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telle doit être la manifestation de l'Amour infini, qu'il nous paraisse extravagant, c'està-dire excessif, si nous le comparons au nôtre. Parcourons-en les caractères : -Quel désintéressement! Un Dieu, la félicité même, qu'avait-il besoin du cœur de l'homme? Quelle générosité! Lui, la sainteté et la justice mêmes, il fait les avances, il vient audevant de sa créature coupable, chargée d'infidélités, toute souillée, toute enlaidie par le péché. Quel dévouement! Il dépose les délices de la vie éternelle pour se revêtir de cette nature souillée et souffrante; il se déguise, pour ainsi dire, en homme, afin d'arriver jusqu'à l'homme, afin de faire comme homme une impression qu'il ne peut plus faire comme Dieu, afin de séduire, en quelque sorte, le coeur de l'homme par des attraits humains. Quel amour enfin ! En cet état, il se charge de tous nos crimes, et se soumet comme homme à tous les châtiments qu'il aurait le droit de nous infliger comme Dieu; il accepte le rôle de coupable, il ne laisse rien à la créature infidèle de ses torts, i les prend tous sur lui, et ne les fait sentir qu'en les expiant. Et quelle expiation! comme elle nous donne la mesure de notre infidélité et de son amour...!

«La beauté idéale, l'amour imaginaire, qu'adorait Platon, se sont incarnés et réalisés sur le Calvaire; plus parfaits et plus adorables qu'ils ne parurent jamais dans les rêves des philosophes, ils sont devenus en même temps visibles et accessibles à la généralité des hommes, et se sont fait entendre aux plus grossiers. De là est résulté un sentiment nouveau sur la terre l'amour de Dieu, qui non-seulement chasse du cœur de l'homme tous les amours corrompus qui le dégradent, mais qui, trop à l'étroit dans ce même cœur, le dilate immensément, jusqu'à lui donner la capacité même du cœur de Dieu, et lui en faire opérer les prodiges. Avec lui l'esprit du sacrifice est descendu du haut de la croix la croix ! type sublime du sacrifice de l'individu à la généralité; fondement du devoir, de l'ordre, de l'unité, de la paix, du vrai bonheur; fondement perdu, fondement retrouvé du monde moral, qui fait de chaque Chrétien un homme de sacrifice, un Homme-Dieu crucifié, mais crucifié par l'amour qui adoucit tous les sacrifices, ou plutôt qui les fait aimer parce qu'il s'en nourrit.

Animée par ce sentiment, ne craignez

(118) Jésus-Christ ne promet à ses disciples que des maux présents et sensibles, des peines, des tourments, des croix..... C'est ainsi qu'il les appelle à leur ministère, et cependant il les persuade par tout ce qui pouvait les dégoûter. La doctrine des souffrances a des charmes dans sa bouche; il commande le genre de vie le plus dur à l'humanité, et il est obéi. Jamais prince, jamais législateur, jamais philosophe a-t-il tenu ce langage, et s'est-il fait suivre en le tenant ?Jésus-Christ parlait au cœur, dont ceux-là ne connaissaient pas la route.» (D'AGUESSEAU, Réflexions diverses sur Jésus-Christ.)

Cette belle réflexion de d'Aguesseau rappelle celle que Napoléon, captif à Sainte-Hélène, faisait à ses

pas que la morale evangélique paraisse trop rude. Toutes ses aspérités et toutes ses horreurs vont se changer en suavités et en délices, et l'homme, si pesant pour le bien, va courir dans les chemins de la plus haute perfection (118): Ma vie, s'écrie Paul, c'est le Christ. Je vis, non plus moi, mais Jésus-Christ en moi. (Galat. 11, 20.) Qui me séparera de la charité de Jésus-Christ? La tribulation? l'angoisse? la faim? la nudité? le péril? la persécution? le glaive...? Non, rien ne pourra me séparer de la charité de Dieu qui est dans le Christ Jésus Notre-Seigneur. (Rom. vII, 35, 39.)

