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leur position, leurs habitudes et leur caractère quelquefois, ont sur les classes inférieures la plus décisive influence. Le desservant devrait trouver en eux, tout naturellement, appni et consolation; mais bien souvent, au contraire, il n'y trouve qu'opposition et déboires. Nous en avons eu la preuve en mille circonstances; preuves, hélas! bien désolantes; car lorsque ce qui a été établi pour maintenir l'ordre tourne au désordre, qu'attendre alors, si ce n'est les plus grands malheurs. Mais, comme nous l'avons déjà fait observer, de quelques faits particuliers gardons-nous bien de tirer une conclusion générale; contentons-nous de demander qu'on ne procède point ainsi à notre égard, et formons les voeux les plus sincères pour que ces rouages de nature si diverse, qui sont continuellement en contact, s'engrènent mieux à l'avenir et fonctionnent aussi bien que possible pour le bonheur de l'Eglise et de la France.

Ils feraient mieux, représentez-vous enfin, de s'occuper des pauvres, qu'ils négligent très-souvent.

De tous les reproches injustement adressés aux desservants, celui-ci est sans contredit le plus injuste. Il n'est pas seulement dénué de tout fondement, il est ironiquement cruel. Hé quoi! vous les avez à peu près réduits à l'état de pauvreté, et vous leur reprochez de ne pas faire l'aumône! Ils n'ont rien, et vous voulez qu'ils donnent, vous voulez même qu'ils donnent beaucoup ! Vous exigez donc qu'ils fassent des miracles? Mais vous n'y croyez pas. Les voilà, certes, bien embarrassés pour vous satisfaire.

Et cependant ils en viendraient à bout, pour peu que vous voulussiez vous y preter; car, pour faire l'aumône, et pour la faire telle que vous le désirez, ils font de véritables miracles, mais des miracles que vous ne pouvez vous empêcher d'admettre comme les autres, des miracles dans l'ordre moral. Ils sont pauvres, et ils font l'aumône; ils n'ont rien ou à peu près, et ils donnent toujours, de quelque côté qu'on vienne frapper à la porte de leur cœur. Comment donc cela? demanderez-vous peut-être. -Comment! Mais c'est assez visible en se privant eux-mêmes, en jeûnant quelquefois, soit pour l'amour de Dieu, soit pour l'amour des hommes, soit pour l'une et l'autre cause à la fois; eu mendiant pour les pauvres, ces membres souffrants de Jésus-Christ; en embrasant les cœurs les plus insensibles du feu de la charité qui brûle leur propre cœur... Comment! Mais parce que Dieu vient à leur aide, leur ouvrant de toute manière les inépuisabies trésors de sa providence; mais parce que les gens de bien aiment à seconder leurs bonnes œuvres, leur prêtant à l'envi les uns un appui matériel, les autres un appui moral, qui, dans certaines circonstances, a plus de valeur encore que l'autre.

Qu'on nous permette de citer, à cette occasion, un passage du Messager de la Charité,

où l'abbé Mullois semble avoir mis toute son âme. C'est comme un plaidoyer, je ne dirai pas pro domo sua, mais pro fratribus, ce qui est beaucoup mieux, le dévouement fraternel étant une source d'inspiration plus pure et plus féconde que l'intérêt propre. Nous le transcrivons à peu près tel qu'il nous est présenté, nous réservant d'y ajouter, à la fin, nos réflexions:

« Le vrai centre de la charité, c'est le prêtre, le curé surtout; il en est le foyer; il a été sacré par Dieu lui-même dépositaire des vérités qui sauvent les âmes et qui font du bien aux corps: il garde dans les pans de sa robe et dans les fibres de son cœur de prêtre cet Evangile, dont tous aujourd'hui aiment à dire du bien et qui a couvert le monde des monuments de la charité.

« De plus, le prêtre, c'est l'ami naturel, le père de ceux qui souffrent ou qui s'égarent, voilà surtout sa famille; et elle est parfois si nombreuse! Or, il connaît tous ses enfants, il les aime, il sait ce qu'ils endurent; à chaque instant, son ministère le met en présence des plus affreuses misères.

