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Objections.-Que signifie le rosaire?- C'est comme le chapelet: trois fois plus long seulement, et, par conséquent, trois fois plus ennuyeux. Tout cela va aux bonnes femmes. N'est-ce pas encore quelque chose de petit que le Rosaire vivant?

Réponse. Que signifie le rosaire, avezvous demandé?

Son nom seul vous le dit suffisamment, pour peu que vous réfléchissiez. C'est un bouquet des plus belles fleurs spirituelles rappelées ici par la rose, offert à la reine des cieux par ses enfants les plus dévoués de la terre. Vous n'entendez pas cela peut-être, ou Vous feignez de ne pas l'entendre. Vous trouvez ce procédé mesquin, ridicule même, surtout à l'égard de la Mère de Dieu. Mais, dites-moi, ne voyez-vous pas quelque chose de semblable dans les saintes Ecritures, dans le langage et la manière d'agir de tous les hommes? Et vous-même, qui parlez ainsi, ne vous est-il jamais arrivé d'offrir un bouquet à votre mère? Vous étiez déjà avancé en âge, je suppose, et votre mère était à la fin de sa carrière. Et cependant, vous étiez là aussi, au milieu de toute la famille, à côté de tout petits enfants, agissant comme eux, parlant à peu près comme eux. Si quelqu'un était venu alors vous arrêter, en vous disant: «Cela est mesquin, ridicule même, puisque Vous êtes un homme, n'agissez donc point comme les enfants. - Non, » eussiez-vous répondu aussitôt,« non, cela n'est ni mesquin ni ridicule, car c'est la manifestation la plus touchante de la reconnaissance et de l'amour. Non, cela n'est pas indigne d'un homme, car l'affection pure et sainte, l'union en famille est de tous les âges. » Et voilà précisément le rosaire. C'est, avons-nous dit, un bouquet spirituel offert à notre Mère céleste par sa famille innombrable, dispersée sur toute la terre, non pas un jour seulement, mais tous les jours, puisque, depuis qu'elle est au ciel, sa fête est de tous les jours. Si on vient nous dire que cela est mesquin, ridicule même, indigne d'un homme au moins, nous pouvons répondre aussitôt: « Non; cela n'est ni mesquin ni ridicule, car c'est la manifestation la plus touchante de la reconnaissance et de l'amour; non, cela n'est point indigne d'un homme, car l'affection pure et sainte, l'union en famille est de tous les âges. >>

C'est comme le chapelet, avez-vous dit encore trois fois plus long seulement, et, par conséquent, trois fois plus ennuyeux.

Oui, c'est comme le chapelet; d'où il suit que tout ce que nous avons dit à cet article doit également s'appliquer ici. Oui, c'est réellement trois fois plus long, et, par conséquent, trois fois plus ennuyeux, quand on le dit mal, mais c'est trois fois plus mériDictionn. des OBJECT. POPUL.

Seigneur Jésus-Christ, qui s'accomplit tous les jours de plus en plus: Et portæ inferi non prævalebunt adversus eam.

ROSAIRE VIVANT.

toire et trois fois plus utile, quand on le dit avec piété et avec les intentions que l'Eglise désire que nous ayons en le disant. Comme le chapele! a cinq dizaines, le rosaire en a quinze. I a pour objet surtout d'honorer les quinze principaux tuystères de la vie de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère. Il est aisé de voir par là que c'est un abrégé de l'Evangile, une espèce d'histoire de la vie, des souffrances, des triomphes de JésusChrist, mise à la portée de tous, et propre à graver, de plus en plus, dans notre mémoire les vérités du christianisme.Oui, c'est réellement trois fois plus long, et, par conséquent, trois fois plus ennuyeux, quand on le dit avec dégoût; mais c'est aussi trois fois plus consolant, quand on le dit avec amour, quand le cœur, suivant la main, en quelque sorte, semble compter sur les grains toutes les peines qu'il ne cesse d'éprouver, et dont il demande, dès aujourd'hui, la délivrance, ou, plus tard, la récompense.

Tout cela va aux bonnes femmes, avezvous ajouté.

