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de lui couper les jamoes. «Mais,» répondrait l'un,avec raison, « quand je n'aurai plus mes jambes, je ne marcherai plus, et je puis d'ailleurs mourir de l'opération. Mieux vaut mille fois les garder, puisque je marche avec elles, quoique difficilement. » — «Mais, »> répondrait l'autre, «en me coupant la tête, Vous me tuez infailliblement. Mieux vaut donc la garder; puisque, si c'est par elle que je souffre, c'est par elle que je vis. »

Nous pouvons vous répondre quelque chose de semblah!e, quand vous nous proposez de renoncer à toute religion, pour ne

plus donner dans aucune espèce de superstition: « En admettant que ce que vous proposez fût praticable, il ne serait point encore de notre intérêt de le faire. C'est par la religion que nous avançons, spirituellement parlant, c'est par elle que nous avons la vie. La religion détruite complétement, il faut nous arrêter, puis périr. Il vaut donc encore mieux la garder telle qu'elle est que d'y renoncer à cause des superstitions, qui tarissent, en partie, nous ne l'ignorons pas, la source de ses biens. »

T

TARIF.

Objection. Vous voulez vous marier; en quelle classe? Vous demandez un enterrement, un service, une Messe, etc; en quelle classe? Tout est donc tarifé dans votre religion? Ne voyez-vous pas que ce tarif est une honte?

Réponse. Nous avons déjà traité cette question à nos articles Argent et Casuel. Comme elle se présente sous une nouvelle face, nous allons y' revenir.

Vous voulez vous marier, dites-vous? en quelle classe ? Vous demandez un enterrement, un service, une Messe, etc. ; en quelle classe? Tout est donc tarifé en votre religion. Ne voyez-vous pas que ce tarif est une honte ?

C'est être bien injuste à l'égard du clergé catholique que de lui prêter un tel langage et les sentiments que suppose ce langage. S'il en était ainsi, il mériterait réellement la note d'infamie que vous essayez de lui infliger, mais, grâce à Dieu, il n'en est rien. Ou plutôt, c'est tout le contraire qui a lieu. Pauvre lui-même, il soutient le pauvre et il s'efforce de conserver toute sa dignité dans ses rapports d'intérêt avec le riche.

Vous êtes sur le point de vous marier et vous allez plus ou moins promptement en faire part à votre curé, je suppose. Quelle est la conduite de ce dernier à votre égard ? Il vous donne les conseils d'un ami, d'un père, d'un véritable représentant de JésusChrist à votre égard. Mais de tarif, d'argent, il n'en est même pas question, la plupart du temps; et quand il le faut absolument, cela se passe aussi délicatement que possible. C'est la même chose quand il s'agit d'un enterrement, d'un service, d'une Messe, etc. Disons de plus que dans ces derniers cas, la douleur et la pensée de la mort élèvent le fidèle aussi bien que le prêtre à des sentiments qui ne se concilient guère avec les discussions mercantiles dont vous venez de parler. Mais, dites-vous, n'y a-t-il pas un tarif ? Oui, sans doute, il y en a un et il faut bien qu'il y en ait. Puisque, comme nous l'avons établi ailleurs, le prêtre peut et doit percevoir un casuel pour subvenir à ses besoins,

aux besoins de son église et de ses pauvres, il lui fallait un tarif; autrement celui qui n'a rien ou n'a que peu de chose aurait donné autant que celui qui a beaucoup.

C'est une honte, dies-vous.

Vous vous trompez : c'est une chose toute simple, toute naturelle et même excellente sous bien des rapports. C'est la solution aussi bonne que possible de ce problème si difficile a résoudre: Trouver le moyen de faire vivre les ministres employés au service des autels, d'entretenir l'église et de soulager les malheureux sans gêner ceux qui subviennent à ces différentes nécessités, et même en leur faisant aussi du bien. Le tarif n'estil pas, en effet, la solution de ce problème ? Par lui le prêtre a sa part, l'église sa part, les pauvres ont aussi leur part, soit directement, quand il y a des distributions de pain, soit indirectement, des mains du prêtre. Ceux qui donnent n'en éprouvent aucune gêne, puisqu'ils ne donnent qu'à proportion de leurs facultés ; et ils peuvent même en retirer un grand avantage par les mérites de la prière et de l'aumône. J'ai donc eu raison de dire que bien loin d'être une honte, le tarif était une chose excellente sous beaucoup de rapports.

