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docteurs, ces apologistes, qui combattaient l'idolatrie, qui enseignaient l'unité d'un Dieu créateur du soleil et des astres, qui rejetaient comme impie tout hommage qui ne s'adressait pas à ce seul Dieu véritable, travaillaient néanmoins et s'exposaient à mourir pour établir le culte idolatrique du soleil! Et vous aussi, & grand Paul, lorsque, dans ces Epitres adressées aux villes les plus florissantes de l'empire romain, vous préchiez hautement Jésus-Christ mourant sur la croix pour le salut du monde, vous n'entendiez prêcher que la religion du soleil! & honte! 6 délire de la raison humaine! Gémissons sur ces énormes égarements, ou plutôt ne faut-il pas féliciter le christianisme de ce que ses ennemis ont été réduits, denos jours, à l'attaquer par les plus étranges puérilités ? »

Nous en restâmes là de notre entretien sur Jésus-Christ. Le docteur m'avoua, du moins, ce qui n'était pas bien méritoire de sa part, qu'il n'avait jamais douté de son existence, les preuves qui l'attestent étant les plus nombreuses et les plus fortes qu'on puisse désirer. Il m'avoua également que l'idée de ne voir dans Jésus-Christ que le soleil n'était point de lui, qu'il l'avait entendu émettre à d'autres, et trouvée je ne sais dans quels livres, mais qu'il ne fallait pas avoir la tête bien saine pour l'admettre réellement. Quant au non de soleil donné à Jésus-Christ, et au rapprochement qu'on faisait entre l'astre du jour et notre Dieu, il reconnut avec moi que c'était la conséquence nécessaire de l'immense éclat qu'avait jeté Jésus-Christ sur la terre, des lumières qu'il y avait répandues, et que la même application pouvait se faire, avec plus ou moins d'à-propos, à plusieurs personnages célèbres, comme je venais de le prouver par l'exemple de Napoléon, sans infirmer en rien la certitude de leur existence. I reconnut encore que le jour où les fidèles s'assemblaient pour l'exercice de leur culte prouvait précisément le contraire de ce qu'on voulait lui faire prouver, puisqu'il avait perdu le nom de jour du Soleil, que lui donnaient les Latins pour prendre celui de jour du Seigneur.

Čela convenu, nous nous retirâmes chacun de notre côté. Mais, en me retirant, je me disais en moi-même : « Reste toujours son adoration du soleil. Ce n'est pas qu'il y tienne; je ne le crois pas du moins; mais il aime à en parler, quand l'occasion s'en présente, et cela peut faire quelquefois beaucoup de mal. Tachons donc de lui donner une bonne leçon à ce sujet, et de la lui rendre profitable. »

La famille de cet homme était toute religieuse. Il avait une femme surtout qui était la vertu même, et une fille, encore jeune, qui marchait, à grands pas, sur les pieuses traces de sa mère. Quoiqu'il ne fût pas religieux lui-même, il n'était point précisément ennemi de la religion. Il l'approuvait et l'aimait même beaucoup dans sa femme et dans sa fille, parce qu'il voyait en elle la base la plus solide de toutes les bonnes qua

lités. Ce qu'il y avait encore de bien en cet homme, c'est qu'il ne trouvait point de plus grandes jouissances que celles qu'il goûtait au sein de sa famille, mais principalement dans la société de son excellente femme, et de leur fille chérie. Aussi ne laissait-il passer aucune de leurs fêtes sans la célébrer, en présence de leurs parents les plus proches et de leurs plus intimes amis.

Nous étions au 15 août, fête de l'Assomption. Il y avait, ce jour-là, de grands prépatifs dans la maison du médecin dont nous venons de parler : c'était le seizième anniversaire de la naissance de sa fille, la bienaimée Marie, et sa fête patronale.

