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mes de son ignorance, où sa vue expire, où elle ne peut pas distinguer les choses, et où cependant elle soupçonne qu'il y a de grandes choses... Cet espace vide que nous apportons tous en nous, cet abîme, est la région du mystère.

résultera. Car vous n'ignorez pas que si l'homme s'agite ici-bas, Dieu le mène, comme dit fort bien Fénelon, que c'est même lorsqu'il s'agite le plus que Dieu le mène le plus visiblement: quand l'animal ronge le plus son frein, c'est quand la main qui le guide le lui fait bien sentir. Or, tout le monde sait que le but vers lequel Dieu conduit toujours l'homme ici-bas, c'est le triomphe de la religion.

C'est un peu embarrassant pour la religion, avez-vous dit?

Nullement; car, d'une part, en supposant qu'il y ait quelque chose de vrai, et même beaucoup, si l'on veut, dans tout ce qu'on nous dit, qu'est-ce que ça prouve tout cela? Que veulent dire ces tables tournantes, frappantes et parlantes? Que signifient ces esprits qui s'agitent et nous agitent avec eux, qui font une sorte d'invasion dans notre monde? Vous prétendez que c'est embarrassant pour la religion, mais en quoi donc, s'il vous plaît? Quelle doctrine nouvelle propose-t-on qui soit en opposition avec la doctrine chrétienue? Je ne vois même pas qu'il en soit aucunement question. Quels faits nouveaux apporte-t-on qui soient en contradiction avec les fails sur lesquels repose la religion? N'en seraient-ils pas la confirmation, au contraire, s'ils étaient vrais? L'autorité ecclésiastique est intervenue sans doute dans quelques localités, mais c'est qu'elle voyait là des pratiques diaboliques ou superstitieuses. D'une autre part, en supposant qu'il n'y ait rien de vrai dans tout ce qu'on nous dit, quelque chose du moins résulte de là évidemment, c'est qu'il y a pour tous les hommes, pour ceux qui se disent incrédules comme pour les autres, et même encore plus que pour les autres, un besoin impérieux de croire à un monde surnaturel, d'un monde peuplé d'esprits, d'esprits en rapport avec nous, et on me permettra d'ajouter, puisque cela résulte des faits, d'esprits qui entrent en rapport avec nous par les moyens les plus extraordinaires. Ce qui résulte encore évidemment de tout cela, c'est que quand les hommes rejettent le plus généralement et avec le plus de mépris les croyances si consolantes, si raisonnables, si salutaires de la religion, c'est alors précisément que, soit naturellement, soit par permis sion de la divine Providence, ils admettent les idées les plus vides, les plus absurdes, les plus funestes quelquefois de la superstition.

Cette réflexion n'est pas de nous, el pour notre temps seulement, elle est pour tous les temps, et des esprits les plus sensés, comme on va le voir par les citations que nons allons faire.

Au delà de l'étroite limite de ce que la raison comprend, s'ouvre et s'étend un espace vide pour elle, où se jouent les fantô

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« De là sont sorties toutes les superstitions et toutes les extravagances religieuses qui ont tour à tour régné sur cette terre, et l'ont rendue la proie et le jouet da tant de fanatiques et d'imposteurs...

« C'est ce vaste besoin de l'âme humaine que la religion de Jésus-Christ est venue satisfaire, c'est sur cet abîme qu'elle est venue jeter un chemin.

« Ce grand bienfait, selon l'ordinaire, en a fait oublier le besoin, précisément parce qu'il l'a comblé; et il n'est pas rare de trouver des gens qui se flattent de pouvoir se passer du secours de la foi, et de se tenir audessus de toute crédulité sur le pied ferme de la raison.

« Or, c'est là une grande illusion. L'incrédulité, dans son sens absolu, n'est av'un mot il n'a jamais existé d'incrédules. Je m'explique.

