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tous la volonté et la force de la pratiquer: que voulons-nous de plus?

Entrons ici dans quelques développements, dont nous pourrions à la rigueur nous passer, mais qui ne paraîtront point, non plus, superflus, vu l'extrême importance du sujet.

« Tout le christianisme est dans le dogme de la Rédemption, » dit à ce sujet l'auteur des Etudes sur le christianisme. « Pour rendre cette proposition sensible, qu'on nous permette de la revêtir d'une comparaison vulgaire. S'attacher à la morale évangélique seule, en admirer la pureté, la sublimité, la fécondité, c'est considérer uniquement le cadran d'une montre, la juste distribution des heures qui y sont marquées, et l'utile fonction des aiguilles qui nous en distribuent la connaissance relative à la vérité de la marche du temps et à nos besoins. -Passer de la morale à la considération des dogmes les plus immédiats, les plus naturels, les plus universels: l'existence de Dieu, la spiritualité de l'âme, son immortalité, un jugement à venir, et un état de châtiment ou de récompense, c'est ouvrir cette montre et en examiner les rouages divers, qui, par leur engrènement et leur jeu, portent à l'extérieur le mouvement combiné dont nous avons admiré l'utile résultat sur le cadran. Mais tout cela n'est que résultat ou véhicule, tout cela dépend et provient d'un principe moteur, inspirateur, d'où part et où revient le mouvement pour en repartir encore, et qui est comme le ressort dans le système mécanique que nous venons de supposer: or, ce principe dans le christianisme, qui en est la voie, la vérité et la vie? C'est Jésus-Christ crucifié......

mal, et de lui faire bénir et adorer la sagesse surhumaine et l'amour infini qui ont su si bien le contrarier pour le guérir.

Or, tel a été l'effet du mystère de la croix sur le monde. Il a, du même coup, rendu à l'homme la connaissance de luimême et la connaissance de Dieu, deux choses qui se lient étroitement. Il a exaucé cette simple et belle prière de saint Augustin: Noverim te! noverim me ! « Que je te connaisse que je me connaisse! Fixons donc nos regards sur ce grand tableau de la croix, où la vérité a concentré tous ses rayons, et où la vie divine pour se redonner à nous, a revêtu les couleurs, les formes, les mouvements mêmes de la vie humaine. Là, nous découvrons clairement et ce qu'est l'homme et ce qu'est Dieu.

« Ce qu'est l'homme. Quel miroir fidèle de l'horrible état où est tombée l'humanité, que cette figure sanglante et brisée sur une croix, en expiation de nos crimes! figure qui était celle d'un Dieu, et qui n'est plus même celle d'un homme. Quelle expression de la laideur morale du péché, et du malheur qui y est attaché dans nos destinées éternelles! Quelle mesure de l'abîme où nous sommes tombés, et de l'abîme plus profond sur lequel nous sommes suspendus, que ce spectacle de la beauté par essence, de la félicité suprême, de la puissance infinie d'un Dieu, réduite, ravalée à cet état de difformité, de souffrance et d'anéantissement! Par le remède jugeons le ma', par le châtiment mesurons la faute; évaluons la profondeur de l'abîme par la distance parcourue pour venir nous y chercher! Si un Dieu est devenu tel pour s'être substitué à l'homme, qu'était donc l'homme lui-même par rapport à Dien?

« Mais si ce spctacle rabaisse l'homme et le met à sa véritable place actuelle, voyez comme aussitôt il le relève et le revêt d'une nouvelle grandeur, en lui faisant connaître ce qu'il est dans les desseins de Dieu.

