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pas un crime, et l'ignorance involontaire de la révélation n'est pas une faute punissable. Si le Ciel fait briller la lumière aux yeux de l'infidèle, celui-ci ne peut la rejeter sans être coupable; mais, s'il n'a pas eu, s'il n'a pas pu avoir le moyen de s'éclairer, alors son ignorance est invincible, il est excusable de ne pas connaître. La révélation chrétienne est une loi positive, et il est de la nature d'une loi de n'être obligatoire que lorsqu'elle est publiée et connue. Donc, si l'infidèle se trouve condamné au tribunal du souverain Juge, ce ne sera que pour avoir violé ce qu'il pouvait et devait connaître de cette loi intérieure qui se manifeste par la conscience. Que si Dieu ne juge pas cet infidèle d'après la loi chrétienne; s'il ne le punit pas de ce qu'il n'a pas eu la foi, s'il ne le punit que pour des fautes qu'il pouvait éviter, s'il mesure la peine sur le degré de connaissance et de malice, où est l'injustice?» (Maximes de l'Eglise sur le salut des hommes.)

Je me résume en quelques mots : La révélation est une manifestation extérieure de

la vérité faite à l'homme par Dieu lui-même, avons-nous dit. Donc, toute révélation est une lumière qui se projette du ciel sur la terre. Mais la révélation chrétienne est véritablement cet astre qui, parti d'une extrémité du ciel, est arrivé à l'autre extrémité, ne laissant aucune partie de la terre dépourvue de sa divine influence: A summo cœlo egressio ejus et occursus ejus usque ad summum ejus nec est qui se abscondat a calore ejus. (Psal. xvIII, 7 seq.) Ainsi, la révélation a été faite précisément pour éclairer toutes les intelligences, comme le soleil tous les yeux.-1 y en a qui ne l'ont point connue, dites-vous. - Oui, comme il y a des yeux qui n'ont jamais vu la lumière du soleil. Mais cela par accident, et indépendamment de l'ordre établi par Dieu. Quoi qu'il en soit, avons-nous ajouté, quiconque aura été privé, sans qu'il y ait de sa faute, des lumières de la révélation chrétienne que Dieu a faite pour tous, celui-là n'aura point à en rendre compte, évidemment, au tribunal du souverain Juge.

RÉVOCATION DE L'ÉDIT DE NANTES.

Objections Une preuve bien frappante que les Catholiques sont plus intolérants que les protestants, c'est la révocation de l'édit de Nantes par Louis XIV.-Ce prince, du reste, a été puni par où il a péché; car il a porté, par sa révocation, un coup dont le commerce ne s'est jamais bien relevé, et dont l'agriculture a souffert également.

Réponse. La mesure sévère que Louis XIV crut devoir prendre à l'égard des protestants fut, pendant longtemps, un sujet de déclamations générales, non-seulement contre ce prince, mais encore contre la religion catholique. Ces déclamations sont aujourd'hui bien apaisées, et pourtant il en reste toujours quelque chose.

Une preuve bien frappante que les Catholiques sont plus intolérants que les protestants, nous dit-on, c'est la révocation de l'édit de Nantes par Louis XIV.

En supposant que cette mesure soit aussi blamable que vous le dites, pourquoi donc l'imputer à la religion catholique, puisqu'elle vient de Louis XIV, comme vous en convenez vous-même, et que vous ne pouvez d'ailleurs vous empêcher d'en convenir? Vous me direz peut-être que Louis XIV agissait sous l'influence du clergé catholique.

Penser ainsi, ce serait très-mal connaître le caractère du grand roi, qui disait si bien, l'Etat, c'est moi, et qui eût volontiers dit aussi jusqu'à un certain point, et en certaines circonstances, l'Eglise gallicane, c'est moi. Si le clergé catholique avait eu sur lui toute l'influence que vous supposez, il l'eût montré à l'occasion de ses guerres continuelles qui ont fait tant de mal à la France, et de ses égarements, qui étaient un scandale public. Je ne veux pas dire que Louis XIV n ait point eu la pensée de servir par là la

religion catholique, à laquelle il était personnellement attaché, qui était celle de l'Etat et de la presque unanimité de ses sujets; mais ce qui est incontestable, pour qui connaît son caractère, c'est que cela a dû venir, en tout ou en grande partie, de lui-même, c'est qu'en s'y déterminant il a eu aussi en vue la conservation de l'unité et de la paix que les Huguenots, comme on les appelait alors, ne cessaient de troubler par toute la France, l'affermissement de son autorité, qu'ils bravaient, et dont ce prince était encore plus jaloux que de toute autre chose.