« Sans doute, il y a eu un trop grand nombre d'incrédules, si on entend par là ceux qui ont rejeté les dogmes de la religion chrétienne; et encore n'y en a-t-il pas tant qui les aient complétement déracinés de leur esprit. Tous ceux qui paraissent et qui se croient même incrédules, en ce sens relatif, ne le sont pas toujours. La plupart ressemblent à ceux qui ont peur la nuit, et qui chantent en marchant pour s'étourdir: quand un périt subit les saisit à la gorge, ces faux braves deviennent plus croyants qu'il ne faut, et on ne peut souvent les ramener du désespoir...

« Il est vrai que les incrédules prétendus ont un avantage, celui de pouvoir changer de systèmes; mais comme ils ne peuvent que changer d'absurdités, et qu'à moins de jeter un interdit sur leur raison, il faut qu'ils en croient quelqu'une; ils ne font, par la facilité de leur changement, que les croire toutes, et que mériter par là plus justement ce mot de Pascal : Incrédules les plus crédu les (54).

« Quant a nous, nous n avons pas besoin de curiosité après Jésus-Christ, pouvons nous dire avec Tertullien, ni de recherches après l'Evangile. Quand nous croyons, nous ne voulons rien croire au delà; nous croyons même qu'il n'y a plus rien à croire. (De præscriptionibus.) Ce qui revient à ce mot de Joubert: La religion défend de croire au delà de ce qu'elle enseigne (55), et à celui de Portalis, qui rentre dans le point de vue d'où nous sommes partis : « La foi ne fait que te a nir la place que la raison laisse vide, el « que l'imagination remplacerait in contesta-,

tu: la première vient de notre extrême faiblesse; la seconde a pour principe une douce et louable docilité, très compatible avec la force et qui lui est mé. me très-favorable.›

«blement plus mal.» (PORTALIS, Disc. sur le concordal.)

« Mais ce n'est pas tout. Les incrédules déclarés ne se sont pas bornés à cette crédulité, pour ainsi parler, nécessaire à leur incrédulité même; et on les a presque toujours vus tomber dans des crédulités gratuites, dans des pratiques de superstition ridicules ou grossières par leur objet ou par leur incohérence. Il est d'expérience que ceux qui croient le plus aux sortiléges, à la magie, au fétichisme, sont ceux qui se sont le plus hautement prononcés contre la vérité de la foi. Combien d'incrédules qui croient au diable sans croire en Dieu, qui se livrent superstitieusement à des observances minutieuses et maniaques, tandis qu'ils dédaignent les plus saintes et les plus nobles pratiques de piété (56)! Autrefois Julien, si philosophe dans son gouvernement, ne se montra-t-il pas le plus superstitieux des hommes dans ses idées? Les incrédules du moyen âge ne se sont-ils pas livrés aux opiniens et aux pratiques les plus insensées? Et le xvir siècle, ce siècle de l'incrédulité par excellence, n'a-t-il pas été lé jouet des charlatans? Ne s'est-il pas livré à corps perdu aux engouements les plus fantastiques? La maxime des temps semblait être celle-ci, dit l'historien Lacretelle: Il faut tout croire, excepté ce qu'ont cru nos pères. (LACRETELLE, Hist. du XVIIIe siècle.) Si on nous dévoilait tout ce qui s'est passé d'occulte et de souterrain dans ce siècle de la raison et des lumières, nous serions renversés. Quelques années avant la révolution française, dit M. Portalis, un des conservateurs de la bibliothèque nationale me disait que la plupart de ceux qui venaient dans ce vaste dépôt, ne demandaient, depuis quelque temps, que des livres de sortilège et de cabale. -Le savant Père Roubiez, de l'Oratoire, qui était bibliothécaire public à Lyon, me montra, quelques mois avant sa mort, arrivée en 1793, un procès-verbal contenant les détails et la preuve des mystères abominables qui se célébraient dans des assemblées nocturnes et périodiques: mystères plus horribles que tous ceux dont le souvenir nous a été conservé dans l'histoire du paganisme le plus grossier et le plus déhonté. (De l'usage et de l'abus de l'esprit philosophique.)

Si on pouvait faire une complète abstraction des croyances chrétiennes, on verrait l'esprit humain emporté soudain dans les supertitions les plus avilissantes et les plus perturbatrices, sans que les plus fortes lêtes, celles qui croient se posséder le mieux,

(56) J'ai connu un homme renommé par son incrédulité, athée, matérialiste et beau diseur, qui ne S'habillait jamais sans faire le signe de la croix sur ses vêtements (il avait peur de mourir d'apoplexie); accordant ainsi à la superstition ce qu'il refusait à la foi.