« Ce qui choque l'incrédulité dans le mystère de la croix, et ce qui donne à ce mystère l'apparence d'une folie, c'est que réellement c'est un acte extraordinaire, en dehors des lois naturelles, anormal, et dès lors repoussant et incompréhensible pour qui se place dans un état ordinaire, natu- « Qu'est-ce donc que l'homme pour que rel et normal. Mais tel n'est pas l'état de Dieu se souvienne de lui à ce point? pour l'humanité. Elle est sortie de cet état normal qu'il soit venu le visiter dans son exil et lui par la chute primitive, et ce n'est que par donner un tel témoignage de sa tendresse? un remède, c'est-à-dire par un moyen anormal Quelle est donc la valeur de cette capture de comme son état, qu'elle peut se relever. Le l'enfer, pour avoir été l'objet d'une telle mystère de la croix correspond au mystère rançon? Quel est donc son prix, et que lai du péché originel, et il ne faut jamais re est-il réservé par delà? Que ne suppose garder l'un sans l'autre. L'humanité est un pas, en effet, le sacrifice de la croix sur la vagrand malade, et, ce qu'il y a de pis, un leur et la vocation de l'homme, conquête malade qui croit se porter bien. Dès lors, d'un Dieu, et, par ce Dien Sauveur, conquéce ne sont pas des viandes solides et des rant et cohéritier du ciel? Si la nature di fruits savoureux qu'il lui faut, quoiqu'elle vine a été unie à la nature humaine dans le veuille c'est un remède, et un remède l'ignominie de la croix, elle n'a pas cessé violent, quoiqu'elle ne le veuille pas. Qu'elle de lui être unie dans la gloire de la résurse récrie, qu'elle se soulève, qu'elle traite rection. L'ascension de l'humanité égale l'ad'insensé le médecin cela doit être, et baissement de la divinité en Jésus-Christ. celui-ci aurait tort de chercher à se justi- La chaîne qui lie la terre au ciel est plus fier à des yeux malades; il subira l'injure, que jamais visible, le dogme de notre imil se dira fou tout le premier, pour entrer mortalité et de notre résurrection a pour dans les vues perverties qu'il veut redres- lui toute la puissance d'un fait accompli ser; mais en même temps il fera accepter consommé manifestement dans l'un de nous, le remède, dont le premier effet sera dedans notre chef, leque! a été fait, comme le donner à l'homme la connaissance de son dit énergiquement saint Paul, les prémices

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« Voilà donc l'homme expliqué enfin, voilà ce nœud profond des contradictions de sa nature délié. La philosophie de la croix est venue prononcer entre la philosophie de Zénon et celle d'Epicure, et les absorber toutes deux dans sa hauteur. Tu t'estimes trop, ô hommel et tu ne t'estimes pas assez. Non, tu n'es pas un Dieu ayant sujet de te glorifier toi-même et de te faire ton propre centre; loin de là, tu es le plus abject, le plus chétif et le plus misérable de tous les êtres; rebut de l'univers, il n'est rien qui ne te confonde, et qui n'accuse ton ignorauce et ta faiblesse; tu ne peux que souffrir et mourir esclave vendu à la douleur par le péché, tu lui appartiens, et cette douleur même est inféconde.

Mais tu te trompes pareillement lorsque, avec Epicure, tu t'assimiles à un vil pourceau, et que tu te résignes aux sens et à la matière, laissant choir dans la boue le scep tre de l'intelligence et de la vertu relèvetoi! tu es le roi de la terre et le prétendant des cieux...

«C'est ainsi que la doctrine de la croix nous donne la connaissance de nous-mêmes. Mais cet effet n'est que secondaire et refléchi; son effet principal et direct, c'est de nous faire connaître Dieu.... La sainteté, la justice, l'amour, la sagesse, la puissance même de Dieu, quoique au degré le plus infini, se laissent en effet regarder, toucher et mesurer en quelque sorte sur la croix, par le procédé le plus simple tout à la fois et le plus fécond.

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« La sainteté. Quelle sainteté, et qui jamais en aurait eu l'idée, que celle qui ne permet à l'homme de s'approcher d'elle qu'après s'être lavé dans le sang d'un Dieu! Quel dieu que celui dont l'au'el repousse toute autre victime, et à qui il faut pour holocauste, non les plus purs des animaux, non les plus parfaites des créatures humaines, non la nature angélique la plus relevée, mais la nature divine elle-même, mais un Dieu semblable à lui! C'est pourquoi, dit saint Paul, le Fils de Dieu, entrant dans le monde, dit à son Père: Vous n'avez point voulu d'hostie ni d'oblation; vous n'avez point agréé les holocaustes et les sacrifices pour le péché, mais vous m'avez pourvu d'un corps, et alors j'ai dit: Me voici. (Hebr. x, 5, 6, 7.) Par la pureté et la grandeur d'une telle victime, mesurez la sainteté et la majesté du Dieu... « De ce fond de lumière on voit rayonner également les autres attributs.