« Mais malheureusement les curés, surtout les curés de campagne, ne sont pas riches, tant s'en faut; beaucoup souffrent de leur propre gêne, que dire de ce qu'ils souffrent des douleurs des autres? il est donc temps de leur venir en aide.

« Le curé de campagne, c'est à peu près le seul guide spirituel de près de trente milliers de Français, chargé de leur faire accepter les travaux et les privations de la vie, de les asseoir dans le calme, la moralité et a foi; le seul représentant de Dieu et du bien auprès de ces masses qui cultivent nos champs et nous donnent le pain quotidien.

« Nous sommes surpris que tant d'hommes habiles n'aient pas encore signalé cette gêne du curé comme une des causes de l'abandon de nos campagnes; que tant de zélés confrères de la presse n'aient pas souvent attiré l'attention sur les avantages qu'il y aurait à le seconder. On va chercher bien loin quelquefois de nouvelles institutions, mais nous avons sous la main cette ancienne et puissante institution, il s'agit de savoir s'en servir. Le curé porte avec lui en grande partie la force vitale du christianisme, c'est lui surtout qui est chargé de le mettre en contact avec les âmes, et il y a plus de trente mille curés en France, et il y en a jusque dans le dernier village! C'est-à-dire que lå se trouve un homme honnête, intelligent, libre, dévoué... Quelle force! quelle puissance ! voilà ce qui s'appelle faire le bien sur une vaste échelle, faire vraiment la charité en grand. Le clergé ne demande pas ordinairement pour lui-même, il sait se priver et souffrir dans le silence. Quand tout le monde réclamait un supplément de traitement, il s'est tu: c'est un acte de patriotisme dont on doit lui savoir gré; mais il demande pour pouvoir assister ceux qui souffrent sous ses yeux; voir souffrir, c'est si dur! faut-il donc que le pauvre curé soit réduit à dévorer cette douleur? N'est-ce donc pas assez que l'isole

de casuel et d'honoraires de Messes. En beaucoup d'endroits, il n'y a presque pas d'honoraires, le casuel lui est mal rétribué, peut-il l'exiger des gens qu'il sait dans la misère?...

DICTIONNAIRE ment, les petites idées et les tracasseries de l'endroit? Faut-il encore qu'il soit condamné au plus cruel supplice de la terre : voir souffrir des créatures humaines, entendre les cris de la faim et ne rien pouvoir pour les calmer... Oh! qu'a-t-il fait? Quel crime a-t-il commis pour lui infliger ce châtiment? Oh! non pas celui-là, un autre, tous ceux que vous voudrez plutôt; insultez-le, frappez-le, il répondra volontiers ce que dit un prêtre qui demandait la charité, et auquel on donna un soufflet « Bon, merci, voilà pour moi... Maintenant pour mes pauvres... » Oh! non, non, pas celui-là, c'est trop cruel. Transeat... calix iste. (Matth. xxvi, 39.)

« Puis le clergé français est un corps digne et respectable, à part quelques ères de l'humanité qui viennent toujours se glisser dans quelques membres de toute corporation nombreuse; le clergé est une de nos gloires nationales que nous aimons à montrer à l'étranger; on fait volontiers le panégyrique du curé de campagne, on l'appelle un humble et saint apôtre de l'Evangile; nos littérateurs ne tarissent pas de belles phrases en son honneur; c'est très-bien, cela peut être même très-poétique, mais il y a quelque chose de mieux à faire: c'est de le seconder dans sa mission de son influence et de sa bourse, de lui crier par la parole et par l'action: « Courage! courage! »

Lorsque nous souffrons, nous savons si bien le dire, la plainte est devenue si générale en France, que quand un homme ou un corps ne crie pas, on croit volontiers qu'il ne lui manque rien : « Il n'y a plus de plaintes, bon, le monde va bien, reposons-nous...>> On finit par négliger d'aller à la recherche des misères les plus respectables, celles qui se cachent. Nous nous éloignons de plus en plus du temps où l'on allait déterrer le mérite il y a tant de gens de mérite aujourd'hui, et ils crient si haut qu'il ne faut pas se donner bien de la peine pour les trouver...