(57) Qui le sent plus évidemment que nous ? dit Montaigne; car, encore que nous lui ayons donné des principes certains et infaillibles, encore que nous esclairions ses pas par la sainte lampe de la vérité qu'il a plu à Dieu nous communiquer, nous

pussent s'en garantir, dès que la contagion s'en serait développée autour d'elles. Car cet espace vide dont nous avons parlé, et qui part de la borne où s'arrêtent nos connaissances naturelles, jusqu'à ce point indéfini où s'étendent nos intentions et nos intincts, et qu'on peut appeler la faculté du mystère, a besoin d'aliments: si vous lui ôtez la foi raisonnable, elle se jettera dans la superstition. C'est ce qui fait que les religions païen nes, quelque fausses qu'elles fussent, valaient mieux que l'absence complète de toute religion; c'était un point d'arrêt sur la pente indéfinie de la folie et de la perversité. C'est ce qui fait que la foi chrétienne, qui non-seulement nous préserve de l'erreur, mais nous dirige dans la vérité, qui est la voie, la vérité et la vie, est le plus beau don qui ait été fait à l'intelligence, et peut être appelée le garde-fou de la raison (57).

« Nous ne croyons pas mal augurer en pensant que nos lecteurs sont frappés de l'importance de la vérité que nous cherchons à établir en ce moment. Ils nous permettront donc de l'appuyer encore de deux fortes autorités.

«Le célèbre Burke, publiciste d'un sens si bien inspiré et si pratique, dans le livre qu'il publia sur la révolution française, au plus fort de cette révolution, pour préserver sa patrie des globes incendiaires que lui envoyait le volcan, écrivait cette remarquable page :

« Nous savons, et nous mettons notre orgueil à le savoir, que l'homme, par sa constitution, est un animal religieux; que l'atheisma est non-seulement contraire à notre raison, mais qu'il l'est même à notre instinct, et ne saurait le surmonter longtemps. Et si dans un moment de débauche, si dans le délire d'une ivresse causée par cet esprit de feu distillé à l'alambic de l'enfer, qui est en ce moment dans une si furieuse ébullition en France. nous devions mettre à découvert notre nudité en secouant la religion chrétienne, qui a fait jusqu'à présent notre gloire et notre consolation, qui a été une grande source de civilisation parmi nous, ainsi qu'elle l'est parmi tant d'autres nations, nous craindrions (étant bien avertis que l'esprit ne supporte pas le vide) que quelque superstition grossière, pernicieuse ou dégradante, ne vint en prendre la place. (Edm. BURKE, Réflex. sur la révolution de France.)

« La seconde autorité n'est pas moins remarquable, et la circonstance toute confidentielle où elle a été émise lui donne un

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caractère plus philosophique. Celui qui nous la rapporte, esprit distingué lui-même, de Fontanes, le fait en termes qui témoignent tout le prix qu'il y attachait. Nous allons les conserver; ils en forment comme l'enchâs

Sure:

«J'étais à Genève en 1787; j'eus le désir de voir l'illustre Bonnet, disciple de Locke, « précurseur de Condillac, auteur de l'Essai a analytique des facultés de l'âme et des Ob· «servations sur les corps organisés. Je le « trouvai à sa maison de Genthod, placé dans << une situation à la fois riante et magnifi«que, au bord du lac, entre les sommets des « Alpes et du Jura. Il me parla d'abord avec <«< admiration de l'abbé de l'Epée, dont M. Si« card a recueilli la gloire et perfectionné la « découverte. Il me montra ensuite quelques « fragments de correspondance avec le sa«vant Morès, juif de Berlin, et l'un des plus « subtils métaphysiciens de ce siècle. Enfin, « la conversation tomba sur les illuminés. « Il ne me déguisa point que des hommes «< illustres de la Suisse étaient atteints de « ce délire. J'osai lui en demander la cause. « Voici à peu près quelle fut sa réponse :

