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déjà. Ils le font volontiers, pour la plupart du moins, je n'en doute pas; mais, lors même qu'ils ne le feraient pas ainsi, ils seraien! encore obligés de le faire bon gré mal gré. C'est, en quelque sorte, une nécessité de leur position. En doutez-vous? Je vais vous le prouver promptement. Vous êtes malade, je suppose. Il ne se passe pas de jour peut-être que le curé de la paroisse ne vienne à votre lit de souffrances, ou ne cherche du moins à y venir, pour vous offrir les consolations de la religion, dont vous avez d'autant plus besoin, je suppose que vous en êtes moins préoccupé. Vous refusez, à chaque fois, son ministère, ou, du moins, vous le remettez à un autre moment, sous un prétexte quelconque. Le prêtre n'en persiste pas moins. Que dis-je vos refus ne servent qu'à donner plus d'activité à son zèle. Il pense à vous aux pieds des autels, dans le silence de son cabinet, dans ses promenades solitaires, dans ses visites en tout temps, en tout lieu, pour ainsi dire. Cependant votre maladie a fait de rapides progrès qui eff ayent ceux qui sont auprès de vous, et vous-même encore plus que les autres. Soit effet des prières que le prêtre n'a cessé d'adresser au Ciel pour vous, depuis que Vous êtes malade, soit toute autre cause, votre cœur touché se tourne vers Dieu : « Le prêtre dites-vous, d'une voix mourante, le prêtre car bientôt je ne serai plus. » On se rend en hâte au presbytère; c'est au milieu de la nuit. La distance à parcourir est assez considérable, et les chemins sont mauvais. N'importe, le prêtre longtemps refusé, se rend auprès de vous, rempli d'une joie sainte. Il ne vous reproche ni vos refus obstinés, ni son sommeil interrompu, ni les fatigues et les dangers de sa course au sein de l'obscurité et par un temps affreux, il ne voit qu'une chose, qu'il a le bonheur de procurer, votre réconciliation avec Dieu.

Ce que votre curé vient de faire pour vous, il est obligé de le faire, et il le fera réellement pour n'importe qui réclamera, de la même manière, son mínistère. Ce que fait celui-ci, tout autre le fera également. Or, qu'est-ce que cela? je vous le demande. Est ce de la domination? n'est-ce pas plutôt de la servitude, comme je vous le disais, et même de la servitude au suprême degré, pour la gloire de Dieu toutefois, et le salut des âmes: Servus servorum Dei?

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Que si le curé doit avoir cet esprit d'abnégation et de dévouement jusque dans l'exercice du saint ministère, où il est pourtant le représentant de Dieu, avons-nous dit, à plus forte raison dans le monde, où il doit se faire tout à tous, comme dit saint Paul, pour conquérir des âmes à Jésus-Christ; à plus forte raison dans. l'administration civile, à laquelle il est, comme prêtre, complétement étranger. Mon royaume n'est point de ce monde, a dit le Sauveur Regnum meum non est de hoc mundo. (Joan. xvIII, 36.) S'il en est ainsi du maître, à plus forte raison de ses ministres. - Vous me demar lerez peut-être pourquoi

ce reproche de domination si souvent élevé contre eux, en tout lieu.

D'où cela vient? Je vais vous le dire en toute franchise. Cela vient du défaut de prudence quelquefois, et peut-être même réellement du défaut de modération chez quelques prêtres; mais généralement, mais presque toujours, ah! qu'il me soit permis de le dire ici, cela vient de l'injustice du monde. Il persécute, suivant l'usage, les ministres qui lui sont envoyés de Dieu, pour le convertir; et, quand ceux-ci se plaignent, chose pourtant bien naturelle, le monde crie qu'ils veulent dominer partout, et quand, au lieu de se plaindre, ils opposent, à l'exemple de Jésus-Christ, aux injustices qui leur sont faites, une patience à toute épreuve, le monde crie encore qu'ils sont ennemis de César, qu'ils veulent séduire le peuple pour exercer la domination, et que pour cela ils sont dignes des plus grands supplices. Tolle, tolle, crucifige eum! (Joan. xix, 15.) Je pourrais citer à cette occasion plusieurs exemples bien remarquables; je me contenterai d'en citer un seulement.

