Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

à l'image de Dieu, rachetées par le sang de Jésus-Christ, au moment où elles vont périr dans l'eau ou dans quelque égoût, au moment où elles vont être dévorées par un animal immonde sort affreux, présage d'un sort plus affreux encore! Les régénérer par le baptême, pourvoir à tous leurs besoins corporels et spirituels, en faire des Chrétiens d'autant plus solides que la religion aura été tout pour eux dès le premier âge, les disposer à devenir peut-être eux-mêmes des missionnaires, des propagateurs zélés, parmi leurs concitoyens, de l'amour de Dieu et de tous les hommes, mais principalement de leurs bienfaiteurs.... Est-ce assez? le bienfait est-il assez important à vos yeux pour le sacrifice qu'on vous demande? Quel sacrifice, Grand Dieu! un sou par mois! et vous hésitez? Mais quelle mère, fût-elle pauvre, refuserait de donner cela à son enfant, ou pour son enfant, en considération du moindre avantage temporel?

-

Je vous

Ce que nous voulons en faire? l'ai dit encore, en détacher votre cœur, de crainte qu'il ne se corrompe à ce contact dangereux; vous en faire des amis qui vous recevront dans les tabernacles éternels, quand la terre viendra à vous manquer. Trouvezvous perdre à cet échange? N'est-ce pas un gain pour vous, le plus grand que vous puissiez faire, un gain qui ne peut s'expliquer que par l'infinie miséricorde du Seigneur? D'ailleurs, qu'en feriez-vous vous-même, de cet argent? Vous l'enfouiriez, peut-être, dans la terre, avec votre cœur, ou vous vous en serviriez pour satisfaire vos passions. Dans l'un et l'autre cas, jouissances passagères et trompeuses en cette vie, peine éternelle et infinie en l'autre vie. Servez-vousen donc plutôt, je vous le répète, pour goûter, dès ici-bas, les délicieuses jouissances de la vertu, et vous assurer, dans le ciel, ses inénarrables récompenses.

Ce que nous voulons en faire? - En doutez-vous par hasard? Concevez-vous quelque soupçon sur notre probité? Ce serait une bien grande injustice. Voyez plutôt. Nous donnons comme vous, et souvent infiniment plus que vous. Nous donnons notre repos, tout ce que nous avons de plus cher au monde, notre santé, et, s'il le faut, notre vie. Car ce que l'Apôtre disait aux fidèles de son temps a ici son application rigoureuse : C'est vous que nous cherchons, et non vos biens; puisque ce n'est pas aux enfants à amasser des trésors pour leurs pères. mais aux pères pour leurs enfants. Aussi, pour ce qui est de nous, nous donnerons tout volontiers, el nous nous donnerons encore nous-mêmes pour vos ames: « Non enim quæro quæ vestra sunt, sed vos. Nec enim debent filii parentibus thesaurizare, sed parentes filiis. Ego autem libentissime impendam etsuper impendar ipse pro animabus vestris.» (II Cor. xIII, 14. 15.) Que dis-je, pour vos âmes ? pour l'âme du plus petit, du plus inconnu, du plus éloigné de nos frères. Que le cri de ces pauvres enfants pour lesquels nous sollicitons votre charité vienne à frapper le cœur de l'un de

nous, et lui faire connaître, à je ne sais quel signe mystérieux, que la volonté de Dieu l'appelle en ces lieux éloignés, pour y annoncer et y faire pratiquer son Evangile, il n'hésite pas un seul instant. Biens, famille, patrie, jouissances même de la vertu, il a tout quitté immédiatement. Il traverse les mers, brave les tempêtes, aborde sur une terre inhospitalière, met tout en œuvre : prières, exhortations, instructions, pour faire lever la lumière de l'Evangile sur ces malheureux plongés dans les ténèbres de l'idolâtrie et assis à l'ombre de la mort. Quand, après des travaux, des peines et des souffrances incroyables, il se voit à la veille d'arriver à quelque résultat, l'intempérie du climat, l'excès des fatigues ou la cruauté des hommes, et peut-être même toutes ces causes à la fois le font mourir au sein de son triomphe. Mais non, il ne meurt pas, il ne peut même mourir; car il est impérissable. Il ne fait que passer de cette vie à une vie meilleure, où il va recevoir la récompense promise à ses travaux, et demander celle qui a été également promise à votre charité. Comprenez-vous actuellement pourquoi nous vous pressons avec tant d'instances de joindre vos sacrifices aux nôtres pour l'accomplissement de toutes les bonnes œuvres et spécialement de celle dont il est question ici?

