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sans le prier; ou plutôt notre prière à Marie n'est encore qu'une prière à Dieu par l'entremise de cette divine Mère. Il est donc faux, réellement et mathématiquement faux que nous priions Marie autant et plus peutêtre que Dieu lui-même, comme vous le prétendez.

Elle a autant d'autels, prétendez-vous encore, et ces autels sont peut-être chargés d'un plus grand nombre d'offrandes.

C'est la même objection en d'autres termes; notre réponse sera donc aussi la même en termes différents.

C'est la même objection, disons-nous; car, qu'est-ce que l'autel? une élévation vers Dieu Altare; c'est donc une prière, en un sens, c'est du moins le piédestal sur lequel s'appuie notre prière pour monter jusqu'à Dieu. Qu'est-ce aussi que l'offrande? une demande en action: faite à Dieu ou à ses saints, elle ne peut avoir d'autre signification. Puisque c'est la même objection présentée sous une nouvelle face, notre réponse sera la même quant au fond.

Vous prétendez que Marie a autant d'autels que Dieu lui-même.

C'est faux, évidemment faux.

Il n'y a pas d'église qui n'ait son autel au Seigneur. Il ne peut en être autrement, 'on ne conçoit même pas qu'il puisse en être autrement. Qu'est-ce que l'église? une assemblée le mot même le dit. Or, quel est le point central de cette assemblée? l'autel du Seigneur, comme il est aisé de le voir. Cet autel érigé au Seigneur est uniquement à lui qui ne le comprend encore? Je monterai à l'autel du Seigneur, dit le prêtre, qui préside l'assemblée, qui en est réellement ou est censé en être du moins le plus ancien, comme son nom même le dit:-Vers le Seigneur qui réjouit ma jeunesse, répond l'assemblée elle-même. Et un peu plus loin: Priez, mes frères, dit le prêtre, afin que mon sacrifice, qui est en même temps le vôtre, soit agréable à Dieu, le Père tout-puissant.-Que le Seigneur le reçoive de vos mains, répond l'assemblée. Et un peu plus loin: Elevons nos cœurs, dit le prêtre. Nous les avons vers le Seigneur, répond l'assemblée. Et plus loin encore: Notre Père, qui êtes aux cieux! dit le prêtre, donnez-nous notre pain de chaque jour, pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, et ne nous laissez point succomber à la tentation;-mais délivrez-nous du mal, répond l'assemblée. Cet autel autour duquel se tient l'assemblée présidée par le prêtre, est donc bien à Dieu, et uniquement à lui, avons-nous dit avec raison. Sans doute on y honore et on y prie quelquefois la sainte Vierge et les saints; mais ce n'est que secondairement, pour que cet honneur et cette prière remontent jusqu'à Dieu, qui est ainsi honcré et prié dans ses plus parfaites créatures.

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S'il n'y a point d'église qui n'ait son autel au Seigneur, il n'y en a point, non plus, ou du moins c'est fort rare, qui n'ait son autel à la sainte Vierge. J'avouerai même

franchement qu'on voit de petites chapelles où il n'y a que cet autel érigé en l'honneur de la sainte. Mais remarquez que cet antel est en même temps l'autel du Seigneur, et qu'il n'est même érigé en l'honneur de la sainte Vierge que pour donner à nos cœurs plus de facilité de s'élever jusqu'à Dieu, Aussi considérez le prêtre et l'assemblée des fidèles à cet autel, n'est-ce pas absolument la même chose qu'à l'autel du Seigneur? Je monterai à l'autel du Seigneur, dit le prêtre; -Vers le Seigneur qui réjouit ma jeunesse, répond l'assemblée. Et ainsi de suite. Avezvous entendu : A l'autel du Seigneur? et cependant il est bien à l'autel qu'on appelle de la Vierge, et qui a été réellement érigé en son honneur.

Ainsi, d'une part, il y a des autels qui ne sont qu'à Dieu; d'une autre part, les autels érigés en l'honneur de la sainte Vierge le sont en même temps en l'honneur de Dieu, ils ne sont en quelque sorte que des degrés plus faciles dont nous nous servons, nous faibles créatures, pour monter jusqu'à son autel suprême, jusqu'à son trône. Il est donc faux, réellement et mathématiquement faux que la sainte Vierge ait plus d'autels que Dieu lui-même.