La justice. Quel coup elle frappe sur la croix! Combien il faut qu'elle soit nécessaire, inflexible, inévitable, pour n'avoir

pas été désarmée par tant d'innocence et d'o sainteté! Si elle s'exerce ainsi sur la caution, que n'aurait-elle pas fait sur l'auteur même de la dette? Que serions-nous devenus sans ce divin bouclier? et que deviendrions-nous, si nous négligions de nous en couvrir? Le sentiment de la justice et de son inviolable rigueur pouvait-il être plus profondément imprimé au cœur de l'homme que par ce spectacle de Dieu chargeant son propre Fils, malgré sa sainteté, malgré sa divinité, et uniquement parce qu'il a pris sur lui lafaute de l'homme, de tout le poids de sa colère, et n'éteignant sa foudre que dans la dernière goutte de son sang...? La justice égale donc la sainteté sur la croix, et toutes deux y sont infinies.

« Ce qu'il y a d'admirable et vraiment divin dans cette doctrine, c'est cette simplicité merveilleuse qui révèle à la fois, et par le même moyen, les attributs les plus divers de la Divinité, et qui, sans rien diminuer de leur profondeur, en adapte cependant la compréhension aux intelligences les plus vulgaires. Ainsi, nous venons de voir éclater sur la croix la sainteté et la justice de Dieu au degré le plus infini. Il semble, après cela, que les idées de bonté, de miséricorde et d'amour, ne peuvent en approcher; et voici au contraire qu'elles en jaillissent, et que, comme les autres attributs, elles y dépassent toutes nos conceptions. Dieu lui-même immolant son propre Fils à la place de l'homme, aimant l'homme dès lors plus qu'un homme aime son fils, et le fils le plus digne d'être aimé: Sic Deus dilexit mundum, ut Filium suum unigenitum daret. (Joan. III, 16.) Quel amour! Et ce Fils lui-même qui ne fait qu'un avec son Père dans cet acte d'amour, qui le devance en quelque sorte, Tunc dixi: Ecce venio (Hebr. x, 7); qui rivalise avec lui de dévouement pour les bonimes, quelle idée touchante et sublime...!

« La création elle-même et tous les bienfaits de la nature le cèdent au sacrifice de la croix. Tirer l'homme du néant pour l'élever au trône de la création, pour le faire passer au trône même de Dieu, est un bienfait immense. Mais il n'y a pas de bienfait qui ne soit doublé quand on le recouvre après sa perte, parce que cette perte même en fait sentir le prix plus que devant. Qu'estce donc lorsque le moyen par lequel s'opère ce retour est en lui-même un surcroît immense de bienfaits? Or, telle est la Rédemption du genre humain comparée à sa création. Car, par la création, Dieu n'avait donné à l'homme que les créatures en partage, el par la Rédemption il s'ajoute lui-même, il se donne, il s'incorpore à l'humanité, il se fait homme. Par là le dogme de la Rédemption a conquis plus hautement le cœur de l'homme que celui de la création. Dieu en Jésus-Christ a des droits plus intimes sur nos âmes que Jéhovah; et, si j'ose ainsi dire, le grand Etre de la nature et des philosophes, a été dépassé par le Bon Dieu des Chrétiens. Le Bon Dieu! qualification touchante à la portée de tous les cœurs, de toa

tes les bouches, de tous les yeux, et qui, s'adressant plutôt à l'instinct qu'à l'esprit, se justifie et se fait si bien comprendre de tous les hommes, à travers cette figure expirante du grand Martyr de la bonté, de la miséricorde et de l'amour.

« Ainsi, chose merveilleuse et que nous avons si souvent lieu de remarquer! les con traires s'allient dans le christianisme; et toutes les vérités qui ne peuvent s'accorder partout ailleurs, quoique à un degré inférieur, contractent ici une union solide, en même temps qu'elles sont portées à leur rigueur la plus sublime...

« De là un quatrième attribut s'y révèle: la sagesse; car un si bel ouvrage remplit précisément toutes les conditions de la sagesse, telle qu'elle éclate dans l'arrangement de l'univers, et qu'elle s'est définie elle même par cette parole: Atteignant d'un extrême à l'autre avec force, et disposant toutes choses avec douceur (116)...