Vous parlez de racheter des enfants en Chine, avez-vous ajouté; mais n'avons-nous pas nos pauvres petits enfants de France pour qui tous les sacrifices de notre charité sont à peine suffisants?

C'est bien le cas d'appliquer ici la belle parole de Notre-Seigneur Jésus-Christ: Il faut faire ceci, et ne pas omettre cela : « Hæc oportuit facere, et illa non omittere.» (Matth. XXIII, 23.) Vous allez me dire peut-être que Vous ne pouvez faire l'un et l'autre à la fois. Vous ne pouvez!.. Ce mot n'est pas français, a dit un homme d'esprit, et plus encore de cœur. Et moi je dis que, s'il n'est pas français, il est encore moins chrétien, surtout quand il s'agit de charité. La charité chrétienne, voyez-vous, c'est ce soleil des ânies dont les divins rayons, atteignant jusqu'aux extrémités de la terre, et au delà, ne doiven' laisser aucun être en souffrance. Vous allez me dire encore peut-être qu'il est pourtant bien de commencer par les siens, et que Notre-Seigneur, qui était la charité même, a dit en propres termes, dans une occasion semblable, qu'il n'est pas bon de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens: «Non est bonum sumere panem filiorum, et mittere canibus. » (Matth. xv, 26.) Oui, puisje vous répondre avec la Chananéenne, dont il ne voulait qu'éprouver la foi; mais, du moins, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres : « Etiam, Domine, nam et catelli edunt de micis quæ cadunt de mensa dominorum suorum. » (Ibid., 27.) Ce que nous vous demandons, chaque mois, pour nos pauvres petits abandonnés, ne représente pas certainement la valeur des mieties de pain qui tombent de votre

table, pendant le même espace de temps, et que mangent les chiens ou autres animaux semblables. Le refuserez-vous à ces êtres qui, bien loin d'être des chiens, ont été créés comme vous à l'image de Dieu, rachetés par le sang de Jésus-Christ, ainsi que je vous le rappelais tout à l'heure? Le refuserez-vo 15, quand vous savez qu'ils sont dans un besoin si pressant, entourés de deux sortes de bêtes, dont les unes vont dévorer leurs corps, pour le temps, et les autres leur âme, pour l'éternité ?... Mais enfin, ajoutez-vous, cette œuvre n'est point rigoureusement obligatoire, pour moi surtout qui ai les miennes auxquelles je tiens avant tout.-Sans doute; mais ce qui est rigoureusement obligatoire, c'est de ne point la mépriser, c'est de ne point l'attaquer, c'est de ne point refroidir le zèle de ceux qui l'accomplissent. L'esprit de Dieu souffle où il veut : « Spiritus ubi vult spirat (Joan. 111, 8); et malheur à vous, trois fois malheur, si vous l'empêchez d'aller où Dien l'envoie. Qu'arriverait-il, si l'idée que vous mettez en avant venait à prévaloir? Gardons-nous bien d'aller exercer la charité en Chine, avez-vous dit. - Gardons-nous de sortir de l'Europe, dira un autre. Ne sortons point de la France, dira un troisième. -Ni de notre département ajoutera quelqu'un ; Ni de notre canton, ni de notre ville, ni même du quartier, diront d'autres encore. Si bien qu'à la fin il en viendra un qui ne craindra pas de dire: Chacun chez soi! chacun pour soi! Or, qu'est-ce que cela, si ce n'est ce glacial égoïsme qui, se renfermant en lui-même, laisse tout périr autour de lui. Ah! plutôt, que la charité chrétienne se dilate de plus en plus, et que, sans cesser de répandre parmi nous ses bienfaits, elle les porte cependant jusqu'aux parties les plus reculées de la terre! Où en serions-nous nous-mêmes actuellement, si, au moment où les Denis, les Gatien et les autres envoyés du Saint-Siége quittaient la capitale du monde chrétien pour venir évangéliser notre pays, une voix les eût arrêtés, en leur disant aussi « Pourquoi aller évangéliser des peuples inconnus, tandis que ceux qui sont à vos côtés réclament tous vos soins? » Nous serions peut-être encore sous la domination d'une idolâtrie sanguinaire qui sacrifiait à de fausses divinités des victimes humaines; en sorte que vous-même, qui attaquez si imprudemment la charité chrétienne, ne devez peut-être qu'à sa divine influence de ne pas périr, en ce moment, sous le couteau ou dans les flammes, comme tant d'autres sont morts si malheureusement.