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« La philosophie moderne, me dit-il, a « ébranlé les fondements de toutes les croyana ces religieuses. L'esprit humain, arraché « imprudemment aux opinions sur lesquelles « il reposait depuis tant de siècles, ne sait plus où se prendre et où s'arrêter. L'aba sence de la religion laisse un vide immense a dans les pensées et dans les affections de « l'homme; et celui-ci, toujours extrême, le a remplit des plus dangereux fantômes, à la « place d'un merveilleux, sage et consolant, adapté à nos premiers besoins. Ainsi l'hom« me, en devenant incrédule, n'en sera que a plus aisément précipité dans la superstition; il porterajusque dans l'athéisme même « le besoin des idées religieuses, qui est une a partie essentielle de son étre, et qui doit tou« jours faire son bonheur ou son tourment; il « abusera de ses propres sciences, en y mélant « les plus monstrueuses rêveries; il divinisera a les effets physiques et les énergies de la naa ture; on le verra retomber dans un absurde a polytheisme; en un mot, il sera disposé à « tout croire au moment où il dira fièrement « qu il ne croit plus rien. Il est temps qu'une a véritable philosophie se rapproche, pour son « propre intérêt, d'une religion qu'elle a trop « méconnue, et qui peut seule donner un essor « infini et une règle sûre à tous les mouvements « de notre cœur. Il faut laisser des aliments a sains à l'imagination humaine, si on ne veut a pas qu'elle se nourrisse de poisons. (OEu«vres de FONTANES.)

«Telles furent les réflexions de Bonnet, »> continue de Fontanes. « J'avoue qu'elles me << frappèrent trop peu à l'époque où je les << entendis; mais, depuis ce temps, elles sont « revenues à mon souvenir. Je les offre aux « méditations des bons esprits. » (Ibid.) (58) Qu'est-ce donc que ce monde, et qu'y venons-nous [faire? Si pour qu'on vive en paix, il faut voiler les cieux, Passer, comme un troupeau, les yeux fixés à terre,

<< De toutes ces réflexions et de toutes ces autorités si claires, si fortes, si unanimes, et qui viennent de toute part former. la conviction, il doit demeurer établi qu'outre ce que la raison seule peut saisir, il y a des choses que l'âme humaine appète invinciblement; il y a en elle une faculté spécialement religieuse, la faculté du mystère, qui est aussi naturelle, aussi essentielle à l'homme, que la mémoire, l'imagination, le jugement, la volonté. Ceux qui rejettent les croyances chrétiennes ne se dépouillent pas pour cela de cette faculté; seulement ils s'exposent à se jeter sur des aliments funestes. Que s'il en est quelques-uns qui soient parvenus à l'étouffer, et qu'ils s'en croient pour cela plus sages, ils ne sont que plus bornés: il leur manque un sens, le sens de l'infini, le sens de Dieu. Par le vague et l'infirmité naturelle de cette faculté, l'homme est au-dessous de l'ange; mais par sa privation il est au-dessous de l'homme (58). Cette vérité a pour elle ce qu'il y ajamais eu de plus universel et de plus constant dans la nature humaine. Si l'homme est un animal raisonnable, il n'est pas moins un animal religieux.

«Que conclure de là, sinon que le même Dieu qui a disposé tous nos sens et toutes nos facultés en vue d'un objet, a dû donner un objet à cette faculté religieuse, la satisfaire, la régler? Lorsque nous voyons surtout que, livrée à elle-même, elle fait tomber l'homme dans des abîmes sans fond, et jette la perturbation dans toute l'économie de son être moral, nous devons croire qu'il doit y avoir pour elle un état normal d'ordre, de satisfaction, de développement, qui la préserve de ces chutes et qui l'exerce selon sa fin. Et ensuite, lorsque nous trouvons dans la doctrine de Jésus-Christ, et dans l'adhésion de l'âme à cette doctrine, ce résultat d'ordre, de satisfaction et de développement religieux, unique entre toutes les religions; lorsque nous voyons que celles-ci n'ont pu que pallier ou enrayer le désordre de cette faculté, mais que celle-là seule en a procuré le bien, nous devons saluer, nous devons adorer dans un si grand bienfait la même main qui a créé notre âme, parce qu'il n'y a qu'elle seule qui a pu si bien la diriger, à travers tant de précipices, vers sa fin.» (Etudes philosophiques sur le christianisme.)