C'est une honte pour le prêtre lui-même, objectez-vous.

Comment donc cela? Est-ce que toute peine ne mérite pas salaire, comme on dit vulgairement? Est-ce que tout état ne doit pas faire vivre celui qui l'embrasse ? Puisque le casuel est un des moyens de faire vivre le prêtre dans l'exercice du saint ministère, il faut bien le percevoir. Or, le tarif est l'indication de ce qu'il y a à percevoir positivement. Il établit, il est vrai, différentes classes en toutes choses; mais n'en est-il pas ainsi presque partout, sans qu'on en soit surpris? On devrait le trouver moins étonnant encore de la part du prêtre qui, ayant à soutenir le pauvre, à aider celui qui est dans la gêne, a besoin de la coopération de celui qui se trouve riche ou dans l'aisance. Le médecin n'agit-il pas de même, la plupart du temps? Un homme riche vient le consulter. Pour la courte ordonnance qu'il lui a donnée

par écrit ou de vive voix, combien ? — 20 fr. C'est un peu cher, dit ou pense le consultant; mais que voulez-vous? il faut bien que le riche paye pour le pauvre. Vient ensuite un ouvrier. Pour la même ordonnance, combien ? 5 fr. Enfin paraît un pauvre qui a pour rien une ordonnance tout à fait semblable, sinon quant aux détails du moins quant à la substance. Le médecin a donc aussi son tarif, tarif un peu arbitraire, il faut en convenir, et sur lequel il y aurait plus à dire que sur celui du prêtre qui, ayant le contrôle de la double autorité ecclésiastique et civile, est à l'abri de tout reproche.

C'est une honte pour le pauvre, objectez

Vous encore.

Mais non, il est habitué à cette distinction, et c'est une nécessité de sa position. La distinction des rangs n'est-elle pas fondée sur la nature des choses? Ne voyez vous pas que sans elle la tranquillité, le bon ordre, rien ne subsisterait? Or le tarif est une conséquence de la distinction des rangs.

Pourquoi cette distinction ne cesserait-elle pas à la mort du moins, demandez-vous?

Je viens de vous le dire, parce qu'elle est fondée sur la nature des choses et que rien, dès lors, ne peut la détruire. Ne la reconnaissez-vons pas, vous aussi, en cette circonstance? Qu'un pauvre vienne à mourir, personne ne se dérange; mais si c'est un riche, un grand nombre accompagnent jusqu'au tombeau sa dépouille mortelle. Vous contribuez donc, vous aussi, en ce qui vous concerne, à lui faire un enterrement de première classe. Voyez si l'administration civile n'admet pas celle distinction dans le service des pompes funèbres. Voyez si elle ne l'admet pas dans la concession de son terrain qu'elle donne plus ou moins grand, pour plus ou moins de temps, selon qu'on lui donne plus ou moins d'argent. Il ya là aussi un tarif qui contraste étrangement par sa rigueur, il faut en convenir, avec le tarif du prêtre, au-dessus duquel la main de la religion a gravé le mot: CHARITÉ.

Et pourtant, dites-vous, tous les hommes sont égaux devant Dieu.

A son tribunal, oui, et le prêtre ne cesse de le répéter, et il ne cesse de dire encore que les honneurs rendus aux hommes, inême à la mort, ne sont d'aucune valeur à ses yeux, à moins qu'ils ne soient animés par la piété ; que, si les riches ont, en général, plus de prières de la part de l'Eglise, ils ont aussi plus de besoins: que, du reste, la justice divine tiendra compte de tout un jour, et ne rendra à chacun qu'à proportion de son mérite ou de son démérite. Voilà comment tous les hommes sont égaux devant Dieu. Mais sur la terre, ils ne le sont, ni ne peuvent l'être, même à la mort, même après la mort, parce que, comme nous l'avons dit, la distinction des rangs est fondée sur la nature des choses et se trouve nécessaire au maintien de la tranquillité et du bon ordre. Aussi la religion catholique la conserve jusqu'à la fin, et c'est sans doute une des rai

sons pour lesquelles un protestant célèbre l'a appelée la plus grande école du respect qu'il y ait au monde: ce qu'on ne peut dire du protestantisme.

