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ESSAI

SUR LES

DOMINOTIERS TROYENS

Il doit être bien pénible à une femme de s'entendre dire qu'elle a été belle, alors que les outrages du temps ne laissent plus deviner sur son visage les restes de sa beauté d'antan. Avoir été et n'être plus, quelle plus douloureuse situation!

Notre ville se trouve un peu dans ces conditions au point de vue de la renommée qui lui a été faite de centre important et fort ancien de dominoterie. Elle en a conservé si peu de souvenirs palpables, il lui en reste si peu de témoignages contemporains, que l'affirmation des auteurs dont nous en tenons la mémoire n'apparaît guère que comme une légende entretenue à grand'peine par des fils respectueux quand même de la gloire apocryphe de leur cité natale.

Une rude déception nous attendait, en effet, lorsque, alléché par ces mots gros de promesses: la dominoterie troyenne, nous avons voulu en retrouver les vestiges, essayer d'en écrire l'histoire et d'en faire connaître les ouvriers. Si ce champ de recherches est vaste sous le rapport des siècles qu'il embrasse, bien rares et bien mesquins sont les épis que nous a laissés à glaner

Cette constatation ne saurait d'ailleurs nous décourager. Nous utiliserons tous les matériaux que nous avons pu rassembler sur le sujet qui nous occupe : l'historien n'est pas responsable des lacunes sur lesquelles rien ne peut l'éclairer; il a fait sa tâche quand il a consciencieusement cherché et laisse seulement à glaner derrière lui ce que le hasard y pourra ramener.

Rappelons auparavant, pour fixer et réunir quelques documents, que la grande similitude d'occupations entre le métier de dominotier et celui d'imprimeur avait donné lieu à des empiètements que des lettres patentes de Henri III (12 octobre 1586) combattent en ces termes (1):

« Faisons deffenses aux dominotiers de tenir en leur maison ny ailleurs autres presses que de grandes, accommodées de grands timpans pour imprimer l'histoire et d'avoir grosses ny petites lettres, et s'ils en ont à faire se retireront par devant les maîtres qui ont des lettres, en convenant du prix avec eux pour leur imprimer ce qu'ils auront à faire.

« Les tapissiers ne pourront tenir en leur maison ni ailleurs aucuns chassis, timpans, fresquette, cornières ny couplets à leurs presses, et leur platine seront d'un pied et demi de long et de dix pouces de large, seront de bois et ne pourront en avoir de fer, ny tenir aucunes lettres en leur possession directement ny indirectement, de même deffendons aux libraires et imprimeurs d'imprimer histoires. >

Un arrêt du Parlement de Rouen, du 26 avril 1614, fait de même « inhibition et deffense aux maîtres cartiers d'avoir presses en leurs maisons semblables à celles des imprimeurs (2) ».

(1) Bibl. nat., manuscrit 22.065, pièce 1. Copie manuscrite de 3 pp.

ESSAI

SUR LES

DOMINOTIERS TROYENS

Il doit être bien pénible à une femme de s'entendre dire qu'elle a été belle, alors que les outrages du temps ne laissent plus deviner sur son visage les restes de sa beauté d'antan. Avoir été et n'être plus, quelle plus douloureuse situation!

Notre ville se trouve un peu dans ces conditions au point de vue de la renommée qui lui a été faite de centre important et fort ancien de dominoterie. Elle en a conservé si peu de souvenirs palpables, il lui en reste si peu de témoignages contemporains, que l'affirmation des auteurs dont nous en tenons la mémoire n'apparaît guère que comme une légende entretenue à grand'peine par des fils respectueux quand même de la gloire apocryphe de leur cité natale.

Une rude déception nous attendait, en effet, lorsque, alléché par ces mots gros de promesses: la dominoterie troyenne, nous avons voulu en retrouver les vestiges, essayer d'en écrire l'histoire et d'en faire connaître les ouvriers. Si ce champ de recherches est vaste sous le rapport des siècles qu'il embrasse, bien rares et bien mesquins sont les épis que nous a laissés à glaner

Cette constatation ne saurait d'ailleurs nous décourager. Nous utiliserons tous les matériaux que nous avons pu rassembler sur le sujet qui nous occupe : l'historien n'est pas responsable des lacunes sur lesquelles rien ne peut l'éclairer; il a fait sa tâche quand il a consciencieusement cherché et laisse seulement à glaner derrière lui ce que le hasard y pourra ramener.

Rappelons auparavant, pour fixer et réunir quelques documents, que la grande similitude d'occupations entre le métier de dominotier et celui d'imprimeur avait donné lieu à des empiètements que des lettres patentes de Henri III (12 octobre 1586) combattent en ces termes (1):

<< Faisons deffenses aux dominotiers de tenir en leur maison ny ailleurs autres presses que de grandes, accommodées de grands timpans pour imprimer l'histoire et d'avoir grosses ny petites lettres, et s'ils en ont à faire se retireront par devant les maîtres qui ont des lettres, en convenant du prix avec eux pour leur imprimer ce qu'ils auront à faire.

« Les tapissiers ne pourront tenir en leur maison ni ailleurs aucuns chassis, timpans, fresquette, cornières ny couplets à leurs presses, et leur platine seront d'un pied et demi de long et de dix pouces de large, seront de bois et ne pourront en avoir de fer, ny tenir aucunes lettres en leur possession directement ny indirectement, de même deffendons aux libraires et imprimeurs d'imprimer histoires. >>

Un arrêt du Parlement de Rouen, du 26 avril 1614, fait de même « inhibition et deffense aux maîtres cartiers d'avoir presses en leurs maisons semblables à celles des imprimeurs (2) ».

(1) Bibl. nat., manuscrit 22.065, pièce 1. Copie manuscrite de 3 pp.

Plus tard, en 1715, des Articles nouveaux (1) proposés par les Syndic et Adjoints de la communauté parisienne des imprimeurs et libraires reviennent sur la même question :

<XLVIII. Les Syndic et Adjoints visiteront les Dominotiers, Imagers et Tapissiers, à ce qu'ils n'ayent à imprimer ny vendre aucuns placarts ou Peintures dissoluēs, et s'ils ont des Presses en leurs Maisons, qu'elles soient seulement propres à imprimer des Planches gravées en bois ou en cuivre... et pas de caractères. »

Cet article était présenté pour suppléer à l'article 61 du réglement de 1686.

Les dominotiers troyens ne possédaient généralement pas de presses; ils faisaient tirer leurs productions chez les maitres imprimeurs.

Un contrat passé, les 14 et 15 septembre 1644, entre treize des maîtres imprimeurs de Troyes (2), essayant de réagir contre les prétentions des imprimeurs-libraires pour lesquels ils imprimaient des ouvrages (3), et qui désiraient, paraît-il, les avoir à moitié du prix qu'ils coûtaient à imprimer, stipule, entre autres clauses, qu'à l'avenir le papier qui s'imprimera pour les colporteurs vendeurs de coppies et nouveautez, soit en planches taillées de figures d'images en bois ou aultrement, en quelque sorte que ce puisse estre, pour lesdictz colporteurs, n'en sera imprimé aulcune chose à moings de cent solz la

rame ».

(1) Bibl. de la Ville de Paris, n° 6350.

(2) Un procès-verbal d'assemblée du 18 novembre 1644 nous a donné les noms de quarante-quatre maîtres, tant imprimeurs, libraires que relieurs, dont la communauté se composait alors.

(3) Nous avons recueilli de nombreux marchés d'ouvrage passés entre des

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