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dorent-ils pas intérieurement comme un Dieu, encore qu'alors ils ne fussent pas à genoux devant lui?

Qui ne voit donc que croire à Jésus, qui dit : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang : » et les recevoir dans cette foi, et discerner que ce corps est le corps d'un Dieu, par lequel la vie nous est donnée; quand on n'y verroit que cela, et qu'on ne trouveroit pas dans le reste de l'Écriture ce qui est dû à Jésus-Christ, c'est un acte d'adoration de la nature la plus haute, et que tous les prosternements qu'on fera à Jésus-Christ n'en seront que l'expression et le témoignage ? C'est donc avec raison qu'on joint dans l'eucharistie l'adoration intérieure et l'extérieure, c'est-à-dire le sentiment et le signe, la foi et le témoignage. C'est avec raison, comme le rapportent les saints, qu'on manifestoit au dehors, par la posture du corps, l'abaissement de l'esprit; et que << nul ne prend cette chair qu'il ne l'ait premièrement adorée : » ce sont les mots de saint Augustin ', et le témoignage constant de la pratique de l'Eglise. Mais pourquoi chercher ces témoignages, quand manger, quand boire ce corps et ce sang, comme le corps et le sang de Dieu, et y attacher son espérance, c'est une si haute adòration, qu'on voit bien qu'elle doit attirer toutes les autres !

Vous me dites: Pourquoi exposer? où cela est-il écrit? l'ancienne Eglise l'a-t-elle observé? Grossier et charnel, lequel est le plus, ou d'exposer dans l'Église le corps du Sauveur, ou le porter avec soi, et le garder dans sa maison? Et ce dernier est-il plus écrit que l'autre? Qui ne voit donc que la substance étant écrite et bien entendue par l'Eglise, tout le reste qui en est la suite a été diversement pratiqué, selon la sage dispensation de la même Église, pour l'édification du peuple saint?

Allons de ce pas, ne tardons pas davantage; allons adorer Jésus qui repose sur l'autel. Ah! c'est là qu'on me le garde; c'est de là qu'on me l'apportera un jour en viatique, pour me faire heureusement passer de cette vie à l'autre. Pain des voyageurs, qui serez un jour le pain des compréhenseurs, le pain de ceux qui vivront dans la céleste patrie, je vous adore; je crois en vous; je vous désire; je vous dévore en esprit vous êtes ma nourriture, vous êtes ma vie.

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A Dieu ne plaise que nous oubliions la sainte action du sacrifice et le mystère de la consécration! Je vois un autel; on va offrir un sacrifice, le sacrifice des chrétiens; le sacrifice et l'oblation pure, dont il est écrit, « qu'elle devroit être offerte depuis le soleil levant jusques au couchant 2. » Ce n'est plus le sacrifice qui ne devoit être offert que dans le temple de Jérusalem, en un lieu particulier choisi de Dieu : c'est un sacrifice qui doit être offert parmi les gentils et dans toutes les nations de la terre. Où est donc l'appareil du sacrifice? où est le fou? où est le couteau? où sont les victimes? Cent taureaux, cent gé

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nisses, ne suffiroient pas pour exprimer la grandeur de notre Dieu. On offroit aux faux dieux mêmes des hécatombes, c'est-à-dire des bœufs par centaines je ne vois rien de tout cela.

Quelle simplicité du sacrifice chrétien! Je ne vois qu'un pain sur l'autel, quelques pains au plus, un peu de vin dans le calice. Il n'en faut pas davantage pour faire le sacrifice le plus saint, le plus auguste, le plus riche qui se puisse jamais comprendre. Mais n'y aura-t-il point de chair, n'y aura-t-il point de sang dans ce sacrifice? Il y aura de la chair, mais non pas la chair des animaux égorgés; il y aura du sang, mais le sang de Jésus-Christ: et cette chair et ce sang seront mystiquement séparés. Et d'où viendra cette chair, d'où viendra ce sang? Il se fera de ce pain et de ce vin: une parole toute-puissante viendra, qui de ce pain fera la chair du Sauveur, et de ce vin fera son sang tout ce qui sera proféré par cette parole sera dans le moment ainsi qu'il aura été prononcé; car c'est la même parole qui a fait le ciel et la terre, et qui fait tout ce qu'elle veut dans le ciel et dans la terre. Cette parole prononcée originairement par le Fils de Dieu a fait de ce pain son corps, et de ce vin son sang. Mais il a dit à ses apôtres Faites ceci : » et ses apôtres nous ont enseigné qu'on le feroit « jusqu'à ce qu'il vînt: Donec veniat '; » jusqu'au dernier jugement. Ainsi la même parole répétée par les ministres de Jésus-Christ aura éternellement le même effet. Le pain et le vin se changent; le corps et le sang de Jésus-Christ en prennent la place. O Dieu! ils sont sur l'autel ce même corps, ce même sang; ce corps donné pour nous, ce sang répandu pour nous. Quelle étonnante merveille! C'est une merveille pour nous; mais ce n'est rien d'étonnant pour le Fils de Dieu, accoutumé à faire tout par sa parole. « Tu es guérie 2: on est guéri. << Tu es vivant3: » on vit, et la vie qui s'en alloit est rappelée. Il dit: << Ceci est mon corps: » ce n'est plus du pain; c'est ce qu'il a dit. Il a dit : « Ceci est mon sang : » ce n'est plus du vin dans le calice, c'est ce que le Seigneur a proféré; c'est là son corps, c'est le sang; ils sont séparés; oui, séparés; le corps d'un côté, le sang de l'autre : la parole a été l'épée, le couteau tranchant qui a fait cette séparation mystique. En vertu de la parole, il n'y auroit là que le corps; et rien là que le sang si l'un se trouve avec l'autre, c'est à cause qu'ils sont inséparables depuis que Jésus est ressuscité : car depuis ce temps-là il ne meurt plus. Mais pour imprimer sur ce Jésus, qui ne meurt plus, le caractère de la mort qu'il a véritablement soufferte, la parole vient, qui met le corps d'un côté, le sang de l'autre, et chacun sous des signes différents : le voilà donc revêtu du caractère de sa mort, ce Jésus autrefois notre victime par l'effusion de son sang, et encore aujourd'hui notre victime d'une manière nouvelle par la séparation mystique de ce sang d'avec ce corps?