Il ne s'agit ici que d'argent, direz-vous encore, puisqu'avec de l'argent on obtient pour le plus grand coupable le plus magnifique enterrement.

L'argent est sans doute ici pour beaucoup, parce que, d'une part, c'est un moyen de bonnes œuvres, et que, d'une autre part, c'est un signe de mérite signe trompeur bien des fois, j'en conviens, mais enfin signe ordinaire et auquel il faut bien aussi s'en rapporter ordinairement. Voilà ce qui est vrai et ce que vous devez trouver juste comme nous. Quant à ce que vous dites qu'il ne s'agit que d'argent et qu'avec de l'argent on obtient pour le plus grand coupable le plus magnifique enterrement, c'est une assertion tellement fausse, tellement démentie par les faits qu'il n'est guère possible que vous soyez de bonne foi.

Le plus grand coupable! Mais le prêtre ne l'enterre ni d'une manière ni d'une autre, il ne l'enterre pas du tout, à moins qu'il ne se soit repenti et qu'il n'ait donné des signes de repentir. S'il meurt dans le péché, le prêtre lui refusera énergiquement les honneurs de la sépulture; et c'est vous peut-être, vous qui lui reprochez de souiller le sanctuaire par un argent impur, qui viendrez forcer ce sanctuaire et le souiller par quelque chose de beaucoup plus impur assurément.

Quand le prêtre n'a aucune raison légitime de refuser à quelqu'un les honneurs de la sépulture, il ne refuse à aucune famille, quelle qu'elle soit, ceux qu'on lui demande. Demandez-lui vous-même, pour l'un des vôtres, le plus magnifique enterrement, comme vous dites; et si votre demande est sérieuse, le prêtre, pour ce qui le concerne, ne vous refusera point; et, si vous n'avez pas la conscience d'acquitter la rétribution qui lui est due, cet homme, que vous regardez comme un homme d'argent, aura la délicatesse de ne jamais vous poursuivre devant les tribunaux. Quand il rend à quelque mort qu'il sait les avoir peu mérités, tous les honneurs de la sépulture, croyez-vous qu'il n'en éprouve pas une vive contrariété, quelque assuré qu'il soit de la rétribution? Ahl il aimerait bien mieux les rendre à quelque pauvre dont la vie eût été l'édification de tous. C'est ce qu'il fait quelquefois. Voyezle dans la campagne, où il a plus d'indépendance. S'il vient à mourir une jeune fille qui aura été, je suppose, une fille, une steur, une victime de charité, dans toute la force des termes, la paroisse entière sera sur pied, à la voix du prêtre, pour rendre à l'humble défunte des honneurs funèbres en rapport avec ses verius.

Ceux qui reprochent si injustement an prêtre de vendre, à la mort, son encens à de grands coupables, ne font-ils pas bien plutôt que lui quelquefois ce dont ils l'accusent? Pour ne parler ici que de faits qui

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qu'il y avait de plus bas et de plus criminel était élevé au rang de Dieu. « Je sais bien, disait quelqu'un à ce sujet, comment on pourra dépanthéoniser Marat; mais je ne sais pas comment on pourra démaratiser le Panthéon. Il n'y avait qu'un moyen, celui qu'on a employé, je veux dire d'y faire couler de nouveau le sang de la Victime qui fut immolée pour dissiper toutes les erreurs et effacer tous les crimes.

TOLÉRANCE.