--

Ecoutez ce que nous disions de cette œuvre, au moment de son établissement, en rappelant les bienfaits de notre religion.

« A ce que nous avons dit sur la Propagation de la foi se lie naturellement ce que nous avons à dire sur le rachat des enfants en Chine. Cette œuvre n'est encore qu'à son berceau; mais telle est, à nos yeux, la puissance du catholicisme, que nous parlerons de ses bienfaits à venir avec la même assurauco que de ses bienfaits accomplis.

« Nous ne cesserons de le dire, c'est le catholicisme qui, par ses doctrines saintes et ses pratiques salutaires, a toujours protégé la faiblesse humaine. Voilà pourquoi, avant la naissance de Jésus-Christ, l'enfant était presque partout négligé, abandonné, mis à mort. Voilà pourquoi cette épouvantable barbarie subsiste encore dans les contrées que l'Evangile n'a point encore régénérées, et particulièrement en Chine. Ecoutons à ce sujet un écrivain anglais : Ou bien les sagesfemmes étouffent les enfants dans un bassin d'eau chaude et se font payer pour cette exécution, ou bien on les jette dans la rivière, après leur avoir lié au dos une courge vide, de sorte qu'ils flottent encore longtemps avant d'expirer. Les cris qu'ils poussent feraient frémir partout ailleurs la nature humaine; mais là, on est accoutumé à les entendre, et on n'en frémit pas. La troisième manière de s'en défaire est de les exposer dans les rues, où il passe tous les matins, surtout à Pékin, des tombereaux sur lesquels on charge ces enfants pour les jeter dans une fosse On ne les recouvre point de terre, dans l'espérance que les Mahometans en viendront tirer quelques-uns. Mais, avant que les tombereaux qui doivent les transporter à la voirie soient arrivés, très-souvent les chiens, et surtout les cochons, qui remplissent les rues dans les villes de la Chine, mangent ces enfants tout vivants. Pour la seule ville de Pékin, on assure qu'en trois ans on a compté 9,702 enfants destinés à la voirie, et cela, sans parler de ceux qui avaient été écrasés sous les pieds des chevaux ou des mulets, ni de ceux que les chiens et les cochons avaient dévorés, ni de ceux qu'on avait étouffés au sortir du sein de leur mère, ni de ceux dont les Mahometans s'étaient emparés, ni de ceux qu'on avait détruits dans les endroits où personne ne pouvait les compter....

« Je sens ma main se glacer d'effroi en transcrivant ces mots, et je m'arrêterais épouvanté, si je n'avais à parler des grandes miséricordes mises en opposition avec cette grande calamité.

« Avant de continuer, qu'on me permette une réflexion L'homme jouit, sans y penser, des bienfaits de la religion, à peu près comme son œil de la lumière du jour. Il lui arrivera même de la mépriser, de l'attaquer avec acharnement. Nous le voyons cependant, celui-là même qui l'insulte n'est redevable peut-être qu'au changement qu'elle a opéré dans les croyances et dans les mœurs de n'avoir point été jeté au milieu des rues, à sa naissance, pour devenir la proie des animaux immondes, ou bien pour être ramassé, le matin, dans un tombereau, et être porté de là dans une fosse publique avec les immondices.