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« La mort et la passion de Notre-Seigneur, dit le bon et naïf saint François de Sales, est le motif le plus doux et le plus violent qui puisse animer nos cœurs. Le mont Calvaire est le mont des amants. Tout amour qui ne prend pas son origine dans la Passion du Sauveur est fragile et périlleux. Ou aimer, ou mourir; mourir et aimer. Mourir à tout autre amour, pour vivre à celui de Jésus. Les enfants de la croix se glorifient et se réjouissent en leur admirable problème, que le monde n'entend pas. (Traité de l'amour de Dieu.) Le monde, en effet, c'est-à-dire ceux qui sont restés en dehors des inspirations de la foi chrétienne, ne comprend pas cet amour; mais il ne peut nier son existence dans le cœur de tous les vrais Chrétiens, car les effets en sont manifestes. C'est à ce foyer divin que s'allume la charité, qui n'est que l'amour de Dieu tourné vers les hommes. C'est de lui qu'ont brûlé les cœurs de tant de héros, de tant d'apôtres, de tant de saints, qui sont restés comme le plus beau patrimoine de l'humanité, les Paul, les Augustin, les Borromée, les François de Sales, les Vincent de Paul, les Fénelon, les Belzunce, les Cheverus. C'est lui seul qui emporte sur les plages les plus lointaines tant de nos concitoyens, qui s'arrachent à toutes les douceurs de la civilisation pour en aller porter le flambeau, avec celui de la foi, au sein des peuplades les plus sauvages, sans autre intérêt que de gagner des âmes, comme ils disent, à Jésus-Christ, et sans autre perspective que les privations, les persécutions, les tortures souvent, et la mort.

«Telle est, en effet, la charité chrétienne, la charité qui retient le même nom dans la langue évangélique, soit qu'elle vienne de Dieu à l'homme, soit qu'elle retourne de l'homme à Dieu, soit qu'elle s'épanche de

derniers amis:Qui s'intéresse aujourd'hui à Alexandre et à César?, disait-il. Ils ont remué le monde de leur temps, et ils ont laissé la postérité froide devant leur tombe. Et moi-même, ajouta-t-il, equi suis encore l'objet de votre fidélité; avec moi, avec vous, avec le dernier de mes braves tout au plus, s'éteindra cet enthousiasme que j'ai suscité sur mon passage et l'empire de Jésus-Christ se soutient depuis dix-huit siècles dans les cœurs, des milliers de martyrs sont morts, mourraient et mourront à son seul nom. C'est que nous n'avons fondé notre puissance que sur la force et sur la crainte, et que la sienne repose sur la persuasion et sur l'amour.

l'homme à l'homme; et cela, parce que, de même que tous les hommes ne font qu'un en Jésus-Christ, Jésus-Christ ne fait qu'un avec Dieu, et qu'ainsi la plus haute expression de l'unité, c'est la charité, qui trouve ellemême sa plus haute expression dans la croix de Jésus-Christ, centre commun du ciel et de la terre. »

Ne demandez donc point, après cela, à quoi sert la Rédemption, et surtout la Ré

demption par la croix. La Rédemption! noas venons de vous le montrer surabondamment, elle éclaire l'esprit, touche le cœur, et régé nère ainsi l'âme complétement; la croix! ne l'avez-vous pas remarqué vous-même? c'est un levier divin, qui, appuyé sur le cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, a soulevé le monde moral et l'a élevé jusqu'au ciel.

RÉFORMES.

Objection.-Luther et Calvin ont eu raison de crier réforme, et nous ferions bien de les imiter. Que de réformes à faire encore dans l'Eglise !

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Réponse. Et dans la société et dans la famille! et chez vous-même, qui criez si haut.. Grand réformateur que vous êtes, n'est-ce pas le cas de vous appliquer le proverbe Médecin, guéris-toi toi-même : « Medice, cura teipsum!» (Luc. IV, 23.)

Luther et Calvin ont eu raison, dites-vous, de crier réforme.

Mais qui donc leur avait donné cette mission? Etait-ce une mission extraordinaire, venue de Dieu immédiatement? En ce cas ils auraient dû en donner des preuves, comme ont fait tous les envoyés célestes. Etait-ce une mission ordinaire? Elle leur serait venue alors de ceux contre qui ils s'insurgeaient. Singulière mission, il faut en convenir, que celle qui consiste dans la révolte des subordonnés contre leurs chefs!

Ils ont eu raison, dites-vous.