Il était convenu que cette double fête serait célébrée, le soir, avec tout l'éclat qu'on pourrait lui donner. Le salon était dans toute sa parure. Sur la table, autour de laquelle se tenaient les invités, étaient de superbes présents, destinés à celle qu'il s'agissait de fêter. Du milieu de cette table s'élevait une lampe enflammée, qui comme un globe de feu, jetait sa vive lumière dans toutes les parties du salon, et même au dehors. La fille n'était point là. Elle était retenue dans une maison voisine, comme pour lui ménager une surprise, quoiqu'elle n'ignorât rien de ce qui se passait. Quand tout fut prêt, sa mère elle-même l'alla chercher, parce qu'elles avaient encore à s'entendré sur la conduite que chacune allait tenir. Après quelques instants d'attente, la jeune fille entre au salon pleine d'émotion. Tous les regards se tournent en même temps de son côté. Le père surtout fixe sur elle des yeux qui semblent lui dire : « Ce n'est pas trop pour toi, ma fille f car je sais que tu me dédommageras amplement, par ton affection, de ces légers sacrifices. » Elle allait, en effet se jeter dans les bras de son père, qui déjà les ouvrait pour la recevoir. Ce fut le premier élan de son cœur; mais s'étant retenue, elle alla se prosterner devant la lampe, et, joignant les mains, inclinant la tête : « Je te remercie, » dit-elle, « lampe bienfaisante, de ce que tu me fais jouir de ces magnifiques présents, de ce que tu me fais voir ces parents, ces amis, qui, sans ta lumière, seraient ensevelis dans les ténèbres, et n'existeraient pas, en quelque sorte, pour moi. » Toute la société, excepté le père, avait été prévenue de ce qui allait se passer, aussi chacun avait beaucoup de peine à se contenir. Le père seul, prenant la chose au sérieux, s'écria tout interdit : « Quoi donc, ma fille la joie vous ferait-elle extravaguer? -Non, mon ami,» répondit la mère aussitôt, << elle ne fait que ce que vous faites vousmême, quand, au lieu de rendre grâces au Bienfaiteur universel, vous vous adressez au soleil, qui, l'un de ses bienfaits luimême, n'a de mérite que celui de nous faire jouir de ses autres bienfaits. »

A cette leçon faite d'un ton moitié grave, moitié plaisant, la société partit d'un immense éclat de rire. Mais le père gardait toujours son sérieux. Il réfléchissait à la loçon, cherchait d'où elle pouvait venir, et ne

médecin ne parla jamais d'adorer le soleil. Puisse-t-il, en même temps, avoir tourné ses regards vers le Soleil éternel, que nous contemplons dans tout son éclat, si nous savons nous en rendre dignes, après que nos yeux se sont fermés à la lumière de ce soleil périssable !

savait trop s'il ne devait pas se fâcher. A la fin, cependant, la glace que les froides paroles de la fille et de la mère avaient fait refluer sur son cœur, se fondit sous les touchantes marques d'affection que celles-ci ne cessèrent de lui. prodiguer le reste de la soirée, et la fête se termina dans la joie.

On dit que, depuis ce temps-là, notre

SONGES.

Objection. Vous nous dites qu'il ne faut pas s'en rapporter aux songes; mais est-ce qu'il n'y en a pas qui viennent de Dieu, comme le prouvent ceux dont nous parlent les saintes Ecritures, et d'autres que nous avons eus nous-mêmes quelquefois?

Réponse. Il est certain qu'il y a des songes qui viennent de Dieu. Les Ecritures nous le disent formellement, et lors même que nous n'aurions pas cette haute et divine autorité à l'appui d'une telle croyance, il ne nous serait guère possible encore d'en douter. Ne savons-nous pas que Dieu, comme un excellent père, comme une mère dévouée, a continuellement les yeux fixés sur nous, qu'il est à chaque instant attentif à tous nos besoins? Il ne nous abandonne donc pas plus perdant le sommeil que pendant nos veilles, et moins encore, dirionsnous, si cela était possible, à cause des dangers auxquels il nous sait alors exposés. Or cette vigilance divine ne peut s'exercer en ce moment sur nous sans nous suggérer à l'occasion de bonnes inspirations, sans nous donner quelques avis salutaires. Il est donc des songes qui viennent de Dieu. Nous savons également qu'il y a des anges préposés à notre garde, qui veillent sur nous jour et nuit. Or cette garde continuelle ne peut se faire comme elle le doit sans que ceux qui en sont chargés nous donnent aussi pendant la nuit quelques bons conseils. De là encore des songes qui viennent de Dieu, sinon directement, du moins par l'entremise de ses anges, qu'il a députés auprès de nous.