« Hélas! non, le curé de campagne ne peut soulager ceux qui souffrent autour de lui. Un rapide examen de son petit budget suffira pour s'en convaincre : il à à peine pour luimême le stricte suffisant. Avant le renchérissement de toutes choses, il avait déjà assez de mal à vivre; les denrées ont augmenté d'un tiers, comment peut-il exister? Son revenu fixe est resté le même, son casuel a diminué. La moyenne du revenu total du desservant est de 1,200 fr. Four quelques-uns, c'est 1,000 fr., c'est 900 fr... Qui n'a plus que cela aujourd'hui, à l'exception des pauvres qui retombent encore à sa charge?

<< Son traitement est de 850 fr. et 200 fr. de supplément. Dans la plupart des communes rurales, il n'y a pas de supplément. 150 fr.

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« Pour lui et pour la personne attachée à son service, il faut au moins 700 fr. de nourriture par an c'est 6 sons par repas, et nos ouvriers mangent au restaurant 14 sous... Il ne peut pas boire de l'eau, sa santé a besoin de se soutenir : 200 fr. de vin. C'est peu pour deux personnes par le temps qui court (36).

150 fr. la personne qui le sert. Cela fait 1,050 fr. Il reste donc aux favorisés de la fortune, qui ont 1,200 fr., 150 fr. pour l'éclairage, le chauffage, le blanchissage, le vêlement, l'entretien du linge, du mobilier, ou même l'achat. Il y a des prêtres qui sont dis ans à se meubler... Et sa bibliothèque, et ses pauvres, et son église, et les écoles, et les petits encouragements à donner aux enfants, et les mois d'école qu'il faut payer pour que de petits malheureux ne vagabondent pas, et les accidents, et les maladies de ses paroissiens. Il va visiter un pauvre malade, et il le trouve dénué de tout. Le médecin est venu, il a ordonné un peu de bonne nourriture, un peu de bon vin': le curé seul en possède; n'eût-il pas un cœur de prêtre, n'eût-il qu'un cœur d'homme, peut-il le lui refuser?... peutil le lui faire payer? I le lui enverra avec une partie du morceau de boeuf qui devait faire son dîner. Il sait du reste qu'une charité faite au corps mène tout droit à l'âme.

Voilà son budget des recettes et des dépenses. Et encore, nous l'avons dit, quelques-uns n'ont que 1,000 fr., 900 fr.- Ajoutez à cela que le curé est presque toujours pauvre, fils de pauvre, qu'il a sa famille à assister, un vieux père, une mère vénérable, qui se sont épuisés pour lui faire faire ses études, peut-il les abandonner (37)?

Aussi la misère de quelques-uns est profonde jusqu'à les décourager, jusqu'à blesser celte dignité si nécessaire aujourd'hui que le respect n'est pas notre première vertu. Il est tel prêtre qui porte depuis trois ans la même soutane; elle est râpée, jaune, trouée, comme si on eût tiré dedans un coup de fusil à plomb. Il ne peut la remplacer, par ce qu'en en prenant une neuve il est convenu qu'il payera l'ancienne. Quelquesuns de nos évêques ont été si désolés de ce dénûment d'un grand nombre de leurs pretres qu'ils ont vendu leur voiture, afin de pouvoir envoyer 50 fr. à l'un, 75 fr. à l'autre, 100 fr. à un troisième.

« Une chose nous étonne et nous touene: c'est le zèle que le clergé, même celui des campagnes, met à réclamer sa part dans toutes les charités. Parcourez les listes de souscriptions, vous y trouverez plus de mem

(37) Et sa vieшesse, a qui, qui la soignera? Pourquoi les choses ne sont-elles pas arrangées de manière qu'il ait aussi, après trente ans d'exercice, un droit rigoureux à sa retraite, retraite de prêtre bien entendu, c'est-à-dire en cas qu'il ne puisse plus exercer son divin ministère.