En tout cas, leur réforme n'a pas produit des résultats bien avantageux; car on a vu sortir de là, comme il était facile de le prévoir, la plus effroyable anarchie. Il n'y avait pas bien longtemps que s'était établie leur prétendue reformne que déjà le grand Bossuet avait pu faire un ouvrage considérable de ses plus notables variations. Que serait-ce doncaujourd'hui ?... Helas! il n'y aurait peutêtre pas grand'chose à ajouter, car elle s'était placée sur une pente telle qu'elle a dû descendre rapidement au plus profond de l'abîme. On peut bien la regarder comme la réforme par excellence, car elle a atteint, dépassé même toutes les bornes. Ce fut plus qu'une réforme, ce fut un bouleversement complet dans l'Eglise, une révolution, pour appliquer ici le langage de la politique. Qui ne le comprend facilement, pour peu qu'il réfléchisse? Jésus-Christ avait dit à ses apôtres: Qui vous écoute, m'écoute (Luc. x, 16); Luther et Calvin'ont dit aux fidèles: Ne les écoutez point qu'autant que cela vous conviendra, et surtout qu'autant que cela nous couviendra à nous-mêmes. Jésus-Christ avait dit encore à ses apôtres : Instruisez toutes les nations, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé (Matth. xxviii, 18, 19); Luther et Calvin ont dit aux fidèles: Ne tenez compte de leur enseignement et de leurs prescriptions qu'autant que cela vous conviendra, qu'autant que cela surtout

nous conviendra à nous-mêmes. Jésus-Christ avait dit à ses apôtres et particulièrement à Pierre qu'il avait établi chef de son Eglise: Et voilà que je suis avec vous jusqu'à la consommation des siècles (Ibid., 20); et le premier des réformateurs, Luther, dit de l'un des successeurs de Pierre (horresco referens): Il est si plein de diables qu'il en mouche, qu'il en crache, qu'il en... Je n'ose achever, ditici Bossuet.

Quel langage! et c'est celui des réformateurs de l'Eglise? Leur conduite vaut-elle mieux, du moins? Malheureusement, non. Ils ne cessent de vanter les bonnes mœurs, et ils laissent donner par d'autres, ils donnent eux-mêmes les scandales les plus déplorables; ils parlent de purger la terre, etils commencent par l'ensanglanter.

Cela, du reste, ne doit point nous surprendre; c'est l'inévitable résultat de toute réforme venue d'en bas. Lorsque des sujets se soulèvent contre leur roi, lorsque des enfants se révoltent contre leur père, des élè ves contre leur maître, qu'en résulte-t-il, et qu'en doit-il inévitablement résulter? L'anarchie, puis la ruine: Omne regnum in seip. sum divisum desolabitur, et domus supra do mum cadet. (Luc. xi, 17.) Il ne peut en être autrement de toute association religieuse. La réforme n'est pas morte encore, il est vrai, mais elle est bien malade. Ce qui la soutient le plus peut-être aujourd'hui, c'est sa haine contre le catholicisme; mais tout s'use à la fiu, et la haine comme le reste, quelque invétérée qu'elle soit. Aussi, jetez de toutes parts les yeux sur la réforme, et vous y ver rez les signes précurseurs d'une prochaine décadence

Il y avait cependant alors, me direz-vous, bien des abus à réformer dans l'Eglise, et il y en a encore beaucoup !

Vous pourriez ajouter: et il y en aura même toujours; parce que, comme je viens de vous le faire remarquer, il y en a partout où sont les hommes.

Il y avait et il y a encore bien des abus dans l'Eglise!

Je ne vous dis pas le contraire, mais à quoi cela tenait-il? à quoi cela tient-il encore? A l'Eglise ou à l'humanité? Ce n'est point à l'Eglise, toujours assistée de l'Esprit de Dieu. C'est donc à l'humanité, qui, en effet, en produit partout; et si c'est à l'hu manité, pourquoi en accuser l'Eglise.

Nous pourrions, comme eux, crier reforme, avez-vous ajouté.