Bayle, que l'on ne saurait accuser de faiblesse d'esprit ni de trop de crédulité, a fait à ce sujet les réflexions suivantes, qui ne paraissent pleines de sens :

Je crois que l'on peut dire des songes la même chose à peu près que des sortilèges: ils contiennent infiniment moins de mystères que le peuple ne le croit, et un peu plus que ne le croient les esprits forts. Les historiens de tous les temps et de tous les lieux rapportent, à l'égard des songes et à l'égard de la magie, tant de faits surprenants, que ceux qui s'obstinent à tout nier se rendent suspects ou de peu de sincérité, ou d'un défaut de lumières qui ne leur permet pas de bien discerner la force des preuves. Si vous reconnaissez une fois que Dieu a trouvé à propos d'établir certains esprits, cause occasionnelle de la conduite de l'homme à l'égard de quelques événeinents, toutes les difficultés que l'on fait contre les songes s'évanouissent. »

Mais si quelques songes viennent de Dieu, directement ou indirectement, il en est d'au tres qui ne viennent pas de lui.

Il en est qui viennent certainement du démon il est aisé de le voir à leur laideur, à leur infernale perversité. Tout arbre se reconnaît à son fruit. Vous avez eu un songe véritablement diabolique, avez-vous dit vousmême. Il doit donc venir du démon. Qui ne sait d'ailleurs que, tandis que les bons anges veillent auprès de nous pour nous sauver, les mauvais anges, c'est-à-dire les démons, veillent également pour nous perdre? De même donc que les bons anges mettent en nos âmes, pendant le sommeil, de bonnes pensées, de bons sentiments, de saintes images, qui sont pour nous des songes divins, de même les mauvais anges ou démons mettent aussi dans nos âmes de mauvaises pensées, de mauvais sentiments, d'infernales images, qui sont pour nous des songes diaboliques.

C'est ce que suppose cette belle prière que l'Eglise adresse au Ciel, vers le soir, au nom de tous ses enfants : « Effaçons par une amère douleur les fautes que nous avons commises pendant la longueur du jour; et tandis que nous allons être appesantis par le sommeil, que l'ennemi ne nous fasse pas de nouvelles blessures. Ce lion acharné tourne sans cesse autour de nous, cherchant quelqu'un qu'il puisse dévorer. O Père! défendez vos enfants à l'ombre de vos ailes. »

Quod Tonga peccavit dies,
Amarus expiet dolor;
Somno gravatis ne nova
Infligat hostis vulnera.
Infestus usque circuit
Quærens leo quem devoret:
Umbra sub alarum tuos
Defende filios, Pater.

(Hymn. Dominic, ad Completorium.) Hâtons-nous de le dire, cependant, la plupart des songes ont des causes toutes naturelles. Ce sont souvent les pensées du jour, celles principalement dont nous avons été vivement affectés, qui se reproduisent pendant le sommeil. Ce n'est point étonnant.: l'âme veillant encore pendant que les sens sont engourdis, il faut bien qu'elle s'occupe aux pensées dont elle a le dépôt. Nous n'avons pas toujours la perception de cette occupation de notre âme pendant le sommeil; mais nous l'avons quelquefois, tantôt d'une manière confuse, tantôt avec une lucidité étonnante de là les songes. Ils viennent aussi de nos sens, à cause de l'intime relation qui existe toujours, même pendan!

Le sommeir, entre l'âme et le corps. Nos sens extérieurs ne fonctionnent plus, il est vrai, mais nos sens intérieurs fonctionnent encore. Ils n'ont pas besoin alors de recevoir le mouvement du dehors; ils le donnent même, au lieu de le recevoir, et quelquefois avec une telle netteté, que tout l'être agit beaucoup mieux qu'il n'eût fait pendant la veille. Comment cela arrive-t-il? Je n'en sais rien; mais enfin c'est une chose incontestable.

Ainsi, d'après ce que nous avons dit, les songes auraient une triple origine: Dieu, le démon, nous-mêmes. Ils viendraient de trois sources bien différentes, pour ne pas dire opposées le ciel, l'enfer, la terre.