Pourquoi d'ailleurs, d'un fait particulier, tirer une conclusion générale? Ne voyezvous pas qu'il nous est bien facile de rétorquer contre vous l'argument? Ne pouvonsnous pas dire par exemple: La preuve que les protestants sont beaucoup plus intolé. rants que les Catholiques, c'est qu'en Angleterre ils ont persécuté de toute manière, et qu'ils persécutent encore, autant que possible, les Irlandais catholiques, leurs compatriotes dissidents; c'est qu'en Suède et ailleurs ils ont forgé contre eux mille lois de persécution, dont on ne peut obtenir aujourd'hui la révocation.

Et encore devons-nous reconnaître une extrême différence entre cette manière d'agir des protestants en Angleterre, en Suède et autres lieux, et la révocation de l'édit de Nantes, que vous nous reprochez. Car cette dernière mesure, comme nous venons de le faire voir, n'est imputable qu'à Louis XIV, tandis que l'intolérance des protestants à l'égard de leurs compatriotes catholiques vient surtout du clergé protestant. Qui ne le sait aujourd'hui? qui n'en est indigné parmi toutes les personnes raisonnables? Qui ne le lui reproche, non-seulement comme une chose injuste en soi, mais comme une énorme inconséquence?

Car, après tout, Louis XIV, fervent catholique, comme vous le supposez, était conséquent avec lui-même, dans l'acte de révocation de l'édit de Nantes. Il s'était dit peutêtre « On ne peut se sauver que dans la religion catholique; donc je puis et je dois fermer les autres temples.» Mais vous, protestants, vous dont le premier principe, en fait de religion, est de déclarer qu'on peut se sauver dans toute espèce de religion, et peut-être même sans aucune religion, vous qui ne pouvez du moins vous empêcher de reconnaître la légitimité de la religion catholique, d'où vous êtes sortis, votre mère, par conséquent, eh! de quel droit vous avisez-vous de forger des chaînes, pour ceux qui sont sortis du même sein que vous, comme vous le voyez vous-mêmes, et qui ne peuvent avoir d'autre tort à vos yeux que d'être restés toujours fidèlement attachés à celle dont, enfants dénaturés, vous vous êtes pris à déchirer les entrailles?

En agissant ainsi, du reste, Louis XIV était de son siècle, il se montrait roi absolu qu'il était et qu'il tenait beaucoup à être; et vous, en plein dix-neuvième siècle, quand tout le monde prêche la tolérance, que vous la prêchez encore plus haut que les autres, vous simples particuliers, dépositaires tout au plus d'un pouvoir contesté, vous osez refuser ou demander qu'on refuse à vos concitoyens la jouissance de droits dont vous êtes si jaloux pour vous-mêmes? et vous viendrez après cela nous reprocher la révocation de l'édit de Nantes ? C'est à n'y pas croire assu rément.

Ce prince, du reste, a été puni par où il a péché, avez-vous ajouté; car il a porté, par sa révocation, un coup dont le commerce ne s'est jamais bien relevé, et dont l'agriculture a souffert également.

Comme mon but n'est ici que de défendre la religion, je pourrais me dispenser de répondre à cette partie de l'objection. Qu'il me soit permis cependant de faire remarquer qu'on a considérablement exagéré les torts de la révocation de l'édit de Nantes, même au point de vue du commerce et de l'agriculture.

Louis XIV a détruit le commerce français ! dites-vous. Mais c'est lui qui l'a créé, au contraire.

Il l'a abattu par la révocation de l'édit de Nantes! Mais comment cela aurait-il pu arriver, puisque le commerce ne faisait, à ce moment, que de naître?

