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du prêtre auquel ne saurait porter atteinte ce qu'il reçoit à l'ocasion de son ministère, pour lui-même, pour son église et pour les pauvres. Nous renvoyons donc le lecteur aux articles où sont développées ces deux idées, ne voulant parler en ce moment que de ce qui regarde tout particulièrement les services funèbres.

La mort est une grande peine sans doute, mais c'est aussi un salutaire enseignement. De là deux dangers à éviter à l'occasion de la mort une douleur trop profonde, un oubli trop rapide. Or, ce sont précisément ces deux dangers que l'Eglise se propose de faire éviter à ses enfants par ses Offices funèbres, tels qu'ils sont aujourd'hui établis. Les premiers tempèrent la douleur dans les âmes où elle est trop vive, tout en la faisant naître dans celles où elle n'est pas telle qu'elle doit être les derniers la réveillent dans les ames où elle a disparu, tout en y apportant de célestes consolations, Qui ne comprend cela ? qui ne l'a éprouvé quelquefois en soi

même ou dans les siens ?

Un père vient de mourir. C'était l'honneur, la consolation et l'appui d'une nombreuse famille. Aussi quelle désolation dans la maison! La femme voudrait l'accompagner au tombeau; les enfants sont tous frappés comme d'un coup de foudre. Mais suivez le con voi, assistez au service célébré sur le corps même du défunt, comme on dit communément, c'est-à-dire en sa présence; accompagnez le cortége funèbre jusqu'au lieu où reposent nos dépouilles mortelles: ne remarquez-vous pas comme la religion, tout en éveillant dans les étrangers les sentiments d'une sympathique douleur, amortit cette même douleur dans les cœurs les plus affectés? Ce double effet, elle le produit tout naturellement par ses cérémonies, ses signes. ses emblèmes et surtout par ses paroles dites ou chantées d'un ton touchant et lamentable: Ayez pitié de moi, Seigneur, selon l'étendue de vos miséricordes ! s'écrie la religion au nom de celui qui n'est plus : Miserere mei, Deus, secundum magnam misericordiam tuam. (Psal. L, 1.) Du plus profond de l'abîme j'ai crié vers vous, Seigneur ; Seigneur, exaucez ma voix, dit-elle encore : De profundis clamavi ad te, Domine; Domine, exaudi vocem meam. (Psal. cxxix, 1.) Et à la fin de l'Office: Délivrez-moi, Seigneur, des ennemis qui me poursuivent, ne cesse-t-elle de répéter; que le gouffre ne m'engloutisse pas et ne se referme pas sur moi : « Libera me, Domine, ab iis qui oderunt me: non absorbeat me profundum, neque urgeat super me puteus os suum.» (Psal. LXVIII, 15.16.) Tout est terminé à l'église; le cortége est en marche pour se rendre au lieu où dorment les morts dans la poussière de la terre Ceux qui dorment ici s'éveilleront tous, chante alors la religion, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l'opprobre: « Qui dormiunt in terræ pulvere, evigilabunt, alii in vitam æternam, et alii in opprobrium. » (Dan. xII, 2.) Je défie l'homme le plus insensible, le plus dur même, d'assister de sang-froid, mais aussi

sans une douce consolation, à une telle ccrémonie. Il descend alors dans toutes les âmes, les unes anéanties par la douleur, les autres indifférentes peut-être, je ne sais quelle rosée qui les pénètre, les émeut, en fait sortir la consolation, l'espérance, de saintes pensées, et enfin toutes sortes de bonnes œuvres.

Il y a un an, je suppose, que s'est accompli le triste événement dont je viens de parler. La grande et commune douleur qui en avait été la suite a complétement disparu : nous avons tant de causes de distraction sur la terre, et notre cœur d'ailleurs est naturellement si oublieux qu'il ne faut pas trop s'en étonner ! C'est le jour du service anniversaire, de ce service dont vous ne comprenez pas l'utilité, et que vous avez peut-être tourné en ridicule dans d'autres circonstances. Tout ce qui a eu lieu le jour de l'enterrement est à peu près renouvelé: c'est le même cortége funèbre, la même cérémonie à l'église, le même catafalque, moins le cadavre, et le vide peint encore mieux la mort,-ce sont les mêmes chants, les mêmes prières, et peut-être aussi la même visite au cimetière: Ceux qui dorment ici s'éveilleront, les uns pour la vie éternelle et les autres pour l'opprobre, ont entendu et se répètent intérieurement les assistants : Qui dormiunt in terræ pulvere evigilabunt, alii in vitam æternam, et alii in opprobrium. (Dan. xn, 2.) Cette idée est revenue fort à propos; car l'homme de bien était oublié, et, avec son souvenir, disparaissait, de plus en plus, chaque jour, le souvenir de son enseignement et de sa vertu.