C'est la même chose encore pour les offrandes.

Il y en a plus peut-être sur ses autels que sus ceux du Seigneur, remarquez-vous.

Oui pour qui s'arrête à la surface des choses. Mais quand on examine bien attentivement, on reconnaît que les offrandes faites à Dieu sont à lui, uniquement à lui, tandis que les offrandes faites à la sainte Vierge, déposées, en si grande quantité quelquefois, sur ses autels, sont en même temps faites au Seigneur, et qu'elles ne sont même remises d'abord entre les mains de cette Vierge que pour qu'elles soient plus favorablement accueillies du Seigneur. Nous ne cessons de le dire hautement, de l'exprimer de toutes manières; et, quand nous ne le faisons pas de vive voix, et directement, nous le faisons du moins indirectement et de cœur.

Il est donc faux encore, réellement et mathématiquement faux que les autels de Marie soient plus chargés d'offrandes que ceux du Seigneur.

Qu'est-ce que cela, dites-vous, si ce n'est un retour au paganisme.

Dites plutôt que c'est sa ruine, un obstacle invincible à son retour. Il faut à l'homme un culte extérieur qui touche profondément son cœur, fasse la plus vive impression sur ses sens, sur son être tout entier, pour lə rattacher à la Divinité. Il a besoin d'une puissance supérieure qui se rapproche de lui le plus possible, qui vienne, en quelque sorte, le saisir ici-bas, au milieu de toutes les misères et de toutes les difficultés de la vie, comme une mère fait à l'égard d'un enfant, pour l'élever en un lieu de sûreté et de bonheur. Cela se prouve surabondamment par la position de l'homme sur la terre, par sa faiblesse, par ses tendances les plus géné rales, les plus invincibles et les plus pures.

Or, voilà précisément ce que nous trouvons dans le culte de Marie.

Et qu'importe, me direz-vous, si ce culte lui-même n'est pas autre chose qu'un paganisme renouvelé ?

Il n'y a pas l'ombre du rapprochement; et c'est même, en certains points, tout l'opposé.

Qu'était le paganisme? l'erreur, et l'erreur la plus déplorable, l'erreur sur la Divinité, source de toute vérité. Ainsi, au lieu d'un Dieu, unique et parfait, il en reconnaît plusieurs, et quels dieux!

Le culte de la sainte Vierge, au contraire, nous montre un seul Dieu, infiniment élevé au-dessus de toutes ses créatures, lesquelles n'ont et ne peuvent avoir de mérite et de puissance qu'autant qu'il a bien voulu les rapprocher de son êire infini, en sorte que toute leur gloire n'est qu'un reflet de sa gloire, de même que le culte que nous leur rendons se rapporte complétement à son culte.

Qu'était le paganisme encore? la corruption, et la corruption la plus détestable, la corruption sacrilége, une corruption de même nature que l'erreur d'où elle découlait. Aussi, que d'abominations dans les mystères du paganisme ! On ne peut se les rappeler seulement, sans reculer d'épou

vante.

Il n'y a rien de semblable dans le culte de la sainte Vierge. Que de pureté, au contraire, non-seulement dans ce culte lui-même, mais dans tout ce qui en découle! que de pureté, disons-nous, non-seulement dans les actions, mais encore dans les paroles, les pensées et les sentiments! C'est là même, en quelque sorte, tout l'objet de culte, la pureté à honorer, la pureté à imiter; la pureté à honorer, parce qu'elle vient de Dieu, la pureté à imiter, et à imiter en tout, parce que tout en nous doit se rapprocher de Dieu.

Nous avons donc eu raison de dire que, bien loin d'être un retour au paganisme, le culte de la sainte Vierge en est la ruine définitive, l'obstacle le plus invincible à son renouvellement, parce que, tout en satisfaisant le besoin que nous avons de nous rapprocher de la Divinité, il empêche les abus qui peuvent naître de ce rapproche

ment.

Dieu seul, dites-vous encore, peut être ainsi prié, ainsi honoré.

Les explications que nous venons de donner, ont répondu par avance à cette observation.