Nous avons donc eu raison de vous répondre, et vous devez en convenir vous-même actuellement, que, au lieu d'être un embarras pour la religion, tout ce qu'on dit de ces esprits qui se manifestent à l'homme, depuis quelque temps, au moyen des tables tournantes, etc, etc., toute cette phantasmagorie et autre merveilleux semblable ou approchant, quelque opinion que l'on s'en forme, tourne au triomphe de cette religion, au contraire, et doit la rappeler dans l'âme de ceux qui l'ont abandonnée ou se montrent indiffé

Et renier le reste, est-ce donc être heureux ?
Non, c'est cesser d'être homme.....

(Alfred DE MUSSET, Espoir en Dieu.j

rents à son égard, et la consolider, de plus en plus, dans le cœur de ceux qui voient en elle, avec raison, l'arche sainte qui peut seule nous maintenir en paix sur cette mer

sans fond et sans rivages de l'infini dont nous sommes de toutes parts environnés, nous sauver sur la terre comme au ciel, pour le temps comme pour l'éternité.

EUCHARISTIE.

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Réponse. L'homme n'écoute point, et il a raison, les objections qu'on peut lui faire contre les bienfaits de Dieu dans l'ordre de la nature. Par l'expérience générale, comme par la sienne propre, il en reconnaît l'efficacité et il en use. Mais il n'agit plus de même par rapport aux bienfaits que Dieu lui accorde dans l'ordre de la grâce. Comme Dieu le laisse libre, ici-bas, de les accepter ou non, comme leur acceptation exige de sa part une lutte contre les passions, de grands et nombreux sacrifices, il écoute facilement à cet égard les objections de l'incrédulité, et les répète lui-même volontiers :

Jésus-Christ, nous dit-on, ne peut être réellement présent dans le sacrement de l'Eucharistie.

Pourquoi donc celui qui a prouvé sa divinité par ses œuvres, par qui et au nom de qui tant de miracles ont été faits, et le sont encore aujourd'hui, dont la parole n'a jamais éprouvé aucun démenti, l'affirme-t-il si positivement et en plusieurs circonstances? Jésus-Christ ne peut être réellement pré

sent dans le sacrement de l'Eucharistie ! Mais pourquoi donc est-ce la foi de l'Eglise dans tous les temps et dans tous les lieux ? Cette assemblée la plus nombreuse, la plus éclairée, la plus sainte qui fut jamais, aurait-elle pu croire une impossibilité, et la croire de manière à régler ses mœurs d'après cette croyance, à faire pour elle tous les sacrifices, même celui de la vie, quand cela était nécessaire ou seulement utile?

Jésus-Christ ne peut être réellement présent dans le sacrement de l'Eucharistie! affirmez-vous. Mais pourquoi donc ces merveilleux effets qu'il a produits partout, et qu'il ne cesse encore de produire, effets dont Vous avez été souvent témoin, probablement, si même vous ne les avez éprouvés quelquefois ? - Vous ne voyez ni ne comprenez cette présence, dites vous. En elle-même, oui; mais vous ne pouvez vous empêcher de la voir et de la comprendre dans ses effets, que tout le monde d'ailleurs vous atteste; et cela est bien suffisant pour former en vous la foi la plus ferme. L'aveugle ne voit ni ne comprend le soleil; mais

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(59) Observez cette parole: Jésus-Christ promet ce pain mystérieux; il ne le donne pas encore; il le donnera plus tard: le pain que je donnerai. Ce n'est donc pas, comme le disent les protestants, une

il le sent, il reconnaît par lui-même ses effets, dont parle d'ailleurs tout le monde, et il y croit comme s'il le voyait de ses propres yeux. L'homme est cet aveugle qui ne voit ni ne comprend le soleil de justice caché sous Je voile de l'Eucharistie: est-ce une raison pour lui de nier sa présence, qui lui est si généralement et si solidement attestée?