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Le même Office se répétera peut-être d'autres fois encore, et produira toujours, sinon le même effet, du moins un effet approchant.

S'il n'est plus renouvelé désormais, en particulier, il l'est du moins, chaque année, d'une manière générale, à la commémoration de tous les fidèles trépassés. C'est vers la fin de l'année, à cette époque où tout semble mourir dans la nature, et dispose les âmes aux pensées graves et religieuses. Voyez-vous chaque paroisse s'avancer au cimetière, ayant en tête la croix, signe de souffrance en cette vie et d'espérance pour la vie future: Oui, nous ressusciterons tous, chante le prêtre, et répètent après lui les fidèles, mais nous ne serons pas tous changés. Les uns s'éveilleront pour la vie éternelle, et les autres pour l'opprobre: « Omnes quidem resurgemur, sed non omnes immutabimur. » (1.Cor. xv, 51.) -Evigilabunt alii in vitam æternam, et ali in opprobrium.- Quel Office done! c'est le mot; quel service véritable, non-seulement pour les morts, mais encore pour les vivants ! 'Il est impossible d'y assister avec un peu d'attention, sans en revenir, si non complétement changé, du moins meilleur.

Et les pauvres! me direz-vous.

Mais ce sont eux que je vois arriver les premiers à cet Office célébré, chaque année, pour tous les morts. Je les vois encore assister, au service particulier où ils ne man

quent guère de recevoir l'aumône: Heureux si, avec le pain qui nourrit le corps, ils recueillent, en mênie temps, le pain de l'âme! Quant aux cérémonies funèbres qui les concernent eux-mêmes, elles sont, il est vrai, d'une grande simplicité, mais elles ne sont pour cela ni moins touchantes, ni moins efficaces. Un prêtre précédé d'un enfant portant l'image du Dieu de la crèche et du Calvaire : voilà souvent tout le cortége Mais s'il a moins d'intercesseurs, il en a moins besoin aussi généralement, il faut en con

venir. Ses privations et ses souffrances, endurées avec résignation, se joignent, en ce moment, aux prières du prêtre et leur donnent plus d'efficacité. Le Dieu pauvre est tout disposé à écouter le simple cri de miséricorde qui s'élève vers lui en faveur de l'homme pauvre qui a marché sur ses traces, et c'est à lui plutôt qu'aux autres qu'il adressera ces consolantes paroles: Aujourd'hui même, vous serez avec moi dans mon paradis : « Hodie mecum eris in paradiso. XXIII, 43.)

SIGNE DE CROIX.

Objection. Quelle petitesse! parlez de cela aux enfants, mais, de grâce, n'en parlez point aux grandes personnes, et surtout aux personnes instruites.

Réponse. De la petitesse? Quoi! Le signe de la croix? Dites plutôt que c'est un de ces traits sublimes qui abondent dans notre religion, et que le regard superficiel ou inattentif ne sait pas toujours apercevoir.

Le signe de la croix est cependant bien remarquable.

Il est de tous les pays, de toutes les conditions, de tous les âges, sans aucune exception. L'enfant qui commence sa carrière le forme sur lui avec amour, pour demander les bénédictions du Seigneur, à son entrée dans la vie, et le vieillard qui la termine le forme avec le même amour, pour demander encore les bénédictions célestes, au seuil si redoutable de l'éternité.