« Après avoir raconté aussi les scènes d'horreur dont nous avons parlé plus haut, et que nous avons mieux aimé emprunter à une plume anglaise, pour que personne ne soit tenté de les révoquer en doute, le R. P. Mouly laisse échapper de son cœur attendri ces paroles déjà consolantes, quand on pe

se à l'écho que trouve toujours en Europe, et principalement en France, le cri de nos missionnaires: Oh! j'espère qu'un jour la Providence aura pitié de ces pauvres petits enfants, qu'elle leur procurera un cœur tendre et paternel dans un autre Vincent de Paul. Elle a su prendre soin des enfants trouvés de l'Europe; elle exercera bien un jour la même miséricorde envers ceux de la Chine : c'est un de nos vœux les plus ardents. Ce noble vœu s'accomplit en ce moment. Monseigneur l'évêque de Nancy s'est mis à la tête d'une œuvre pour le rachat des enfants abandonnés dans les pays infidèles, et particulièrement en Chine: Ces enfants, dit-il, seront baptisés el élevés avec soin dans la religion catholique. Les plus capables pourront devenir catéchistes, missionnaires; et sauvés eux-mêmes au moment où ils allaient périr, ces nouveaux Moises deviendront les sauveurs de leurs frères. Qui ne voit au premier coup d'œil les immenses résultats que cette œuvre doit avoir! Monseigneur de Nancy avait d'abord pensé qu'il serait facile de la rattacher à l'œuvre pour la propagation de la foi, mais, cette association a des charges assez pesantes pour ses forces, et n'a pas cru pouvoir s'en imposer de nouvelles. Il a donc été nécessaire d'en former une seconde, qui, quoique née de la première, en serait cependant tout à fait distincte, et la corroborerait, au lieu de l'affaiblir. Les enfants seuls, dans cette œuvre, sont associés proprement dits. Ce sont eux qui donneront la modique cotisation, soit simple, soit élevée à la proportion de leurs facultés et de leur générosité, et, s'ils sont trop jeunes pour le faire eux-mêmes, d'autres, je suppose, le feront à leur place. Tous ceux qui viendront à leur aide, par des prières et des aumônes, n'auront que le tiire d'agrégés.

« Or, comprenez-vous combien sera puissant, pour fléchir le ciel, ce concert de prières sorties de tant de cœurs innocents? Comprenez-vous combien sera agréable à Dieu cette obole donnée par un enfant en faveur d'un autre enfant ? Et puis, voyez-vous com me ces enfants seront de boune heure préparés aux œuvres de charité, et particulièrement à l'œuvre pour la propagation de la foi? Ces pauvres petits protégés dont ils auront été occupés dès l'âge le plus tendre, ils les aimeront comme des frères, comme des enfants; et, dans un âge plus avancé, ils pourront se dévouer à leur bonheur. Devenus plus tard missionnaires, savants, marins, soldats, exilés même, (car qui peut prévoir l'avenir?) ils verront peut-être, de leurs propres yeux, ceux que leur imagination active leur aura si souvent représentés ; et Jà, en entendant prononcer ces mêmes noms qu'ils auront entendu prononcer si souvent en Europe, ils se croiront encore au sein de la patrie. Charité chrétienne! combien tes œuvres sont admirables! tu nous fais aimer comme nos frères tous ceux qui nous environnent; et tu nous unis par des liens invi

sibles à ceux mêmes dont nous avaient sé parés d'immenses régions, étendant sans fin, pendant l'exil, le cercle des jouissances d notre cœur, jusqu'à ce que tu nous aies tous recueillis dans le sein de Dieu, où les âmes se pénètrent mutuellement et se confondent comme la goutte d'eau dans l'immensité des

mers.