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bres du clergé, et même du clergé de campagne que de tous les autres corps qui sont pourtant plus riches. On ne peut s'empêcher de s'écrier: « Braves curés, où ont-ils pris les moyens de faire tant de charités! »

« Il faut donc vraiment leur venir en aide pour eux et pour leurs œuvres, leur redonner un peu de courage, rafraîchir leur pauvre âme, suivant la parole de saint Paul, par quelques bonnes charités, les mettre en état de faire plus de bien et d'empêcher beaucoup de mal. C'est si facile, il y a mille occasions. Grâce à Dieu, il y a beaucoup de familles qui savent en profiter. - Vous allez à la campagne passer quinze jours. En visitant l'église, vous n'oublierez pas le curé; vous l'interrogerez avec bienveillance; puis, en le quittant, vous lui remettrez une somme dans la main en lui disant : « Vous devez avoir beaucoup de pauvres... » Vous avez une ferme, des intérêts dans une paroisse; vous ne pouvez y aller; envoyez une offrande à votre place. Vous partez pour un long voyage, vous mariez votre fils ou votre fille; qu'il y ait quelque chose pour les pauvres de monsieur le

curé.

• Vous êtes aux eaux; vous ne savez comment passer le temps; vous visitez les églises du voisinage demandez monsieur le curé : il vous en montrera tous les détails, tous les embellissements qu'il a faits, tous ceux qu'il voudrait faire encore; puis vous lui glisseserez une offrande dans la main; et les eaux vous feront beaucoup plus de bien, parce que vous aurez l'âme contente.

Enfin, vous quittez la campagne pour revenir dans la ville. Vous feriez peut-être mieux d'y rester toujours; mais je n'ose trop vous le dire nous avons si grand besoin de vous dans les villes. Faites une petite bourse pour les œuvres spéciales de votre curé... Sans doute, il faut que l'on sache que vous donnez la bonne édification, votre sécurité même l'exigent. Faites cette charité publique. Bon, voilà pour la parole évangélique qui veut que vos bonnes œuvres brillent aux yeux des hommes, afin qu'ils glorifient notre Père qui est aux cieux (38). Puis, glissez-lui dans la main une somme particulière: ce sera, suivant la même parole évangélique, l'aumône de votre main droite qui doit être ignorée de votre main gauche (39).

Quelquefois il se dit voilà des gens qui dépensent tout inutilement; si j'avais seulement quelques-unes des pièces qu'ils jettent à la vanité et aux caprices, je pourrais bien m'en servir pour orner mon église où Dieu est si mal logé. Détrompez-le en lui apportant un ornement, une aube, des fleurs....

« On accuse aussi le brave curé d'être parfois de formes un peu apres; eh bien l'ouvrez, épanouissez ce cœur resserré, par une large aumône pour les pauvres; un cœur

(38) Ut videant opera vestra bona, et glorificent Patrem vestrum qui in cœlis est. (Matth. v, 16.) DICTIONN. DEes object. popul.

épanoui est toujours aimable et sait trouver de bonnes et sincères paroles que ne rencontrent pas toujours la belle éducation et les belles manières.

« Oui vraiment, il faut que nous venions en aide aux curés de campagne, il le faul pour leur dignité, pour leur action, pour l'accomplissement de leur sublime mission, autrement ils seront dans l'impuissance de faire tout le bien que doivent attendre d'eux la religion et la France. »

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Ainsi que nous l'avions annoncé, nous avons cité le passage dans toute sa simplicité, dans tout son abandon, mais aussi dans toute sa chaleur, dans toute sa vie, si je puis m'exprimer de la sorte, et tel à peu près qu'il est sorti du cœur de M. l'abbé Mullois. C'est tout à la fois, comme on a dû le remarquer, un plaidoyer et une recommandation, un plaidoyer à l'adresse des ennemis que le desservant peut avoir, pour dissiper les nuages amoncelés, je ne sais à quelle occasion, sur sa tête, une recommandation à l'adresse de ses amis, ou plutôt à l'adresse de tous, pour lui venir en aide. Une chose m'inquiète en terminant: Par qui sera lu cet article? me demandé-je. Par lui-même, hélas! et par quelques-uns de ses plus intimes amis Si par lui-même, comment pourra-t-il se venir en aide, ayant fait tout ce qu'il pouvait? Si par ses plus intimes amis, par d'autres lui-même, comme on dit, c'est prê cher des convertis. Il est donc à désirer que ce touchant plaidoyer passe aussi sous les yeux de ceux qui, sans être mal disposés précisément, ont besoin de l'être encore mieux. Il en est un surtout qui pourrait faire Ini seul plus que tous les autres ensemble; c'est celui dans l'entourage duquel se trouve notre bienveillant défenseur. Ne pourrait-ii pas lui en faire parvenir quelque chose? Ignore-t-on la position, dans ces hautes régions? Ou, si on la connaît, veut-on feriner les yeux? Il ne s'agit pourtant que de l'accomplissement d'une promesse faite solennellement à l'époque de cette grande élection qui décida des destinées de la France, quand cette campagne, à la tête de laquelle se trouvent, spirituellement parlant, ceux dont nous défendons ici les intérêts, se jetant tout à coup dans un des bassins de la balance, a fit pencher du côté de ses intérêts et de son cœur. « On reproche au clergé de ne point avoir de saint Martin, »> disait alors Thomme providentiel. « Ce n'est point étonnant,» répondait-il, « puisque la plupart de ses membres n'ont pas même de quoi acheter de manteaux. » La position s'est encore détériorée depuis. Ce ne sont point des manteaux qui manquent aujourd'hui à ses plus pauvres membres, aux desservants par exemple, ce sont des soutanes comme on vient de le voir. Pourquoi donc, je le répète, remet-on de jour en jour, à leur venir en aide? Les Chambres pense