C'était dans une campagne, au centre même de la France. Il y avait là un extrait d'homme d'un mètre cinquante, tout au plus, qui n'aurait pu être admis, vu sa taille à servir militairement la France, en aucun régiment. Ce petit bonhomme, d'une valeur fort problématique, sous bien des rapports, fut cependant jugé digne de soutenir l'écharpe municipale. Je ne dirai ni comment, nipourquoi; mais à peine en eût-il été revêtu que la tête lui tourna; et sa tête étant tournée, il s'imagina qu'elle avait haussé, et même d'une manière considérable. Dès lors, il se crut maître de tous et de tout, maître d'appeler mal ce qui était bien et bien ce qui était mal. De là des énormités auxquelles le curé du lieu se trouva tout naturellement mêlé. Celui-ci s'efforça d'opposer constamment à l'orage un calme inaltérable; mais on ne lui fit pas moins éprouver les plus grands désagréments, et on ne l'accusa pas moins de vouloir porter partout, jusque dans le monde et dans l'administration civile, son esprit de domination. Jugez d'après ce fait, qui, comme nous l'avons dit, et comme on doit le comprendre aisément d'ailleurs, se renouvelle fréquemment, ce qu'il faut penser des criailleries du monde à l'encontre des prêtres, et surtout du pauvre curé de campagne.

On ne voyait rien de semblable, au temps de Jésus-Christ et de la primitive Eglise, avez-vous ajouté, en dernier lieu.

Qu'entendez-vous par là? Voulez-vous dire qu'il n'y eut alors aucun des scandales qui déshonorent réellement quelquefois le sacerdoce, mais qui sont considérablement grossis par l'œil, l'oreille et la bouche de la

malveillance? ou bien voulez-vous dire qu'on ne connaissait point encore cette juridiction restreinte, cette circonscription territoriale, pour me servir de vos expressions, que vous regardez comme la cause de ces scandales. Il nous est facile de répondre,

dans l'une et l'autre de ces suppositions.

Voulez-vous dire qu'il n'y eut point de scandales? Et Judas: l'avez-vous oublié par hasard ? Quoi! un traître, et quel traître ! contre onze fidèles, et encore d'une fidélité un peu chancelante, quelle misère! Quand on réfléchit à cela, quand on pense par qui ces hommes avaient été choisis, par qui ils avaient été formés pendant plusieurs années, sous les yeux de qui, dans quelles circonstances ils se trouvaient, il y a de quoi gémir profondément, et répéter, avec l'Apôtre des nations, en faisant un retour sérieux sur soi-même : Que celui qui se croit solidement établi prenne garde de tomber ! « Qui se existimat stare, videat ne cadat. »(1 Cor. xi, 12.) Il y a de quoi s'écrier: « L'homme n'est rien, par lui-même, dans quelque position qu'il se trouve, de quelque caractère qu'il soit revêtu; et, quand il fait quelque chose de grand, ce n'est que par la vertu de celui qui le fortifie. Omnia possum in eo qui me confortat. (Phil. IV, 13.) Le scandale est donc inhérent à la nature numaine, à toute nature imparfaite, alors même que cette nature entre en rapport avec la nature divine. Nous le voyons par Judas, comme nous venons de le rappeler tout à l'heure. Nous le voyons par Cain qui, jaloux de ce que les sacrifices de son frère Abel étaient plus agréables à Dieu que les siens, l'immole traîtreusement. Nous le voyons dans les anges eux-mêmes qui, s'étant révoltés contre Dieu, au lieu de s'abaisser devant lui, ont été chassés du ciel et précipités dans l'enfer. Ne dites donc pas qu'il n'y avait point de scandales du temps de Jésus-Christ et de la primitive Eglise; car il y en a eu et il y en aura toujours, et même de très-grands.