Le signe de la croix! mais c'est plus qu'un igne, c'est une doctrine, et quelle doctrine! la doctrine chrétienne, en abrégé du moins. En effet, où est contenue la doctrine chrétienne? Dans le Symbole des apôtres. Or, le signe de la croix est le diminutif du Symbole des apôtres. Voilà pourquoi ils ont l'un et l'autre le même nom; car symbole est un mot grec qui veut dire marque ou signe. Quant aux mots qui viennent après, à savoir des apôtres et du Chrétien, c'est encore tout un, comme chacun doit le comprendre. Si des mots nous passons aux idées, nous arrivons à la même conclusion. Voyez plutôt: quand je forme le signe de la croix, je prononce où je suis. censé prononcer ces mots: Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Or, qu'est-ce que cela, si ce n'est faire profession du mystère de la sainte Trinité, le fondement de tous les autres. En formant la croix sur moi, je reconnais que JésusChrist a souffert et est mort sur cette croix de la mort la plus ignominieuse et la plus cruelle, de la mort des esclaves, pour nous racheter tous de l'esclavage du péché. D'où il suit que je proclame encore par là, en action du moins, le mystère de la Rédemption. Mais le mystère de la Rédemption suppose nécessairement celui de l'Incarnation; puisque Jésus-Christ ne pouvait souffrir et mourir que comme homme, c'est-à-dire, après s'être incarné. Donc le signe de la croix est encore la proclamation du mystère

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(Luc.

de l'Incarnation, et par conséquent des trois principaux mystères que nous devons tous reconnaître pour être sauvés, de ces mystères qui sont l'essence même du Symbole des apôtres. J'ai donc eu raison de dire que le signe de la croix est un diminutif du Symbole des apôtres, et, en abrégé, toute la doctrine chrétienne.

Le signe de la croix, c'est plus qu'un signe et une doctrine, c'est un acte, et quel acte! C'est la pratique, en abrégé aussi et par le désir, de cette même doctrine chrétienne qu'il nous enseigne d'une manière si merveilleuse.

Quand je forme sur moi le signe de la croix, je fais un acte de foi, comme je viens de le montrer tout à l'heure; puisque je déclare par là que je crois en ce Dieu a tant fait pour nous, et que je crois également aux autres vérités qu'il est venu luimême nous enseigner sur la terre.

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Quand je forme le signe de la croix, je fais aussi un acte d'amour; je montre, en effet, que je suis attaché, dans tout mon être, à ce Dieu qui a bien voulu me racheter par ses souffrances.

Quand je forme le signe de la croix, je fais encore un acte d'espérance; puisque, comme le chante l'Eglise, c'est dans la croix qu'est toute notre espérance:

O crux, ave, spes unica.

Que vous dirai-je enfin? Quand je fais le signe de la croix, je reconnais que je dois unir mes souffrances à celles de Jésus-Christ, que j'ai aussi ma croix à porter, que cette croix doit être avec celle de Jésus sur mon cœur, que je dois l'aimer, l'embrasser, vivre et mourir dans ses bras... Or, qu'est-ce que cela, si ce n'est le christianisme, par le désir du moins?

Mais, me direz-vous, tout le monde ne voit pas dans le signe de la croix ce que vous y voyez.

Sans doute, je l'ai déjà dit, fe regard inattentif ou superficiel. J'ajouterai ici: le regard aveuglé par les préjugés ou les passions, comme est le vôtre peut-être.

Et le regard de l'enfant? objectez-vous. Oui, encore de l'enfant, quoique pourtant le signe de la croix ne soit point pour lui un acte sans valeur. N'est-ce pas par là surtout qu'il doit se faire une idée de ce bon Dieu qui l'a créé, de ce bon Jésus qui

l'a racheté, de cet Esprit d'amour qui doit le sanctifier?.. Mais ce ne sont là encore que des germes de foi qui se développeront peu à peu avec son intelligence.

Ne dites donc point que le signe de la croix est un acte petit, bon tout au plus pour les enfants et les ignorants. Il est de tous les ages et de toutes les conditions, vous ai-je déjà dit, il est à la hauteur des intelligences les plus élevées, ou plutôt il n'est point d'intelligence créée, quelque élevée qu'elle soit, qui puisse se trouver à sa hauteur; car c'est le signe de la croix même de Notre-Seigneur Jésus-Christ, c'est-à-dire de la croix d'un Dieu.