Comment prions-nous la sainte Vierge? Secondairement, en quelque sorte, ou plutôt c'est Dieu que nous prions en elle et par elle. Comment l'honorons-nous? Secondairement encore, ou plutôt, c'est Dieu luimême que nous honorous en elle et par elle. Ignorer cela, douter de cela, c'est n'avoir aucune idée de ce qui se dit et se fait tous les jours, de ce qu'on a dit et fait soi-même bien des fois probablement. Je vous salue, Marie, pleine de grâces, le Seigneur est avec vous... Voyez-vous nous ne nous proster

nons aux pieds de Marie, que parce que le Seigneur est avec elle. Puis, nous ajoutons : Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous.., Entendez-vous nous la prions de prier pour nous. Notre prière alors est encore une prière à Dieu lui-même, en la faisant appuyer de tout le crédit de sa sainte mère. Quoi de plus légitime que tout cela! quoi de plus naturel, et j'ajouterai même de plus obligatoire! Ce n'est point agir contre la volonté de Dieu, ce n'est point dérober quelque chose à sa gloire. Au contraire, c'est rehausser encore cette gloire extérieurement, c'est faire ce qu'il attend de notre dévouement et de notre reconnaissance.

Marie est-elle la Divinité, demandez-vous, pour exaucer ou même entendre les prières de tous les hommes.

Nous ne cessons de le répéter, bien loin d'attribuer à Marie la nature divine, dans le culte que nous lui rendons, nous reconnaissons, au contraire, par ce culte, que tout en elle, comme en nous, vient de Dieu, et que tout en elle, comme en nous, doit se rapporter à Dieu, bien loin d'être une ido1airie, ce culte si touchant et si pur, nous empêche de retomber dans l'abîme de l'idolâtrie, ou nous avaient entraînés si profondément, avant l'établissement du christianisme, notre ignorance, notre faiblesse et les efforts incessants du démon.

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Comment donc, demandez-vous, créature peut-elle entendre seulement toutes les prières des hommes?

Parce que Dieu le veut. Contestez-vous à Dieu une telle puissance, ou, pour parler plus exactement, la délégation, la communication d'une telle puissance? Sur quoi donc, s'il vous plaît, serait fondée cette contestation? N'avons-nous pas mille exemples qui nous la rendent plausible, j'ai presque dit naturellement. Voyez un homme de génie, un Bossuet, par exemple. Que ne saitil pas! que ne voit-il pas, en quelque sorte? passé, présent, avenir, choses de la terre, choses du ciel, choses de l'enfer, tout est, pour ainsi dire en même temps sous ses yeux. Et vous ne voudriez pas que la Mère de Dieu élevée au-dessus de la région des ombres, plongée au sein des plus pures lumières, en communication la plus intime avec Celui pour qui la connaissance de toutes choses n'est que l'idée la plus simple, pût entendre la prière de tous les hommes?

Mais, dites-vous, comment peut-elle les exaucer?

Encore une fois, parce que Dieu le veut. Ou plutôt, ce n'est point elle-même qui les exauce, c'est Dieu, à qui elle les présente, sur notre demande. Refuserez-vous à celui qui, après avoir créé toutes choses de rien, a fait l'homme à son image, le pouvoir d'exancer, en quelques points, la prière de cette créature privilégiée.

Qu'il nous soit permis de rappeler ici ce que nous disons dans un autre ouvrage (La femme chrétienne dans la société moderne), sur cet important sujet.

<< La foi nous enseigne que Marie est la

Mère de Dieu. Non pas que la créature ait donné naissance au Créateur, non pas que l'humble femme, ne possédant, pour ellemême, que cette vie d'un jour, ait engendré le Verbe éternellement existant; mais parce que le Fils de Dieu s'est incarné dans son sein. En effet, comme dans le Christ, l'humanité est étroitement unie à la Divinité, sous la direction d'une seule personne, qui est la personne divine, nous attribuons à cette personne ce qui, rigoureusement parjant, ne convient qu'à l'humanité, et nous disons, avec l'ange, que l'Emmanuel, ou le Dieu avec nous, est né de Marie, et, par conséquent, que Marie est sa Mère, comme nous disons qu'il a prié, qu'il a souffert et qu'il est mort. Or, ce titre de Mère de Dieu, justement donné à Marie, ne doit-il pas lui assurer notre vénération et nos hommages? Ne doit-il pas nous engager à lui exposer nos besoins, et nous donner la ferme confiance que nos demandes adressées à cette puissante protectrice seront toujours favorablement accueillies ?