Voulez-vous dire qu'il n'y avait point alors de juridiction restreinte, ou, ce qui est à peu près la même chose, de circonscription territoriale dans l'exercice du saint ministère? Et pourtant Jésus-Christ dit à Pierre, dès le commencement: Paissez mes agneaux, paissez mes brebis. (Joan. xxi, 16, 17.) C'est à-dire, suivant l'interprétation générale, dirigez les pasteurs de mon Eglise, aussi bien que les simples fidèles. Or, le chef de l'Eglise ne peut diriger les pasteurs sans leur donner des pouvoirs plus ou moins étendus, selon le besoin des temps et des lieux. Donc, il a dû y avoir, dès le commencement, des prêtres à juridiction restreinte, à circonscription territoriale, c'est-à-dire des curés. Leur établissement à poste fixe n'est pas nécessaire assurément, à cette époque où l'Eglise est encore excessivement bornée et ne compte qu'un petit nombre de fidèles, comme aujourd'hui où elle est répandue par toute la terre; mais enfin c'est un corps qui commence, qui se développe et s'étend avec l'Eglise elle-même, et qui se

montre bientôt tel à peu près que nous le voyons actuellement.

A peine le christianisme se fut-il répandu dans les villes et dans les campagnes, » dit Bergier, « que l'on vit des curés dans l'exercice de leurs fonctions. Saint Paul, dans son Epitre aux Romains, chap. XVI, vers. 1, indique qu'il y avait une église à Cenchrée. Théodoret assure qu'il n'y a jamais eu d'éve Cette église avait seulement un ministre. que ce ne pouvait donc être qu'un curé. Eusèbe, liv. 11, chap. 16, rapporte que les différentes paroisses qui étaient à Álexandrie avaient été établies par saint Marc même. Sozomène en parle comme d'un établissement fort ancien. Saint Denis, qui en fut évêque l'an 248, rassembla les prêtres qui étaient dans les villages de la province d'Arsinoé pour combattre l'erreur des mil

lénaires. Les curés ont la même ancienneté dans l'Eglise d'Occident que dans celle d'Orient. Si l'on en croit Hermas, auteur con

temporain des apôtres, il y avait à Rome, dans le temps de saint Clément, qui a succédé presque immédiatement à saint Pierre, des prêtres qui gouvernaient sous lui les églises de cette capitale du monde. On lit dans le Pontifical attribué au Pape Damase, que le Pape Evariste, qui mourut l'an 108 de Jésus-Christ, la partagea en différents quartiers, et qu'il en distribua les titres à ces prêtres qu'on nommait alors cardinaux, et qui n'étaient que de simples curés. Enfin, ce qui ne laisse aucun doute sur leur ancienneté, c'est le trente-sixième canon des apôtres, qui défend aux évêques d'ordonner des prétres dans les villes et villages qui ne sont pas de leurs diocèses. L'auteur de la fameuse décrétale attribuée au Pape saint Denis s'est donc évidemment trompé, lorsqu'il a placé sous le pontificat de ce saint l'établissement des paroisses: il est beaucoup plus ancien. En effet, il a dû y avoir des curés en titre dès le moment où le nombre des Chrétiens et la distance de leurs habitations de la ville épiscopale ont exigé que les prêtres qui vivaient avec l'évêque s'en éloignassent et fixassent ailleurs leurs demeures, pour distribuer le pain de la parole et administrer les sacrements. >>

Sous ce rapport donc, comme sous tous les autres, l'Eglise est et sera ce qu'elle a toujours été, c'est-à-dire un établissement divin, puisqu'elle est l'œuvre de JésusChrist, et, par conséquent, de Dieu lui-même. Les fidèles qu'elle porte dans son sein, les ministres qui la dirigent, y sont nécessairement avec les passions inhérentes à leur nature, et avec les fautes qui dérivent de ces passions; mais l'Eglise, du moins, combat ces passions, rend ces fautes moins fréquentes, et les fait tourner, autant qu'il dépend d'elle, quand elle n'a pu les arrêter, à la gloire de Dieu et à la sanctification des hommes.

!

D

DELUGE.

Objections. C'est un conte de grand'mère pour effrayer les petits enfants. Comment donc se serait accompli ce grand événement? — Y avait-il assez d'eau pour cela? - Comment ne retrouve-t-on point d'ossements humains avec les autres? Comment se serait repeuplée l'Amérique? Est-ce que toutes les espèces d'animaux ont pu être renfermées dans l'arche ? A quoi eut servi le déluge?