Un acte petit! Mais avez-vous oublié que c'est après l'avoir formé sur eux-mêmes, après en avoir marqué leurs fronts élevés, qui semblent encore aujourd'hui dominer le monde, quoique depuis longtemps réduits en poussière, que les Chrysostome, les Ambroise, les Augustin, prononçaient ces discours qui faisaient alors tant d'impression sur les fidèles, et qui sont encore pour toute l'Eglise une source inépuisable de consolations et de lumières? Avez-vous oublié que c'est après l'avoir également formé sur lui, après en avoir marqué aussi son front de génie que Bossuet prononçait ces discours qui sont le chef-d'œuvre de notre langue, je pourrais dire peut-être de la langue des hommes.

SOCIETES

Objection. Nos sociétés secrètes sur lesquelles vous jetez l'anathème ont cependant bien des traits de ressemblance avec vos sociétés religieuses. Dans les unes comme dans les autres, les associés se soutiennent réciproquement et jurent une obéissance aveugle à leurs chefs.

Réponse. Il est possible que vos sociétés secrètes aient avec nos sociétés religieuses quelques traits de ressemblance; mais qu'est-ce que cela prouve? Le plus grand scélérat n'en a-t-il pas quelquefois avec le plus honnête homme du monde ? Ce qui est incontestable toutefois, c'est qu'elles s'en éloignent encore plus qu'elles ne s'en rapprochent. Vous ne l'ignorez pas plus que moi. Voulez-vous que je vous le rappelle ici en peu de mots? La chose est facile.

le pro

Les fondateurs de nos sociétés religieuses ont tous été des hommes d'une doctrine éminente, d'une vertu plus éminente encore, qui se sont montrés disposés à tout sacrifier, à se sacrifier eux-mêmes, pour mieux accomplir le grand précepte de la charité envers Dieu et envers chain, précepte qui contient toute la loi et les prophètes, comme dit Jésus-Christ. Les fondateurs de vos sociétés secrètes, au contraire, sont, pour la plupart, des gens perdus de dettes et de débauches, qui ne courent, ici-bas, qu'après la satisfaction de leurs passions, et qui, se trouvant un jour à bout de ressources, se disent en eux-mêmes :

Et ce n'est pas dans l'Eglise seulement que le signe de la croix a une telle valeur. J'en citerai un exemple entre mille que je pourrais également apporter.

Bien peu ignorent les détails de la mort. si chrétienne du ministre de la justice, Abatucci. Il fut saisi tout à coup, au milieu des occupations de sa laborieuse carrière, par une maladie cruelle qui le conduisit rapidement au tombeau. Il avait reçu à plusieurs reprises déjà les consolations de la religion. Comme il était à ses derniers moments, le ministre de la religion appelait sur lui, au nom de Jésus-Christ, les miséricordes de celui qui juge les justices mêmes. Un tel spectacle est toujours saisissant, mais les circonstances dans lesquelles on se trouvait ajoutaient encore à l'émotion ordinaire. Chacun fondait en larmes et priait avec ferveur. Lui cependant était déjà sans parole, et peutêtre un peu sans connaissance; mais quand il vit le ministre de la religion élever la main sur lui pour le bénir, il fit très-distinctement le signe de la croix. Il y eut alors comme un éclair de joie céleste qui passa sur tous les visages, et éclaircit un instant les fronts assombris par la plus profonde douleur.

Puisse cet acte, en tout temps si expressif mais plus encore à cette heure, avoir été véritablement le signe des grandes espérances qu'il fit concevoir!

SECRÈTES

Agitons la société, et peut-être qu'à la suite des bouleversements que nous allons produire, nous nous trouverons dans une situation meilleure! Les fondateurs de nos sociétés religieuses ont tous cherché leurs inspirations devant les autels du Seigneur, au pied du crucifix, dans le recueillement, la méditation et la prière. Leurs règles établies, ils les ont soumises à l'approbation de l'autorité, corrigeant, ajoutant, supprimant, selon les conseils qui leur étaient donnés, disposés même à tout rejeter, si rien n'était approuvé. Les fondateurs de vos sociétés secrètes n'ont guère cherché d'inspiration qu'au fond d'une bouteille ou dans l'orgie. Leurs règles établies, ils les ont dérobées à la connaissance de tous, mais de ceux prineipalement qui ont en main l'autorité, et je ne sais même s'ils ne s'efforcent pas encore de les déguiser aux yeux de leur propre conscience, ce juge secret que Dieu ne refuse pas toujours à ceux qui se sont le plus éloignés de lui. Les chefs de nos sociétés religieuses n'appellent et ne retiennent auprès d'eux que des hommes qui leur ressemblent, je veux dire qui sont aussi embrasés du plus grand zèle pour la gloire de Dieu et le bonheur du prochain. Les chefs de vos sociétés secrètes n'appellent et n'admettent auprès d'eux que des hommes qui leur ressemblent, je veux dire qui se faisant le centre de tout, sont prêts à sacrifier à leurs propres jouissances les intérêts les plus sacrés de la société religieuse et de la so