Oui; tout cela va aux bonnes femmes, et même admirablement; car elles sont si seules et souvent si délaissées sur la terre, qu'elles n'ont rien de mieux à faire que de se jeter, avec Marie, au pied de la croix de son divin Fils, pour lui demander la grâce de passer moins péniblement les derniers jours de leur triste exil.

Oui, tout cela va aux bonnes femmes, et même admirablement; car elles ont tant souffert sur la terre, et elles souffrent tant. en ce moment surtout, qu'elles doivent aller naturellement à celle dont le cœur fut percé d'un glaive de douleur, afin de pouvoir, à son exemple et par son assistance, supporter aussi leurs souffrances avec une patience inaltérable.

Oui, encore une fois, tout cela va aux bonnes femmes, et même admirablement; car elles ont tant de choses à dire à Dieu, par l'entremise de la consolatrice des affligées, elles ont tant de choses à lui demander pour elles-mêmes comme pour les autres, qu'elles ne peuvent trouver aucune prière trop longue. Ce rosaire interminable, c'est leur vie qui ne finit point, c'est leur famille, qui va toujours s'étendant. Elles consacrent chacune de ces dizaines à chacun de leurs besoins ou des besoins des leurs, et il n'y en a jamais assez. Vous avez donc raison, cette prière va parfaitement aux bonnes femmes. Est-ce à dire, pour cela, que le rosaire ne convienne point à ceux qui sont dans toute la force de l'intelligence ou de l'âge? Nous établissons le contraire à l'article CHAPELET. Ajoutons ici quelques mots seulement.

Qui a institué le rosaire, avee la forme, du moins, que nous lui connaissons aujourd'hui?

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Saint Dominique, croit-on communément, c'est-à-dire l'une des plus remarquables intelligences qui aient paru sur la terre. Et, depuis ce grand homme, combien d'autres également remarquables parleur intelligence l'ont dit et le disent encore, chaque jour, avec autant de consolation que de fruit ! Le nombre en est si grand qu'il est impossible de le compter. Sans parler des laïques, tous ceux qui sont en religion sont dans l'usage de le dire. C'est pour eux comme un second Bréviaire. Ce sont comme des armes qu'ils ont toujours à leur côté armes offensives et défensives, avec lesquelles ils combattent les ennemis du salut; armes d'honneur aussi, véritables titres de noblesse avec quoi ils montrent aux yeux de tous qu'ils font véritablement partie de cette grande famille engendrée, sur le Calvaire, par la douleur, et qui se glorifie d'avoir Marie pour mère. « Que d'autres se glorifient dans les honneurs et les plaisirs de ce monde; pour moi, semble dire, par là, chacun d'eux, à l'exemple du grand Apôtre, agenouillé avec Marie sur le Calvaire: A Dieu ne plaise que je me glorifie en autre chose qu'en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est mort et crucifié pour moi, comme je suis mort et crucifié pour le monde: «Mihi autem absit gloriari, nisi in cruce Do« mini nostri Jesu Christi, per quem mihi munx dus crucifixus est, et ego mundo. » (Galat. vi, 14.)

Écoutons, à ce sujet, les remarquables paroles du révérend Père Lacordaire, l'un des enfants les plus illustres de l'illustre Dominique, l'orateur le plus distingué, croyonsnous, des temps modernes. Nous y trouverons une éloquente confirmation de ce que nous venons de dire ici, comme aussi de ce que nous avons dit en parlant du chapelet, qui n'est que le résumé du rosaire, ou, si vous l'aimez mieux, dont le rosaire n'est que l'extension. Le passage est court, mais de main de maître.