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que

Réponse. Ce n'est point un conte, mais une histoire; et c'est bien, l'histoire la plus grave, la plus sérieuse qui ait jamais été racontée; et cette histoire n'est pas racontée par une grand'mère seulement, mais par toutes les grand'mères; et non-seulement par toutes les grand'mères, mais par les grand' mères des grand'mères; et non-seulement par les grand' mères des grand' mères, mais par tous les hommes quels soient le siècle où ils ont vécu, la contrée qu'ils ont habitée, leurs mœurs, leur condition, leurs croyances religieuses. Tous les historiens le rapportent avec un accord qu'il serait bien difficile de rencontrer sur un autre fait; tous les poëtes le décrivent avec des couleurs partout les mêmes, toutes les religions en font foi, tous les savants le reconnaissent. Mais, au-dessus de ces innombrables et imposants témoignages, s'élève, comme un témoignage surhumain, celui de Moïse, l'historien des Juifs et des Chrétiens, ou plutôt de l'humanité entière, de Moïse, non-seulement historien, mais poële, législateur, philosophe, savant, homme inspiré. Il raconte ce grand fait avec toutes les circonstances de temps, de lieux, de personnes; il entre à ce sujet jusque dans les plus petits détails; son récit présente tous les caractères de véracité, que peut demander la plus sévère critique; on voit qu'il n'a point été trompé, et qu'il ne veut point tromper les autres; en sorte que, n'y en eût-il aucun autre, son témoignage suffirait pour obtenir notre adhésion. Et, quand on pense qu'à ce témoignage premier, fondamental, viennent se joindre, comme nous l'avons fait remarquer tout à l'heure, tous ceux qu'on peut désirer en pareil cas, personne ne saurait hésiter désormais; il n'y a absolument qu'un enfant qui puisse dire que c'est un conte de grand mère.

Un conte de grand'mère ! dites-vous. Savez-vous bien quelle est la grand'mère qui nous a toujours raconté et qui ne cesse de nous raconter encore ce fait si imposant de l'histoire du monde, avec des preuves de véracité que ne saurait avoir aucun autre támoin? C'est la terre elle-même, cette antique mère du sein de laquelle nous avons tous été tirés, dans la personne de notre premier père, et qui nous a toujours nourris.

C'est bien là un témoin contemporain, et quel témoin! que cette terre qui se trouve partout, qui fait entendre un langage intelligible à tous. Agitée, remuée, bouleversée en tous sens par le déluge, elle conserve, à sa surface, et plus encore dans son intérieur, les preuves les plus incontestables de cette grande catastrophe. Le campagnard, qui la travaille chaque jour, n'est pas sans le remarquer, quelle que soit la faiblesse de son intelligence, et le savant, qui l'explore intérieurement, est bien obligé de le reconnaître, quelles qu'aient été ses préventions religieuses.

« Quand nous n'aurions pour garant de la véracité de l'historien que la nature même de la catastrophe et la sécurité avec laquelle il l'a racontée,» dit ici l'abbé de Frayssinous (Moïse considéré comme historien des temps primitifs) « pourrions-nous y refuser notre assentiment? Quel intérêt avait Moïse à l'inventer? D'où lui seraient venus la pensée de répandre et l'espoir d'accréditer une fable sans fondement? A l'époque où il vivait, cet événement prodigieux, s'il était véritablement arrivé, devait être profondément gravé dans la mémoire des hommes; il devait en exister sous les yeux des monuments irréfragables. Telle était alors la durée de la vie humaine que peu de générations s'étaient écoulées depuis Noé jusqu'à Moïse. Dès lors si celui-ci avait osé débiter un mensonge sur un fait si mémorable par lui-même, et dont pourtant il ne serait resté aucun vestige, il aurait excité contre lui une réclamation universelle, et il serait devenu la risée de ses contemporains. Mais qui ne sait d'ailleurs que, de tous les événements anciens, il n'en est pas un seul qui ait laissé des traces plus profondes dans le souvenir de tous les peuples de la terre? Egyptiens, Babyloniens, Grecs, Indiens, tous ici sont d'accord; toutes les traditions des temps antiques supposent que le genre humain, en punition de ses crimes, fut noyé dans les eaux, à l'exception d'un petit nombre de personnes. Bérose, qui avait recueilli les annales des Babyloniens, Lucien, qui rappelle les traditions grecques, ont laissé à ce sujet des récits qui sont parvenus jusqu'à nous et qui présentent un accord frappant avec celui de la Genèse. (Leçons de l'histoire, t. I, lettre 5.) Cette universalité, cette uniformité de traditions sur le déluge est avouée de l'incrédulité elle-même. L'auteur incrédule, du moins pour un temps, de l'Antiquité dévoilée a dit: Il faut prendre un fail dans la tradition des hommes dont la vérité soit universellement reconnue. Quel est-il? Je n'en vois pas dont les monuments soient plus généralement attestés que ceux qui nous ont transmis cette révolution physique qui a, dit-on, changé autrefois la face