Cela admis, et il me paraît assez difficile de ne pas l'admettre, on voit combien il est absurde et même dangereux de reconnaître un art pour interpréter les songes, quand ils ont besoin d'explication, ou d'y croire aveuglément quand ils n'en ont pas besoin.

Il faut donc les rejeter tous aveuglément! me direz-vous.

Non, puisque ce sont quelquefois de saints et salutaires avertissements.

Que faire donc en ce cas? me demanderez

vous.

C'est bien simple. Les songes sont des pensées qui nous viennent pendant le sommeil. Il faut donc nous conduire à leur égard comme nous le faisons par rapport aux pensées qui nous viennent pendant que nous sommes éveillés. Ou ce sont de bonnes pensées, ou des pensées mauvaises, ou bien encore des pensées d'une nature douteuse. Si ce sont des pensées d'une nature douteuse, il faut prier, méditer, consulter, afin que leur nature bonne ou mauvaise se manifeste à nos yeux. Tant que ce résultat ne

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Réponse. Comme la peinture, la sculpture a pour but de reproduire les objets créés, particulièrement la forme humaine, la plus parfaite de toutes celles qui frappent ici-bas nos regards, >> avons-nous dit ailleurs. (Génie du catholicisme.) « La peinture reproduit son modèle sur une surface plane, au moyen du dessein et de la couleur; la sculpture le reproduit en saillie, avec le bois, l'argile, le marbre et autres matières solides, dont la nature a sans doute de l'influence sur l'œuvre de l'artiste, mais beaucoup moins qu'on se l'imagine car, quand celui-ci est bien pénétré de son modèle, il le reproduit infailliblement. La peinture nous fait entrevoir des objets pour ainsi dire imperceptibles; elle donne aux autres une espèce de mouvement et de vie, elle les rapproche, les place dans un milieu convenable, et peut,de

sera point obtenu, abstenons-nous par prudence. Si ce sont des pensées d'une nature mauvaise, il faut les repousser immédiatement. Dans le cas contraire, il faut les adopter, et même avec empressement. Ne vinssent-elles point du ciel, au reste, et n'eussent-elles qu'une cause toute naturelle, elles n'en seraient pas moins salutaires. Vous avez perdu, je suppose, une mère qui vous avait formé avec le plus grand soin à la pratique de toutes les vertus chrétiennes. Son enseignement, ses exemples, ses recommandations dernières, tout est depuis longtemps oublié, et vous avez autant de défauts aujourd'hui que vous aviez précédemment de qualités. Votre mère, dont vous n'avez jamais perdu complétement le souvenir, vous apparaît pendant votre sommeil. Son air triste est déjà un indice de ce qu'elle va vous dire. Sa voix si connue ne tarde pas à se faire entendre, et vous recueillez de ses lèvres chéries ces simples mais touchantes paroles : «Est-ce donc là, mon fils, ce que vous aviez promis à votre mère? Si vous ne revenez à de meilleurs sentiments, à ceux qu'elle vous inspira dans votre jeune âge, vous pouvez lui dire un éternel adieu... » « Chère mère!» vous écriez-vous, en cherchant à la presser dans vos bras. Mais tout a disparu : c'était un songe.

D'où vient ce songe? cependant. Est-ce Dieu qui vous l'envoie? Sort-il de votre propre cœur? Je n'en sais rien; mais ce que je sais parfaitement, c'est que vous ne sauriez mieux faire que de suivre l'avis qu'il vous donne. Personne ne vous en blâmera: tous vous en loueront, au contraire, et en le suivant ponctuellement vous assurerez votre bonheur pour le temps comme pour l'éternité.

STATUETTES.

cette manière, représenter les scènes les plus compliquées. Plus restreinte, il est vrai, dans son domaine, la sculpture donne aux objets qu'elle représente une forme plus palpable, plus rapprochée de la réalité. Quelquefois, cependant, elle a recours aux effets d'optique, elle tient compte du jeu de la lumière et de l'ombre, elle a ses parties fuyantes, surtout dans le bas-relief. Elle peut donc donner lieu, aussi bien que la peinture, à la plus complète illusion. Ce bloc que le sculpteur a travaillé, ce n'est plus un morceau de marbre; nous avons désormais sous les yeux la forme réelle de l'homme, ou plutôt cet immatériel exemplaire, ce beau idéal que l'art a pour but de représenter. Sous cette enveloppe immobile, l'œil devine toutes les parties si compliquées de l'organisation la poitrine respire, le cœur bat, le sang circule, les muscles palpitent, les genoux fléchissent, la main va frapper.... Quel que chose de plus intime encore se manifeste dans les parties supérieures. Il y a des pensées dans cette tête expressive; et vous diriez que de ses lèvres entr'ouvertes et souriantes, qui déjà commencent à les mani

DICTIONNAIRE fester, la parole va sortir pour les révéler complétement.