(39) Te autem faciente eleemosynam, nesciat sinistra tua quid faciat dextra tua. (Matth. vi, 3.)

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raient-elles que ce n'est point à l'empereur Napoléon à tenir la promesse (39) du prince Louis? Nous ne saurions le croire : ce serait contre son cœur chevaleresque, ce serait contre sa gloire la plus pure, devenue au

jourd'hui la gloire de la France, ce serait la contre-partie de cette belle parole de Louis XII, que tout le monde connaît, et qui seule a iminortalisé ce prince plus généralement et plus sûrement que tout son règne.

DEVINS, MAGICIENS, SORCIERS, TIREUSES DE CARTES, ETC. Objections. Vous ne voulez pas que

nous allions consulter les devins et autres gens semblables? Que de choses pour tant ils nous disent ! C'est à n'y pas croire quelquefois. Rien, du reste, contre la religion. Ils commandent même souvent de faire dire des Messes.

Réponse. - Nous avons bien raison de vous défendre d'aller consulter les devins et autres gens semblables, comme vous dites. Ce sont tous ou presque tous des misérables qui vous extorquent, sans trop de profit pour eux, un argent dont vous avez souvent encore plus besoin que beaucoup d'autres. Pesez bien mes expressions, toutes ont ici leur valeur.

Ce sont tous ou presque tous des miséra bles, ai-je dit avec raison. Qui ne le sait? S'il y a dans une localité quelque pauvre diable sans argent, sans crédit, sans moralité, sans valeur d'aucune sorte, malade, infirme, cul-de-jatte, incapable de remplir aucune fonction, d'exercer aucun métier, il se dit ou on le dit devin, ou quelque chose comme ça, et des environs, quelquefois même de bien loin, on se rend avec plus ou moins de confiance à sa demeure, espèce d'antre ou de bouge. Mais cette seule considération devrait vous arrêter. Il peut vous faire trouver de l'argent, pensez-vous? -Qu'il en trouve donc pour lui-même. Il peut vous guérir. — Qu'il commence donc par lui-même: car il me semble dans un état plus fâcheux que le vôtre. Il peut vous procurer le bonheur qui vous manque? Qu'il se le procure donc avant tout à lui-même. Ils vous extorquent de l'argent, et cela est clair.

Vous êtes bien disposé à leur en donner sans doute, mais pas tant qu'ils en demandent. Que font-ils alors? Its usent de ruse: «Il nous faut tant pour acheter telle et telle chose, vous disent-ils; tant pour aller à tel endroit, tant pour faire dire telles prières, » etc. Or, qu'est-ce que cela, si ce n'est vous extorquer de l'argent? Personne n'en doute excepté vous, et encore je ne sais trop si un léger soupçon ne s'élève pas un peu dans votre âme, malgré votre confiance aux devins.

C'est sans trop de profit pour eux, ai-je dit encore, car ils n'en sont pas beaucoup plus riches. Ce qui vient par la flûte s'en va par le tambour, dit le proverbe. On en voit ici l'application. L'argent leur est venu par une mauvaise voie, il s'en va de la même manière.