ciété civile. Les sociétés religieuses ne perdent jamais de vue l'exact acocmplissement de la loi chrétienne; elles vont même au delà et s'efforcent toutes d'accomplir les conseils évangéliques, Les sociétés secrètes marchent à leur but per fas et nefas, comme on dit communément, en foulant aux pieds toute loi et toute morale. Aussi les unes formentelles de bons Chrétiens et même des saints quelquefois; tandis que les autres ne forment guère que des perturbateurs et, à l'occasion, des assassins.

Tout ce que je viens de dire est à peu près de notoriété publique; et je pense que vous me passerez tout vous-même, si ce n'est peut-être l'expression. Demandez au plus petit enfant que vous rencontrerez au milieu des places publiques ce que c'est qu'un religieux, il vous répondra, sinon quant aux mots, du moins quant à l'idée, que c'est un parfait Chrétien, un homme d'ordre et de paix, tout disposé à se dévouer au bonheur de ses semblables. Demandez lui ensuite ce que c'est qu'un membre d'une de ces socié tés secrètes sur lesquelles nous jetons l'anathène, de la Marianne, par exemple, et il vous répondra également que c'est un homme de sac et de corde, comme on dit vulgairement, qui ne rêve que meurtre et pillage, non pas dans quelques maisons seulement, mais dans la France entière, dans toute l'Europe. Cela reconnu, je vous le demanderai actuellement, est-il possible de trouver nulle part plus de différence qu'il n'y en a entre nos sociétés religieuses et vos sociétés secrètes? Y en a-t-il davantage entre le jour et la nuit? La comparaison me paraît venir ici fort à propos; car dans les unes est le grand jour à la lumière duquel se fait partout le bien, dans les autres sont les ténèbres au milieu desquelles se fait plus facilelement le mal. Qui male agit odit lucem. (Joan. II, 20.) Les unes sont comme des armées de l'ordre toujours disposées à mourir pour Dieu et l'humanité, pour la religion et la patrie, les autres sont des armées du désordre qui minent secrètement la société et la feraient sauter un jour, si rien ne s'opposait à l'exécution de leur dessein.

Apres cela, que me parlez-vous de quelques traits de ressemblance qui se trouvent, dites-vous, entre vos sociétés secrètes et nos sociétés religieuses? C'est, tout au plus, un peu de lumière qui se perd dans l'obscurité du tableau, ou n'en fait que mieux ressortir la laideur.-Les associés se soutiennent réciproquement, affirmez-vous.-Les bandes de voleurs, qui sont également des sociétés secrètes, non approuvées aussi, et même fort désapprouvées (pardon de ce rapprochement), n'en font-elles pas autant? Ne voiton pas là s'accomplir quelquefois des actes d'impartialité, de justice et même de générosité qui n'étonnent que ceux qui ne veulent pas comprendre que l'homme retrouve encore son penchant au bien jusque dans ses plus grands désordres.

Vous nous parlez d'obéissance aveugle.