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Oui, avec autant de vérité et de justice probablement, avec autant d'à-propos, et probablement aussi avec d'aussi heureux résultats. Et qui êtes-vous donc pour crier réforme dans l'Eglise? Avez-vous reçu mission pour cela? Avez-vous assez de lumières pour discerner ce qui est véritablement abus de ce qui ne l'est pas ? Avez-vous la puissance nécessaire pour opérer un heureux changement? Ne voyez-vous pas qu'agissant sans discernement et sans autorité, vous allez faire beaucoup plus de mal que de bien, lors même que vous agiriez de bonne foi, et que vous auriez quelquefois raison ? Que diriez-vous si, père de famille, vous entendiez les plus jeunes de vos enfants crier réforme dans la famille, ou si, chef d'administration, vous entendiez les derniers de vos administrés crier également réforme dans l'administration? Vous vous écrieriez, de votre côté Il faut les faire taire le plus tôt possible; car, si on les écoute, c'est le désordre, et tout est perdu C'est pourtant ce que vous voudriez faire dans l'Eglise; et avec d'autant moins de raison que, toujours assistée de l'Esprit,de Dieu, l'Eglise présente beaucoup moins d'abus, malgré la mauvaise semence jetée en elle par l'ennemi, que toute société purement humaine.

Savez-vous ce que vous avez à faire en pareil cas? C'est d'éviter vous-même ces

abus, autant que vous le pouvez; c'est de prier Dieu pour qu'il les fasse disparaître de plus en plus, et d'attendre le reste de sa miséricorde.

Il y aura encore des abus, répondez

vous.

:

Je vous l'ai dit moi-même, il y en aura toujours cela tient au fond même de l'humanité, et à ce que l'ennemi vient continuellement mêler l'ivraie avec le bon grain dans le champ du père de famille. Savez-vous à qui vous ressemblez, quand, dans la position où vous êtes, vous criez si haut réforme? Evidemment à ces serviteurs impatients qui disaient au père de famille : Voulez-vous que nous arrachions tout cela : « Vis, imus, et colligimus ea?» (Matth. xi, 28.) Vous connaissez sa réponse pleine de sens et de bonté Non, de peur qu'en arrachant l'ivraie, vous n'arrachiez en même temps le bon grain: Non; ne forte colligentes zizania, eradicetis simul cum eis et triticum. (Ibid., 29.)

Non, je vous le répète avec le père de famille, ce n'est point à vous à crier réforme. C'est moins à vous encore à mettre pour cela la main à l'œuvre. Là n'est point votre rôle; et en voulant, malgré tout, le remplir, vous bouleversez toute chose, vous faites beaucoup plus de mal que de bien, et peut-être même faites-vous beaucoup de mal sans produire aucun bien.

REFUS DE SEPULTURE.

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Si non, ce ne sont pas les refus de sépulture seulement que vous devez attaquer, c'est l'Eglise elle-même, comme aussi ce ne sont plus ces actes particuliers que nous avons à défendre, mais le grand fait de son existence. Nous le faisons ailleurs, et principalement aux articles qui concernent l'Eglise.

Si vous admettez l'autorité de l'Eglise, et je dois le supposer ici, (il est impossible, d'ailleurs, que vous ne l'admettiez pas, pour peu que vous vous rappeliez les preuves aussi décisives que nombreuses sur lesquelles elle repose,) ma réponse est facile. L'Eglise est une société justement et je dirai même divinement constituée. Donc elle a le pouvoir de faire des lois; donc, aussi, de les mettre à exécution. Or tout refus de sépulture, de la part de l'autorité ecclésiasti

DICTIONN. DES OBJECT. POPUL.

que, n'est pas autre chose que l'exécution d'une de ces lois.

Vous me direz peut-être que cette loi est mise à exécution par l'autorité locale, toujours sujette à l'erreur.

Peut-il en être autrement? N'est-ce pas ce qui a lieu dans tout autre cas, non-seulement dans l'Eglise, mais dans la société civile, quelle que soit sa constitution?

Oui, vous avez raison, la loi est mise à exécution par l'autorité locale, mais vous avez votre recours à l'autorité supérieure, dont il vous est facile d'avoir promptement la décision, en pareil cas surtout.