Objections. Quoi que vous puissiez dire aujourd'hui, la religion catholique est bien la plus intolérante de toutes les religions. Vous faites une distinction entre l'intolé rance des idées et celle des personnes; mais l'une conduit à l'autre nécessairement. Peuton vivre en paix avec des gens qu'on croit damnés? Le mieux est donc d'étendre la tolérance à tout sans exception, aux idées comme aux personnes,

Réponse. Le mot de tolérance est un de ceux avec lesquels on a mis la confusion partout en ces derniers temps, et qui ont servi à diriger contre notre sainte religion des attaques que nous ne devons point nous lasser de combattre.

Quoi que vous puissiez dire aujourd'hui, nous objecte-t-on, la religion catholique est bien la plus intolérante de toutes les religions,

Ce que nous avons toujours dit, nous le répétons encore aujourd'hui, et nous ne cesserons jamais de le répéter: La religion catholique est la plus intolérante de toutes les religions, sous le rapport des doctrines; mais aussi, elle est la plus tolérante de toutes sous le rapport des personnes.

Elle est la plus intolérante sous le rapport des doctrines, et cela doit être; c'est la conséquence nécessaire de la conviction profonde, indestructible, où elle est de posséder, et de posséder seule, la véritable doctrine de Jésus-Christ. Toute doctrine opposée à la sienne, c'est l'erreur; l'erreur, c'est le mal, l'empire du démon, la ruine des âmes : comment voulez-vous qu'elle la tolère, qu'elle ne travaille pas en tout temps, en tout lieu, et avec la plus grande énergie, à la détruire?

Allez donc, a dit Jésus-Christ aux siens en quittant la terre, et ne cesse-t-il de leur répéter du haut des cieux où il règne à la droite de son Père: Allez instruire toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai commandé. Et voilà que je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la consommation des siècles. (Math. XXVIII, 19, 20.) Comment voulez-vous donc qu'ils s'arrêtent? qu'ils cessent d'annoncer l'Evangile et de le faire observer? C'est Dieu lui-même qui leur commande d'agir et qui leur promet de les assister toujours. Aussi, pourriez-vous nommer un lieu de la

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terre où ne s'est étendu, où ne s'étend encore le zèle de tous ceux qui appartiennent à la religion catholique, de ses ministres principalement? Allez visiter le pauvre, le malade, le prisonnier vous y trouvez le prêtre catholique; entrez dans les hôpitaux, au milieu des pestiférés: il y est encore; transportez-vous au delà des mers, sur les plages les plus reculées et les plus inhospitalières: le prêtre catholique vous y a devancé. Que fait-il ainsi partout? Je vous l'ai dit, il combat l'erreur et le vice qni natt de l'erreur; et, sur les ruines de l'empire du démon, il s'efforce d'établir, par tous les moyens qui sont à sa disposition, le règne de l'Evangile.

Il n'y a jamais eu et il n'y aura jamais le même zèle dans aucune autre religion, et cela se conçoit; il n'y a ni ne saurait y avoir la même conviction. Il y a la foi sans doute jusqu'à un certain point; car l'homme ne saurait vivre, même temporellement, sans croyance; mais c'est une foi hésitante, incertaine d'elle-même, et dès lors moins empressée à se propager. Comment pourraitil en être autrement? L'erreur ne peut produire les mêmes effets que la vérité.

Autant la religion catholique est intolérante par rapport aux doctrines, autant, avons-nous dit, elle est tolérante par rapport aux personnes. Qui ne le sait? Il suffit. pour s'en convaincre, de regarder autour de soi, et de considérer toute chose sans prévention. Ces hommes que nous vous avons montrés tout à l'heure les plus intolérants de tous, sous le rapport des doctrines, parce qu'ils sont les plus convaincus, vous devez les trouver également les plus tolérants sous le rapport des personnes, parce qu'ils sont les plus vertueux et, par conséquent, les plus charitables. Le même Dieu qui les enflamme d'un saint zèle et leur dit : « Allez donc, instruisez tous les hommes sans exception, en tout temps, en tout lieu!» ce Dieu les enflamme également d'une charité à toute épreuve, et leur dit : « Pardonnez, pardonnez toujours! Aimez tous les hommes, quels qu'ils soient, fussent-ils vos plus implacables ennemis, fussent-ils vos persécuteurs et vos bourreaux!>>