« Nous en avons encore la ferme persuasion, l'œuvre pour le rachat des enfants infidèles tirera de notre patrie ses principales ressources. Au lieu de nous en plaindre, nous ne pouvons que nous en féliciter. Nous semblions jaloux de voir les Anglais pénétrer en Chine. Ils ont obligé, les armes à la main, ce malheureux pays à recevoir un poison qui tue l'homme le plus robuste. Eh bien! ne sera-t-il pas plus glorieux pour nous de lui porter, avec des paroles de paix, le don précieux de la foi qui rappellera à la vie tant d'êtres débiles, dé à près du tombeau? Le sang de nos soldats a coulé dans un assez grand nombre de contrées, sans qu'il rougisse encore une terre si souvent arrosée du sang de nos martyrs. Enfants de la France, c'est là votre œuvre. Croisez-vous spirituellement, et élevés, jeunes encore, sur les deux ailes de la foi et de la charité, allez à la conquête du tombeau de l'humanité, comme d'autres enfants de France s'étaient croisés aussi pour aller conquérir le tombeau de leur Dieu. Plus heureux que vos prédécesseurs, vous réussirez. Et vous, mères chrétiennes, encouragez, aidez vous-mêmes vos faibles enfants à cette noble conquête. Vous les autorisez souvent à de grandes dépenses pour orner ces figures inanimées, sorties de la main des hommes, et qui sont brisées dans un instant. Ne pourriez-vous pas les élever quelquefois à de plus hautes pensées? Dites-leur donc que, dans des pays idolâtres, la créature de Dieu même, celle qu'il a formée à son image, est abandonnée, foulée aux pieds, dévorée par les bêtes; et pour recueillir ces pauvres petites créatures, pour les nourrir, les vêtir, les élever au ciel, on ne leur demande qu'une faible partie de ce qui est destiné à satisfaire leurs caprices. C'est aussi sur la coopération des mères chrétiennes que semble le plus compter le fondateur de cette œuvre. Appliquant ici la pensée de ce Vincent de Paul sur les traces duquel il se propose de marcher : « Les voici, leur dit-il, oui, les voici, ces pauvres petits enfants dont nous vous demandons de devenir les mères! Voyez-les malgré la distance, voyez-les élevant, étendant vers vous leurs petites mains suppliantes... Ils mourront, privés à jamais de voir Dieu, si vous les abandonnez... Ils mourront par centaines de milliers, étouffés, noyés, écrasés, dévorés par les chiens et les pourceaux!... Ils vivront, au contraire, si vous les adoptez, si, par une légère aumône soigneusement recueillie, vous leur créez un trésor de rachat et d'éternel bonheur...» (Bienfaits du catholicisme.)

SAINTS.

Objections. Le proverbe le dit positivement: Il vaut mieux s'adresser à Dieu qu'à ses saints. Pourquoi leur rendre tant d'honneurs? Ils sont des hommes comme nous, ils ont été aussi pécheurs et peut-être encore plus pécheurs que nous.

[ocr errors]

Réponse. Nous répondons, à notre article sur la sainte Vierge, aux principales difficultés qu'on peut élever relativement au culte des saints: ce n'est pas la même chose, mais c'est le même principe. Dès lors, en effet, que le Seigneur permet et veut que nous rendions à sa divine Mère un culte proportionné à son mérite et à sa dignité, il doit permettre et vouloir également que nous rendions aux saints, qui ont été ses amis sur la terre, et qu'il a associés à sa gloire et à son bonheur dans l'autre vie, un culte proportionné également à leur mérite et à leur dignité. Nous nous contenterons donc de donner ici quelques explications qui les concernent plus particulièrement.

Le proverbe le dit positivement, objectez vous: Il vaut mieux s'adresser à Dieu qu'à ses saints.

Aussi est-ce ce que nous faisons. Voyez toutes les prières que l'Eglise nous recommande d'adreser au Ciel. Ne s'adressent-elles pas à Dieu avant tout? Je suis bien convaincu qu'il n'y en a pas un parmi nous qui, avant detourner sa pensée vers les saints, n'ait commencé par la tourner vers Dieu luimême. Que dis-je? Mais, quand nous nous adressons aux saints, à la sainte Vierge ellemême, n'est-ce pas encore à Dieu que nous nous adressons? Rappelez-vous bien ce que nous leur disons: Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous!... Saint Jean-Baptiste, priez pour nous... Saint Pierre, Saint Paul, priez pour nous!... Tous les saints et toutes les saintes intercédez pour nous !... Priez pour nous, qui donc ? Dieu Intercédez pour nous, auprès de qui? Auprès de Dieu. Donc, au moment même où nous nous adressons aux saints, c'est à Dieu lui-même que nous nous adressons. Donc, bien loin de rien retrancher à l'honneur qui est dû à Dieu, comme au Créateur et au souverain Maître de toutes choses, le culte que nous rendons aux saints ne fait qu'y ajouter au contraire, puisque par là nous associons toute la cour céleste à l'acte de respect, de soumission et d'amour que nous accomplissons à l'égard de celui qui est le Roi du ciel et de la terre.

