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« Je fais observer d'abord que les Juifs adoraient le Dieu unique, le Créateur du ciel et de la terre; et l'on sait que leurs livres sacrés ont célébré sa grandeur et sa gloire dans une poésie toute divine, qui surpasse celle des Grecs et des Romains. Or, il est impossible que leur commerce avec les autres nations n'y ait pas répandu plus ou moins la connaissance du Dieu véritable, et ne lui ait pas fait des adorateurs. Quand Salomon monte sur le trône, le roi de Tyr rend grâces au Seigneur Dieu de ce qu'il donne à David un successeur digne de lui; Cyrus voit dans ses victoires un bienfait du Dieu du ciel; Darius, Artaxercès, Assuérus, lui ont rendu hommage; et quel est donc le Dieu par lequel les sages de la cour de Pharaon s'avouent vaincus, lorsqu'ils disent : La main de Dieu est ici? (Exod. vi, 19.)

« Je fais observer encore que les philosophes les plus renommés de l'antiquité croyaient en ce Dieu suprême, et que, lors même que, par crainte ou par politique, ils révéraient les dieux populaires et nationaux, ils reconnaissaient la grandeur prédominante de celui qui avait présidé à la formation de cet univers. Si quelques-uns, tels que Démocrite et Epicure, voulaient apprendre à tout expliquer par des mouve ments fortuits et mécaniques, à se passer de Ja cause intelligente; les autres, tels que Platon et Cicéron, en sentaient, en prouvaient la nécessité, et la nature même de leur que relle fait voir combien la croyance de l'Etre intelligent et sage Ordonnateur du monde était universellement reconnue. Aussi Lactance (Divin. instit. lib. n, cap. 1), si versé dans ces matières, n'hésitait pas à dire, il y a quatorze siècles, que cette doctrine était celle de toutes les écoles, de tous ceux qui, avant Epicure, étaient regardés comme les princes de la philosophie. L'apôtre saint Paul (Rom. 1, 19, seq.) leur reproche moins d'avoir méconnu la Divinité que de ne l'avoir pas glorifiée comme ils le devaient. Il est vrai, le Créateur qui a tiré l'univers du néant, qui a sur la matière un souverain empire; esprit pur qui étend sa providence jusqu'à la moindre de nos actions, qui doit en être le juge après en avoir été le témoin, qui réserve dans la vie future des châtiments au vice et des récompenses à la vertu ce Dieu, le seul véritable, et qui est celui des Chrétiens, n'a pas été connu dans les écoles de Rome et d'Athènes aussi parfaitement qu'il l'est aujourd'hui; et voilà pourquoi avancer que les Chrétiens ont emprunté des païens la connaissance de la Divinité, serait l'assertion la plus mensongère. Mais faut-il donc voir l'athéisme là où l'on ne voit pas toute la pureté de la doctrine chrétienne?

« Observons enfin que les poëtes et les orateurs ont célébré la puissance de ce Dieu, régulateur suprême de cet univers et des choses numaines : c'est le langage d'Homère, d'Hésiode, d'Horace, de Virgile, d'Ovide, et de bien d'autres encore. On sait combien Homère s'est montré sublime, en

faisant dire à Jupiter, parlant aux habitants de l'Olympe: Aitachez une chaîne d'or à la voûte céleste, que tous les dieux et les déesses suspendus à cette chaîne unissent leurs efforts; jamais ils ne pourront entrainer vers la terre le souverain Jupiter. Moi, j'enlèverai, si je le veux, la chaîne et les dieux, la terre et les mers; j'attacherai ensuite la chaîne au milieu de l'Olympe, et tout y demeurera suspendu : tant mon pouvoir surpasse celui des hommes et des dieux. (Iliade, liv. vIII.)