« Il est de la nature de Dieu de contenir dans la suprême unité de sa substance trois personnes: le Père, le Fils, le Saint-Esprit. La seconde de ces personnes, le Fils, Verbe de Dieu, se détache du sein du Père, et s'offre pour rançon de l'humanité et victime expiatoire de la faute originelle. C'est un Dieu égal à son Père: le prix de nos mérites sera donc suffisant pour acquitter la dette que réclame sa justice. Mais les difficultés sont loin d'être résolues; car, si c'est un Dieu, il ne pourra souffrir; el, pût-il souffrir, comment ses souffrances profiteraientelles à l'humanité, qui y serait étrangère? L'humanité intelligente et libre ne peut être ainsi sauvée à son insu et sans sa participation: cela serait contre sa nature. Il ne serait pas moins contre la nature divine d'admettre une réparation étrangère à la faute et à son auteur, et qui les laisserait impunis. Comment débrouiller ce chaos de difficultés? Il faudrait que le Dieu fût homme pour pouvoir souffrir, et que l'homme fût Dieu, pour pouvoir mériter; et, comme le mérite doit résulter de la souffrance, il faudrait tout à la fois un Homme-Dieu. C'est là le grand chefd'œuvre réalisé en Jésus-Christ, et par qui se trouvent atteintes toutes les satisfactions, conciliées toutes les convenances, vaincues et dépassées toutes les difficultés...

« Ainsi, chargée de toutes les infirmités de notre nature, comme homme, investie d'ailleurs de tous les attributs de Dieu, comme son Fils et son égal, la grande Victime marche au sacrifice pour y consommer l'œuvre de notre rédemption. Là l'homme et le Dieu doivent se rencontrer jusqu'à passer pour ainsi dire l'un dans l'autre, et ne plus faire qu'un seul tout indissoluble. Le Dieu va descendre aux dernières profondeurs de la misère humaine, l'homme va s'élever à toutes les perfections de la nature divine; et ces deux mouvements vont s'opérer par le même moyen et se manifester par la même

(116) Attingit a fine usque ad finem fortiter, et disponit omnia suaviter. (Sap. viii, 1.)

expression. Jésus-Christ, dans sa passion, est traité comme on traitait alors les esclaves. Ce n'est pas assez, il est mis de pair avec les plus vils scélérats, et même au-dessous Jouet de la dérision de ses ennemis, objet de l'abandon de ses amis; par un privilége de flétrissure et de barbarie qui le distingue des deux malfaiteurs auxquels il est accolé, il est flagellé, et non-seulement attaché, mais cloué sur une croix, couronné d'épines, abreuvé de fiel, raillé par ce peuple lequel il meurt, objet el témoin de la douleur d'une mère et d'un ami dont il se dépouille en les léguant l'un à l'autre, ne trouvant pas même de refuge dans le sein de ce Père céleste d'où il est sorti, et qui, dans ce moment, épuise sur lui les traits de sa justice; délaissé, en un mot, du ciel et de la terre, il meurt, et jusqu'après la mort la lance d'un soldat interroge la vie dans son sein... Certes, voilà bien le sublime de l'infortune, et comme l'océan de toutes les douleurs humaines ramassé sur une seule tête; et nul n'a mérité à si juste titre, qu'on dit de lui: Ecce homo. (Joan. xix, 15.) — Mais d'un autre côté, et dans le même tableau, voyez le Dieu: quelle résignation ! quel courage! quelle douceur ! quelle patience ! quelle dignité! quelle bonté quel oubli de luimême ! quel sublime abandon ! quelle mort !!! Il faut adorer plutôt que de chercher à peindre tant et de si hautes perfections trop peu méditées. C'est la sainteté même dans la condition de l'homme; c'est l'Homine-Dieu. Quel n'a pas été l'éclat de sa divinité pour qu'en face de ces restes inanimés un de ses bourreaux l'ait proclamé, disant: Vraiment il était Dier celui-là! (Matth. xxvII, 54) et qu'au bout de dix-huit siècles, le déiste le plus hardi, saisi d'enthousiasme, se soit oublié jusqu'à dire : Si la mort de Socrate est d'un sage, la vie et la mort de Jésus-Christ sont d'un Dieu.