Quoi qu'il en soit, n'ayez point d'inquiétu de à ce sujet : si l'autorité locale n'exécute pas ponctuellement la loi, c'est plutôt en restant en deçà qu'en allant au delà de ses rigueurs. Ministre de celui qui a dit : Si quelqu'un n'écoute pas l'Eglise, qu'il soit pour vous comme un païen et un publicain (Matth. XVIII, 17), le prêtre ne peut s'empêcher de refuser les honneurs de la sépulture à ceux que les saints canons en déclarent indignes; mais, représentant, en même temps, du bon Pasteur qui laisse volontiers les quatrevingt-dix-neuf brebis fidèles pour courir après la brebis égarée, il apporte nécessaire. ment à l'exécution de la loi tous les adoucissements de la charité.

Vous gardez donc de la rancune jusqu'à la mort? ajoutez-vous. Quoi! punir un cadavre!

Ce n'est point de la rancune; c'est, je vous l'ai dit, l'exécution de la loi loi pénible,

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dans de telles circonstances, le déshonneur peut et doit donc l'atteindre également, quand il l'a mérité.

Ce n'est pas lui que vous punissez, avezvous dit encore, c'est sa famille.

Je vous l'ai dit, c'est lui-même; lui avant tout, lui directement, et les autres après et indirectement seulement.

Mais, répondez-vous, il ne sent point la peine, puisqu'il est mort.

sans aucun doute, puisqu'elle frappe dans de telles circonstances; mais, après tout, loi juste, loi salutaire, et, pour tout dire en un mot, loi, lien sacré, qui enchaîne la conscience, et que nul ne peut briser sans se rendre coupable. Demandez donc aux juges qui condamnent aux derniers supplices celui qui s'en est rendu digne, aux gendarmes qui le conduisent à l'échafaud, au bourreau qui laisse tomber sur sa tête le fer tranchant, s'ils gardent de la rancune jusqu'à la mort? Non, non, vous répondront-ils unanimement, non, nous n'avons contre lui aucun sentiment de haine! bien loin de là, son sort nous touche, et même profondément. Nous sommes aussi affectés, plus affectés que vous peut-être, à cause des devoirs que nous avons à remplir; mais enfin la loi commande, et il faut lui obéir, quelque pénible qu'elle paraisse Dura lex, sed lex.

Quoi! punir un cadavre! vous écriez

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Vous vous trompez, ce n'est point le cadavre qui est puni, c'est le mort. Il est puni dans son corps, mais n'est-ce pas presque toujours ainsi que nous frappe la loi humaine? Ce corps est actuellement sans vie, c'est un cadavre, comme vous dites; mais ce cadavre, est-ce donc tout ce qui reste du défunt, même sur la terre? N'a-t-il pas sa mémoire, sa vie au delà du tombeau, à l'honneur de laquelle nous tenons encore plus, pour la plupart, qu'à celle qui la précède? Singulière préoccupation 1 celui qui ne croit point peut-être à l'immortalité du ciel n'en croit pas moins à l'immortalité de la terre, etil affrontera mille morts, s'il le faut, pour épargner la moindre dégradation à ce que Vous appelez avec mépris son cadavre.

Ce n'est point d'ailleurs pour celui qui est puni seulement que les peines extérieures sont infligées, c'est autant et plus encore peut-être pour la société. Qui ne le remarque d'après tout ce qui frappe à chaque instant nos regards! Le refus de sépulture ne peut rien faire au mort, pensez-vous. Je vous l'accorde, si vous le voulez. Mais ne fait-il rien à ceux qui lui survivent? Ne leur inspire-t-il pas la crainte de vivre et surtout de mourir dans l'éloignement de la religion? Bien des personnes ont demandé et demandent chaque jour encore le prêtre au lit de mort, qui ne l'eussent pas fait sans la crainte d'un refus de sépulture. Ce n'est que de la crainte, direz-vous. Soit, mais c'est toujours le bon exemple; et puis, qui sait si ce n'est pas pour eux une occasion de se réconcilier sincèrement avec Dieu ?

Mais pourquoi tant de raisonnements à l'appui d'une vérité qu'établit suffisamment le fait le plus général, le plus constant, le plus visible peut-être qui futjamais? Ne rendon pas chaque jour et en tout lieu, n'a-t-on pas rendu, partout et toujours, des honneurs et quelquefois même les plus grands honneurs, aux dépouilles mortelles de celui qui n'est plus? Puisque, du consentement de tous, l'honneur lui est rendu, avec raison,

Il l'a ressentie ou il a pu la ressentir du moins avant sa mort, puisqu'il la prévoyait ou devait la prévoir. N'est-ce pas presque toujours ainsi que l'homme ressent les grandes peines qui lui sont infligées? Ce n'est pas au moment même, car il y est devenu bien souvent insensible, mais c'est auparavant.