«La guerre (127) par sa durée et ses chances diverses semblait mettre un obstacle presque invincible au dessein constant de Dominique, qui était de fonder un ordre religieux consacré au ministère de la prédication.Aussi ne cessait-il de demander à Dieu l'établissement de la paix, et ce fut dans le but de l'obtenir et de hâter le triomphe de la foi, qu'il institua, non sans une secrète inspiration, cette manière de prier qui s'est depuis répandue dans l'Eglise universelle sous le nom de Rosaire. Lorsque l'archange Gabriel fut envoyé de Dieu à la bienheureuse Vierge Marie pour lui annoncer le mystère de l'Incarnation du Fils de Dieu dans son chaste sein,il la salua en ces termes: Je vous salue, Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre les femmes. (Luc. 1. 28.)Ces paroles, les plus heureuses qu'aucune créature ait entendues, se sont répé

(127) Il s'agit ici de cette malheureuse guerre des Albigeois à laquelle saint Dominique se trouvait mêlé, beaucoup plus comme modérateur que comme instigateur, ainsi qu'on doit le remarquer.

tées d'âge en âge sur les lèvres des Chrétiens, et du fond de cette vallée de larmes, ils ne cessent de redire à la Mère du Sauveur : Je vous salue, Marie. Les hiérarchies du ciel avaient député un de leurs chefs à l'humble fille de David, pour lui adresser cette glorieuse salutation; et maintenant qu'elle est assise au-dessus des anges et de tous les chœurs célestes, le genre humain, qui l'eut pour fille et pour sœur, lui renvoie d'ici-bas la salutation angélique: Je vous salue, Marie. Quand elle l'entendit pour la première fois de la bouche de Gabriel, elle conçut aussitôt dans ses flancs très-purs le Verbe de Dieu; et maintenant, chaque fois qu'une bouche humaine lui répète ces mots, qui furent le signal de sa maternité, ses entrailles s'émeuvent au souvenir d'un moment qui n'eut point de semblable au ciel et sur la terre, et toute l'éternité se remplit du bonheur qu'elle en ressent.

«Or, quoique les Chrétiens eussent coutume de tourner ainsi leurs cœurs vers Marie, cependant l'usage immémorial de cette salutation n'avait rien de réglé et de solennel. Les fidèles ne se réunissaient point pour l'adresser à leur bienfaitrice; chacun suivait pour elle l'élan privé de son amour. Dominique, qui n'ignorait pas la puissance de l'association dans la prière, crut qu'il serait utile de l'appliquer à la salutation angélique (128), et que cette clameur commune de tout un peuple assemblé monterait jusqu'au ciel avec un grand empire. La brièveté même des paroles de l'ange exigeait qu'elles fussent repétéos un certain nombre de fois, comme ces acclamations uniformes que la reconnaissance des nations jette sur le passage des souverains. Mais la répétition pouvait engendrer la distraction de l'esprit. Dominique y pourvut en distribuant les salutations orales en plusieurs séries, à chacune desquelles il attache la pensée d'un des mystères de notre Rédemption, qui furent tour à tour pour la bienheureuse Vierge un sujet de joie, de douleur et de triomphe. De cette manière, la méditation intime s'unissait à la prière publique, et le peuple, en saluant sa inère et sa reine, la suivait au fond du cœur en chacun des événements principaux de sa vie. Dominique forma une confrérie pour mieux assurer la durée et la solennité de ce mode de supplication.

« Sa pieuse pensée fut bénie par le plus grand de tous les succès, par un succès populaire. Le peuple chrétien s'y est attaché de siècle en siècle avec une incroyable fidélité. Les confréries du rosaire se sont multipliées à l'infini; il n'est presque pas de Chrétien au monde qui ne possède, sous le nom de chapelet, une fraction du rosaire. Qui n'a entendu, le soir, dans les églises de campagne, la voix grave des paysans récitant à deux chœurs la salutation angélique?

(128) Cette association aurait existé déjà, selon nous, puisque l'origine du chapelet doit être reportée plus haut. Il s'agirait alors ici seulement d'une association plus étendue et mieux réglée.

Qui n'a rencontré des processions de pèlerins roulant dans leurs doigts les grains du rosaire, et charmant la longueur de la route par la répétition alternative du nom de Marie? Toutes les fois qu'une chose arrive à la perpétuité et à l'universalité, elle renferme nécessairement une mystérieuse harmonie avec les besoins et les destinées de l'homme. Le rationaliste sourit en voyant passer des files de gens qui redisent une même parole: celui qui est éclairé d'une meilleure lumière comprend que l'amour n'a qu'un mot et qu'en le disant toujours il ne le répète jamais.