Et cependant cet argent que vous leur donnez, ou plutôt qu'ils vous extorquent, vous en

avez souvent encore plus besoin que beaucoup d'autres, puisque vous n'êtes pas riches pour la plupart. Vous n'avez pas besoin de me le dire, je le sais d'avance par un petit raisonnement bien simple: si vous étiez riche, ai-je pensé avec raison, vous auriez reçu probablement un peu d'instruction, et pour peu que vous en eussiez reçu, vous n'iriez guère consulter le devin.

Avons-nous raison de vous défendre d'aller au devin? Nous avons bien d'autres motifs encore.

« Je ne puis réussir dans telle entreprise, dites-vous à celui que vous êtes alle consulter, «et je voudrais bien savoir d'où cela vient.» Notre jongleur fait ou ne fait pas, je ne sais quels signes cabalistiques, il consulte ou ne consulte pas son jeu de cartes, il endort on n'endort pas je ne sais qui ou je ne sais quoi; puis il répond avec le plus grand sérieux du monde: « C'est un tel qui s'y oppose, mais je ne puis le combattre, car il est plus fort que moi. » Et Vous Vous retirez avec la haine au cœur, une soif ardente de vengeance contre les personnes que vous devez souvent le plus aimer et respecter.

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« J'ai un sort, dites-vous au devin, qui me l'a donné ?.. » « Un tel,» répond le charlatan. Il s'agit cette fois d'un pauvre diable envers qui vous ne vous croyez pas obligé à beaucoup de ménagement, quoiqu'il ait un peu la réputation de sorcier. Vous vous livrez au premier acte que vous suggère la vengeance. Les gendarmes s'en mêlent. Les juges vous condamnent. Vous voilà ruiné, déshonoré peut-être pour toute votre vie. Il n'y a guère de tribunaux en France qui n'aient vu le dénoûment d'une telle histoire.

« Mon fils est malade, dites-vous, et je pense que c'est un sort qui lui a été donué. Que ferai-je pour le guérir ?» Le charlatan, qui est aussi un grand médecin, en sa qualité de devin prescrit un traitement. Le traitement est à peine terminé que l'enfant meurt. I meurt, entendez-vous bien, de la main de son père, d'un père qui l'aimait tendrement, qui le rachèterait de sa propre vie!

Comprenez-vous enfin pourquoi nous vous défendons d'aller au devin ? Ne croyez pas que les faits que je viens de vous citer soient imaginaires. J'en ai été moi-même témoin autant que je pouvais l'être. Ils se renouvellent à chaque heure du jour, dans toutes les parties de la France; et, soit dit en passant, je m'étonne un peu que la justice n'en ait pas plus de sollicitude.

(39) Ceci était imprimé, quand nous avons eu, de la bouche même de l'empereur, l'assurance formelle que cette promesse, sacrée à tant de titres, allait enfin être tenue,

Que de choses pourtant ils nous disent ! Vous écriez-vous, c'est à n'y pas croire quelquefois.

Oui, que de mensonges! que de jugements téméraires! quelles folies! quelles abominations quelquefois! que de paroles dangereuses sous tous les rapports et pour toutes sortes de personnes! Et voilà précisément pourquoi nous vous défendons d'y aller. Mais, dites-vous, où prennent-ils donc tout ce qu'ils vous débitent?

Dans leur imagination exaltée, dans leur cœur corrompu, dans leur habitude de charlatanisme, dans la complaisance de compères payés ou flattés, dans votre aveugle sottise. Vous ne voyez donc pas que c'est vous-même, la plupart du temps, qui leur fournissez le texte auquel ils appliquent plus ou moins heureusement leurs longs

commentaires et ceux d'autrui ?