<< Il entre dans les vues de la divine Providence que la vérité soit attaquée sur tous les points, afin que, sur tous les points aussi, la vérité soit défendue, et qu'elle s'affermisse même par les coups qu'on lui porte. Des attaques ont donc été dirigées contre l'habitude où sont les Chrétiens d'adresser aussi leurs prières à la Vierge Marie.

« La prière, dit-on, suppose une autorité souveraine, une puissance absolue. Or, Dieu seul possède cette autorité, cette puissance. Notre prière ne doit donc s'adresser qu'à Dieu.

« Sans doute, c'est à Dieu que doivent s'adresser, en dernier lieu, tous nos vœux', parce que lui seul peut les exaucer; mais ces demandes premières, si je puis m'exprimer ainsi, mais ces sollicitations pour qu'une créature puissante auprès de Dieu intercède en notre faveur, en quoi seraient-elles condamnables? Si nous ôtions à la Divinité la science infinie, la toute-puissance et ses autres attributs, pour les donner à Marie, nous fèrions une usurpation sacrilége; mais, quand nous lui supposons seulement un grand crédit auprès de son Fils, notre conduite ne se trouve-t-elle pas conforme aux idées combinées de notre religion et de la nature? Or, c'est tout ce nous faisons dans les prières qui s'adressent à elle. Lorsque nous prions Dieu lui-même, nous lui demandons le pain matériel qui nourrit le corps et le pain de la parole divine qui nourrit l'intelligence; lorsque nous prions Marie, nous la conjurons seulement d'intercéder pour nous auprès de Dieu.

« Pour obtenir quelque grâce d'un roi de la terre, nous commençons ordinairement par solliciter la protection d'une personne en crédit auprès de lui; et, pour obtenir quelque grâce du Roi des rois, il nous serait défendu de solliciter d'abord la protection puissante de sa Mère? Quoi de plus inconséquent! N'est-ce pas à la recommandation de sa Mère que Jésus opéra son pre

mier miracle, qui fut aussi un bienfait? Si Jésus et sa Mère étaient actuellement sur la terre devenue chrétienne, les hommes se prosterneraient en foule aux pieds de Marie; ils lui diraient tous avec l'accent du plus sincère attachement et de l'humilité la plus profonde: Nous sommes indignes de paraître en la présence de votre Fils, qui est en même temps le Fils de Dieu. Nous nous trouvons cependant dans un dénûment absolu de toutes choses, daignez donc intercéder pour nous auprès de lui. Quoi donc! parce qu'elle est élevée auprès du trône de Dieu, il nous serait défendu de nous prosterner à ses pieds? Depuis qu'elle est à la source de toutes les grâces, il nous serait défendu de les demander par son intercession.

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« Je ne puis concevoir comment il se rencontre des Chrétiens qui désapprouvent l'habitude où nous sommes d'adresser aussi des prières à Marie. Il est bien difficile que ceux dont les paroles nous condamnent ne condamnent pas eux-mêmes, quelquefois, par leur propre conduite. Je vois l'un d'eux, je suppose, gravement indisposé en ce moment; il tourne, en tous sens, sur sa couche dure et brûlante, son corps souffrant et débile, et il ne peut trouver une position un peu commode. Il désirerait ardemment goûter quelques instants de repos, et il ne trouve que l'insomnie. Pour jouir au moins du calme intérieur, il essaye d'avoir recours à la prière; mais les pointes aiguës de la douleur, le feu dévorant de la fièvre, le travail de tous ses membres souffrants, permettent, à peine, à son âme de se posséder elle-même. Il porte, de tous côtés, ses regards troublés. A ses pieds, il aperçoit une tendre mère dont les yeux humides de pleurs, et les lèvres doucement agitées indiquent clairement la pieuse occupation. La sérénité renaît un instant dans son âme et se reflète immédiatement sur son visage. Touché des attentions de la pieuse femme prosternée devant Dieu à son intention Vous avez raison, bonne et sainte mère s'écrie-t-il, priez pour moi; car je ne puis prier moi-même. Ce malade, c'est l'image fidèle de l'homme. Il est gisant sur cette terre, comme sur une couche de douleur. Son corps souffrant et débile se tourne en tous sens, et ne saurait rencontrer une position un peu commode. Il désirerait ardemment goûter quelques instants de repos, mais il ne trouve que l'agitation et l'inson nie. Pour jouir au moins du calme intérieur il essaye d'avoir recours à la prière; mais souvent les pointes aiguës de la douleur, le feu dévorant qui le consume, le travail de tous ses membres souffrants, mille autres raisons ne permettent pas à son âme de se posséder elle-même. Désespéré, il porte de tous côtés, ses regards troublés. Auprès du trône de Dieu, il aperçoit, en esprit, la Vierge Marie qui abaisse sur lui des regards de bienveillance; et il est coupable, parce que de son cœur attendri s'échappent ces paroles Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour moi, pendant le cours de cette triste