Mais comment ce corps, comment ce sang? Cela se peut-il? et un corps humain peut-il être sous cette mince étendue? Qui en doute. si la parole le veut? La parole est toute-puissante la parole est l'épée

1. I Cor., IX, 94, 25, 26. 2. Marc., v, 34. 3. Joan., XI, 43, 44.

hante qui va aux dernières divisions; qui saura bien, si elle le veut, ôter à ce corps ses propriétés les plus intimes, pour ne nous en laisser que la nue et pure substance car c'est cela qu'il me faut; c'est à cette pure substance que le Verbe divin est uni; car son union est substantielle; son union se fait dans la substance: celle qu'il veut avoir avec moi se fera aussi par la substance de son corps et de son sang : il l'a dit; et cela est fait dans le moment.

Mais je ne vois rien de nouveau sur cet autel! Je le crois bien, la parole sait ôter au sens tout ce qu'elle veut, lorsqu'elle veut exercer la foi. Jésus-Christ, quand il a voulu, s'est rendu invisible aux hommes; il a passé au milieu d'eux sans qu'ils le vissent deux disciples à qui il parloit ne le connurent qu'au moment qu'il le voulut: Marie le prit pour le jardinier jusqu'à ce qu'il l'eût réveillée et lui eût ouvert les yeux par sa parole. Il entre, il sort; et on ne le voit ni entrer ni sortir: il paroît, il disparoît comme il lui plaît. Qui doute donc qu'il ne puisse nous rendre invisible ce qui par lui-même ne le seroit pas ? La parole, ce glaive tranchant, est venue, et a séparé de ce corps et de ce sang non-seulement tout ce qui pourroit les rendre visibles, mais encore tout ce par où ils pourroient frapper nos autres sens.

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Mais je vois tout ce que je voyois auparavant; et si j'en crois mes sens, il n'y a que pain et que vin sur cette table mystique. Le pain y est-il? le vin y est-il? Non; tout est consumé. Un feu invisible est des→ cendu du ciel la parole est descendue, a tout pénétré au dedans de ce pain et de ce vin: elle n'a laissé de substance sur la table sacrée que celle qu'elle a nommée; ce n'est plus que chair et sang. Et comment? la parole est toute-puissante; tout lui a cédé, et rien n'est demeuré ici que ce qu'elle a énoncé ce feu a tout changé en lui-même : la parole a tout changé en ce qu'elle a dit.

Mais je vois le même extérieur? Oui, parce que la parole n'a rien laissé que ce qui lui étoit nécessaire pour nous indiquer où il falloit aller prendre ce corps et ce sang, et tout ensemble pour les couvrir à nos yeux. Les anges ont apparu en forme humaine : le Saint-Esprit même s'est manifesté sous la forme d'une colombe: la parole veut que le corps de Jésus-Christ nous apparoisse sous les espèces du pain, parce qu'il falloit un signe pour nous annoncer où il falloit l'aller prendre ce qu'elle veut s'accomplit. Elle a consumé toute la substance; ce que vous voyez est comme la cendre que ce feu divin a laissée mais plutôt ce n'est pas la cendre, puisque la cendre est une substance; et ce qui reste de cet holocauste n'est que l'enveloppe sacrée du corps et du sang : c'est enfin ce que la parole a voulu laisser pour nous marquer la présence occulte, quoique véritable, de ce corps et de ce sang de Jésus-Christ, qu'elle vouloit bien mettre là en vérité et en substance, mais qu'elle ne vouloit montrer qu'à notre foi. N'en disons pas davantage; car tout le reste est incompréhensible et n'est vu que de celui qui l'a fait.