Il lui a porté par là, affirmez-vous, ainsi qu'à l'agriculture, un coup dont ils ne se sont jamais bien relevés! Parler ainsi, c'est méconnaître ce qu'il y a de ressources chez une nation dans toute sa force; c'est méconnaître ce qu'il y a particulièrement d'intelligence et d'activité dans la nation française. Quand elle est au dernier degré d'épuisement, comme après 93, par exemple, ou bien encore, après 48, combien lui faut-il, pensez-vous, pour se relever au plus haut degré de prospérité, sous tous les rapports, et, par conséquent aussi, sous le rapport du

commerce et de l'agriculture? mais quelques années seulement. Nous en avons eu la preuve plusieurs fois, et nous l'avons encore aujourd'hui sous les yeux.

Pour donner plus de valeur ici à ces différentes assertions, appuyons-les du témoignage d'hommes qui ont été à même d'approfondir la question et de la bien apprécier. Je le trouve, ce témoignage, dans une des conférences de l'abbé de Frayssinous. Ecoutons-le d'abord lui-même. Il vient de répondre à d'autres reproches du même genre adressés à la religion catholique :

<< Il me reste, » dit-il, « à vous entretenir de la révocation de l'édit de Nantes, et déjà Vous êtes impatients de savoir commentj'envisagerai un événement plus rapproché de nous, dont le souvenir a souvent répandu tant d'aigreur dans nos discussions politiques. Impartial, comme je l'ai été jusqu'ici, je dirai les choses comme je les vois, et j'en parlerai sans détour comme sans passion. Fallût-il condamner cette mesure comme le fruit d'une fausse politique ou d'un faux zèle, je ne verrais pas en quoi ce serait un grand sujet de triomphe pour les ennemis du trône et de l'autel. Louis XIV est assez grand pour se faire pardonner une faute, et la religion est trop sainte dans les préceptes qu'elle donne, trop pure dans les sentiments qu'elle inspire, pour être souillée par les excès personnels de quelques-uns de ses sectateurs. Essayons de saisir le vrai à travers les exagérations et les sophismes.

"Et d'abord prenons garde d'accuser trop légèrement le grand roi d'un farouche des potisme, et n'allons pas lui faire un crime d'avoir régné dans des circonstances et sous l'influence d'opinions alors dominantes qui étaient bien loin d'être les nôtres.

« Les longues et sanglantes guerres de religion étaient encore vivement présentes à tous les esprits, et le souvenir des maux passés invitait à prendre des mesures pour en prévenir le retour. Je ne m'attacherai pas, dit à ce sujet l'auguste élève de Fénelou, le duc de Bourgogne (Mémoire sur la révocation de l'édit de Nantes, par M. le duc de BoonGOGNE; Voyez la Vie du duc de Bourgogne, 1782, tome II, p. 98 et suiv.), je ne m'alla cherai pas à considérer les maux que l'hérésie a faits en Allemagne, dans les royaumes d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande, dans les Provinces-Unies et ailleurs; c'est du royaume seul qu'il est question. Je ne rappellerai pas même dans le détail cette chaîne de désordres consignés dans tant de monuments authentiques, ces assemblées secrètes, ces serments d'associa tion, ces ligues avec l'étranger, ces refus de payer les tailles, ces pillages des deniers pu blics, ces menaces séditieuses, ces conjurations ouvertes, ces guerres opiniâtres, ces sacs de villes, ces incendies, ces massacres réfléchis, ces attentats contre les rois, ces sacriléges multipliés et jusqu'alors inouis; il me suffit de dire que depuis François 1o jusqu'à nos jours, c'est-à-dire sous sept règnes différents, tous ces maux et d'autres encore 'ont désolé le royaume avec plus ou moins de fureur. Voilà,

dis-je, le fait historique que l'on peut charger de divers incidents, mais que l'on ne peut contester substantiellement, ni révoquer en doute; et c'est le point capital qu'il faut toujours envisager dans l'examen politique de cette affaire.