« Nous voyons dans la fable que Prométhée, ayant formé l'homme avec un peu de terre, déroba le feu du ciel pour animer son œuvre. C'est ce que fait le sculpteur quand, formant l'homme aussi avec une matière insensible, il l'anime de ce feu sacré que lui a donné le ciel. Mais pourquoi aller chercher dans les ténèbres du paganisme la céfeste origine de la sculpture, qu'il nous est si facile de reconnaître en tête des annales de notre religion? La première statue que porta la terre, c'est celle assurément, qui sortit des mains du Créateur, quand il eut dit: Faisons l'homme à notre image (Gen. 1, 26). » Voilà l'art admirable, divin, puisque Dieu lui-même l'a le premier pratiqué, en un sens, dont vous attaquez les œuvres, dans sa partie la plus importante, je veux dire dans sa partie religieuse.

Il n'y a guère moins de statues et de statuettes aujourd'hui qu'avant l'établissement du christianisme, avez-vous dit.

Pourquoi n'en serait-il pas ainsi ? Si quelque chose m'étonne, c'est qu'il n'y en ait pas un plus grand nombre encore.

Les statues et statuettes des païens étaient condamnables pour deux causes : la première, parce que ces statues et statuettes représentaient des dieux abominables; la seconde, parce que les païens s'imaginaient que les dieux qu'elles représentaient y étaient renfermés, les animaient, y recevaient l'encens des adorateurs. Vraie et sainte, avant pour but d'établir sur la terre la vérité et la sainteté qui en étaient exilées, la religion de Jésus dut proscrire, dès le commencement surtout, ce culte faux et impur, qui régnait alors partout le monde; s'en sé parer complétement, même en ce qu'il pouvait avoir de légitime, dans la crainte de voir renaître ses pratiques superstitieuses et infâmes.Persécutée d'ailleurs, obligée de se cacher dans les catacombes, elle ne pouvait guère permettre au génie de la sculpture de se développer dans son sein'; mais, dès que la paix lui fut accordée, que le culte idolâtrique eut été vaincu, et qu'elle-même se fut établie par toute la terre, elle dut se servir de cet art, comme de tout autre moyen légitime, pour l'extension de son propre culte, et elle le fit avec d'autant plus d'avantages qu'elle se montrait elle-même plus favorable à son développement.

« Vous devez remarquer que l'intérieur de nos églises, approprié aux cérémonies de la religion, est en même temps le moyen d'exposition le plus favorable pour les œuvres de la peinture; mais il ne l'est pas moins, cela est évident, pour les œuvres de la sculpture, » disions-nous encore dans l'ouvrage que nous venons de citer. «< Dans l'espace laissé vide par les tableaux, au sommet des colonnes, dans toute la longueur des frises autour des vitraux, sur ces nombreux meneaux disposés de manière à les soutenir et à varier leurs formes, au plus haut de la voûte, que de sculptures de toute

espèce! Ici, vous voyez des guirlandes de fleurs que tressa la foi, pour les offrir à l'Auteur de la nature. A côté sont des formes ravissantes, emblèmes de nos vertus, qui, comme détachées de la terre, où elles ont pris naissance, montent vers les cieux, soutenues par la main des anges. Il y a aussides formes hideuses : ce sont nos vices. Comme ils ont pour conséquence inévitable d'abaisser la créature intelligente au niveau des êtres inférieurs, l'art chrétien a eu l'heureuse idée de les représenter sous les figures d'animaux réels ou fantastiques. Ils sont là pour inspirer de l'horreur aux hommes qui seraient tentés de s'y abandonner. Ils y sont aussi comme trophées, suspendus au temple de cette religion qui nous apprend à les dompter. En tête de ces êtres dégradés est Satan, type du mal et de la souffrance. Vous le voyez terrassé, foulé aux pieds comme un emmemi vaincu, et mille fois reproduit sous les formes les plus hideuses. Tous ces symboles de la laideur et de la dégradation sont exécutés néanmoins avec une rare perfection de travail. Ce contraste heurté de la beauté physique et de la déchéance morale ajoute encore à la frayeur et inspire de profondes réflexions.