Il faut que ceux qui attaquent le culte des saints comme contraire au culte qui est dû à Dieu soient aveugles ou de mauvaise foi. Pourquoi, en effet, ai-je fléchi le genou devant un saint quelconque, si ce n'est pour l'inviter à le fléchir avec moi devant celui à qui appartient tout honneur, et qui est l'unique source de tous les biens. D'où il suit évidemment que la gloire de Dieu, au lieu d'être affaiblie par là, n'en est que rehaussée.

Mais, me direz-vous, pourquoi ne pas s'adresser à Dieu directement ?

Nous le faisons, je vous l'ai dit, et c'est ce que nous faisons le plus ordinairement. Pourquoi ne pas le faire toujours ?

Je viens de vous en donner la raison principale, c'est afin de rehausser par là le culte que nous rendons à Dieu, en y associant la cour céleste.

Il y en a d'autres qui concernent les saints et qui nous concernent nous-mêmes.

Nous le faisons pour les saints, afin de leur rendre l'honneur qui leur est dû comme étant les amis de Dieu. Ils ont combattu sur la terre; ils ont été méconnus, humiliés, calomniés il importe donc que cette même terre reconnaisse leur gloire et y applau disse.

Nous le faisons encore pour nous-mêmes. Nous n'osons nous adresser à Dieu; nous craignons de ne point être exaucés, à cause de nos mauvaises dispositions. Tout naturellement alors nous nous tournons vers ses saints, et nous leur disons: Priez avec nous et pour nous, vous qui êtes les amis de Dieu, afin que notre prière soit mieux accueillie!

N'est-ce pas ce qui s'est toujours fait et ce qui se fait encore chaque jour sur la terre, non-seulement dans l'ordre de la grâce, mais encore dans l'ordre de la nature?

Si les saints qui triomphent dans le ciel étaient encore sur la terre, manifestant par des miracles, et mieux encore par la sainteté de leur vie, le crédit que Dieu donne aux siens auprès de sa souveraine majesté, avec quel empressement nous nous porterions vers eux! Nous traverserions les mers; nous irions au bout du monde, si cela était nécessaire; nous nous prosternerions à leurs pieds; nous baiserions leurs haillons, à travers lesquels il nous semblerait voir percer tout l'éclat de leurs vertus, et nous lear dirions: Saint Pierre, saint Paul, saint Martin, priez pour nous, qui sommes pécheurs!... Quoi après que leur épreuve est terminée sur la terre, que leur triomphe est assuré dans le ciel, vous voulez qu'ils ne jouissent pas du même crédit auprès de Dieu? Nous ne nous tournerions pas vers eux avec le même empressement? Nous n'aurions pas la même facilité d'en être écoutés? C'est absurde. Vous nous accusez de rabaisser la gloire de Dien: c'est vous, plutôt, et vous seuls, qui la rabaissez! Il y a toujours sur la terre des hommes d'une vertu éminente, que nous supposons encore avoir beaucoup de crédit auprès de Dieu, quoiqu'ils ne se soient pas élevés au même degré de sainteté que ceux dont nous venons de parler. N'employons-nous pas aussi quelquefois leur intercession? Ne leur disons-nous pas avec confiance Priez pour nous, qui sommes pécheurs! Et nous ne pourrions pas en agir de la sorte à l'égard de ceux que Dieu a rendus participants de son bonheur et de sa gloire?

:

Cet appui d'une puissance inférieure auprès d'une puissance supérieure, nous le voyons implorer, nous l'implorons nousmêmes à chaque instant, non- seulement dans l'ordre de la grâce, mais encore, comme nous l'avons dit, dans l'ordre de la nature. Vous avez une faveur à demander au chef d'un Etat, vous vous faites appuyer par l'un de ses ministres; c'est au préfet, vous vous faites appuyer par l'un de ses conseillers; c'est à un père de famille, vous vous faites appuyer par un enfant bien-aimé... La dignité du père, du préfet, du chef suprême, en est-elle rabaissée pour cela? Au contraire. Il en est de même de l'intercession des saints auprès de Dieu.

Pourquoi leur rendre tant d'honneurs? avez-vous dit encore. Ils sont des hommes comme nous; ils ont été aussi pécheurs, et peut-être encore plus pécheurs que nous.