« C'est assez pour faire voir que la connaissance du vrai Dieu, si elle était altérée, n'était point éteinte dans l'esprit de ce que l'antiquité païenne a eu de plus savant et de plus habile; elle ne l'était même pas parmi le peuple. Le crime des idolâtres était de ne pas rendre au Dieu véritable un culte saint et pur, de prostituer les honneurs divins en les adressant à des génies malfaisants, à des divinités subalternes et mensongères, de s'imaginer que la pierre et le bois façonnés par le ciseau, qu'un animal, une plante, renfermaient quelque divinité cachée. Mais du milieu de cet amas de superstitions et de la fange des vices, le penple s'élevait de temps en temps à l'idée de la suprême Majesté d'un Dieu, je ne dis pas unique, mais supérieur à tous les autres dieux. Les apologistes de la religion en ont fait autrefois la remarque; je me bornerai à citer saint Cyprien. Dans son traité De la vanité des idoles, il remarque que le vulgaire confesse quelquefois le vrai Dieu, lorsque, par un mouvement naturel, il s'écrie: 0 Dieu! Dieu le voit; je le recommande à Dieu: 0 Deus! Deus videt; Deo commendo. Oui, souvent, en parlant de la Divinité, on excluait la pluralité, on la nommait simple ment Dieu; et c'est là ce que Tertullien, dans' son Apologétique, appelle énergiquement le témoignage d'une âme naturellement chré tienne.

Des peuples de l'antiquité païenne passons aux peuples des âges modernes. Sans doute on ne contestera pas la croyance des nations européennes qui se sont formées depuis quatorze cents ans, des débris de l'empire romain. On sait aussi que les peuples juifs, chrétiens, musulmans, idolâtres, répandus sur la surface du globe, sont religieux, et que toute religion porte sur un sentiment plus ou moins pur de la Divinité. Mais que dirons-nous des peuples découverts dans les trois derniers siècles? Jusqu'où n'a pas pénétré l'audace de nos navigateurs? Quels monts inaccessibles, quelles forêts profondes n'ont pas été visités par le zèle de nos missionnaires? Eh bien! sur quelle terre nouvelle ont abordé les Européens, où la connaissance de la Divinité ne se trouvât pas avant eux? Non, ce n'est pas Colomb qui l'a portée en Amérique, ni Magellan aux fles des Larrons.

« Je sais bien que des voyageurs, trop hardis à prononcer sur ce qu'ils n'avaient eu ni le temps ni les moyens d'observer, avaient jeté des soupçons d'athéisme sur les habitants des îles Antilles, sur les Brési

liens, les Canadiens, les Hurons, les Iroquois, les Hottentots; nos sceptiques, nos athés en triomphaient. Bayle, Helvétius, aimaient à s'en prévaloir triomphe ignominieux comme je le dirai tout à l'heure, ne fut-il pas imaginaire! Qu'est-il arrivé ? C'est que ces premières relations très-hasardées ont été démenties formellement par des relations subséquentes plus fidèles et plus circonstanciées; et si l'on n'aperçoit parmi ces peuples que des linéaments informes de religion si leur croyance est très-grossière, du moins elle n'est plus un problème. Pour n'en citer ici qu'un exemple entre plusieurs autres, on avait douté quelque temps de la religion des Otaïtiens; eh bien! Cook et après lui Vancouver ont reconnu leurs dogmes et leurs cérémonies religieuses.

« Ainsi les athées n'ont-ils pas la tris'e consolation d'avoir pu découvrir un seul peuple assez dénaturé pour être sans Dieu. Au reste, nous pourrions bien impunément leur abandonner ces hordes sauvages, qui n'ont d'humain que la figure. Il serait digne d'une telle cause d'avoir pour patrons les habitants des forêts, ce qu'il y a de plus abject et de plus dégradé dans notre espèce. Depuis quand faut-il juger des sentiments de l'homme d'après des êtres qui n'en ont que le nom? Voudrait-on apprécier son intelligence par celle des insensés que la police renferme dans des lieux de sûrelé? Et quand Buffon faisait une si sublime peinture de l'homme, de la beauté de ses formes et de ses traits, avait-on le droit de lui opposer les individus qui sont d'une conformation bizarre et difforme? Que si nous invoquons le témoignage des sauvages, c'est d'abord parce qu'il était contesté; c'est ensuite pour faire voir que la croyance d'un Dieu est si conforme à la nature raisonnable, qu'elle a pénétré jusqu'au sein de la plus profonde ignorance et de la férocité même.