Plein de ces pensées, le gouvernement s'occupait depuis longtemps à miner insensiblement un parti redoutable, qui avait porté l'audace jusqu'à vouloir former un Etat républicain au milieu même de la France. (Voy. le Mercure de France, t. IX, année 1621, p. 311.) Les arrêts et les édits se succédaient rapidement, dit l'illustre historien de Bossuet on pensait alors que les édits précédents de tolérance et de pacification n'étaient pas des traités d'alliance, mais des ordonnances faites par les rois pour l'utilité publique, et sujettes à révocation lorsque le bien de l'Etat le demande. Tel était le sentiment du docteur Arnauld, et, ce qui est plus remarquable, de Grotius lui-même : Le gouvernement français paraissait suivre le méme système politique que les gouvernements protestants avaient mis depuis longtemps à exécution contre leurs sujets catholiques; et même en comparant leur code pénal avec celui de la France, il serait facile de prouver qu'il se montra plus indulgent et plus tolérant. (Hist. de Bossuet, t. IV, liv. xi, n. 15.)

« Il était fidèle depuis quinze ans à cette marche progressive, et rien n'annonçait l'abolition entière de l'édit de Nantes, lorsque des complots alarmants, qui éclatèrent en 1683, la firent mettre en délibération. Les protestants du Poitou, de la Saintonge, de la Guienne, du Languedoc, des Cévennes, du Vivarais eldu Dauphiné (Hist. de Louis XIV, par REBOULET, année 1685, t. V), formèrent un projet général d'union pour relever les temples qui avaient été démolis, et reconquérir les priviléges dont ils avaient été dépouillés. L'étendard de la révolte fut arboré dans quelques-unes de ces provinces, et des troupes furent mises sur pied pour les contenir. Cette affaire devint l'objet plus habituel des pensées du roi et de ses conseils. Enfin l'édit fut révoqué (22 octobre 1685).

autres seraient gagnés par la persuasion; la résistance armée des protestants fit voir qu'on s'était trompé; elle amena des mesures de rigueur qui n'entraient que trop dans le caractère violent de Louvois, et l'on ne peut que gémir sur les excès déplorables commis des deux côtés

« Enfin la paix de Riswick vint rendre le calme à la France, et permit au gouvernement de s'occuper du sort des protestants. Le marquis de Louvois, le plus ardent promoteur des mesures de rigueur, n'existait plus, et Louis XIV était toujours disposé à accueillir tous les moyens de douceur et de raison qui étaient conformes à sa modération et à son équité naturelles. Les cris de tant de victimes innocentes ou coupables avaient retenti jusqu'à son âme sensible et généreuse. Sa religion même s'était indignée de l'abus criminel qu'on avait osé faire de son nom et de son autorité, contre ses intentions bien connues et souvent exprimées. Le cardinal de Noailles, qui était également opposé par caractère et par principes à tout ce qui pouvait ressembler à la contrainte et à la violence; Bossuet, qui n'avait jamais voulu employer que les armes de la science et les moyens d'instruction, firent prévaloir peu d peu les conseils de la douceur et de la modération. Ils furent heureusement secondés pur les insinuations encore plus persuasives de Mme de Maintenon, que la pitié naturelle à son sexe, et une raison douce et calme rendaient toujours accessible à des maximes avouées par la religion comme par l'huma nité. (Histoire de Bossuet, ubi supra.)

«En exilant les ministres, Louis XIV avait défendu aux sectateurs de leur communion de quitter la France, mais l'émigration des pasteurs entraîna celle d'une partie de leur troupeau. Basnage, écrivain protestant, porte à trois ou quatre cent mille le nombre des protestants réfugiés. Cette seule énumération de trois ou quatre cent mille, dans une pareille matière, est faite pour inspirer de la méfiance à un critique judicieux.

La Martinière, également protestant, réduit ce nombre à trois cent mille.

« Larrey, aussi protestant, le réduit à deux cent mille.

Et l'historien protestant de la révocation de l'édit de Nantes, Benoit, s'arrête aussi à deux cent mille.