Aussi, que d'amour dans ces hommes! et dès lors quelle tolérance! Voyez un Cheverus, un Fénelon, un Vincent, un François de Sales, un Martin, et remontant toujours la longue et vaste chaîne des croyants, voyez

tous les martyrs, voyez les apôtres. Quelle intrépidité sans doute en chacun d'eux pour aller combattre l'erreur et la détruire, s'il est possible! Mais aussi quelle longanimité à l'égard de ceux en qui se trouve cette erreur! Ils sont patients jusqu'à la mort, et la mort même la plus ignomínieuse et la plus cruelle. Ces hommes viennent de JésusChrist évidemment, et, par Jésus-Christ, de Dieu; comme Jésus-Christ, comme Dieu lui-même, autant qu'il est permis de comparer la créature au Créateur, ils sont les plus implacables ennemis de l'erreur, parce qu'ils sont toute vérité; mais comme JésusChrist aussi, comme Dieu lui-même, ils sont les plus persévérants amis de l'homme, quelle que soit sa position, parce qu'ils sont toute charité.

Il n'en est, ni ne peut en être ainsi partout ailleurs que dans la religion catholique. Comme il n'y a plus la même identification en Notre-Seigneur Jésus-Christ, pour rappeler ici l'idée de saint Paul, il n'y a ni la même foi, ni le même amour. Aussi, quelle différence dans la conduite! Sans aller si loin, voyez, par exemple, un Luther et un Calvin, ces deux chefs du protestantime : que d'aigreur, que de grossièreté, que d'emportement, que de fureur! Voyez encore nos modernes philanthropes, distillant d'abord par la plume et par la parole tout le fiel qui est dans leur cœur,

Et le fer à la main prêchant la tolérance.

C'est bien changé depuis, me direz-vous. Depuis quand, s'il vous plaît? Dites-moi franchement, vous qui parlez sans cesse de tolérance, vous avez vu peut-être dans nos plus récents malheurs la sœur de Charité prodiguant ses soins au blessé des barricades, à l'heure même où celui-ci venait de saper les fondements de la société et de la religion. Si vous n'y avez pas rencontré le prêtre catholique, c'est que son habit ne lui donnait pas le même accès; eh bien! je vous le demande, en quelles actions, sur quels visages, dans quels cœurs avez-vous aperçu cette tolérance dont vous voudriez faire la seule reine du monde moderne?

«En paraissant sur la terre, »dit ici l'abbé de Frayssinous (Sur la tolérance), « le christianisme fit hautement profession d'enseigner qu'il possédait seul la vérité; il ne vit dans le judaïsme que des figures qu'il venait réaliser, et, dans le paganisme, que des superstitions qu'il venait détruire. Ses disciples furent animés d'un zèle ardent pour établir son empire, pour combattre, non par les armes, mais par la persuasion, les erreurs et les vices universellement répandus, et pour former en tous lieux au Dieu véritable un peuple d'adorateurs en esprit et en vérité. Ennemie inflexible de l'erreur, la religion chrétienne ne saurait s'allier avec aucune autre. Sous ce rapport, elle est exclusive, on peut l'appeler intolérante; mais son intolérance ne tombe que sur les mauvaises doctrines en même temps, son caraetère distinctif est l'amour de tous les hom

mes, même des ennemis; elle enseigne qu'en Jésus-Christ, il n'est ni juif, ni gentil, ni grec, ni barbare, ni maître, ni esclave; qu'en lui tous les hommes sont frères, et que la charité a fait tomber le mur de division qui pouvait les tenir séparés. Sous ce rapport, la religion chrétienne est de toutes la plus indulgente; on peut l'appeler tolérante, mais sa tolérance ne regarde que les personnes tel est donc son double esprit. Chez elle, le zèle contre les erreurs et les vices s'allie avec la charité mutuelle; et ce n'est qu'en confondant des choses qu'il faut savoir distinguer, qu'en présentant ici le Christianisme sous un faux jour qu'on peut réussir à le rendre odieux. Donnons à ces pensées quelque développement, et tâchons de faire bien comprendre ce que c'est que la tolérance chrétienne.