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Nos impies d'Europe ont été chercher des alliés aux extrémités de l'Orient, à la Chine; ils ont avancé que les lettrés chinois étaient une société d'athées. Encore que cette autorité ne soit pas très-imposante, discutons un moment le fait. Que parmi les beaux esprits de Pékin il y en ait qui fassent profession d'athéisme, comme parmi ceux de notre Europe, cela peut être; mais que le corps des lettrés soit athée, je demande qu'on m'en cite des preuves irrefragables. Si quelques missionnaires en ont fait autant d'athées, ce n'est pas l'opinion qu'en ont eue le plus grand nombre de ceux qui se sont rendus très-habiles dans la langue chinoise, par une étude constante et par leur com. merce avec les principaux lettrés. Voici ce que dit à ce sujet un très-savant, missionnaire, le Père Parennin, dans une lettre à M. de Mairan, directeur de l'Académie des sciences. Il m'a toujours paru que ceux qui ont accusé les lettres chinois d'athéisme n'ont eu d'autre raison de l'assurer dans le public que l'intérêt de la cause qu'ils avaient

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à soutenir... Je puis ajouter que le nombre est très-petit de ceux qui ont voulu paraître athées; et si quelques-uns ont tâché dans leurs livres d'expliquer tout physiquement, sans avoir recours à un Etre suprême, auteur de toutes choses, ils se plaignent que leurs sentiments, loin d'être suivis, sont abandonnés des lettrés. Nous observerons, d'ailleurs, que ces lettrés offrent des sacrifices à ce qu'ils appellent l'esprit du ciel or il serait trop absurde d'adresser des voeux et des hommages au néant, à un être sans vie et sans intelligence; et c'est là du moins une notion confuse de la Divinité. »

Mais ce ne sont pas seulement les peuples considérés d'une manière générale qui nous attestent l'existence d'un Dieu, ainsi que nous venons de le reconnaître; ce sont aussi tous les membres dont chaque peuple se compose; oui, sans aucune exception, avonsnous dit déjà, même les petits enfants chez qui la raison ne fait que commencer à se développer, même les hommes profondément pervertis, qui se disent et que l'on nomme athées, tant cette croyance salutaire a pénétré profondément dans les entrailles. de l'humanité qu'elle domine tout entière, et où nous la retrouvons toujours, de quelque manière que nous l'envisagions.

Considérez, chez un peuple quelconque,. un enfant de sept ans, je suppose, appartenant à n'importe quel rang de la société. Une des habitudes les plus générales et les plus constantes chez lui sera certainement celle de la prière. Sa manière de prier n'est pas partout la même, elle diffère quelquefois beaucoup, et quant au fond et quant à la forme; mais enfin il prie réellement, partout et toujours, et, quoique naturellement oublieux de toutes choses, il n'oubliera jamais ou presque jamais sa prière. Demandez-lui à qui il adresse cette prière. Il vous répondra, en termes plus ou moins clairs, plus ou moins explicites, que c'est au bon Dieu, c'est-à-dire à l'être infiniment placé au-dessus de nous, qui a la puissance et la volonté de nous accorder les grâces. sans nombre dont nous avons tous besoin, à quelque âge, dans quelque position que nous nous trouvions.

Vous me direz peut-être qu'il ne prierait point probablement, si on ne lui avait jamais appris à prier.

Sans doute; pas plus qu'il ne se servirait de la langue qu'il parle, si on ne la lui avait jamais apprise; pas plus qu'il ne ferait la plupart des choses les plus indispensables à la vie, si on ne les lui avait enseignées. Mais, je vous demanderai, à mon tour, d'où vient cet accord de tous les parents à faire également prier Dieu à tous leurs enfants, quelque séparés qu'ils soient par les temps, les lieux, les opinions, les habitudes; je vous demanderai pourquoi cette aptitude partout à peu près la même chose chez les enfants à recevoir ce haut enseignement de la part de leurs parents; je vous demanderai pourquoi, quand on parle de Dieu, même aux moins intelligents, ils accueillent ce grand nom

un éloquent écrivain, dans un magnifique langage dont il n'est pas donné à tous de goûter la beauté, mais dont tous doivent sentir du moins la force entraînante.

comme s'il ne leur était point tout à fait inconnu; je vous demanderai enfin pourquoi cette habitude de recourir à Dieu qu'on lui a fait contracter dès ses plus tendres années est celle aussi qu'il oubliera le moins. Que dis-je! mais il ne l'oubliera jamais entièrement, à quelque âge qu'il soit parvenu, dans quelque position qu'il se trouve, quelles que soient ses idées, ses croyances, ses actions, se fût-il déclaré publiquement impie, athée, et passât-il réellement pour tel.