Il ne sent point la peine!.. Qu'en savezvous? Les païens eux-mêmes pensaient le contraire.

Il ne sent point la peine !.. Mais si l'honneur n'est pas chose vaine à l'égard d'un mort, pourquoi le déshonneur le serait-il davantage?

Vous punissez du moins la famille, autant et plus que lui peut-être, ajoutez-vous.

C'est vrai; mais il ne peut en être au rement. Quand un jeune fou est atteint par les grandes rigueurs de la loi, croyez-vous que ses parents, s'ils sont honnêtes surtout, ne sont pas beaucoup plus punis que luimême?

n'est-elle pour rien dans la faute qui a été C'est vrai; mais cela doit être. La famille commise ? N'y a-t-il pas eu négligence de sa part, plus que cela peut-être ? N'a-t-elle pas besoin d'être avertie et sévèrement avertie? Ne doit-elle pas servir d'avertissement aux autres? Quand l'intérêt général parlerait seul en pareil cas, ne faut-il pas y sacrifier tout intérêt particulier?

J'ai vu une mère, pleine de douleur, demander, les larmes aux yeux, que les honneurs de la sépulture chrétienne fussent rendus aux restes ensanglantés du jeune et malheureux fils qui venait de mourir sur le terrain même, dans une de ces rencontres dont on rit quelquefois, et qui n'en sont pas moins des crimes de lèse-nation puisqu'elles lui enlèvent tant de braves et généreux serviteurs; et je me suis rappelé le vieux Priam attendrissant le bouillant Achille, pour pou voir rendre les derniers devoirs aux dépouilles de son cher Hector, et je me suis demandé si, en pareil cas, il n'était pas bon de laisser dormir la loi; mais je me suis rappelé que peut-être cette tendre mère avait bien des reproches à se faire dans la direction donnée à son fils, je me suis rappelé l'inté rêt général de la société devant lequel tout autre s'effaçait nécessairement, et je me suis dit, quoique pleurant aussi avec elle: faut pourtant laisser passer la justice de

Vous dites, vous-même, ajoutez-vous enfin, que, par un acte secret, il a pu se réconcilier avec Dieu, au dernier moment.

Sans doute, et c'est là pour l'homme un

des bienfaits de notre sainte religion, de pouvoir lui donner encore de grandes consolations à l'heure où elle lui inflige les peines les plus sensibles. Oui, rien n'est plus vrai, celui-là même à qui le prêtre est obligé par les règles de l'Eglise de refuser la sépulture religieuse, a pu, à la rigueur, se réconcilier avec Dieu, au dernier moment; mais, après tout, il n'en a pas moins encouru cette peine: elle doit donc lui être infligée. Voyez le malheureux que la justice humaine a condamné à la peine de mort pour quelque grand crime. Il n'a pas tardé à se repentir de ce crime, je suppose. Il est actuellement dans les meilleures dispositions. Il a reçu son Dieu, et ce Dieu, parlant lui-même à son cœur, lui a dit, comme autrefois au bon larron: Aujourd'hui, vous serez avec moi dans mon paradis : « Hodie mecum eris in paradiso. (Luc. XXIII, 43.) Mais il n'en doit pas » moins être attaché à sa croix et y périr.

Je ne sais pourquoi on a tant blâmé de nos jours quelques refus de sépulture de la part de l'Eglise, dans des circonstances pourtant où les faits parlaient d'eux-mêmes et assez haut. L'antiquité n'a-t-elle pas eu aussi ses refus de sépulture. Qui ne sait, par exemple, que l'Egypte, si renommée par sa sagesse, faisait subir à ses rois eux-mêmes, après leur mort, un jugement solennel, où chacun pouvait apporter ses accusations, et à la suite duquel, quand il avait été défavorable, la sépulture ordinaire ne leur était point accordée. Quelle différence cependant entre cet usage où une multitude aveugle et courroucée devait souvent donner l'impulsion, et celui de l'Eglise, où les choses se passeraient toujours avec calme et impartialité, si la folie ne se croyait en droit alors de venir donner des leçons à la sagesse!