Mais elle est contre vous. Est-il bon, est-il permis de se remettre aveuglément entre les mains de ceux sur les lumières et la moralité desquels rien ne nous rassure, et de leur dire « Je jure par tout ce qu'il y a de plus sacré de faire ce que vous me comman. derez, fût-ce de plonger le fer dans le sein de mes semblables? » Voyez-vous rien qui approche de cela dans nos sociétés religieuses? On y parle aussi d'obéissance aveugle; mais quelle différence! Le supérieur entre les mains duquel on se remet est un homme aussi pieux qu'éclairé. C'est comme une nouvelle conscience qui vient corroborer la nôtre, au lieu de la détruire. Il y a de plus au-dessus de son autorité une autorité supérieure qui la contrôle, ne fût-ce que celle du Souverain Pontife. Malgré tout cela, la conscience du religieux ne s'est point annibilée ni endormie. Elle n'a pas perdu de vue, un seul instant, Dieu et sa loi. Ainsi, supposez le chef d'ordre le mieux obéi; le général des Jésuites, par exemple, venant dire à l'un de ceux qui lui auront promis d'être entre ses mains comme un cadavre perinde ac cadaver, tant doit être aveugle leur obéissance: «Vous allez m'assassiner tel roi, tel mendiant même ou tel esclave! » Vous verrez le cadavre se ranimer, et s'écrier avec toute l'énergie de l'indignation: Non! je ne vous obéirai pas, car Dieu défend ce que vous commandez, et il vaut mieux ohéir à Dieu qu'aux hommes : « Obedire oportet Deo magis quam hominibus. » (Act. v, 29.)

Vous me direz peut-être que les sociétés secrètes ne sont pas toutes comme je viens de les peindre.

Sans doute; mais il est bien difficile qu'elles n'aient pas quelque chose de mauvais dans le but qu'elles se proposent d'atteindre; autrement, pourquoi ce secret impénétrable? Qui male agit odit lucem, avons-nous dit déjà. Etes-vous sur du contraire, cependant ? Avez-vous tout vu, tout compris? Ne vous faites-vous point illusion à vous-même? En ce cas, je ne condamnerai point la société dont vous parlez, à moins qu'elle ne l'ait été par l'autorité légitime, à laquelle nous devons tous obéissance.

Vous parlez de nos sociétés religieuses, de celle de Jésus peut-être en particulier. Rappelez-vous ce qui s'est passé après plus de deux siècles d'une sainte et glorieuse existence, la société fut supprimée par celni à qui Jésus-Christ a dit: Paissez, mes brebis, aussi bien que mes agneaux (Joan. xxi, 15 seq.) Elle obéit aussitôt avec la plus parfaite soumission, comme un simple individu, comme un Jésuite, c'est le cas de le dire Perinde ac cadaver. Et nous ne l'avons vue se ranimer, pour continuer, sous nos yeux, sa sainte et glorieuse existence, que quand elle fut rétablie par la même autorité qui l'avait établie d'abord, puis supprimée.

Que vos sociétés secrètes en fassent partout autant, et elles auront un peu plus de droits de se comparer à nos sociétés religieuses.

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SOEUR DE CHARITÉ

Objections. La sœur de Charité, que vous représentez comme le chef-d'œuvre du catholicisme, mérite-t-elle tous les éloges qu'on lui donne? Dédommage-t-elle bien la société, par les services qu'elle lui rend, dans cette position exceptionnelle, du tort qu'elle lui fait, d'un autre côté, en la privant d'une bonne mère de famille? Est-ce d'ailleurs à la religion catholique qu'on la doit? et ne trouvet-on pas son équivalent, dans les autres religions, notamment dans le protestantisme?

-

Réponse. Il n'a jamais été dit par personne, faisant autorité dans la religion, que la sœur de Charité fût le chef-d'œuvre du catholicisme, à moins que ce ne soit dans un de ces moments d'enthousiasme où l'admiration se sert d'expressions figurées dont chacun connaît au juste la valeur. N'est-ce pas au catholicisme que nous devons le prêtre, ministre de Dieu, l'évêque, successeur des apôtres, le Souverain Pontife, représentant de Jésus-Christ sur la terre? On ne pourrait donc pas dire que la sœur de Charité est le chef-d'œuvre du chatholicisme. Ce qui a été dit et répété mille fois, ce que nous affirmons tous avec confiance, c'est qu'elle est réellement un des bienfaits les plus grands, les plus rares que nous ayons reçus de notre religion, qui pourtant n'est que bienfaisance, et que nous ne saurions trop lui en témoigner notre reconnaissance. En doutez-vous! Refusez-vous de vous en rapporter à l'opinion, publique, au témoignage de ceux que rien n'eût engagés à parler en leur faveur s'ils n'y eussent été déterminés par la force de la vérité Suivez-moi, et venez la contempler dans les lieux où sa charité s'exerce le plus ordinairement. Les différents tableaux que nous allons mettre sous les yeux ont été tracés par nous dans un autre ouvrage. (Bienfaits du catholicisme.)