<< Dans le sacrifice de ce divin médiateur, l'humanité, couverte du mérite de ses souffrances, a pu s'approcher de ce Dieu redoutable qu'elle avait offensé; et ce Dieu luimême, sans être retenu par sa justice dé sormais satisfaite, a pu se réconcilier le monde (117). La gloire du ciel et la paix de la terre se sont accordées; la justice et la miséricorde ont été au-devant l'une de l'autre et se sont confondues dans un baiser; et ce médiateur lui-même, artisan de cette réconciliation, en a touché les prémices par sa résurrection, et en est resté le dépositaire et la source, retenant en lui les deux natures à jamais unies dans la gloire et dans la paix...

Ce n'est pas que par là l'humanité soit sauvée immédiatement et sans sa participation: non, elle est sauvée comme elle avait été perdue, médiatement par le nouvel Adam, et volontairement par son adhésion au secours dont il est la source. Il faut se faire de la race du Christ, s'unirà sa grâce par la volonté, et contracter avec lui ces liens de l'âme qui, comme les liens du sang et plus encore, le feront

(117) Dum erat in Christo, mundum reconciliars sibi. (II Cor. v. 19.)

passer en nous, de manière que nous soyons autant de Christs par la grâce, comme nous sommes autant d'Adams par la nature. Ainsi devenus, autant qu'il est en nous, ses imitateurs et ses reproducteurs dans sa vie et dans sa mort, nous sanctifions les maux de la nature, nous les fécondons, nous en faisons des éléments de rédemption particulière pour chacun de nous, et nous arrivons par là à une réhabilitation supérieure et définitive dans le ciel, où se réaliseront toutes nos espérances, et qui sans cela nous.eût été à jamais fermé.

«Voilà comment la croix de Jésus-Christ nous manifeste non-seulement la sainteté, la justice, l'amour de Dieu, mais encore, et à un égal degré, sa sagesse dans le plan du salut dont elle est l'exécution. Il nous reste à voir comment elle nous exprime sa puis

sance.

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Dans la sainte Ecriture, l'histoire d'Alexandre le Grand est ainsi tracée :

Après qu'Alexandre, fils de Philippe de Macédoine, qui le premier régna en Grèce, fut sorti de la terre de Céthim, et qu'il eut abattu Da- rius, roi des Perses et des Mèdes, il livra beau1 coup de batailles, s'empara de toutes les places fortes, et mit à mort les rois de la terre. Et il passa jusqu'aux extrémités du monde, enleva les dépouilles d'une multitude de nations,

et la terre se tut devant lui. Il amassa une = grande puissance, assembla une armée prodi-gieuse. Son cœur s'exalta et s'enfla; et il se rendit maître des peuples et des rois, et se les fit tributaires. Après cela, il tomba sur sa couche, et connut qu'il allait mourir. Et ilappela les grands de sa cour, et leur partagea son royaume, lui vivant. Alexandre régna ainsi douze ans, et il mourut. (Matth. 1, 1-8.)

=

« Quelle élévation! quelle hauteur! mais quelle chute! quelle fin! Voilà l'homme : toutes ses grandeurs ne sont que les trophées de sa destruction.

« L'histoire de Jésus-Christ est la contrepartie de celle des hommes; et, de lui, on peut dire que ses abaissements sont les trophées de sa grandeur. Voici, en effet, son his

toire:

Après que Jésus de Nazareth, fils de Marie, eut passé les trente premières années de sa vie dans la pauvreté et dans l'ou bli de la condition de charpentier, il fut le jouet des hommes de son temps. Faisant sa société de quelques gens de mauvaise vie, et traînant à sa suite un ramas de publicains, de faibles femmes et de pauvres mariniers, il fut poursuivi et arrêté comme un malfaiteur. Promené de tribunaux en tribunaux, livré comme un fou à la dérision de la popuJace, fouetté comme un esclave, cloué sur une croix entre deux voleurs, il mourut... Après cela... il devint le Roi immortel de toute la terre et de tous les siècles.