Voilà le signe que Jésus-Christ nous a laissé, signe auquel nous reconnoissons qu'il est véritablement présent. Car la parole nous le dit; et il ne faut pas être en peine de la manière dont elle exécute ce qu'elle

Il a,

prononce : il ne faut songer qu'à ce qu'elle signifie. Car elle a en ellemême uue vertu pour faire tout ce que veut celui qui l'envoie. << dit-il, envoyé sa parole, et elle les à guéris, et elle les a arrachés des mains de la mort. Sa parole ne revient point inutile: elle fait tout ce qu'il a ordonné 2. » Entendez donc encore un coup cette parole: « Ceci est mon corps. S'il avoit voulu laisser un simple signe, il auroit dit : Ceci est un signe; s'il avoit voulu que le corps fût avec le pain, il auroit dit : Mon corps est ceci. Il ne dit pas : Il est ici, mais << Ceci l'est: » par là il nous définit ce que c'étoit et ce que c'est. Quand on vous demandera : Qu'est-ce que ceci? Il n'y a qu'un mot à répondre C'est son corps, la parole a fait cette merveille.

Elle n'en demeure pas là. Sortie de la bouche du prêtre comme de celle du Fils de Dieu, elle a fait sur le saint autel ce changement prodigieux elle tourne ensuite sa vertu sur nous tous, qui assistons au sacrifice elle éteint en nous tous nos sens; nous ne voyons plus, nous ne goûtons plus, par rapport à ce mystère. Ce qui nous paroît pain, n'est plus pain; ce qui nous paroît vin, n'est plus vin : c'est le corps, c'est le sang de Jésus-Christ. Nous n'en croyons plus le jugement de nos sens; nous en croyons la parole: elle a tout changé; et nous-mêmes nous ne sommes plus ce que nous étions, des hommes assujettis à leur sens, mais des hommes assujettis à la parole. En cet état nous approchons du saint autel: Venez, le désiré de mon cœur! Sitivit in te anima mea : « Mon âme a soif de vous; en combien de manières ma chair vous désire-t-elle ! » Oui, ma chair prend part au désir de l'âme car c'est en elle que s'accomplit ce qui cause à l'âme ces transports. « Mon cœur et ma chair se réjouiront dans le Dieu vivant tous.mes os crieront: Seigneur, qui est semblable à vous ? » Qui vous est semblable en puissance? Mais qui vous est semblable en bonté et en amour?

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2. Is. L,V 11. 3. Ps. LXII, 2.—

4. Ibid., LXXXIII, ✯

OPUSCULES.

DISCOURS

SUR LA VIE CACHEE EN DIEU

OU EXPOSITION DE CES PAROLES DE SAINT PAUL:

Vous êtes morts, et votre vie est cachée en Dieu avec Jésus-Christ. Quand Jésus-Christ, qui est votre vie, apparoîtra, alors vous apparoîtrez en gloire avec lui. Aux Col., chap. III, v. 3 et 4.

<< Vous êtes morts: » à quoi? « au péché. » Vous y êtes morts par le baptême, par la pénitence, par la profession de la vie chrétienne, de la vie religieuse. Vous êtes « morts au péché : et comment » pourriez-vous donc « maintenant y vivre 1?» Mourez-y donc à jamais et sans retour. Mais pour mourir parfaitement au péché, il faudroit mourir à toutes nos mauvaises inclinations, à toute la flatterie des sens et de l'orgueil car tout cela dans l'Écriture s'appelle péché, parce qu'il vient du péché, parce qu'il incline au péché, parce qu'il ne nous permet pas d'être absolument sans péché.

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Quand est-ce donc que s'accomplira cette parole de saint Paul: « Vous êtes morts? » à quel bienheureux endroit de notre vie? quand serons-nous sans péché? Jamais dans le cours de cette vie, puisque nous avons toujours besoin de dire : « Pardonnez-nous nos péchés. A qui donc parle saint Paul, quand il dit : « Vous êtes morts? » Est-ce aux esprits bienheureux? Sont-ils morts, et ne sont-ils pas au contraire dans la terre des vivants? Sans doute, ce n'est point eux à qui saint Paul dit : « Vous êtes morts: » c'est à nous; parce qu'encore qu'il y ait en nous quelque reste de péché, le péché a reçu le coup mortel. La convoitise du mal reste en nous, et nous avons à la combattre toute notre vie. Mais nous la tenons atterrée : nous la tenons. Mais la tenons-nous atterrée et abattue? Nous le devrions, nous le pouvons avec la grâce de Dieu; et alors elle recevroit le coup mortel: et si pendant le combat elle nous donnoit quelque atteinte, nous cesserions de gémir, de nous humilier, de dire avec saint Paul : « Qui me délivrera de ce corps de mort ??» Vous en êtes donc délivrée, âme chrétienne! Vous en êtes délivrée en espérance et en væu. « Vous êtes morts : » il ne vous faut plus qu'une impénétrable retraite pour vous servir de tombeau : il ne vous faut qu'un drap mortuaire, un voile sur votre tête, un sac sur votre corps, d'où soient bannies à jamais toutes les

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