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LE MIROIR D'ORIGNY

ET

L'ABBAYE ROYALE

D'ORIGNY-SAINTE-BENOITE

I

Le Miroir d'Origny devenu si rare que le nombre des exemplaires connus se réduit à quatre ou cinq, est le récit de la vie, des miracles et de la mort de sainte Benoîte.

Il contient, en outre, l'histoire de l'abbaye qui fut fondée à la place même où la vierge fut martyrisée.

Écrit en 1658 par le révérend père Pierre, de SaintQuentin, prédicateur capucin, d'après un manuscrit de Quentin de La Fons (1), il a été imprimé en 1660, à Saint-Quentin même, par les soins du libraire Claude Le Queux, avec approbation et privilège du Roi.

L'ouvrage, de format petit in-4, divisé en trois chapitres, subdivisés eux-mêmes en Paragraphes suivis de Réflexions, porte le titre suivant : Le Miroir d'Origny dans lequel on voit la vie, la mort et les miracles de l'illustre Sainte Benoile, Vierge et Martyre, comme ainsi les rayons de

(1) Bibliothèque de Saint-Quentin, Ms. n° 75.

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ses grâces et vertus, rejaillissans sur les Dames Religieuses de sa Maison. Et en suite: l'origine, le progrez, les privilèges et divers accidens de l'Abbaye Royalle du dit Origny. Sur l'Histoire manuscrite de feu M. Quentin de la Fons, Bachelier en théologie, Chanoine de l'Église Royalle de Saint-Quentin et Curé de la Paroisse de Saint-André en la dite ville.

Il est dédié à Marie-Catherine de Montluc (1), alors abbesse du monastère, et l'auteur, dans une épitre préliminaire, détermine ainsi le but et la portée de son œuvre .....« Ce grand S. François, qui, pour tout bien, n'a l'aissé pour héritage à ses enfants que la sainte pauvreté jointe à la gratitude, faisoit tous les ans de sa vie, le présent d'un panier de poisson aux Religieux de S. Benoit du Mont-Cassin, pour redevance de la Sainte Chapelle de Notre-Dame des Anges qu'il avoit par grâce de ce S. monastère faut-il donc pas, Madame, qu'à l'exemple de ce divin Père, quelqu'un de ses enfans (encore que le moindre de tous) vous présente quelque chose de son extrême pauvreté, pour un payement, certes trop bas et trop indigne de votre affection.

« C'est un Miroir, Madame. Que peut-on offrir de plus agréable à vos yeux ? Que peut-on donner de plus curieux à une grande abbesse, fille de S. B. (Sainte Benoite), qu'une glace qui, tout d'un coup, lui montre la vie passée de sa sainte Mère, l'image présente de ses actions, et l'espérance future de ses enfans? »

En tête du Miroir, un frontispice gravé signé N. Picart, représente Catherine de Montluc, à genoux devant un prie-Dieu. Derrière elle sont groupées des religieuses dans une attitude recueillie. Le fond est occupé par le monastère, et, dans le ciel, sainte Benoîte, la palme du martyre à la main, semble étendre sur lui

(1) Fille de Jean-Alexandre de Montluc, seigneur de Balagny, maréchal de

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sa protection. Dans le haut de l'estampe figurent deux écussons celui de gauche porte les armes de France, celui de droite les armes que l'abbaye reçut de saint Louis, quand il la visita, lors de son pèlerinage au tombeau de saint Quentin, en 1257 (1), et qui sont d'azur aux fleurs de lis sans nombre.

En face de la première partie, une autre gravure nous montre sainte Benoîte, en pied, couronnée par un ange qui lui dit : Veni, sponsa Christi, veni de Libano coronaberis. Benoîte lui répond: Dilectus meus mihi et ego illi (cant.); au second plan, la sainte à genoux a la tête tranchée; au troisième, un ange emporte l'àme de sainte Benoite au ciel (2).

Enfin, dans un dernier frontispice, en tête de la 3e partie, la Foi, soutenant un calice de la main droite, et la Charité s'appuyant sur la crosse abbatiale, se tiennent de chaque côté des armes de Montluc (3).

Dans la première partie de son livre, le révérend père Pierre raconte que, sous le règne de Julien l'Apostat, Benoîte, fille d'un sénateur romain et parente du martyre Quentin qui, cinquante ans auparavant, avait scellé de son sang sa foi en Jésus-Christ, résolut de se rendre,

(1) Saint Louis vint, en effet, à différentes reprises, vénérer le tombeau du martyr. Chaque fois, il enrichit la basilique, en grande partie édifiée par lui, de reliques précieuses, entre autres d'un morceau de la vraie croix, encore conservé aujourd'hui dans le trésor de l'église.