Et vous-même qui tout à l'heure nous disiez si positivement: - Dieu n'est pas, ne croyez-vous pas comme les autres à son existence? Vous affirmez le contraire, je le sais; mais, en cela, vous nous trompez, et peut-être vous trompez-vous vous-même; car, à la première contrariété que vous éprouvez, je vous entends vous écrier: Mon Dieu! Or, je vous le demande, cet appel de votre âme à la toute-puissance de Dieu ne suppose-t-il pas son existence? Vous me direz peut-être:- C'est un témoignage involontaire. Soit; mais il n'en est que plus naturel, et, par conséquent, plus irrécusable. En voulez-vous un, d'ailleurs, qui soit beaucoup plus réfléchi? attendez que l'occasion se présente. Elle arrive beaucoup plus tôt que nous le désirions. Ce n'est point, en effet, une contrariété légère qui vous atteint en ce moment; c'est un malheur affreux, un malheur tel que votre âme est incapable de le supporter seule. Aussi appelle-t-elle à son aide toutes les puissances du ciel et de la terre. Vous n'avez point encore osé peut-être venir au temple adresser publiquement à Dieu, dans l'assemblée des fidèles, vos ardentes supplications; mais, dans l'intérieur de votre demeure, votre têle orgueilleuse ne fait point difficulté de s'humilier: « Grand Dieu!» vous écriez-vous, tantôt seul, tantôt avec l'épouse vertueuse qui ne cesse de vous parler de la Divinité, << est-ce que vous allez nous ravir l'enfant en qui nous avons placé toutes nos affections, et sur qui reposent toutes nos espérances? Est-ce que vous ne l'accorderez pas à nos soins, à nos veilles, à nos prières, à toutes les bonnes œuvres que nous avons déjà faites, que nous sommes disposés à faire chaque jour pour le rappeler à la vie?» Or, je vous le demande encore, cet appel profondément senti, cet appel souvent répété de votre âme à la toute-puissance de Dieu ne suppose-t-il pas nécessairement son existence?

Ainsi, vous m'avez demandé : « Qui nous assure de l'existence de Dieu? » Et moi, je vous demande à mon tour: « Quel est plulôt celui qui ne nous en assure pas? » Et je Le trouve personne; pas même vous, qui m'avez adressé cette question impie.

Quelles preuves suffisamment convaincantes en avons-nous, avez-vous ajouté?

La preuve la plus convaincante de l'existence de Dieu, c'est précisément cet accord universel et constant de tous les peuples, de tous les individus à la reconnaître.

Ecoutez les réflexions que fait, à ce sujet,

« La plus grande autorité humaine que nous puissions concevoir est l'autorité du genre humain tout entier; par conséquent elle renferme le plus haut degré de certitude où il nous soit donné de parvenir. Si donc i existait une vérité universellement crue, unanimement attestée par tous les hommes, dans tous les siècles, vérité de fait, de sentiment, d'évidence, de raisonnement, à laquelle ainsi toutes nos facultés s'uniraient pour rendre hommage, cette vérité souveraine, manifestement investie d'une puissance suprême sur notre entendement, viendrait se placer en tête de toutes les autres vérités dans la raison humaine. La nier, ce serait détruire la raison même. Quiconque, en effet, la nierait, niant par là même le témoignage unamine des sens, du sentiment et du raisonnement, ne pourrait en aucun cas l'admettre, et serait contraint de douter de sa propre existence, qu'il ne connaît que par ces trois moyens. Encore est-ce trop peu direl: car il est aisé de comprendre que la vérité dont il s'agit, étant beaucoup plus certaine que notre propre existence, puisqu'elle est attachée par des témoignages beaucoup plus nombreux, il y aurait beaucoup plus de folie à en douter qu'à douter que nous existons.

« En définissant les caractères de cette vérité sublime, universelle, absolue, j'ai nommé Dieu. Avec quel ravissement, quels transports, ne devons-nous pas voir cette magnifique et resplendissante idée se lever tout à loup sur l'horizon du monde intellectuel, enveloppé d'ombres épaisses, et répandre la lumière et la vie jusque dans les profondeurs les plus reculées!