« La dévotion du rosaire, interrompue au XIV siècle par la peste terrible qui ravagea l'Europe, fut renouvelée au siècle suivant par Alain de la Roche, Dominicain breton. En 1573, le Souverain Pontife Grégoire XIII, en mémoire de la fameuse bataille de Lépante, gagnée contre les Turcs sous un Pape dominicain, le jour même où les confréries du Rosaire faisaient à Rome et dans le monde chrétien des processions publiques, institua la fête que toute l'Eglise célèbre chaque année le premier dimanche d'octobre, sous le nom de fête du Rosair e.» (Vie de saint Dominique.)

N'est-ce pas encore quelque chose de petit, dites-vous, que le rosaire vivant?

C'est quelque chosede grand, au contraire, puisque c'est un moyen très-efficace, pour tous, de prières et de bonnes œuvres.

Et d'abord de prières: La récitation du rosaire entier est, en effet, un peu longue pour notre siècle si préoccupé des choses de la terre, et si souvent troublé par les révolutions.Il était donc à craindre que cette pieuse pratique ne se conservât plus que dans les cloîtres. Restait, il est vrai, le chapelet, fraction du rosaire, avons-nous dit. Mais ce n'est plus le rosaire, avec ses quinze mystères, représentant la double vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ et de sa divine Mère. Frappée de ces considérations, une pieuse femme s'est dit, non sans une secrète inspiration aussi, car Dieu aime souvent à se servir de faibles instruments pour arriver à de grands résultats : « Associons-nous par série de quinze personnes. Chacune représentera un mystère du rosaire, et récitera sa dizaine, et ce sera le rosaire vivant. » Le Souverain Pontife a béni cette pensée, la plupart des évêques se sont empressés de la propager, et aujourd'hui il n'y a presque pas de paroisse, en France principalement, qui n'ait son association composée de personnes de tout âge, de tout sexe, de toute condition, poussant ainsi, en commun, vers la Mère de Dieu, ce cri de la supplication: Sainte Marie, priez pour nous, qui sommes pécheurs. J'ai donc eu raison de dire que c'élait pour tous un moyen très-efficace de prières. J'ai ajouté que c'était un moyen également efficace de bonnes œuvres.

Chaque membre de l'association, représentant tour à tour un mystère, doit le méditer profondément et en tirer la conséquence pratique, c'est-à-dire des actes de

vertu. Vous avez à dire en ce moment, je suppose, la première dizaine à laquelle est attaché le mystère de l'Incarnation. C'est l'humilité que vous avez à méditer et à pratiquer d'une manière particulière. Dans un mois, peut-être, vous aurez la seconde, à laquelle est attaché le mystère de la Visitation. Ce sera alors la vertu de charité que vous aurez spécialement à méditer et à pratiquer. Et ainsi de suite. Done, vous aurez à méditer et à pratiquer d'une manière particulière, toutes les vertus, pour ainsi dire, l'une après l'autre. Donc l'association du rosaire vivant est réellement un moyen trèsefficace de bonnes œuvres.

Qui ne voit encore que les membres de l'association se réunissant ainsi sous l'œil du Seigneur et sous le patronage de sa divine Mère ne peuvent manquer de s'occuper réciproquement de tous leurs besoins spirituels, des besoins de ceux qui leur sont spécialement attachés, et même des étrangers?

Puis, la charité chrétienne s'étendant à tout, qui ne voit que c'est une occasion de s'occuper de toutes sortes de bonnes œuvres sans exception, pour le corps comme pour l'âme, pour la vie présente comme pour la vie future, pour le temps comme pour l'éternité? Donc, encore une fois, le rosaire vivant est, comme nous l'avons dit, un moyen très-efficace de bonnes œuvres. Aussi, ne devons-nous point nous étonner de la rapidité avec laquelle il s'est répandu par tout le monde catholique, mais principalement en France, ce sol si fécond en vertu et en toutes sortes de bonnes œuvres, alors même qu'on y répand avec profusion la semence des mauvaises doctrines et des mauvaises actions.

Ecoutons Mgr l'évêque de Luçon ouvrant, à cette occasion, son cœur paternel à ses prêtres.