s'il y a quelque chose de constaté en géologie, c'est que la surface de notre globe a été victime d'une grande et subite révolution. (Disc. prélim., p. 110.) Que si l'histoire de tous les peuples, d'accord avec celle de Moïse, nous montre la cause de cette révolution dans cette inondation effroyable, universelle, appelée le déluge, pourquoi la rejeter? L'observation a forcé de savants naturalistes à la reconnaitre enfin. Sans adopter les applications physiques qu'ils en ont imaginées, nous profiterons de l'aveu qu'ils font de la réalité de ce grand événement. C'estainsi que Pallas, ayant trouvé dans des climats glacés, dans la Sibérie, des ossements d'éléphants et d'autres animaux monstrueux, mais en très-grand nombre, mêlés même avec des os de poissons et autres fossiles, fut vivement frappé des monuments qu'il croyait voir sous les yeux de cette terrible inondation, comme on le voit par les paroles suivantes de son ouvrage Sur la formation des montagnes (p. 85): Ce serait donc là ce déluge dont presque tous les anciens peuples de l'Asie, les Chaldéens, les Perses, les Indiens, les Thibétains, les Chinois, ont conservé la mémoire, et fixent à peu d'années près l'époque au temps du déluge mosaique.

de notre globe, et qui a donné lieu à un renouvellement total de la société humaine; en un mot, le déluge me parait être la véritable époque de l'histoire des nations. Or, d'où a pu venir cette croyance universelle du genre humain sur le déluge? Il ne s'agit pas d'une de ces erreurs qui ont leur source dans l'orgueil ou dans la corruption humaine: quel intérêt ont les passions à ce que le genre humain ait été détruit par le déluge! Ici, l'accord unanime des peuples, dont la langue, la religion, les lois n'ont rien de commun, ne peut avoir pour base que la vérité même du fait. Aussi tous les efforts de la science la plus ennemie des Livres saints n'ont pu découvrir un seul monument qui remonte d'une manière certaine à une époque plus reculée que le déluge. Et l'histoire de l'esprit humain, des sciences, des lettres et des arts ne vient-elle pas à l'appui de Moïse sur la renaissance de ce nouveau monde? On voit en effet naître les sociétés, la population s'étendre, la législation se dévejopper; les sciences et les arts commencer, croître et se perfectionner; l'homme soumettre successivement à son empire les diverses contrées de la terre. Tout ce qu'il y a de plus versé dans les antiquités, de plus habile à éclaircir les ténèbres qui couvrent le berceau des anciens peuples, fait remon1er leur origine aux enfants de Noé et à leurs premiers descendants; ils ont même trouvé que les noms de Sem, Cham et Japhet, ceux de leurs premiers fils, se sont conservés, quoique défigurés, dans les noms des nations diverses dont ils ont été les pères et les fondateurs. Combien le nom de Japhet, qui a peuplé la plus grande partie de l'Occident, n'y est-il pas demeuré célèbre sous le nom de Japet!...