« L'opinion générale paraissait alors tellement consacrer la sagesse de cette mesure, que Louis XIV reçut les félicitations de tous les ordres de son royaume. Tous les parlements s'empressèrent d'enregistrer un édit qu'ils avaient prévenu eux-mêmes par une multitude a On sent qu'il est permis de conserver au d'arrêts particuliers, dont l'édit de révocation moins des doutes sur des calculs aussi vagues, ne semblait être que la sanction générale. Les lorsqu'on voit des écrivains de la même cominscriptions qu'on lisait encore, il y a vingt- munion, placés à l'époque même des événecinq ans, au pied de la statue de Louis XIV, dments, différer de quatre cent mille à deux la place Vendôme, et à l'hôtel de ville de Paris, paraissaient n'avoir été, par leur conformité avec ce qui nous reste des mémoires contemporains, que l'expression sincère de l'opinion publique. (Hist. de Bossuet, ubi supra.) Et c'est avec raison qu'un auteur, qui n'est ras suspect, disait en 1789, que Louis XIV n'avait fait que céder au vœu général de la nation. (SAINT-LAMBERT, Vœux adressés aux états généraux.)

« On avait cru trop aisément que les uns seraient contenus par la crainte, et que les

cent mille, sans donner à leur évaluation des bases qui puissent en garantir l'exactitude. (Hist. de Bossuet.)

« Ecoutons le duc de Bourgogne qui avait fait d'exactes recherches sur cette matière : On a exagéré infiniment le nombre des Huguenots qui sortirent du royaume à cette occasion, et cela devait être ainsi. Comme les intéressés sont les seuls qui parlent et qui crient, ils affirment tout ce qui leur plait. Un mi nistre qui voyait son troupeau dispersé publiait qu'il était passé à l'étranger. Un chef

meubles superbes, les tableaux des grands maîtres, les maisons richement décorées?

A l'époque de la révocation, notre commerce, à peine sorti des mains de Colbert, son créateur, était encore dans l'enfance. Que pouvions-nous apprendre à nos rivaux, de qui nous avions tout appris? L'Angleterre, la Hollande, l'Italie, nous avaient devancés dans la carrière, les manufactures de Louviers et de Sédan ont eu leurs modèles chez nos voisins. Le nom seul d'un très-grand nombre de nos fabrications rappelle Londres, Florence, Naples, Turin, et décèle ainsi une origine étrangère.

de manufacture, qui avait perdu deur ouvriers, faisait son calcul comme si tous les fabricants du royaume avaient fait la même perte que lui. Dix ouvriers sortis d'une ville où ils avaient leurs connaissances et leurs amis, faisaient croire, par le bruit de leur fuite, que la ville allait manquer de bras pour tous les ateliers. Ce qu'il y a de surprenant, c'est que plusieurs maîtres des requêtes, dans les instructions qu'ils m'adressèrent sur leurs généralités, adoptèrent ces bruits populaires, et annoncèrent par là combien ils étaient peu instruits de ce qui devait les occuper: aussi leur rapport se trouva-t-il contredit par d'autres, et démontré faux par la vérification faite en plusieurs endroits. Quand le nombre des Huguenots qui sortirent de France à cette époque monterait, suivant le calcul le plus exagéré, à soixante-sept mille sept cent trentedeux personnes, il ne devait pas se trouver parmi ce nombre, qui comprenait tous les ages et tous les sexes, assez d'hommes utiles pour laisser un grand vide dans les campagnes et les ateliers, et influer sur le royaume entier. Il est certain d'ailleurs que ce vide ne dut jamais être plus sensible qu'au moment où il se fit. On ne s'en aperçut pas alors, et l'on s'en plaint aujourd'hui! Il faut donc en chercher une autre cause: elle existe en effet, et, si on veut la savoir, c'est la guerre. Quant à la retraite des Huguenots, elle coûta moins d'hommes utiles à l'Etat, que ne lui en enlevait une seule année de guerre civile. (Vie du duc de Bourgogne.)

<< S'il fallait écouter certains déclamateurs, on croirait que les richesses et la prospérité avaient fui la France avec les protestants réfugiés; et cependant, je le demande, le commerce et l'industrie ont-ils cessé de prendre des accroissements? Dans le cours du dixhuitième siècle, n'a-t-on pas vu se multiplier de toutes parts les étoffes précieuses, les

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Réponse. Les richesses, mais surtout les richesses du clergé, ont toujours excité les convoitises de l'homme, alors même qu'il possède, et quelquefois beaucoup. De là toutes sortes de déclamations et souvent aussi des spoliations.