Toute existence émane de l'Etre éternel, infini, et la création tout entière avec ses soleils et ses mondes, chacun desquels renferme en soi des myriades de mondes, n'est que l'auréole de ce grand Etre. Source féconde de réalités, tout sort de lui, tout y rentre; et tandis qu'envoyées au dehors pour attester sa puissance et célébrer sa gloire dans tous les points de l'espace et du temps, ses innombrables créatures, leur mission remplie, reviennent déposer à ses pieds la portion d'être qu'il leur départit. et que la justice rend aussitôt à plusieurs d'entre elles, ou comme récompense ou comme châtiment, seul immobile, au milieu de ce vaste flux et reflux des existences, unique raison de son être et de tous les êtres, il est à lui-même son principe, sa fin, sa félicité. Chercher quelque chose hors de lui, c'est explorer le néant. Rien n'est produit, rien ne subsiste que par sa volonté, par une participation continuelle de son être. Ce qu'il crée il le tire de lui-même; et conserver, pour lui, c'est se communiquer encore. Il réalise extérieurement l'étendue qu'il conçoit, et voilà l'univers. Il anime, si on peut le dire, quelques-unes de ses pensées, il

Jeur donne la conscience d'elles-mêmes, et voilà les intelligences. Unies à leur auteur, elles vivent de sa substance en se nourrissant de la vérité, leur aliment nécessaire même lorsqu'elles l'ignorent, même lorsqu'elles le nient, elles puisent encore dans son sein, comme la plante aveugle dans le sein de la terre, la séve qui les vivifie. Faibles mortels, qui désespérions de la lumière, redisons-le donc avec une joie pleine de confiance et d'amour : Il existe un Dieu. Les ténèbres fuient devant ce grand nom; le voile qui couvrait notre esprit s'abaisse, et l'homme à qui toute vérité et son être même échappait, sans qu'il pût le retenir, renaît délicieusement à l'aspect de Celui qui est (Exod. m, 14). et par qui tout est. » (Joan. 1, 3.) (Essai sur l'indifférence.)

Après cette grande preuve de l'existence de Dieu, la preuve universelle, si je puis parler ainsi, non-seulement parce qu'elle s'adresse à toutes les intelligences et les satisfait toutes, mais parce qu'elle embrasse toutes les autres preuves, en voulez-vous de particulières? Ecoutez; je vais vous rappeter ici, en peu de mots, celles qui font ordinairement le plus d'impression sur chacun de nous.

Soit que nous considérions les êtres on général, soit que nous les considérions individuellement, nous sommes nécessairement amenés, je ne dirai pas précisément par la force du raisonnement, car nous ne sommes pas tous en état de raisonner, mais par la force du simple bon sens, dont nous pouvons et devons tous écouter le langage, à la reconnaissance d'un Dieu, souverainement puissant et sage, créateur et conservateur de tout ce qui existe.

Considérons d'abord tous les êtres dans leur ensemble. Ce monde, au sein duquel nous nous trouvons et dont nous faisons partie, n'a pas toujours existé. Tout s'accorde même pour nous dire que ses commencements ne remontent pas très-haut. Avez-vous d'autres idées à ce sujet ? Voulezvous absolument reporter la création de ce monde à une époque excessivement reculée? Libre à vous. Toujours est-il que cette création a eu lieu à une époque quelconque. Tout nous le dit: l'histoire, la tradition, la raison de chaque individu, ce monde luimême. Or la création suppose nécessairement un créateur. Donc, un Dieu.

Je vous entends me dire ici : Pourquoi ne pas supposer ce monde existant de toute éternité? H nous faut absolument un Etre nécessaire n'ayant jamais eu de commencement, et de qui tout procède. Eh bien! le monde sera lui-même cet être nécessaire.

Pourquoi ne pas supposer ce monde éternellement existant, me demandez-vous? Mais, je viens de vous le dire, parce que toat prouve qu'il a eu un commencement. Pourquoi? mais parce que, s'il en était ainsi, ce monde serait l'Etre infini, c'est-à-dire l'Etre souverainement puissant, souverainement sage, souverainement bon, etc. toutes choses souverainement absurdes. Pourquoi?

Mais parce que cette nécessite d'existence étant toujours la même, le monde ainsi se rait toujours le même, toujours immuable, par conséquent ce qui est contredit par tous les faits. Pourquoi? Mais parce que, si le monde était l'être nécessaire, toutes les parties qui le composent auraient la même nécessité d'existence. Donc, vous et moi, existerions nécessairement; cette fleur qui brille le matin et tombe le soir existerait nécessairement; les objets les moins importants et les plus fugitifs de la nature existeraient aussi nécessairement. Suppositions qui feraient sourire de pitié, je ne dirai pas le dernier des philosophes, mais le plus simple des villageois, le plus petit des écoliers. Donc, ce monde n'existe pas nécessairement ou de toute éternité. Donc, nous devons reconnaître un créateur; et, par conséquent, un Dieu.