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vie, et à l'heure plus triste encore de la mort!»> Est-ce que les supplications de tant de malheureux, avez-vous dit enfin, ne troubleraient point le bonheur parfait dont vous prétendez qu'elle jouit dans le ciel.

De telles supplications adressées à Dieu en bien plus grand nombre, puisqu'il y en a qui ne sont adressées qu'à lui-même, et que celles qui s'adressent aux créatures élevées en gloire auprès de son trône, lui reviennent aussi en dernier lieu, ces supplications troublent-elles son bonheur? Non, me direz-vous; car ce bonheur est parfait, et rien ne saurait l'altérer. Il en est ainsi du bonheur de Marie, qui est de la même nature que celui de Dieu, autant que cela peut être, puisqu'il n'est qu'une participation à ce bonheur. Je vais même plus loin, et je dis que c'est peut-être dans les supplications attendrissantes de tous les enfants qu'elle a sur la terre, que c'est dans le moyen qu'elle a de les entendre et de les satisfaire qu'existe le plus grand bonheur de Marie dans le ciel, après celui toutefois de posséder Dieu. Cela se conçoit de la part de celle qui fut associée si intimement au grand mystère de la Rédemption des hommes; cela se conçoit de la part d'une mère, et surtout d'une mère aussi pure, aussi sainte, aussi dévouée que Marie.

Voyez ce qui se passe tous les jours sur la terre au milieu de nous. Quand une mère entend le cri de son enfant qui est sur le point de périr, comme elle vole à son secours! comme elle se dévoue pour le sauver! et, si elle peut réussir, son cœur n'éprouve-t-il pas alors une satisfaction plus grande peutêtre que toutes celles qu'elle a goutées jusqu'ici? Ne se rappelle-t-elle pas avec je ne sais quel attendrissement délectable les cris poussés par son fils à l'heure du danger, les palpitations de son cœur maternel au même moment?

Et quand elle n'a pas réussi; me direz

vous.

Ah! c'est pour elle la plus grande affliction qu'elle puisse éprouver. Mais la dévouée et puissante Mère de Dieu et des hommes ne se trouve jamais dans ce cas, elle est toujours sûre de réussir.

Pourtant, me direz-vous, bien des prières lui sont adressées sans être exaucées jamais. Oui, des prières mauvaises; et alors son cœur maternel n'en saurait être contristé; car de telles prières, c'est le mal, et la répulsion du mal ne peut lui déplaire, puis que c'est l'accomplissement de la justice.

Quant aux bonnes prières, adressées au Seigneur, par l'entremise de sa divine Mère, elles sont toujours exaucées et ne peuvent manquer de l'être une mère a tant d'empire sur le cœur de son fils, et j'ajouterai: une telle mère sur le cœur d'un tel fils. De là les paroles si remarquables de saint Bernard: -Souvenez-vous, & très-pieuse Vierge Marie, s'écrie-t-il, qu'on n'a jamais ouï dire qu'aucun de ceux qui ont eu recours à votre protection, imploré votre secours et demandé vos suffrages, ait été abandonné : Memento,

o piissima Virgo Maria, nunquam auditum a sæculo, quemquam ad tua currentem præsidia, tua implorantem auxilia, tua petentem suffragia esse derelictum.