« L'œuvre de la sculpture se détache peu à peu du mur où elle a pris naissance, et, se développant de plus en plus, elle atteint bientôt les proportions admirables que Dieu a données au corps humain; sous cette forme, mais avec je ne sais quoi de céleste qui la rehausse, vous voyez les apôtres annonçant encore dans le temple l'Evangile de JésusChrist. Auprès des fonts baptismaux est l'ange de la miséricorde qui fait couler invisiblement le torrent de la grâce sur les âmes souillées de la tache originelle. A côté du tabernacle se tient immobile l'ange du recueillement et de la prière. Derrière l'autel, dans l'endroit le plus enfoncé du temple, vous apercevez la Vierge Marie, qui semble s'effacer elle-même pour ne laisser voir que son fils. Mais, quand vous vous êtes approché, vous pouvez contempler cette divine Mère qui vous tend les bras, et qui · vous invite, par son ineffable sourire, à venir à elle avec confiance.

« La peinture, délicate et fragile, est obligée, la plupart du temps, de se renfermer dans l'intérieur du temple; mais il n'en est point ainsi de la sculpture, qui brave sans crainte l'intempérie des saisons. Sortez donc du temple, et vous la retrouverez encore occupée à dégrossir ce vaste corps, à le travailler, à l'animer, pour ainsi dire, à répandre, dans toutes les parties précédemment inertes de cette masse énorme, le mouvement, la vie, la pensée même. Ici, vous voyez la création; plus loin, les patriarches et les prophètes. Dans un autre endroit, vous reconnaissez la naissance de Jésus, les principales circonstance de sa vie et de sa passion. Le spectacle effrayant du jugemen1 dernier s'offre aussi à vos regards, et vous presse d'avoir recours à la divine miséricorde dans ce lieu où elle a fixé sa demeure.

Tout est lié admirablement, tout est disposé avec ordre et intelligence. Cachées sous le travail du sculpteur, les jointures sans nombre des parties qui forment ce grand tout, se dérobent souvent à l'œil le plus exercé. Vous diriez un vaste tapis de pierre, où se trouvent représentées l'histoire de l'homme et celle de la religion, jeté par l'art sur le temple du Seigneur pour attirer les regards et inspirer plus de respect.

Il est un lieu également sacré, étroitement uni au temple, sinon par la proximité physique, du moins par un lien moral; c'est la demeure des trépassés. Partout et toujours, l'homme a cru à la prolongation de son existence après la mort, sous une forme nouvelle; partout et toujours, il a espéré une vie de récompense après cette vie si misérable et si éprouvée; partout et toujours même chez les peuples sauvages, ses dépouilles périssables ont été recueillies et conservées avec soin. Mais c'est la religion catholique qui grave le plus profondément dans les âmes la foi à l'immortalité; c'est elle qui, par ses croyances, ses cérémonies expiatrices, rappelle le plus souvent et le plus vivement le souvenir des morts à la pensée des vivants. De là, parmi nous surtout, le culte des tombeaux. Le cimetière de campagne est peut-être le plus touchant de tous. Ici, nul bruit du dehors, nul travail de l'homme en présence de la destruction de tous. La nature, toujours jeune et toujours féconde, se hâte, comme une mère attentive, de jeter son tapis de gazon et de fleurs sur les objets de notre douleur. Vous remarquez seulement quelques croix de bois, au milieu desquelles s'élève la croix plus lourde du pasteur du lieu, qui semble veiller, comme pendant sa vie, sur le troupeau confié à ses soins, en attendant la résurrection.