Mais pourquoi aller chercher si loin de nous un hommage à la sagesse de l'Eglise? La société présente n'est-elle pas toute disposée à la reconnaître, dans les lieux mêmes

où elle a été le plus travaillée par le protestantisme et la philosophie, les deux plus redoutables ennemis que le catholicisme ait peut-être jamais rencontrés? Nous lisions tout récemment dans la Presse, journal as sez peu favorable, comme chacun sait, à la religion catholique :

« Les derniers journaux de New-York annoncent que le sénateur Rusk, du Texas, s'est suicidé, sur son habitation, en se tirant un coup de carabine dans la tête. On ne connaissait pas les motifs qui avaient pu porter à cette extrémité un homme sexagénaire, riche, entouré de la considération générale, et qui était en position de devenir ministre, ambassadeur ou président de l'Union. Mais ces mystères de la mort se présentent à chaque instant dans la vie américaine.

« L'esprit 'public s'est ému de ces scènes de meurtre, qui sont devenues les chroniques quotidiennes de la famille. La presse a soumis ce sujet à son analyse, et a cherché à découvrir un remède à cette espèce de maladie sociale. Un journal d'Albany et un autre de New-York se sont rencontrés dans la pensée commune de faire revivre contre les cada- · vres des suicidés la réprobation civile et l'anathème religieux dont les frappaient certains peuples de l'antiquité. Ils ont proposé que le corps du suicide fût déclaré indigne de sépulture, et qu'il demeurât, de par la loi. exposé à l'abandon et à l'infamie. »>

Il ne s'agit ici, il est vrai, que du suicide. Mais, n'importe, le principe est reconnu, et c'est tout ce que nous pouvions attendre de nos adversaires. D'ailleurs, on nous renvoie à l'antiquité. Or tout le monde sait que l'antiquité ne refusait pas la sépulture seulement aux suicidés, mais à tous ceux qu'elle en jugeait indignes. C'est donc le plus éclatant hommage rendu par des ennemis à la justice et à la sagesse de l'Eglise, sur un point même où elle fut longtemps en buite à leurs plus violentes attaques.

RELIGIEUX

Objections. Est-ce que nous ne sommes pas tous religieux? Pourquoi donc y en a-t-il qui prennent ce nom d'une manière particulière? C'est une orgueilleuse prétention.

-

Ce ne sont pas toujours ceux qui font profession de religion qui en ont réellement le plus.

Réponse. Oui sans doute nous sommes tous religieux, ou nous devons tous l'être du moins, parce que nous sommes tous, ou parce que du moins nous devons tous être rattachés à Dieu, comme des serviteurs à leur maître, comme des enfants à leur père, conme des sujets à leur roi, et, pour tout dire en un mot, comme des créatures à leur créateur. De là ce mot si énergiquement expressif de religieux ou reliés, rattachés, c'est-à-dire rattachés à notre Dieu par la foi, l'espérance, la charité et les autres vertus qui découlent de ces vertus premières; rattachés également aux autres hommes, nos frères , par les

liens qui résultent de la position de chacun.

Mais, outre les devoirs rigoureusement obligatoires, qui forment ce que j'appellerai volontiers le corps de la religion, il y a les conseils qui en forment la perfection. C'est la même chose dans l'état et dans la famille, où il y a non-seulement le bon sujet, le bon serviteur et le bon fils, mais encore l'excellent sujet, l'excellent serviteur et l'excellent fils, c'est-à-dire le sujet, le serviteur et le fils qui font beaucoup plus encore que ce qu'ils sont obligés de faire. En religion donc, outre le religieux ordinaire, c'est-à-dire celui qui fait profession d'accomplir les devoirs du christianisme, il y a le religieux par excellence, c'est-à-dire celui qui s'est engagé par état à accomplir les conseils mêmes du christianisme, lesquels se résument dans les vœux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance. C'est là le religieux par excellence, avonsnous dit, ou simplement le religieux; les autres n'étant qu'attachés ou liés à Dieu et

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