« Votre heureux concours dans la grande œuvre que le Ciel nous a confiée, leur dit-il, fut souvent pour nous la source de pures jouissances et de douces consolations. Nous venons donc avec une entière confiance faire un nouvel appel à votre piété, à votre zèle. Vous y répondrez avec cet ensemble et ce empressement qui adoucissent chaque jour les amertumes de notre pénible ministère.

« Sentinelle avancée d'Israël, une douloureuse inquiétude s'empare de notre âme à la vue des progrès toujours croissants de l'impiété, du débordement des mauvais livres, de l'effrayante propagation des doctrines de mort qui pénètrent, de mille manières, jusque dans les hameaux les plus retirés. Nous le disons avec larmes: des associations irréligieuses surgissent de toutes parts. Leurs membres, liés par d'affreux serments, font tous leurs efforts pour conduire par le mensonge les peuples à l'apostasie; et tous les jours nous avons à gémir sur la perte de quelques nouvelles victimes de la séduction propagée à grands frais par ces milliers de volumes impies et immoraux, colportés avec

tant d'audace dans nos villes et nos campagnes.

<«< Au milieu de ce déluge d'immoralité, qui menace de tout engloutir, resteronsnous impassibles? Nous contenterons-nous de répandre quelques larmes stériles sur la perte des âmes? Les jours sont mauvais et les secours ordinaires de notre saint ministère deviennent insuffisants, dans des temps de crise et de corruption. Recourons donc avec une foi vive aux armes spirituelles que Jésus-Christ, notre divin Maître, tient en réserve, et met à notre disposition pour les jours de tentations et d'épreuves: et, C'est moi qui vous l'assure, disait-il àses disciples, si deux d'entre vous s'unissent sur la terre pour demander quelque chose, elle leur sera accordée par mon Père qui est dans les cieux; car, en quelque lieu que se trouvent deux ou trois personnes assemblées en mon nom, je me trouve au milieu d'elles. (Matth. xvIII, 19, 20.) L'union des cœurs et la prière en commun, voilà donc les armes puissantes que le ciel lègue à la terre pour combattre ses ennemis et triompher. C'est par cette union indissoluble, et cette prière fervente, que nos pères dans la foi ont vaincu toutes les oppositions et la fureur de l'enfer. C'est dans les souterrains et les catacombes que, réunis et persévérants dans la prière, ils puisaient cette force divine qui épouvantait leurs propres persé cuteurs. Jamais l'Eglise n'a employé d'autres armes, jamais elles ne l'ont été sans uccès.

Fidèles à notre haute mission et aux nobles traditions de l'Eglise notre mère, nous venons vous exhorter, par les entrailles de Jésus-Christ et par sa miséricorde, à préserver de la contagion et des périls qui la menacent, la portion du troupeau confiée à vos soins; faisons tous ensemble de généreux efforts pour ranimer dans nos églises l'esprit d'union, de charité et de prière, qui ne faisait, de tous les Chrétiens de l'Eglise naissante, qu'un cœur et qu'une âme. (Act. iv, 32.) Le Père commun des pasteurs et des fidèles nous fournit en ce moment un moyen facile, et que nous croyons propre à produire au milieu de nous cette sainte union qui rend invincible, selon l'oracle sacré: Un triple cordon se rompt difficilement : « Funiculus triplex difficile rumpitur.» (Eccle. iv, 12.)

« Une pieuse association qui a pris naissance en France, et qui déjà produit des fruits abondants de grâce et de bénédiction, vient d'être sanctionnée et consacrée par l'autorité du Saint-Siége apostolique. Cette nouvelle association se désigne sous le nom de

S

Rosaire vivant, parce que ceux qui le réci tent forment comme une couronne vivante qui rappelle continuellement à Marie le don précieux qu'elle nous fit elle-même du saint rosaire, dans la personne de saint Dominique. Vous connaissez tous les prodiges qu'opéra la charité de ce grand serviteur de Dieu. Qui sait si, malgré notre indignité, nous ne déterminerons pas la très-sainte Vierge à s'armer encore en faveur de notre infortunée patrie? Fléchir la colère de Dieu, par l'entremise de Notre-Dame du Saint-Rosaire, obtenir la conversion des pécheurs et conserver la foi dans le royaume de France, telles sont les nobles fins que se propose l'association du Rosaire vivant. Pour cet effet, on répand avec profusion des objets de dévotion, tels que crucifix, médailles, chapelets, et surtout livres de piété propres à instruire.