Parmi tous les modes que la Divinité pouvait choisir pour donner aux hommes une idée de sa puissance, s'en pouvait-il trouver un qui approchât de celui-ci faire qu'un homme de basse extraction, tombé plus bas encore par l'infamie de sa mort,

devienne malgré son abjection, que dis-jel par son abjection; malgré l'infamie de son supplice, ou plutôt par l'infamie et avec l'instrument même de son supplice, devienne rapidement le réformateur du genre humain, te Dieu de la terre, l'objet de l'adoration, de la crainte et de l'amour des hommes; que devant ce crucifié tombe le paganisme avec ses Jupiter et ses Vénus, se brise la hache des Césars, s'arrête le torrent des barbares, se dispersent les écoles de philosophie, se déracinent les institutions et les coutumes les plus invétérées, se transforment les préjugés et les affections de la nafure; et que lui-même, le type de l'infamie et de la faiblesse, devienne désormais l'ornement des couronnes et la récompense de la valeur ; que non-seulement il triomphe de toutes les grandeurs et de toutes les forces réunies de l'humanité, mais qu'il en triomphe à travers les résistances les plus furieuses et par des moyens toujours conformes à son état: humbles, faibles,pauvres, méprisés; et qu'il en triomphe partout, et qu'il en triomphe toujours, et que le temps, ce suprême et fatal écueil des choses humaines, perde pour lui seul sa nature, et fasse place à l'éternité? Conçoit-on une plus haute expression de la puissance de Dieu qu'un tel prodige...?»

Mais la croix ne nous éclaire pas seulement en nous faisant connaître l'homme et Dieu, elle nous fait remplir à tous nos devoirs.

« Si la morale évangélique avait été formulée en un code de préceptes détachés de la doctrine, »dit l'auteur que nous citions tout à l'heure, «et qu'elle eût été ainsi jetée dans le monde païen, jamais certainement elle n'eût été portée à l'application, je ne dis pas chez la généralité des homines, mais même chez les plus parfaits. C'eût été comme une armure de géant, hors de toute proportion avec les forces de la conscience dégénérée de l'humanité. On en sera convaincu si on se rappelle que la morale des stoïciens, moins sévère, n'avait pu faire, au dire d'Epictète, un seul stoïcien commencé. Pour expliquer donc comment cette morale évangélique est devenue la morale universelle du genre humain, comment elle a été portée par un si grand nombre d'âmes aux dernières limites de l'application, on est obligé d'admettre qu'avec cette morale extaordinaire un agent extraordinaire correspondant a été apporté, une nouvelle conscience a été donnée, à la hauteur et à la dimension de cette morale, dans toutes les directions des affections humaines; qu'il a fallu enfin pour une morale surhumaine une doctrine surhumaine aussi. Or, c'est à cette fonction qu'a été adaptée la doctrine de la Rédemption. La morale évangélique est mesurée, pour ainsi parler, sur l'Home-Dieu, lequel ne déploie tout le caractère divin que sur la croix; de sorte que c'est par la croix que ce caractère divin passe et se reproduit en nous, et, par notre conformité avec lui, devient la inorale évan

DICTIONNAIRE gélique qui se résume dans l'imitation de Jésus-Christ.

« Pour peu qu'on observe le cœur humain, on sera convaincu qu'entre prescrire une chose et la faire soi-même le premier pour en donner l'exemple, il y a une différence d'impression, sur ceux qu'on veutentraîner, immense. Rien n'est contagieux et persuasif comme l'exemple. Tous les traités de patriotisme imaginables n'auraient pas fait sur le peuple romain ce qu'a fait l'exemple de Régulus; et il n'y a pas de harangue qui vaille l'action du grand Condé jetant son bâton de commandement dans les retranchements de l'ennemi, et s'élançant le premier pour aller le reprendre. L'exemple est d'autant plus persuasif qu'il vient de plus haut; il est d'autant plus nécessaire, que le précepte est plus rigoureux et qu'il s'adresse à une plus grande généralité d'hommes. La morale évangélique, si rebutante pour la nature corrompue de l'homme, s'adressant à tous indistinctement, devait se présenter armée d'un grand exemple, et résumée en une simple et éloquente action qui frappàt tous les regards et parlât à tous les instincts. La vie et surtout la mort de Jésus-Christ renferment cet exemple le plus parfait, le plus décisif, le plus entraînant. La morale évangélique n'est pas tant dans les livres et dans les discours; elle est pour tous et au plus haut degré dans la croix de Jésus-Christ, livre ouvert à tous les yeux, chaire éloquente qui parle d'elle-même, et où ressortent vivement l'ensemble et les plus petits détails de la loi évangélique; modèle parfait, intelligible à tous, simple et inépuisable, pouvant être saisi d'un seul regard, et éternellement digne de fixer à jamais tous les regards. Qui peut nier la hauteur de l'exemple? C'est un Dieu. Qui peut y trouver à redire? C'est la perfection la plus inépuisable. Qui peut en suspecter le désintéressement? Celui qui le donne en était, par sa nature, affranchi. Qui peut enfin ne pas le comprendre? il est palpitant d'expression. Le législateur se fait lui-même victime de la loi, pour en exprimer plus vivement la nécessité; le médecin éprouve le premier le remède en sa personne, ou plutôt se fait remède; la parole se fait action: le Verbe, en un mot, se fait chair pour s'imprimer davantage dans la charnelle humanité. Qu'il fallait connaître l'homme, et qu'il fallait l'aimer pour user d'un pareil moyen, si extrême en apparence et si insensé! Et y a-t-il un autre que l'Auteur même de l'homme qui ait pu avoir la sagesse de le concevoir, la bonté de l'entreprendre, la puissance de le faire triompher...?