Vous ne nierez pas, nous dit-on, que les richesses ne fussent autrefois excessives dans le clergé.

C'est possible; mais d'où venaient ces richesses? De la piété et plus souvent encore de la reconnaissance des rois et autres chefs de la nation. Tels princes, tels grands, avaient reçu de Dieu certaines faveurs ou les sollicitaient; ils avaient reçu, en différentes

«La Prusse est presque le seul Etat où les réfugiés aient fait des établissements considérables; Brême, Hambourg, Lubeck et plusieurs autres villes, n'étaient-elles pas riches et puissantes avant toutes les émigrations? On voit ici avec quelle légèreté Voltaire et ses copistes ont avancé que jusque-là le nord de l'Allemagne n'était qu'un pays agreste.

«Sans doute le clergé put bien, avec le reste de la France, applaudir à une mesure qu'on regardait comme dictée par une sage politique; mais on peut dire que, s'il est entré pour quelque chose dans les sanglants et réciproques excès qui en ont souillé l'exécution, ce ne fut que pour en être la victime ou pour les adoucir. »>

Je me résume en peu de mots : la révocation de l'édit de Nantes n'a point eu tous les déplorables effets qu'on a dit d'abord et que quelques uns soutiennent encore aujourd'hui qu'elle a eus. En tout cas, ces effets n'auraient été ni voulus ni même prévus; ils ne seraient le fait surtout ni de la religion catholique, ni seulement de ses ministres. C'est donc bien à tort qu'on s'en est fait et qu'on voudrait s'en faire encore une arme pour attaquer cette religion. DU CLERGÉ

circonstances, l'assistance de certains membres du clergé non moins renommés par leurs lumières que par leurs vertus, ou ils désiraient l'obtenir. A cette occasion, ils fondaient une abbaye, établissaient un hôpital, bâtissaient une église, faisaient des dons à celles qui existaient déjà. De là des richesses et quelquefois de grandes richesses dans le clergé. Ce que faisaient les grands, les petits le faisaient également, toute proportion gardée; ou plutôt, car la générosité, comme on dit, ne se mesure pas toujours à la fortune, c'était d'eux quelquefois que venaient les dons les plus excellents. Ainsi les richesses du clergé venaient de la nation tout entière, de son cœur pieux et reconnaissant, agissant bien volontiers, motu proprio... Pouvaient-elles avoir une source plus légitime? Ces donations n'étaient pas toujours des œuvres pies seulement, c'était aussi bien souvent des actes expiatoires. Il s'agissait, par exemple, d'effacer un grand crime, de réparer une grande injustice; et on ne trouvait pas, je suppose, de moyens plus

propres à cela que de fonder, en tel lieu, un hôpital ou un monastère. Vous qui blâmez les actes de la conscience, connaissez-vous bien les motifs qui la font agir? et savezVous si ce que vous regardez comme inique et même absurde n'est pas souverainement juste et louable aux yeux de Dieu ? D'où venaient-elles encore, ces grandes richesses du clergé? Mais du clergé lui-même, par héritage, par travail, par économie et bonne administration. En connaissez-vous qui aient eu des sources plus pures et plus saintes?

Vous me direz peut-être qu'il a dû se glis ser là dedans bien des indélicatesses et même des injustices.

Qui vous dit le contraire? Est-il possible même qu'il en fût autrement? Prenez une grande fortune quelconque, prenez même la plus modeste, et je vous ferai sur elle la même objection. Est-ce à dire pour cela qu'il faille l'attaquer, la signaler à l'indignatin publique, la détruire? Ce serait une conséquence extrême qui nous mènerait loin. Quelqu'un a dit avec raison que, si Dieu, par un acte de sa volonté toute-puissante, faisait que chaque chose retournât immédiatement à son légitime possesseur, il y aurait un grand bouleversement dans le monde. Aussi est-ce avec une sagesse profonde, ou plutôt Par par une inspiration divine, que toutes les lois ont reconnu la légitimité de la prescription; c'est-à-dire que, au bout d'un certain temps, et moyennant certaines conditions, la possession vaut titre.

Vous dites qu'il y avait autrefois des richesses excessives dans le clergé.