« Fille du ciel, la religion chrétienne, en se montrant aux hommes, a dû produire les titres de sa céleste origine, avant d'exiger leur soumission et leurs hommages. Tout se réduit à savoir si elle est divine, et c'est sur les preuves de sa Divinité, sur les faits extérieurs et publics qui lui servent de fondement, qu'elle provoque l'examen de la raison. Si elle vient de Dieu, si Jésus-Christ, son auteur, a eu véritablement le droit de dire à la terre: Je suis la vérité, Ego sum veritas (Joan. XIV, 6), il faut bien, par une conséquence inévitable, que l'Eglise chrétienne soit jalouse de se conserver pure dans la doctrine qu'elle a reçue du Ciel même; que, gardienne fidèle du dépôt sacré, elle repousse les erreurs qui l'altèrent comme les vices qui le déshonorent; et que, toujours vigilante, elle signale à ses enfants les funestes nouveautés qui pourraient les surprendre. La vérité, dont elle se croit seule en possession, ne peut pas plus s'allier avec le mensonge que la lumière avec les ténèbres, le vice avec la vertu, la loi avec l'anarchie, l'autorité avec la révolte. La vérité est une, et, si elle se trouve dans la religion chrétienne, il faut bien que le mensonge infecte plus ou moins toutes les autres. Si la société fondée par Jésus-Christ ne gardait pas avec une courageuse fidélité les vérités saintes qui lui sont confiées, qu'arriveraitil? Attaquée, entamée de toutes parts, elle serait mise en lambeaux, et bientôt elle ne serait que l'assemblage impur de toutes les erreurs. Loin de lui reprocher son zèle, reconnaissons plutôt que c'est là ce qui fait sa force et sa gloire. Toute religion qui serait indifférente aux opinions qui la combattent, porterait sur le front le cachet du mensonge, et même un signe manifeste de ruine et de destruction, comme les gouvernements qui seraient indifférents aux complots des factieux, aux révoltes populaires, laisseraient voir des symptômes effrayants de décadence et de dissolution.

« Toutefois le zèle de la doctrine ne doit jamais altérer la charité: intolérante contre les erreurs, mais tolérante envers les personnes, telle est la religion que nous avons le bonheur de professer; tout ce qui a pu,

Vous faites une distinction entre l'intolérance des idées et celle des personnes, nous dit-on; mais l'une conduit à l'autre nécessairement. Peut-on vivre en paix avec des gens qu'on croit damnés?

dans le cours des siècles, s'écarter de ce double caractère de force d'un côté, et de douceur de l'autre, n'est pas venu de la religion, mais des passions humaines. Elle nous apprend à supporter dans des sentiments de paix et d'indulgence ceux mêmes que nous croyons dans l'erreur, à les plaindre plus encore qu'à les condamner; le vrai Chrétien sait distinguer l'erreur, toujours odieuse, de celui qui s'égare; le paradoxe qui révolte, de celui qui le soutient. Sans doute, le mensonge ne mérite pas plus de ménagement que le vice, et l'athée n'est pas plus respectable que le débauché; mais le zèle le plus légitime a ses bornes, il doit toujours ètre tempéré par une sage condescendance; et, lors même que les doctrines peuvent diviser les esprits, la charité doit confondre les

cœurs.