«Mais le dogme de la Rédeinption agit encore sur le cœur de l'homme par une autre puissance. Cette puissance, la plus utile pour le bien comme elle est la plus redoutable pour le mal, c'est le sentiment de l'amour. L'amour, c'est tout le cœur, qui est Jui-même tout l'homme. Celui qui a su exciter l'amour est maître; il peut tout commander. Toutes les passions ne sont que

des transformations de celle-là. Il n'y a pas d'homme qui n'en soit capable, même celui qui n'aime rien, car celui-là ne fait que s'aimer lui-même par-dessus tout. Tous les désordres de l'humanité ne sont que les détournements de cette flamme de son foyer natal, qui est Dieu, vers nous-mêmes et les autres créatures, qu'elle consume et qu'elle dévaste. Point de régénération pour l'espèce humaine donc, si on ne parvient à s'emparer de cet élément terrible de notre être moral, et si on ne ramène toute son activité vers son principe. Et cependant, chose étrange et digne de remarque! aucune philosophie, aucun système de morale, aucune religion humaine, n'ont imaginé d'inspirer l'amour et de porter les hommes au bien par ce sentimeni, qui est toujours le premier obstacle à la vertu, quand il n'en est pas le premier mobile. C'est qu'aucune religion, aucun système de morale, ne se sont jamais proposé la régénération radicale de l'homme. Ils le laissent tous avec ses affections désordonnées; souvent ils les développent, et ne leur opposent daus tous les cas que de vaines théories et de froides règles de vertu, qui ne peuvent avoir de prise sur son cœur. Le christianisme, se proposant la grande entreprise d'arracher l'homme au dérégiement de ses passions, devait donc offrir à son cœur un sujet d'amour immense, le prendre par son faible, et en faire son fort. Cette condition était voulue par la nature à l'amour seul il appartient de dompter l'amour, et ce n'est qu'au cœur que répond le cœur.

« La manifestation de la bonté de Dieu répandue sur toute la nature, la douce voix de la conscience, étaient impuissantes à percer le tumulte que les objets sensibles font autour du cœur de l'homme; leurs sommations n'étaient pas assez énergiques pour en repousser les assauts de la concupiscence et l'occuper exclusivement. Pour faire cesser ce grand divorce causé par le péché entre Dieu et l'âme, Dieu lui-même devait faire les avances; et voulant l'amour et les sacrifices du cœur humain, il devait les conquérir à force d'amour et de sacrifices. L'amour appelle l'amour, et il y a au fond de l'âme humaine un instinct généreux qui repousse l'ingratitude et répond au sacrifice. C'est à cet instinct que s'adresse le dogme de la Rédemption, et c'est par lui qu'il a saisi le cœur de l'homme pour le ramener à l'amour de Dieu. Et combien ce dogme est-il adapté à cette grande fin! Nous l'avons vu, et il convient de le voir encore, quel amour peut être mis en comparaison avec celui qui s'y trouve exprimé? Dieu semble avoir voulu y faire assaut d'amour avec toutes les créatures, et remporter le prix de notre cœur. Cherchez, parmi tous les grands dévouements que peuvent avoir inspirés les diverses affections de la nature, quelque chose qui approche du sacrifice de la croix. Le prodige en est tel, qu'il semble favoriser l'incrédulité,en se présentant comme une folie; mais la folie de la croix, c'est la folie de l'amour, folie qui est sagesse en Dieu : car

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