Cette explication ne vous suffit-elle pas? voulez-vous qu'il y ait absolument quelque chose de surnaturel? Eh bien ! soit. Mais d'où vient ce surnaturel? du ciel? C'est impossible. Les instruments sont trop indignes pour que Dieu s'en serve habituellement. Il ne s'agit d'ailleurs que de sottises, de passions, de mal enfin qui ne saurait venir de Dieu. Ce ne peut donc être qu'un surnaturel infernal. Raison de plus pour vous défendre d'y avoir recours. Ne voyez-vous pas qu'en allant là vous allez à votre perte: perte pour la vie future, perte encore pour la vie présente. Quel bien peut Vous venir de la source de tous les maux ? Quel avantage peut vous procurer l'éternel ennemi de notre bonheur? Vous savez comme ce père du mensonge a trompé nos premiers parents. Il leur promettait la science de toutes choses, et ils ont été immédiatement plongés dans les ténèbres de l'ignorance; il leur promettait la vie et ils n'ont rencontré que la mort. Mensonges donc que tout cela. mensonges odieux, abominables, infiniment dangereux, de quelque part qu'ils viennent, que ce soit de l'enfer ou d'un lieu infernal, du démon lui-même, ou de l'homme qui se fait démon!

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Rien du reste contre la religion, ajoutezvous; ils commandent même souvent do faire dire des Messes.

Tout cela pour mieux vous tromper : c'est facile à voir. La pratiquent-ils cette religion contre laquelle ils ne vous disent rien et dont ils vous parlent même en termes favorables? Les voyez-vous assister habituellement et pieusement à ce divin sacrifice dont ils vous recommandent de demander pour vous la célébration? Je serais bien étonné de vous entendre me répondre affirmativement. Vous voyez donc que c'est un jeu, une comédie, un leurre véritable. Ils savent comment il faut s'y prendre pour mieux faire des dupes.

religion, dites-vous, et ils commandent même Ils ne parlent point défavorablement de la quelquefois de faire dire des Messes.

Avez-vous jamais entendu, par hasard le plus grand scélérat de la terre parler contre la probité? N'en dit-il pas du bien? Ne la recommande-t-il pas aux autres ? N'eu ferat-il pas parade à l'occasion? Et l'assassin qui s'avance pour vous tuer, est-il assez sot pour montrer son poignard? Ne le cache-t-il pas avec soin? Ne prendra-t-il pas un instant le masque de l'amitié, et, s'il le juge à propos, de la piété? Voilà toute l'explication de l'énigme.

Mensonges donc que tout cela! ai-je dit avec raison; mensonges abominables, nonseulement dans les paroles, mais encore dans les actions!

N'allez donc point là, je vous le répète. Votre cœur demande-t-il des consolations surhumaines? Sentez-vous le besoin d'un appui surnaturel? Ne les demandez ni au démon ni à ses acolytes; mais allez plutôt les chercher en Dieu et dans sa sainte religion. Au lieu de vous éloigner ainsi de JésusChrist, rapprochez-vous-en de plus en plus, lui-même, en propres termes, la voie, la au contraire, car il est seul, comme il l'a dit vérité et la vie: « Ego sum via, veritas et vita.» (Joan. xiv, 6.)

DEVOTION, DÉVOTE.

Objections. De la religion, passe encore, mais de la dévotion, qu'est-ce que cela signifie franchement? Elle se développe surtout chez la femme, et voici ce qu'elle y produit ordinairement: l'orgueil, l'opinia treté, l'intolérance, etc., le tout caché sous un voile sacré.

Réponse. Quelques-uns n'osant attaquer la religion elle-même, à cause des bienfaits sans nombre qu'elle n'a cessé de répandre sur la terre depuis son établissement, et qu'elle y répand encore chaque jour, s'en font un faux portrait qu'ils appellent dévolion et qu'ils attaquent fort à l'aise.

De la religion, passe encore, nous dit-on; mais de la dévotion, qu'est-ce que cela signifie franchement?

Je vais vous le dire: La dévotion n'est pas autre chose que le dévouement, à ses devoirs, bien entendu. Je sais qu'on entend plus particulièrement par là le dévouement à ses devoirs religieux; mais, d'une part, nos devoirs religieux sont les premiers de tous, et, d'une autre part, ils sont le principe des autres, puisque nous ne pouvons servir Dieu sans faire sa volonté, c'est-à-dire sans remplir fidèlement tous nos devoirs. D'où il suit que la dévotion n'est pas autre chose que l'attachement à tous ses devoirs, comme nous venons de l'expliquer, pas au tre chose que la vertu; c'est-à-dire ce qu'il y a de plus estimable, de plus sacré, aux yeux de Dieu et des hommes. Je sais bien encore que l'idée de dévotion emporte avec soi l'idée d'ardeur et de zèle. C'est donc alors un

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