Jésus-Christ ne peut être réellement présent dans le sacrement de l'Eucharistie!

« Je n'ai qu'une chose à répondre, mais elle suffit,» s'écrie ici l'abbé de Ségur. a Cela est; donc c'est possible.

« Cela est; donc vous devez le croire, bien que vous ne compreniez pas comment cela peut se faire.

Je dis donc que cela est, que Jésus-Christ est vraiment et substantiellement présent dans la sainte Eucharistie, et qu'après la consécration de la Messe, il n'y a plus de pain sur l'autel, entre les mains du prêtre, mais le corps et le sang de Notre-Seigneur JésusChrist vivant, voilé sous les simples apparences du pain et du vin.

« Pour vous en convaincre, je ne vous. montrerai pas tous les siècles chrétiens, depuis les apôtres jusqu'à nos jours, croyant, adorant, proclamant hautement cette présence réelle de Jésus-Christ dans le sacrement d'Eucharistie. Ce serait, certes, beaucoup que de voir les plus grands génies, les plus profonds et les plus savants docteurs, adorer avec la foi la plus entière le sacré mystère de l'au

tel...

« Mais, outre que cela nous entraînerait à de trop longs développements, je ne veux faire de ceci qu'une affaire de bonne foi; c'est à elle seule que je m'adresse, et je ne veux ici que vous citer textuellement, presque sans commentaire, les paroles mêmes de Jésus-Christ, qui déclare que l'Eucharistie, c'est lui-même, son corps, sa chair, son sang.

Il parle deux fois de l'Eucharistie dans l'Evangile la première fois, pour la promettre (environ un an avant sa Passion); la deuxième fois (la veille de sa Passion), pour l'instituer, et accomplir ainsi sa promesse.

« 1° La première parole est dans saint Jean,. la voici, je la propose à votre bon sens : En vérité, je vous le dis, celui qui croil en moi a la vie éternelle. (Joan. vi, 47.) Il exige d'abord la foi à sa parole; car ce qu'il va dire est le mystère le plus profond de la foi. Je suis le pain de la vie. (Ibid., 35.) -- Je suis le pain descendu du ciel, si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai (59), c'est ma chair

manière figurée de parler de la doctrine qu'il prêchait, car cette doctrine il la donnait; on ne peu promettre ce qu'on a déjà donné et ce qu'on donne

pour la vie du monde. (Joan., 51, 52.) « Les Juifs, à qui il parlait, se dirent alors ce que vous dites vous-même : Comment peut-il nous donner sa chair à manger? Comment cela peut-il se faire? Et ils ne voulaient pas le croire.

« Voyez comme Notre-Seigneur JésusChrist leur affirme de nouveau sa présence réelle dans le pain qu'il leur promet:

« En vérité, en vérité, je vous le déclare: si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme, et si vous ne buvez son sang, vous n'aurez point la vie en vous. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle; et moi je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est véritablement un breuvage. Celui qui mange mon corps et qui boit mon sang demeure en moi, el moi je demeure en lui. Celui qui mange ce pain vivra éternellement. (Ibid., 54-59.)

« Qu'en dites-vous? Ne croyez-vous pas à la parole de Jésus-Christ lui-même, vous affirmant que l'Eucharistie est son corps et son sang, avec une clarté d'expression si désespérante, que les protestants se tournent et se retournent en vain depuis trois cents ans, et se mettent l'esprit à la torture pour se soustraire à l'évidence.

«2° Si cette première parole de Jésus-Christ est claire comme la vérité elle-même, la deuxième, qui est la parole même de l'institution de l'Eucharistie ne l'est pas moins.

« La veille de sa passion, Notre-Seigneur, après la cène, prit du pain entre ses mains divines et vénérables, le bénit, et le présenta à ses apôtres en disant: Prenez et mangezen tous; car ceci est mon corps. (Matth. xxvi, 26.

«Est-ce clair? - Ceci, ce que je tiens et ce que je vous présente, est, quoi? mon corps.