Si nos prières à Marie, faites comme elles doivent l'être, ne sont pas toujours exaucées dans le sens que nous entendons, elles le sont d'une manière plus excellente et plus avantageuse pour nous. Et il y a encore là la source d'une grande satisfaction pour son cœur maternel. Quel bonheur pour elle, en effet, quand, après avoir conduit ses plus dévoués serviteurs par les sentiers de douleur et d'opprobre qu'elle-même a suivis, pendant son séjour sur la terre, elle les introduit dans le ciel, au sein même du bonheur et de la gloire.

C'est ce dont elle les prévient elle-même par avance, comme l'exprime si bien, en termes non moins touchants que simples, le livre Imitation de la sainte Vierge (1. iv, chap. 9), que j'ai cité au commencement de cet article:

« Mon fils, dans toutes les situations facheuses où vous pouvez vous trouver, appelez-moi à votre secours, et j'intercéderai pour vous.

« Quoi que ce soit que vous souhaitiez, si ce que vous souhaitez n'est point contraire à la gloire de Dieu et à votre salut, je serai toujours disposée à vous écouter.

«Ne me demandez jamais rien qu'en désirant toutefois que la volonté de Dieu s'accomplise, une prière que vous me ferez dans cette disposition, ne sera jamais sans quelque fruit.

« Il est des Chrétiens qui me príent de leur obtenir ce qu'ils savent bien n'être pas selon la volonté de Dieu doivent-ils s'attendre à être exaucés? D'autres ne pensent à m'invoquer que lorsqu'il s'agit des biens de la terre; ils sont d'ailleurs dans une parfaite indifférence pour les biens de la grâce.

« Si je prie pour eux, ce n'est pas pour leur obtenir ce qu'ils demandent, et qui leur serait nuisible, mais ce qu'ils ne pensent point à demander, et qui leur serait utile.

« Je demande pour eux des afflictions qui, les détachant de la terre, les fassent penser au ciel. Des grâces de conversion et de salut, des grâces pour croître en vertu, en mérite, voilà ce qu'il faut avant toute chose me demander, j'écoute toujours favorablement de telles prières.

« Je ne demande des biens temporels pour ceux qui m'invoquent, qu'autant que j'y vois pour eux un solide avantage. Le gain d'un procès, une récolte abondante, seraient quelquefois très-funestes à celui qui me prie de les lui obterir. Quand on est dans la prospérité, on ne pense guère à l'éternité.

«Bien des malades me demandent de leur obtenir leur guérison; pour qui néanmoins je ne demande à Dieu que les grâces qui sont nécessaires dans le temps de la maladie.

« Je ne suis pas de ces mères que leur tendresse aveugle et empêche de procurer

le vrai bien de leurs enfants: ma tendresse pour vous, mon fils, ne saurait me séduire.

« Je n'intercède pour vous auprès de Jésus, que pour en obtenir ce qui vous est le plus utile pour ce monde et pour l'autre. Dans cette persuasion, recourez avec confiance à ma protection; recourez-y dans

toutes vos peines, de quelque nature qu'elles soient. Et comme ces peines sont fréquentes, que mon nom soit, après celui de Jésus, sans cesse sur vos lèvres; qu'il soit, après celui de Jésus, profondément gravé dans

votre cœur. »

VOCATION.

Objection. C'est le prêtre qui fait les vocations, et il dit que cela vient de Dieu. Ne voyez-vous pas que c'est sa parole, sans cesse répétée à l'enfant, qui conduit les uns au séminaire, les autres dans un couvent...

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Réponse. Achevez donc! Et ceux qui embrassent l'état militaire, ou qui prennent d'autres positions semblables, est-ce le prêtre qui les conduit?

Non, ce n'est pas la parole du prêtre qui fait les vocations, ce sont les aptitudes, les goûts, Dieu, par conséquent, dirons-nous avec raison, puisque c'est lui qui donne à chacun une aptitude et des goûts différents.

Il est vrai que la vocation se révèle tard quelquefois, que nous nous arrêtons tout à coup sur la voie dans laquelle nous parais sions marcher avec plaisir et succès, pour entrer dans une voie tout opposée. Cela ne vient jamais ou presque jamais du prêtre; mais plutôt de Dieu lui-mêine, qui parle alors médiatement ou immédiatement au cœur, tantôt par un de ces grands événements qui éveillent l'attention publique, tantôt par la voix secrète, mais non moins puissante de sa grâce.

