépend de la volonté libre des hommes, et de plus il annonce que cet événement aura les conséquences les plus extraordinaires, les plus incroyables, les plus impossibles, humainement parlant, je veux dire la conversion du monde entier par son élévation sur la croix: Et ego, si exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum. Tout cela est clair, incontestable, et tout cela se trouve expliqué, de plus, sans qu'il en soit besoin pourtant, dans plusieurs autres passages des saints Evangiles.

Or, je le demande à toute personne de bonne foi, je le demande au plus ignorant des hommes, à l'enfant chez qui la raison ne fait que de se développer; cette prophétie ne s'est-elle pas réalisée, ne se réalise-t-elle

(113) Voy. le récit de la mort de Vidocq.

pas encore tous les jours ? Que dis-je ! n'at-elle pas continué de se réaliser sans aucune interruption depuis dix-huit cents aus? Riches et pauvres, grands et petits, savantset ignorants, justes et pécheurs, tous sont allés, tous vont encore chaque jour se jeter dans les bras de Jésus et de Jésus crucifié. Dans cette croix, instrument de supplice et d'ignominie autrefois, mais divinisée en quelque sorte, depuis qu'elle a été arrosée de son sang, il y a comme un aimant irrésistible qui attire toutes les âmes. Les plus insensibles cèdent comme les autres à cet attrait: celui qui commença fut le larron pénitent du Calvaire, et il y a peu de temps encore nous voyions un homme, également flétri dans l'opinion publique, ne pouvoir trouver de calme à l'heure de la mort que dans les bras de cette croix (113). Mais pourquoi nous arrêter à des individualités? Ce ne sont point des hommes seulement que nous voyons se réfugier dans les bras de la croix, ce sont des nations entières tout le monde est aujourd'hui à ses pieds, accomplissant à la lettre la prophétie de Jésus-Christ: Et ego, si exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum.

De Jésus-Christ passons à sa sainte Mère.

Tout le monde connaît également la prophétie faite par elle-même et par sa cousine Elisabeth, lors de la visite qu'elle lui rendit: Vous êtes bénie entre les femmes, lui dit Elisabeth, et le fruit de votre ventre est béni: « Benedicta tu inter mulieres et benedictus fructus ventris tui. » (Luc. 1, 42.) Parce que le Seigneur a regardé la bassesse de sa servante, répond celle-ci, voilà que toutes les nations m'appelleront heureuse: « Quia respexi humilitatem ancillæ suæ: ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes. » (Ibid., 48.) J'ai dit avec raison que tout le monde connaît cette prophétie, puisqu'il n'y a point de paroles que la langue humaine ait plus fréquemment répétées que celles qui l'expriment et que nous venons de rappeler. C'est bien là, pouvons-nous dire encore, une prophétie véritable, ou il n'y en a point. I s'agit d'un événement fütur qui dépend de la volonté libre d'un nombre infini de personnes, d'un événement incroyable, impossible, humainement parlant. Quoi ! cette pauvre fille qui vit inconnue dans un pays peu connu lui-même du reste du monde, sera glorifiée de génération en génération par toute la terre ! C'est elle qui l'assure malgé son humilité: Ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes. Et sur quoi donc est fondée une telle assurance? Sur les bénédictions attachées à la personne de son Fils? Mais ce Fils doit passer la plus grande partie de sa vie dans l'obscure boutique d'un charpentier, et mourir de la mort des esclaves. Mais il est à peine question d'elle dans la Vie de ce Fils qui semble la méconnaître dès qu'il paraît en public! Peu importe, elle est bénie entre toutes les femmes, à cause de ce Fils, nous dit sainte Elisabeth, et elle affirme elle-même avec un saint enthou

siasme que toutes les générations proclameront également son bonheur.

Or, je le demande encore au plus ignorant des hommes, au plus petit enfant, pourvu qu'il sache parler, cette prophétie ne s'est-elle pas accomplie? ne s'accomplit-elle pas tous les jours sous nos yeux? Est-il un pays, une ville, un village, un hameau; est-il une maison, une cabane où n'ait été faite, où ne se fasse continuellement la proclamation du bonheur de Marie, dans les termes mêmes dans lesquels elle fut faite pour la première fois en Judée? Chose singulière ! il semblait que le monde eût épuisé toutes les formules de louange à la gloire de Marie, et voilà que notre siècle, épuisé d'impiété et de crimes, vient se jeter à ses pieds, proclamant une nouvelle formule de louange avec l'enthousiasme et l'unanimité des siè cles de foi. Tant s'accomplit fidèlement la prophétie qui la concerne et qu'elle-même avait faite Ecce enim ex hoc beatam me dicent omnes generationes. (Luc. 1, 48.)