«Puis il donne à ses apôtres, qui furent ses premiers prêtres, l'ordre et le pouvoir de faire ce qu'il vient de faire lui-même, en ajoutant ces paroles: Et vous, toutes les fois que vous ferez ces choses, vous les ferez en mémoire de moi (Luc. xxII, 19; 1 Cor. XI, 24, 25); c'est-à-dire, comme moi-même, comme je viens de les faire.

« Homme de bonne foi, entendez et jugez: Ceci est mon corps!

« Pour moi, je le déclare, cette seule parole me suffit; et, non-seulement elle est pour moi la preuve éclatante de la présence. de Jésus-Christ dans l'Eucharistie, mais elle me prouve d'une manière non moins irré

(60) Dites-moi d'ailleurs comprenez-vous mieux le changement du pain et du vin en notre corps et en notre sang? Je vois bien que, dans ce dernier cas, tout se passe par des moyens naturels et ordinaires, ce qui n'a pas lieu dans l'autre cas; mais, après tout, l'une n'est pas plus impossible que l'autre; et, à vous parler franchement, s'il était permis d'admettre ici du plus ou du moins, je dirai qu'il faudrait encore plus de puissance pour opérer un changement de substances par des lois naturelles, constantes et infaillibles, lesquelles lois sont elles-mêmes remplies de mystères, que pour le faire exceptionellement. Je vois

fragable sa divinité. Jamais homme n'a dit, n'a pu dire une chose semblable!

« Une observation bien simple vous facilitera, du reste, la croyance au mystère eucharistique:

« La nature nous offre de nombreux exemples de ce changement, soi-disant impossible, d'une substance en une autre.

« Le plus frappant de tous est celui de la nourriture corporelle. Le pain que je mange est changé, par l'oeuvre mystérieuse de la digestion, en mon corps, en ma chair et en mon propre sang. La substance du pain est changée en celle de mon corps.

Ce que Dieu opère tous les jours en nous-mêmes naturellement, pourquoi ne pourrait-il pas l'opérer surnaturellement dans le mystère de l'Eucharistie?

« Vous voyez donc qu'il n'est pas impossible que, par la toute-puissance divine, lo pain et le vin soient changés, sur nos autels, en la substance du corps et du sang de NotreSeigneur Jésus-Christ; et que l'Eglise, en enseignant sa présence réelle dans le SaintSacrement, ne dit point, comme le prétendent des ignorants ou des étourdis, une absurdité, une chose impossible et révoltante pour la raison.

«Maintenant comment (60) ce prodige admirable s'opère-t-il? Je n'en sais rien, et les plus grands docteurs ne le savent pas plus que les autres. C'est le mystère de la foi, le secret de Dieu. Ce que nous savons, c'est qu'il est, et cela suffit.

Par cet adorable présence, Jésus-Christ, le roi des âmes, la vie des Chrétiens, le chef de l'Eglise, le refuge des pécheurs, le bon et doux Sauveur, le consolateur de toutes les douleurs, est sans cesse au milieu de ses enfants... Dieu et homme tout ensemble, il est le lien vivant qui nous unit à son père et à notre Père. Il l'adore parfaitement et supplée à l'imperfection de nos hommages. Il demande miséricorde pour les continuels péchés du monde.

« Il est présent à toutes les générations humaines, qu'il aime et qu'il a sauvées également, pour recevoir de chacune d'elles, jusqu'à la fin du monde, l'hommage de sa foi, de son adoration, de son culte, de ses prières.

« Si le Saint-Sacrement est le mystère de la foi, il est aussi, et plus encore, le mystère de l'amour!

« Croyons, aimons et adorons. » (Réponses.) I suit de tout cela qu'il est contraire à la foi, et même à la raison, d'affirmer que

bien encore que d e dans le changement de substances par les lois naturelles, les apparences sont détruites en même temps que les substances, ce qui n'a pas lieu dans la transsubstantiation eucharistique. Mais vous le voyez, il s'agit d'un changement surnaturel, où on ne peut retrouver ce qui a lieu dans le changement naturel. Du reste, à considérer la chose en soi, le changement de substances avec conservation des apparences ne me paraît pas plus impossible que le changement de substances avec disparition des apparences, puisqu'il y a dans ce dernier cas, une destruction de plus.

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