« Il nous serait difficile de vous exprimer ici avec quelle ardeur nous désirons le développement et le progrès de cette sainte association pour l'établissement de laquelle nous nous flattons de votre pieux concours. Vous comprendrez aisément pourquoi nous mettons tant d'intérêt à l'érection et au développement de cette nouvelle association spirituelle, si vous considérez un instant avec nous la véritable cause qui afflige l'Eglise. L'isolement et l'indifférence d'un grand nombre de Chrétiens, d'une part; l'union, les sacrifices, l'action continuelle des ennemis de la religion, d'autre part: voilà la véritable cause de nos malheurs et de ceux plus grands encore qui nous menacent. Faisons donc de généreux efforts pour réveiller nos frères et nos enfants en Jésus-Christ de la funeste léthargie dans laquelle plusieurs sont ensevelis. Faisons-leur entendre les oracles de de l'Esprit-Saint: Il vaut mieux être en société que d'être seul; malheur à l'homme seul, parce que, lorsqu'il sera tombé, il n'aura personne pour le relever. (Eccle., ix, 10.) A l'aspect des loups ravissants, les brebis se réunissent, se pressent autour du pasteur, et cherchent leur salut sous la protection de sa houlette. »>

Touchante sollicitude! et ce n'est pas un évêque seulement qui parle ainsi, ce sont presque tous nos évêques; en sorte que la recommandation qu'on vient de lire doit être regardée, non pas comme celle d'un évêque, mais bien de l'épiscopat, et surtout de l'épiscopat français, c'est-à-dire du corps le plus distingué peut-être qui fut jamais, par ses vertus non moins que par ses lu

mières.

SACREMENTS.

Objections. Ce que l'Eglise nous enseigne des sacrements est bien étrange. -Pourquoi Dieu se sert-il de ces canaux, comme vous les appelez, pour faire arriver jusqu'à nous

la grâce qu'il peut si bien nous communiquer immédiatement?-Si nous éprouvons de la répugnance à admettre les sacrements en général, nous n'en éprouvons pas moins

à admettre chacun d'eux en particulier. Que signifie tout cela?

Réponse. - « Sans doute, au premier abord, ce que l'Eglise nous enseigne des sacrements paraît étrange,» répond ici l'auteur des Etudes philosophiques sur le christianisme; «nais qu'est-ce qui n'est pas étrange dans ce qui touche aux fins de l'homme, si ce n'est pour ceux qui ne réfléchissent pas ? Hésiter à reconnaître la divinité de l'Eglise, par la raison qu'elle renferme des choses étranges, est une vraie contradiction; car le propre de la religion étant de nous arracher à notre état naturel d'ignorance, elle doit nécessairement comporter des choses que naturellement nous ignorons; des choses nouvelles, surnaturelles, étranges d'où il suit qu'à moins d'ignorer que nous ignorons tout de l'autre vie, ce qui serait la pire des ignorances, à moins d'être insensibles à cet étal, ce qui serait la pire des insensibilités, il faut admettre l'étrangeté en matière de religion, si je puis m'exprimer de la sorte, comme une coudition nécessaire de la vérité. Cette pensée, bien qu'élémentaire, échappe toujours; et nous ne saurions trop la rappeler à notre esprit, et l'y tenir présente, comme un correctif de notre incrédulité. Elle trouve particulièrement son emploi dans le sujet qui nous occupe, parce que c'est l'un des plus intimes et des plus mystérieux de tout le christianisme.