« Considérons-la d'abord entourée de nombreux enfants, et surtout d'enfants pauvres, qu'elle instruit, ou dont elle prend soin dès l'âge le plus tendre. Comme elle les accueille avec bonté! Comme elle sourit à leurs jeux! Comme elle les accoutume à la propreté, au bon ordre, à l'amour du travail, à l'exercice de toutes les vertus chrétiennes! Il y a bien des défauts dans le caractère et dans le cœur de ces enfants: elle les étudie, elle les corrige peu à peu, et elle parvient à les remplacer par autant de qualités opposées. Connaître ses devoirs et les remplir avec exactitude, n'est-ce pas pour tout enfant, mais principalement pour celui du peuple, le résultat de la meilleure éducation. Or, voilà précisément ce que se propose la sœur de Charité.

«Nous entendons dire quelquefois! Quelle perte pour la société que ces excellentes filles se soient retirées du monde ! elles seraient de bonnes mères de famille; elles feraient le bonheur de leurs maris, de leurs enfants, elles seraient le modèle des autres femmes.

« Quoi donc! ne rendent-elles pas, dans. la position où elles se trouvent, les mêmes services, de plus grands peut-être encore à la société ? D'autres peuvent les remplacer facilement dans le monde; mais personne ne les eût remplacées, si clles cussent refusé do suivre l'attrait divin de leur sublime vocation. Rien, dites-vous, n'est aussi précieux pour la société qu'une excellente mère de famille. Je le crois comme vous; mais celles dont nous parlons, ne sont-elles pas des mères véritables, et les plus excellentes de toutes, puisqu'elles le sont par l'esprit et le cœur. Ces petites filles qui les entourent, ce sont leurs enfants: elles ne leur doivent pas la vie du corps, mais elles leur doivent la vie plus noble de l'intelligence; elles n'en reçoivent point peut-être le pain matériel qui nous retient sur la terre, mais elles en reçoivent le pain de la parole qui nous élève vers Dieu. La sœur de Charité, à la crèche, à la salle d'asile, dans son école, résout donc le difficile problème d'une mère qui, chargée d'une nombreuse famille, fait l'éducation de ses enfants. Que manque-t-il à l'éducation des filles? demandait Napoléon à madame Campan. Sire, il manque des mères, répondit celle-ci. répondit celle-ci. - Non, elles ne manquent pas; ou si elles manquent, c'est qu'on ne sait pas les trouver.

« Combien de filles n'ont plus la mère que leur avait donnée la nature? Combien, surtout parmi les filles du peuple, ont des mères telles qu'il serait plus avantageux pour elles de n'en point avoir du tout! Qui donc se chargera d'initier à la vie ces pauvres petites filles? Qui éclairera leur intelligence? Qui ouvrira décemment leur cœur aux douces joies de ce monde? Qui leur enseignera la voie qu'elles doivent suivre, qui les soutiendra, qui dirigera leurs premiers pas? C'est la mère de l'orphelin, des pauvres, c'est la sœur de Charité. Sa maison est ouverte à toutes; les petites filles les plus indigentes, les plus abandonnées, voilà celles qu'elle accueille avec le plus de bonté, et sur qui elle veille avec le plus de soin.

« Voyez surtout ce qui se passe dans nos campagnes. Dès le matin, la femme s'éloigne aussi de la maison, afin de participer, en raison de ses forces, aux rudes travaux des champs. Elle a cependant plusieurs petites filles qui en prendra soin pendant son absence? Qui leur parlera de Dieu? Qui éveillera en elles, si je puis m'exprimer de la sorte, l'âme qui sommeille engourdie dans les sens?... Placez dans ces campagnes une sœur de charité et elle sera la mère de toutes ces petites filles. Aussi s'explique-t-on difficilement comment il n'y en a pas jusque dans les plus petites communes, aujourd'hui surtout que la loi les oblige toutes à avoir une école. Est-ce qu'il n'y a pas partout quelques bonnes maisons capables d'entretenir, au moins, une sœur de Charité? Est-ce que la commune, quelque petite

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