« On s'étonne de l'intolérance de l'Eglise chrétienne dans sa doctrine; mais n'en trouve-t-on pas une semblable dans toutes les choses humaines? Je vous le demande, en effet, quel est le gouvernement sur la terre qui ne soit jaloux de l'intégrité de sa puissance, qui ne réprime les factieux, qui ne maintienne les sujets dans la soumission; et par là même n'est-il pas intolérant envers les ennemis de son autorité ? Quel est le magistrat qui ne doive se faire une obligation sacrée de veiller à la sûreté des personnes et des propriétés, au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, à la poursuite et à la punition des délits et des crimes? Sous ce raport, le magistrat n'est-il pas intolérant envers les infracteurs des lois? Voyez le savant bien convaincu de la vérité de son système sur la structure du globe ou sur notre monde planétaire; quel zèle pour le défendre, pour combattre les hypothèses contraires! et voilà comme son Opinion est intolérante envers celles qui s'y trouvent opposées: Voyez l'homme de lettres bien persuadé que les sources les plus pures de la saine littérature se trouvent dans les siècles d'Auguste et de Louis XIV; comme il venge les écrivains de ces deux mémorables époques; comme il repousse les téméraires novateurs qui ne partagent pas son admiration! lui ferez-vous un crime de cette sorte d'intolérance? Et moi, ministre de la religion, chargé de l'annoncer aux hommes; moi, profondément convaincu de sa divinité, si je cherche à pénétrer les esprits de la vérité de sa doctrine et de la sainteté de ses préceptes; si je signale les erreurs qui la défigurent; sije la défends contre les attaques de ses ennemis, je serai coupable d'une odieuse intolérance! Où est la justice de ce reproche? Quoi! le zèle du magistrat pour les lois, du savant pour ses systèmes, de l'homme de lettres pour les vrais principes du goût, on le trouvera louable; et le zèle pour le premier de tous les biens, la religion, on affectera de le flétrir d'une injurieuse qualification! Apôtres de la tolérance, avezvous donc deux poids et deux mesures pour peser les sentiments et les actions des hommes? »

Ce n'est pas nous qui la faisons cette distinction, c'est la religion, la raison, ou plutôt elle est dans la nature, et frappe les yeux les moins clairvoyants. Qui ne le comprend? L'homme égaré, à quelque degré de l'erreur qu'il soit descendu, est-ce la même chose que l'erreur qui l'aveugle, et quelquefois le corrompt? Non, assurément. L'erreur vient du démon, et l'homme de Dieu; l'erreur est toujours et sera toujours mal, quoi que vous puissiez dire et faire, l'homme peut changer, s'améliorer, et devenir aussi pur, aussi grand, aussi saint qu'il était dégradé. Qui ne le voit par saint Paul? Done il doit y avoir naturellement une différence essentielle entre l'intolérance des idées et celle des personnes.

Mais, dites-vous, l'une conduit à l'autre nécessairement.

Point du tout; est-ce que la haine dont Jésus-Christ poursuivait l'erreur et le crime avait affaibli dans son cœur la charité dont il brûlait pour l'homme égaré et coupable? Ne nous dit-il pas, au contraire, qu'il laissera là, s'il le faut, les quatre-vingt-dix-neuf brebis fidèles pour courir après la brebis égarée et la ramener au bercail? Ne recommande-t-il pas aux siens de l'imiter en ce point? Ne voyons nous pas tous ceux que ce bon Pasteur a formés à son image faire de même en tout temps et en tout lieu? L'homme plongé dans les ténèbres de l'erreur est comme endormi sur le bord d'un abîme; pour le mettre à l'abri du danger, celui qui en a la responsabilité doit s'approcher de lui doucement et avec toutes les précautions imaginables. Je sais qu'il y a à craindre que le zèle ne confonde quelquefois l'erreur et le vice avec ceux en qui ils se trouvent, en quelque sorte, comme incarnés; mais cela n'arrive ni nécessairement ni même communément, dans la religion catholique surtout qui nous recommande à tous, au nom de Jésus-Christ, à l'égard de tous les hommes créés à l'image de Dieu, une charité égale, si non supérieure, à la haine que nous devons porter à l'erreur et au vice qui les dégradent.

Mais, dites-vous encore, on ne peut vivre en paix avec des gens qu'on croit damnés.

Et qui donc croyons-nous damné ici-bas? Personne, pas même l'homme le plus éloigné des doctrines vivifiantes de notre sainte religion; parce que nous savons qu'à toute heure, jusqu'au dernier moment de son existence, il peut revenir à la vérité, à la vertu, et s'élever en grâce aux yeux de Dieu bien au-dessus de celui qu'on croyait le p'us parfait. Nos plus grands saints n'ont-ils pas été quelquefois de très-grands pécheurs? Rappelez-vous saint Paul, saint Augustin, et tant d'autres. Ceci est particulièrement propre encore à la religion catholique, qui, par son immense charité, et les moyens

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