« est une autre réflexion également solide et exacte, qui doit nous frapper en général, et surtout ici. C'est que les points les plus mystérieux de la doctrine chrétienne répondent à des points plus mystérieux encore de notre nature, et ont pour objet de les expliquer et de les faire disparaître, avec cette immense différence que les mystères de notre nature, par eux-mêmes sont absolus, inconciliables, désespérants, et que les mystères de la religion présentent un enchaînement lumineux qui les explique les uns par les autres, et surtout une vertu vivifiante qui en démontre les principes par les résultats.

«Par exemple, à côté du mystère religieux de la grâce, se trouve le mystère naturel de la concupiscence; mystère bien plus absolu, bien plus inconciliable par luimême avec l'idée d'ordre à laquelle toutes nos autres idées doivent venir se rapporter. Maintenant, si nous passons du fait de la concupiscence au phénomène de sa transmission, nous trouverons la même étrangeté plus grande que dans la transmission de la grâce. Qu'est-ce qui nous paraît si étrange dans la transmission de la grâce? C'est que le penchant au bien soit en nous le fruit du mérite d'autrui, de Jésus-Christ. Mais le penchant au mal, ou la concupiscence que nous apportons en naissant, est-elle le fruit de notre démérite? N'est-on pas forcé d'admettre qu'elle précède en nous l'action de notre liberté, et non-seulement qu'elle la précède, mais qu'elle la paralyse? Trouvera

t-on étrange qu'un phénomène tout spirituel, comme la grâce, soit communiqué par des voies matérielles et sensibles comme les sacrements? Mais la concupiscence, comment nous est-elle communiquée, si ce n'est par la voie matérielle de la génération? Expliquez-moi comment l'acle aveugle de la génération, la voie de la chair et du sang, fait couler en moi avec les maladies du corps les maladies de l'âme; et je vous expliquerai comment la participation sensible aux sacrements en opère la guérison ! Expliquezmoi ma solidarité charnelle en Adam, et je vous expliquerai ma solidarité sacramentelle en Jésus-Christ! Expliquez-moi, en un mot, la concupiscence par la génération, et je vous expliquerai la régénération par la grâce Et maintenant, si nous pressons davantage les choses, nous verrons que la grâce et sa transmission sont bien moins inconcevables que la concupiscence. Si la grâce nous vient de Jésus-Christ, si elle nous arrive par des voies matérielles, il faut autre chose pour qu'elle nous soit acquise: c'est notre volonté, notre mérite propre, tandis que notre volonté et notre démérite sont étrangers à la transmission de la concupiscence. Le mystère du mystère, si je puis ainsi dire, c'est que la dépravation de la volonté dans la race humaine se transmette sans le concours de la volonté, ce qui n'a pas lieu dans le mystère de la grâce, où la transmission du bien ne s'opère que par l'adhésion de la volonté humaine à la divinité de Jésus-Christ.

<< Chassons donc ces terreurs puériles que soulèvent en nous les mystères de la religion, bien moins accablants que ceux de la nature. C'est avoir peur de son ombre; car le mystère nous suit, et s'attache partout à nos pas comme une ombre. Il n'y a que les esprits faibles qui ne croient rien, ou qui croient tout. La force et la justesse de l'esprit, la vraie philosophie, consistent, en évitant la superstition, à acquiescer à une foi raisonnable. Et quoi de plus raisonnable que la foi chrétienne? Quoi de plus décisif, outre la sagesse que nous révèle l'étude dé ses mystères, que l'épreuve de l'expérience, à laquelle elle en appelle elle-même par cette belle parole de son Auteur: « L'homme qui voudra faire la volonté de mon Père connaîtra si ma doctrine vient de lui, ou si je parle de mon chef? >>

Cette réflexion, toujours vraie, l'est particulièrement ici. Nul de ceux qui reçoivent les sacrements en de saintes dispositions. ne trouve étrange ce que l'Eglise nous en dit. Il n'y a que ceux qui ne les reçoivent pas ou qui les reçoivent mal; il n'y a que ceux qui ne les connaissent pas, et qui n'en ont point surtout la connaissance pratique.

Pourquoi, nous disent-ils, Dieu se sert-il de ces canaux, comme vous les appelez, pour faire arriver jusqu'à nous la grâce qu'il peut si bien nous communiquer immédiate

ment?

Sans doute, Dieu peut facilement nous accor

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