Il est vrai encore que l'homme manque quelquefois complétement sa vocation; qu'il en embrasse une toute différente de celle qu'il devait suivre. Cela vient encore moins du prêtre. C'est son aveuglement qui en est la cause, ou c'est du moins l'aveuglement de ses guides temporels qui leur ont été donnés aussi pour le conduire, et qui ne lui servent souvent qu'à l'égarer.

Il y en a qui s'imaginent que, quand le prêtre a remarqué un excellent sujet, appartenant surtout à une famille riche et honnête, il se dit intérieurement: « Il faut que je m'en empare!» et que, fondant sur lui, comme l'aigle sur sa proie, il le conduit, bon gré mal gré, au séminaire ou dans un couvent. Quelle absurdité! Ne voyez-vous pas qu'au lieu de servir Dieu, ce serait l'offenser gravement? que sous prétexte de servir les intérêts de la religion et de toutes les vertus qui en découlent, comme la justice et la charité, ce serait commencer par les méconnaître complétement. Croyez-le donc bien: en cela, le prêtre ne fait que ce qu'il peut et doit faire. Il éclaire, dirige, éprouve. Il éprouve longtemps quelquefois, pendant des années entières, et ce n'est qu'après s'être bien convaincu que telle ou telle vocation est véritable qu'il n'hésite point à dire : « Allez, mon enfant, c'est bien Dieu qui vous appelle! >> Est-ce là faire des vocations?

C'est le prêtre qui fait les vocations ! dites

vous.

Savez-vous bien ce dont vous l'accusez, en parlant ainsi ? Faire des vocations, ce serait voler des âmes, se mettre à la place de Dieu, ou plutôt en opposition avec Dieu. Et le prêtre ferait cela? et il le ferait pour mieux remplir son devoir, pour être plus agréable à Dien? Vous le supposez alors aussi aveugle que coupable.

C'est le prêtre qui fait les vocations.

Pouvez-vous me dire quel prêtre a fait la Vocation des apôtres, quand ils ont tout quitté pour suivre Jésus-Christ? Quel prêtre a fait la vocation de Paul, quand, terrassé sur le chemin de Damas, il s'écria subitement changé « Seigneur, que voulez-vous que je Marie d'Egypte, quand, du sein de la prostitufasse?» Quel prêtre a fait la vocation de tion, elle se sentit entraînée comme irrésistiblement dans le désert, où elle passa sa vie entière dans la méditation des années éter

nelles ?

C'était ainsi autrefois, me direz-vous.

Mais il en a toujours été ainsi, et il en est encore aujourd'hui à peu près de même. Pourriez-vous me dire quelle voix humaine a retiré un Augustin dù double abîme des erreurs et des passions, pour en faire une des plus belles lumières du christianisme? Quelle voix humaine a fait sortir Ignace de la carrière militaire, pour qu'il devint le chef de cette milice sainte qui combat, avec tant de courage et de succès, depuis trois cents ans, pour la gloire de Dieu et de sa religion? Quelle voix humaine a fait sortir un Lacordaire du barreau français, pour l'élever au sacerdoce, et restaurer par lui l'un des ordres religieux qui ont rendu le plus de services à l'Eglise? Quelle voix a fait sortir, de la magistrature française, un Ravignan, pour en faire un Jésuite, l'un des prédicateurs les plus éloquents du siècle? Quelle voix encore a retiré du judaïsme, du milieu des plaisirs de ce monde, un Hermann, pour le faire entrer dans l'un des ordres les plus sévères de la religion catholique?

Les vocations ne sont pas toujours aussi éclatantes et aussi publiques. Mais combien ne sont ni moíns extraordinaires en soi, ni moins divines, pour rester inconnues ou à peu près? C'est une semence imperceptible d'abord; elle grossit, se développe et produit enfin ses fruits, dont on reconnaîtra tôt ou tard l'excellence, sinon dans le temps, du moins dans l'éternité.

Voici, à ce propos, un récit bien touchant que nous trouvons dans l'Ami des familles, de Valence.

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