Mais pour qui étaient donc ces richesses? Pour le clergé, me répondez-vous. Soit; mais qui entre dans ce clergé? Des membres de toutes les familles, depuis les plus élevées jusqu'aux plus humbles. D'où il suit que venues à peu près de tout le monde, ces richesses retournaient aussi à peu près à tout le monde. C'était comme un fonds sacré, mis sous la garde de l'Eglise, ayant son utilité propre sans doute, comme nous allons le dire tout à l'heure, mais pouvant servir.

aussi aux besoins de chacun.

C'était pour la noblesse principalement, m'objecterez-vous, et, ce qu'il y a de plus déplorable, c'était pour ceux de ses membres dont le monde ne voulait point.

Non pas toujours; car il est de notoriété publique que, en tout temps et en tout lieu, Dieu a appelé au service de ses autels ceux qui eussent été, si même ils ne l'étaient déjà, la gloire et les délices du monde. Ce que vous rappelez était un abus, abus condamné par l'Eglise, et qu'elle corrigeait, autant que possible, en rendant digues du sacerdoce ceux qui n'y étaient point primitivement appelés. Quoi qu'il en soit, à considérer la chose au point de vue temporel principalement, comme nous le faisons ici, il me semble que votre objection n'est pas trèsforte. Venues des grands surtout, c'est à eux aussi que ces richesses retournaient en majeure partie quoi de plus simple? Les autres, du reste, en profitaient plus ou moins

directement; ce qui n'eût point eu lieu du tout, si ces richesses n'étaient entrées dans le clergé.

Vous dites que ces richesses étaient excessives.

C'est possible, je vous le répète encore; car en défendant la religion, je ne prétends pas défendre tous les excès que vous me signalerez à son occasion, excès qui du reste viennent de l'aveuglement et des passions des hommes, et que la religion est la première à condamner, et, autant que possible, à réprimer; mais savez-vous à quoi servaient ces richesses excessives, généralement parlant? Elles servaient à la construction des églises et autres édifices nécessaires au culte, à leur appropriation, et à leur décoration; elles servaient également à la construction des hôpitaux et à leur entretien sous tous les rapports; elle servaient à élever de tous côtés des abbayes, des colléges, des maisons pour tous les besoins, pour tout ce que demandaient la gloire de Dieu et le bien de l'humanité. Et, comme ces richesses étaient excessives, pour parler votre langage, on y allait, en toute occasion, avec une magnificence vraiment royale. De là ces mouuments sans nombre, mais tous marqués au cachet de la religion, qui couvraient la France autrefois, monuments ébranlés, renversés même par l'impiété, et dont nous nous efforçons aujourd'hui de conserver précieusement les restes, comme, après la tempête, on va recueillir sur le rivage tous les débris des vaisseaux naufragés.

Je vous entends me dire que ces richesses ont également servi à nourrir la paresse, la débauche...

Je vous arrête; car ici j'en sais autant que vous. Mais, encore une fois, c'est là l'abus de la chose, abus qui se trouve toujours dans l'humanité, surtout à l'occasion des richesses, et non la chose elle-mème. Laissons donc cela, et écoutons l'abbé de Frayssinous répondant aussi aux reproches adressés au clergé à propos de ses grandes richesses. (Du sacerdoce chrétien.)

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«On attaque, »dit-il, « leur répartition, leur origine, leur usage. Je fais observer d'abord que ces richesses étaient comme le patrimoine commun de toutes les familles, qui toutes sans exception pouvaient y prétendre, et y participaient en effet, en donnant des enfants au sacerdoce; que, si des dignités plus éminentes et plus richement dotées étaient plus ordinairement, et souvent pour de sages raisons, le partage de la naissance, nul n'en était exclu, témoins les Massillon, les Fléchier, les d'Ossat, les Amyot et tant d'autres; que, dans les divers rangs de la hiérarchie, il existait une foule de places honorables occupées par des hommes sortis des classes moyennes, et même des plus obscures. C'est une des maximes fondanientales du gouvernement ecclésiastique, que les emplois doivent se donner au mérite, et je ne ne vois pas ce qu'il y avait de légitime dans l'envie qu'excitaient des biens que

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