« Mais le récit de Moïse, si merveilleusement confirmé par l'histoire de toutes les nations, serait-il contredit par l'histoire de la nature? Non, bien au contraire; car il est difficile, impossible même de comprendre et de décrire toutes les suites de cette effroyable catastrophe. On sent bien que les eaux, par leur chute, par leur débordement, par leur violente agitation, durent bouleverser les continents, les pénétrer à une grande profondeur, aplanir des montagnes, creuser des vallées, rouler des masses énormes de rochers, transporter les productions d'un climat dans un autre, entasser des matières diverses mêlées et confondues ensemble, et laisser ainsi des monuments de leur ravage. L'état actuel du globe ne présente-t-il pas en effet l'image d'un bouleversement? Dans les diverses contrées de la terre, ne trouve-t-on pas de vastes entassements de corps irrégulièrement mêlés ensemble, de sabfe, de cailloux roulés, de corps marins, de poissons et de coquillages, confondus avec des dépouilles d'animaux et de végétaux? et cette espèce de chaos n'est-il pas la suite de quelque étrange révolution? Aussi le savant auteur d'un ouvrage tout récent qui a pour titre : Recherches sur les ossements fossiles des quadrupèdes, a-t-il dit en propres termes que,

<< Si nous admettons le récit de l'écrivain sacré, nos continents, tels qu'ils sont, ne remontent pas à des siècles sans fin, et l'époque où a commencé leur état actuel ne peut être placée au delà de cinq milles aux environs. Or voilà encore ce que des naturalistes célèbres ont reconnu d'après leurs observations personnelles, témoins de Saussure et Dolomieu. Ce dernier a dit (Journal de Physique, janvier 1792. Théorie de la terre, par M. ANDRÉ, pag. 265): Je défendrai une vérité qni me paraît incontestable, et dont il me semble voir la preuve dans toutes les pages de l'histoire, et dans celles où sont consignés les faits de la nature, que l'état de nos continents n'est pas ancien, et qu'il n'y a pas longtemps qu'ils ont été donnés à l'empire de l'homme.

« Quant aux diverses observations que l'on peut faire sur l'état de la surface et de l'inté rieur du globe, je vous prie de bien remarquer que nous ne sommes pas obligés de tout expliquer par le seul déluge mosaïque, puisque tant d'autres causes ont pu avoir sur l'état de nos continents la plus grande influence, D'abord, si l'on regarde chacun des jours de la création comme une époque indéterminée; qui peut savoir quelles modifications, quelles variations la terre a subies dans ces premiers temps? Ce n'est pas tout, Seize cents ans s'étaient écoulés depuis la création de l'homme jusqu'au déluge; or, l'histoire du globe, dans cette longue suite de siècles, nous est totalement inconnue. Que de changements ont pu s'opérer dans cette période de temps, et dont la connaissance n'est pas parvenue jusqu'à nous! Enfin, depuis le déluge jusqu'au temps présent, il s'est écoulé plus de quatre mille ans; et, dans cette période de plus de quarante siècles, combien de causes physiques, locales,

particulières, ont pu modifier les continents, la température de leurs climats et leurs productions Que de changements amenés de distance en distance par les volcans, les tremblements de terre, les inondations des fleuves ou leurs atterrissements, les chutes des montagnes, les déplacements de la mer qui s'est éloignée de certains rivages, le desséchement de vastes lacs que le déluge même a creusés au milieu des terres! Sur tout cela, l'esprit peut se donner une libre carrière: ce que demande seulement le respect dû à nos Livres saints, c'est de ne pas contester les grands événements qui s'y trouvent consignés, mais sans presque aucun détail; c'est de reconnaître, par exemple, avec la création racontée par Moïse, la grande catastrophe du déluge.

« Maintenant, si l'on demande par quelle cause est arrivé ce déluge, nous répondrons, saus balancer, que nous nous en tenons au récit de l'écrivain sacré; qu'il faut voir dans ce déluge un événement qui sort des lois ordinaires de la nature, et qui est produit par l'intervention spéciale de la toute-puissance divine. Celui qui a formé l'univers peut l'ébranler, le changer à son gré. Il serait trop déraisonnable do contester à celui qui a fait les lois de la nature le droit de les suspendre, quand il lui plaît, pour des fins dignes de son adorable sagesse. Je sais que l'intervention de la Divinité paraît fort ridicule aux yeux d'un athée; mais je sais aussi qu'il nous est permis à notre tour de ne voir dans l'athéisme qu'une insigne folie. Après tout, l'histoire plus approfondie, soit de la nature, soit de l'antiquité, a forcé les savants naturalistes de nos jours à reconnaître que l'état actuel de nos continents était l'effet d'une subite et violente inondation. Or quelle force physique a donc pu, contre les lois de la gravitation, soulever l'immense océan, et le précipiter sur la terre ferme? De simples volcans sont-ils capables de produire des effels si vastes et si prodigieux? On a voulu supposer des comètes qui, en choquant le globe, en auraient changé l'axe et auraient amené le déplacement des mers. Mais, outre que c'est là une supposition tout à fait arbitraire, et qui n'a pas le plus léger fondement dans les traditions humaines, est-il bien avéré que le choc d'une comète suffirait pour produire cette immense révolution? Le savant auteur de l'Exposition du système du Monde (LA PLACE, t. I, chap. 4, page 56 et suiv.), cherchant à rassurer les esprits puérilement timides contre la crainte d'un si terrible événement, dit en propres termes qu'il paraît que les masses des comètes sont d'une petitesse extrême, et qu'ainsi leur choc ne produirait que des révolutions locales. >> Nous voilà donc ramenés au récit de Moïse, par la futilité même des conjectures que l'on à faites, pour expliquer physiquement le déluge.