« Il n'y a pas dans le cimetière des villes celte simplicité de la nature, cette égalité de la mort, qui commencent à délasser les cœurs des fatigues et des injustices de la vie ; mais, d'un autre côté, que d'œuvres y produit la sculpture! Il y a là comme un essai de résurrection. Les œuvres de la sculpture ont quelque chose de mort et de vivant tout à la fois; c'est le Chrétien au champ du repos. Vous voyez ces tombeaux, de toute forme et de toute grandeur, pressés autour de la croix qui les abrite encore de son ombre que de scènes attendrissantes ils offrent à nos regards. Devant vous est une mère affligée qui dépose des fleurs sur la dépouille d'une fille chérie. Des larmes coulent de ses yeux; vous entendez les gémissements de son cœur, le murmure de la prière qui vient expirer sur ses lèvres. Auprès d'elle est un fils, ignorant encore les mystères de la mort comme ceux de la vie, qui joue avec les fleurs jetées sur le tombeau de sa sœur. Cet angede la terre que Dieu lui a donné est déjà un adoucissement à son immense douleur. Un ange venu d'en haut achève de la consoler en lui montrant les cieux. Un peu plus loin sont deux sœurs profondément affligées de la mort d'un frère qui faisait leur bonheur.

Les yeux tournés vers Jésus élevé en croix, elles semblent lui dire, comme autrefois les sœurs de Lazare: «Seigneur, si vous nous « aviez exaucées, notre frère ne serait pas « mort!» Elle maître compatissant leur répond par ces paroles de la foi: «Votre frère n'est « pas mort, il n'est qu'endormi. » (Joan. x1, 32, 11.) Ce n'est pas la mort en effet; ce n'est point ce spectre décharné, hideux, qu'avait imaginé le paganisme; c'est un sommeil embelli par je ne sais quel rêve divin. Ces yeux fermés contemplent le ciel intérieurement. Le calme de la paix règne sur cette figure immobile et transparente. Ce corps entier, prêt à se détacher, semble attendre avec impatience le son de la trompette pour quitter la terre et voler au tribunal du souverain Juge. >>

Comprenez-vous actuellement pourquoi et comment il n'y a guère moins de statues et de statuettes aujourd'hui qu'avant l'établissement du christianisme?

Leur rendre un culte quelconque, avezvous dit encore, c'est ou de l'idolatrie ou un acheminement à l'idolâtrie.

Ce n'est point de l'idolâtrie, puisque le culte que nous leur rendons ne se rapporte point à la représentation, mais à l'être représenté. Ainsi, quand je me prosterne devant Jésus élevé en croix, je suppose, ce n'est ni la matière ni la forme du crucifix que j'adore; mais Jésus lui-même, dont l'humanité est au ciel et au saint sacrement de l'autel, et dont la divinité est partout. Ainsi, quand je me prosterne devant une statue quelconque de la sainte Vierge, ce n'est pas cette statue elle-même, mais la sainte Vierge, représentée par cette statue que je veux, je ne dis pas adorer, car l'adoration n'est due qu'à Dieu seul, mais honorer d'une manière toute particulière, à cause de sa dignité de Mère de Dieu. Ainsi, encore, quand je me prosterne devant toute autre statue, ce n'est point la statue elle-même, mais le saint, représenté par cette statue, que je veux honorer, en raison même du crédit dont il jouit auprès de Dieu. Si j'ai recours à ces représentations diverses, c'est à cause de l'infirmité humaine, c'est pour me rappeler le souvenir de ceux à qui je suis obligé de rendre mes devoirs, et le graver plus profondément dans mon esprit et dans mon cœur. Tout le monde sait cela; et il n'y a pas d'ignorant, il n'y a pas de petit enfant, pour peu qu'il ait commencé à fréquenter le catéchisme, qui ne soit en état de vous expliquer cela à peu près comme moi. D'ailleurs, pourquoi blâmer, en religion, ce que vous voyez faire, chaque jour, dans la société civile? Vous remarquez des statues dans les jardins, sur les places publiques, presque partout. A certains jours, ces statues sont environnées d'une foule enthousiaste qui les couronne de fleurs, enjette à leurs pieds, et fait entendre, en même temps, des chants de triomphe et de gloire: « C'est de la sottise!... dira quelqu'un; devant des statues insensibles!-Non,» répondrez-vous, c'est de la reconnaissance, c'est de l'amour c'est un hommage rendu au mérite de ceux qui nous sont représentés par

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