En considérant le monde dans son ensemble, nous y remarquons un ordre, une beauté admirables. Lisez, si vous le pouvez, quelques-uns de ces livres où se trouvent si bien décrites les merveilles de la nature. Ou plutôt, qui que vous soyez, contemplez attentivement ce tableau vivant dont nulle copie ne saurait nous donner qu'une imparfaite idée. Considérez-le non pas sur une face seulement et dans quelques-unes de ses parties, mais, autant que possible, sur toutes les faces, et dans toutes ses parties. Voyez le printemps avec toute sa fraîcheur, l'été dans sa magnificence, l'automne avec toutes ses richesses, l'hiver dans son repos majestueux. Suivez attentivement toutes les évolutions du jour et de la nuit. Ne vous contentez pas d'admirer à l'extérieur, si je puis m'exprimer de la sorte, l'incomparable tableau; percez un peu cette surface, el essayez de voir les beautés plus grandes encore qui sont à l'intérieur. Contemplez, ne fût-ce que des yeux de l'esprit, toutes les merveilles renfermées dans le vaste sein de la terre, dans l'immensité des mers, dans l'immensité incomparablement plus grande encore des cieux. Afin de pouvoir mieux contempler ce tableau de la nature que je vous ai invité à voir dans toute son étendue, montez, par la force de la pensée, à une place beaucoup plus élevée que celle que vous occupez réellement. Puis, de là, représentez-vous toutes les beautés de la création, passant tour à tour sous vos yeux, non pas pendant une heure, un jour mais pendant des années entières, et même des milliers d'années..... Que de merveilles, chacune desquelles renferme en soi un nombre infini de merveilles incompréhensibles à l'intelligence humaine la plus étendue ! Et au milieu de ces merveilles, ou plutôt au-dessus de toutes ces merveilles, vous n'apercevez pas celui qui, après les avoir créées, les a disposées dans cet ordre admirable, où il les conserve toujours par sa toute-puissance? Et votre intelligence bornée ne se sent pas absorbée dans cet océan de gloire, comme l'infiniment petit dans le vaste sein des mers? Grand Dieu! moi qui n'ai pas nié votre existence,

et qui ne croirais pouvoir le faire sans me rendre coupable du blasphème le plus absurde, je vous appelle à mon aide sur cette hauteur où je me suis élevé pour montrer une partie de votre gloire à celui qui la méconnaissait ou feignait de la méconnaître complétement, je sens mes yeux éblouis, en contemplant votre splendeur, quoique à une distance intinie. Soutenez-moi de votre bras puissant, et que je puisse répéter du moins, avec le Roi-Prophète : Que vos œuvres sont admirables, Seigneur! et que vos pensées sont profondes!« Quam magnificala sunt opera tua, Domine! Nimis profunda facta sunt cogitationes tue. » (Psal. XCI, 5.)

Vous me direz peut-être encore ici: ne pourrait-on pas attribuer tout cela au hasard, qui fait quelquefois de si grandes choses ?

Des sublimes hauteurs où nous étions élevés pour contempler les beautés de l'univers, c'est tomber sans transition, il faut en convenir, aux derniers degrés de l'absurdité. C'est le hasard dites-vous, qui a produit peut-être toutes les merveilles que nous remarquons dans la nature. Mais le hasard n'est rien, et ne peut rien faire par conséquent. Ce qu'on lui attribue vulgairement, vient d'une cause qui reste inconnue, ou dont on n'aperçoit pas bien la liaison avec l'effet qu'elle a produit. Toujours est-il qu'il n'y a point d'effet sans cause, et j'ajouterai, ce qui est toujours la même idée, sans cause capable de la produire,