Lors de son pèlerinage de 1257, le chœur et le sanctuaire de la basilique actuelle étant achevés, il alla prendre, ainsi que ses fils, sur ses royales épaules, les reliques de saint Quentin, pour les transporter, de l'ancienne église, dans le sanctuaire de la nouvelle, au centre d'un édicule élevé derrière le maître-autel.

(2) Cette gravure est la reproduction d'un tableau qui existe encore dans l'église paroissiale d'Origny.

(3) Écartelé au 1" et 4°, contrécartelé d'azur au loup d'or, qui sont les armes de Sienne, et d'or à un tourteau en cœur de gueules, qui sont les armes de la maison de Montluc; aux 2 et 3 : pallé d'or et de gueules de six pièces (armes de sa mère, Renée d'Amboise, première femme de Montluc), et, sur le tout :

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BULLETIN DU BIBLIOPHILE

à son tour, dans les Gaules, pour y porter le flambeau sacré de la religion chrétienne. Elle partit, dit le Miroir, << sans autre guide que de la Grâce, sans autre force que de la Foy, sans autre secours que du Ciel..... »

« Le Soleil sortant de son Orient pour visiter notre hémisphère de ses rayons, ne marche dans son Zodiaque qu'en la compagnie de divers signes, qui sont douze étoiles ou constellations avec lesquelles il verse et tempère ses favorables influences dessus la terre. Rome, selon notre aspect, est un Orient de gràce pour les hommes; c'est de cette ville que sort sainte Benoîte, comme un vivant soleil, pour porter la lumière de la foy et l'ardeur de la charité chrétienne dans la nuit de ce monde. Elle marche accompagnée de douze honnestes filles que l'inspiration de Dieu avoit associées à son dessein, comme autant d'étoiles animées des feux du Saint-Esprit pour le salut des hommes ».

C'est sur ce mode lyrique que le révérend père poursuit son récit. Benoite, suivie de ses compagnes, prend le chemin des Alpes, passe à Lyon, vient à Soissons, à Laon et enfin à Saint-Quentin (Augusta Veromanduorum), où elle s'arrête pour « supplier Jesus-Christ de l'associer à la gloire de celui, qui, le premier, arrosa de son sang cette terre païenne ».

A cette invocation, un ange paraît, apportant les volontés de Dieu. Les vierges se séparent, chacune prenant le chemin que l'ange lui a assigné « pour aller faire le sacrifice de leur corps au salut des âmes ».

Benoite, accompagnée de Romaine et de Camione, de Léobérie et de Iolaine, se dirige sur Origny (Auriniacum), station romaine établie sur les bords de l'Oise, pour en défendre le passage. Elle appelle les populations au son d'une clochette, et les instruit des vérités de la religion chrétienne.

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vais, où l'attend le martyre. Camione est arrêtée et mise à mort à quelque distance de Saint-Quentin, entre les villages de Harly et de Mesnil-Saint-Laurent, où sa mémoire est encore vénérée; Léobérie succombe à la fatigue (1); mais Benoîte continue son apostolat, « disputant contre les infidèles, réfutant leurs erreurs, enseignant les ignorants, fortifiant les débiles en la foy, consolant les affligés et convertissant des milliers de personnes ».

Le bruit de ces prodiges étant parvenu aux oreilles de Matrocle, le juge de la province, « juif de nation », celui-ci se transporte à Origny et fait comparaître la vierge devant lui. Frappé de sa beauté, il cherche d'abord à la gagner à ses plaisirs; mais devant le refus indigné de la jeune fille, il change d'attitude, soudoie de faux témoins, la fait accuser de magie et de sortilège et la condamne à être battue de verges.

Benoîte, dépouillée de ses vêtements, est étendue sur un chevalet et si cruellement flagellée que « la chair de ses membres tombe par lambeaux et que ses entrailles paraissent à découvert par l'ouverture des plaies ». Elle est jetée en prison presque mourante; mais un ange la guérit de ses blessures, brise ses chaînes et la délivre. La sainte sort de son cachot plus forte et plus résolue. On accourt, on crie au miracle! Benoîte continue à prêcher, et Matrocle, ivre de fureur, saisit la hache d'un licteur et lui tranche la tête de ses propres mains.

Le Miroir donne la date exacte de ce martyre. Il eut lieu le 8 octobre 362, un mois juste après l'arrivée de Benoîte à Origny.

Iolaine qui évangélisait, non loin de là, dans un lieu connu sous le nom de Pleinesel ve (Plena sylva), subit le même sort, mais avec un raffinement de cruauté, si l'on s'en rapporte à la prière suivante que nous a conservée la

(1) D'après De la Fons, une chapelle aurait été bâtie en l'honneur de sainte

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