Pourquoi leur rendre tant d'honneurs? Je viens de vous le dire parce qu'ils sont les amis de Dieu, et que tout l'honneur que nous leur rendons plaît à Dieu, et tourne de toute manière à sa gloire.

Ils sont des hommes comme nous!... Par nature, oui; sous les autres rapports, non. Non, ils ne sont plus des hommes comme nous, car ils sont au ciel et nous sur la terre. Il est donc tout naturel que nous élevions la voix vers eux, afin qu'ils nous tendent la main et qu'ils nous aident, avec la grâce de Dieu, à arriver comme eux au port du salut.

Ils ont été aussi pécheurs, et peut-être encore plus pécheurs que nous.

C'est possible; mais ils ont cessé de l'être. Que dis-je? leur élévation a été d'autant plus grande ensuite que leur abaissement a été plus profond. La conviction de leurs fautes. était comme un aiguillon qui les animait à la sainteté. Voilà pourquoi tout leur a été pardonné; voilà pourquoi ils sont rentrés en grâce auprès de Dieu, et en ont même obtenu des faveurs dont ils ne jouissaient point auparavant.

Cela est juste en soi, et se retrouve d'ailleurs partout.

C'est juste en soi, puisque l'homme n'est estimable que par ses dispositions présentes, que son passé, bien différent quelque

fois, ne fait que mieux ressortir par le

contraste.

Cela se retrouve partout, avons-nous dit encore, non-seulement dans la religion, mais encore dans l'Etat, dans la famille, dans les rapports les plus ordinaires de la vie.

Dans la religion, je vois un David, un Pierre, un Paul, un Augustin, comblés de toutes les faveurs célestes, malgré leurs infidélités passées.

Dans l'Etat, je vois un Condé et un Turenne effacer par d'éclatants services l'oubli de leurs devoirs dans un jour d'entraînement.

Dans la famille, je vois l'enfant prodigue recouvrer toute l'affection de son père, malgré ses longs et profonds égarements.

Dans les rapports les plus ordinaires de la vie, c'est à vous-mêmes que j'en appelle. Si vous avez un ami qui vous donne des marques du plus sincère attachement, ne le préférerez vous pas mille fois, quoiqu'il vous ait un instant oublié, je suppose, à d'autres qui ne vous auraient point oublié de même, mais qui n'ont point non plus pour vous le même attachement? Sous ce rapport, l'amour des créatures est comme celui du Créateur. C'est un feu qui purifie les âmes des taches qu'elles ont contractées, et les rend encore plus belles quelquefois qu'elles n'étaient auparavant.

Ils sont aussi pécheurs, et peut-être encore plus pécheurs que nous, avez-vous dit.

Mais ne voyez-vous pas qu'il y a là un nouvel effet de la miséricorde de Dieu à notre égard? Si, en portant les yeux au ciel, nous n'y voyions que la perfection, nous les en détournerions effrayés, et nous ne pourrions guère concevoir l'espérance d'y être un jour reçus nous-mêmes; mais quand, après avoir contemplé la divine Majesté, nous apercevons à ses côtés des hommes qui ont été faibles comme nous, malheureux comme nous, pécheurs comme nous, et peut-être encore plus que nous, et qui, par cela même, semblent nous dire à tous : « Nous avons été ce que vous êtes, tâchez de devenir ce que nous sommes, nous nous sentons immédiatement consolés, ranimés, capables de faire ce que nous n'aurions jamais fait, si ce touchant spectacle n'eût frappé nos regards.

SAVANTS ET GENS D'ESPRIT INCREDULES.

[blocks in formation]

jours; et il se sert même quelquefois de cette autorité mal appliquée, ou plutôt d'une ombre trompeuse de cette autorité pour combattre la religion.

Et Voltaire, et Rousseau, nous dit-on quelquefois, et tant d'autres savants et gens l'esprit qui ne sont point pour la religion!

Vous ne dites pas tout. Ce que vous devriez ajouter pour être complet, c'est que ceux dont vous parlez ont combattu et combattent encore la religion de toutes leurs forces. Voltaire, que vous citez le premier et avec raison, car il fut le plus grand ennemi de la religion, Voltaire l'a combattue avec

« ZurückWeiter »