(35) Réunis par ia crainte, à ce moment suprême, beaucoup plus encore que les animaux, ils ont du périr dans les mêmes lieux, généralement parlant.Leur débris doivent donc se trouver accumu

« Si l'on demande encore comment il se trouve une assez grande quantité d'eau pour inonder les continents, je réponds que d'après Moïse, on doit joindre à la quantité incalculable d'eau répandue dans l'atmosphère, les eaux qui sont contenues dans les abîmes souterrains et dans les bassins des mers; el, s'il en est ainsi, il ne doit point paraître étrange qu'il se soit trouvé assez d'eau pour submerger la terre. Des savants ont fait à ce sujet des calculs approximatifs qui ont rendu la chose plus sensible (Leçons de l'histoire, tom. I, lettre 5, note D.) Voyez, au reste, combien Moïse est conséquent : suivant lui, dans l'origine, la terre était toute couverte d'eau; elle a donc pu en être couverte une seconde fois.

« Si l'on demande, en troisième lieu, d'où vient que, le genre humain ayant été détruit par le déluge à l'exception d'une seule famille, on ne trouve pas d'ossements humains confondus dans les couches supérieures de la terre avec les débris de corps marins, de plantes, de quadrupèdes, nous ferons quelques observations qui doivent suffire à tout esprit raisonnable. D'abord ne peut-on pas dire qu'avant le déluge la terre n'était pas peuplée comme elle l'est aujourd'hui ? Ensuite il se peut très-bien que quelques continents antediluviens soient restés sous les eaux de la mer avec les hommes qui les habitaient. De plus, dans quelles contrées at-on fait des fouilles et des recherches ? C'est surtout dans une petite partie du globe, dans notre Europe: mais c'est principalement en Orient qu'il faut placer la population primitive; et, dans ces régions, a-t-on assez scruté l'intérieur du globe, pour affirmer qu'il ne s'y trouve pas de debris de corps humains (35)? On peut dire encore que cette diffi culté est commune à toutes les opinions: car, s'il est vrai, comme le disent aujourd'hui les savants, qu'une violente et subite révolution a bouleversé autrefois notre globe, elle n'épargna pas plus les hommes qui l'habitaient à cette époque, que les espèces diverses d'animaux dont elle était peuplée; et l'on de mandera toujours pourquoi l'on ne trouve pas des ossements fossiles de corps humains dans l'intérieur de la terre, comme il s'y trouve des débris de quadrupèdes.

« Enfin on a demandé comment, si tous les hommes descendent de Noé et de ses trois enfants, l'Amérique a pu être et se trouver peuplée à l'époque de sa découverte par Christophe Colomb. On a fait grand bruit de cette objection, corume de tout ce qui tend à flatter l'orgueil et les passions de l'homme, en décréditant les Livres saints; et pourtant on a fini par reconnaître que cette difficulté, qui peut-être a fait beaucoup d'incrédules, était une chimère. On sait aujourd'hui, surtout d'après les voyages du célèbre Cook, que l'Amérique est très-rapprochée de l'Asie, et qu'il est facile de concevoir lés quelque part, à l'exception de certains ossements dispersés çà et là par la catastrophe, et que l'on retrouve en effet, comme on le voit dans les savantes discussions de Mgr Wiseman,

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