De la sainte Vierge descendons aux apôtres. La prophétie qui les concerne n'est pas moins connue que celles qui concernent Notre-Seigneur et sa Mère. Allez donc, leur dit Jésus-Christ au moment de les quitter, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai ordonné. Et voilà que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consommation des siècles. (Matth. xxvi, 19, 20.)

Qui? eux, ces ignorants! aurait-on pu répondre à Jésus-Christ, ces hommes grossiers, charnels, sans dévouement, sans courage, dépourvus de tous les moyens que Dieu donne aux hommes pour agir sur leurs semblables, instruire toutes les nations! changer leur culte et leurs mœurs ! Ce serait déjà une grande absurdité à eux de vouloir le faire à l'égard de quelques hommes: comment donc à l'égard du monde entier ?... Instruire toutes les nations jusqu'à la consommation des siècles! mais demain peutêtre ils auront cessé d'exister. En tout cas, leur carrière ne saurait être longue, surtout s'ils entreprennent l'œuvre à laquelle vous les appelez, car les fatigues et les persécu

tions l'auront bientôt terminée... Vous leur promettez d'être avec eux jusqu'à la consommation des siècles, et pourtant vous les quittez... Cela est évident, ce que vous leur proposez n'est que folie, et j'ajouterai même l'une des plus grandes qui se puissent imaginer...

Eh bien qu'en pensez-vous ? Cette prédiction si extraordinaire qu'elle devait être regardée comme la plus insigne folie aux yeux de la raison, ne s'est-elle pas accomplie, ne s'accomplit-elle pas chaque jour dans toutes ses parties? Est-ce que nous ne sommes pas nous-mêmes un des effets de cet accomplissement, nous que Dieu a appelés, par ses envoyés, des ténèbres de l'infidélité à son admirable lumière...?

En même temps que les brebis égarées de la maison d'Israël, c'est-à-dire les gentils qui n'adoraient, ni ne connaissaient le vrai

Dieu, y étaient rappelés, Israël lui-même, le peuple de prédilection, en était repoussé, parce qu'il avait trop abusé des grâces du Seigneur. Il y avait longtemps que la prédiction en avait été faite. Jésus-Christ la renouvela en termes plus clairs et plus frappants: Lorsqu'il fut proche de Jérusalem, lisons-nous dans l'Evangile, jetant les yeux sur la ville, il pleura sur elle, en disant : Ah! si tu avais toi-même reconnu en ce jour au moins qui t'est encore donné, ce qui pouvait t'apporter la paix ! Mais maintenant tout ceci est caché à tes yeux. Aussi viendra-t-il pour toi un temps où tes ennemis t'environneront de tranchées, t'enfermeront et te serreront de toutes parts, où ils te raseront et te détruiront entièrement, toi et tes enfants qui sont dans tes murs, et où ils ne te laisseront pas pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps auquel Dieu t'a visilée : « Et ut appropinquavit, videns civitatem, flevit super illam dicens: Quia si cognovisses et tu et quidem in hac die tua quæ ad pacem tibi, nunc autem abscondita sunt ab oculis tuis. Quia venient dies in te et circumdubunt te inimici tui vallo, et circumdabunt te, el coangustabunt te undique; et ad terram prosternent te et filios tuos qui in te sunt, et non relinquent in te lapidem super lapidem, eo quod non cognoveris tempus visitationis tuæ. »(Luc. XIX, 41-44.)

Est-ce clair et frappant? Et s'il y a quelque chose d'aussi clair et d'aussi frappant, de plus frappant peut-être encore, n'est-ce pas l'acs'est-elle pas accomplie à la lettre, dès le complissement même de la prophétie? Ne commencement? Ne s'accomplit-elle pas encore tous les jours? Car le peuple juif, abattu jusqu'à terre, n'est pas mort. S'il avait fini comme les autres peuples, cette prophétie se serait accomplie, mais elle ne frapperait pas partout et toujours les regards comme elle lefait. Tournant sans cesse les yeux vers la cité sainte, il ne peut s'y rétablir; une main toute-puissante le repousse et le tient dispersé de tous côtés. Marqué au front, en quelque sorte, comme le fratricide Caïn, il est errant en tout lieu. Les autres peuples peuvent le mépriser ou le persécuter; mais nul ne peut ni se l'incorporer ni le détruire, parce qu'il faut que tous voient passer la jusiice de Dieu et l'accomplissement de ses pré

dictions.

On ne voit plus de prophéties!... Vous vous trompez, je ne cesserai de vous le dire ; car, outre les prophéties générales, fondamentales, en quelque sorte, puisque, sur elles aussi repose l'édifice de notre religion, il y a partout et toujours des prophéties moins importantes, locales, individuelles même quelquefois, auxqueries il serait déraisonnable de ne pas croire, quand, examinées au double flambeau de la foi et de la raison, elles présentent tous les caractères d'une révélation céleste, de la manifestation d'un point plus ou moins important de l'avenir par celui qui ne peut ni se tromper ni nous trom

per.

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