Je connais, comme tout le monde, l'histoire de ce pinceau qui, jeté avec dépit contre un tableau, où était représenté un cheval écumant, produisit, aussitôt, dit-on, l'écume que ce cheval devait avoir à la bouche avec plus de vérité que ne l'eût fait l'artiste avec beaucoup d'application. Mais ce fait, fat-il certain, ce dont je doute un peu, ne prouve point du tout qu'il puisse y avoir d'effet sans cause capable de le produire. Que fallait-il pour peindre l'écume dont nous parlons ? Un ou plusieurs coups de pinceau. Et c'est aussi ce qui a eu lieu. Seulement, comme le coup de pinceau a été donné avec colère, au lieu de l'être avec application, on attribue au hasard l'effet qu'il a produit; mais, en réalité, cet effet a eu aussi sa cause, comme on vient de le voir, cause suffisante, à la rigueur, quoique un peu extraordinaire. Je reviens à ma thèse, et je dis: Il n'y a point d'effet sans cause, et même sans cause capable de le produire. Or il y a dans l'univers, comme nous venons de le reconnaître, un ordre et une beauté au-dessus de tout ce qu'on peut dire et même imaginer, un nombre infini de merveilles qui paraissent d'autant plus incompréhensibles qu'on aura fait plus d'efforts pour les approfondir. C'est donc l'œuvre d'une intelligence infinie, et, par conséquent, d'un Dieu.

Permettez-moi de vous rappeler ici une de ces comparaisons souvent employées à cette occasion, et qui n'en font pas moins d'impression quand on sait les présenter.

Vous êtes en ce moment, je suppose, dans une de nos plus grandes et de nos plus magnifiques églises. De quelque côté que vous portiez vos regards, vous ne trouvez que des sujets d'admiration: ces voûtes hardies suspendues au-dessus de votre tête, ces colonnes élégantes et nombreuses, ces riches sculptures, ces beaux tableaux, ces vitreaux resplendissants, la parure des autels, ces flambeaux qui brillent comme les étoiles au firmament, le son des cloches, le chant des cantiques, la parole du prêtre qui, à un moment donné, annonce aux hommes la loi du Seigneur, et, à un autre moment, élève vers Dieu les prières et les vœux que les hommes lui adressent pour en recevoir les grâces nécessaires à l'accomplissement de sa loi, tout cela fait sur vous une impression profonde. « Que c'est beau! ne cessez-vous de répéter dans le recueillement de vos pensées, et comme terrassé d'admiration, que c'est beau! Il n'y a vraiment rien de plus magnifique sur la terre. »

Si, au moment où s'exhale votre plus grand enthousiasme, quelqu'un venait vous interrompre, en vous disant : « Que vous êtes simple de vous extasier de la sorte! Mais tout ce que vous voyez s'est arrangé ainsi par l'effet du hasard. Par l'effet du hasard répondriez-vous d'abord comme frappé de stupeur. frappé de stupeur. Et oui, par l'effet du hasard, répliquerait aussitôt votre interlocuteur. Vous ne comprenez pas cela? Je vais vous l'expliquer. Il y a quelque temps, je ne puis vous dire combien, rien n'existait encore de ce que vous admirez ici. Seulement tout à côté était une haute montagne. Un beau jour, un éboulenient a eu lieu: terre, pierre, marbre, bois, fer, tout est descendu précipitamment des flancs tranchés de la montagne; chaque chose a pris la place que vous lui voyez actuellement, et à produit ainsi, par le plus grand des hasards, la merveille que vous admirez. Ce n'est pas sérieusement que vous parlez ainsi, diriez-vous à votre tour. Ne voyez-vous pas que c'est là un de nos plus beaux édifices, et qu'il suppose, je ne dis pas un constructeur seulement, mais un grand nombre de constructeurs. Une haute intelligence en a conçu le plan, et plusieurs ont du travailler, pendant longtemps peut-être, à le réaliser.-Préjugés que tout cela! répondrait votre contradicteur. Pourquoi faire intervenir ici des intelligences qui ne se voyent ni ne se comprennent, lorsque la chose peut s'expliquer d'une manière satisfaisante par l'effet du hasard? Oui, je vous le répète, que tout se soit accompli comme je viens de vous le dire ou d'une autre manière, il n'en est pas moins incontestable que cela n'est dû qu'au hasard.» Difficilement contenue jusqu'ici, votre patience se sentirait à bout à ces mots; et, prenant par le bras celui qui serait venu vous tenir de semblables propos : « Retirez-vous promptement, lui diriez-vous : car, ou vous avez envie de plaisanter, ou vous parlez sérieusement; si vous voulez plaisanter, ce n'est ni le temps ni le lieu; si vous parlez sérieuse

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