Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

de Mauny retrouve le tombeau de son père à La Réole. Prouesses d'Agos dans le château de cette ville. Reprise des hostilités en Bretagne. - Quimper est emporté d'assaut. Le carnage ne cesse que lorsqu'on eut trouvé un enfant à la mamelle qui tétait encore sa pauvre mère morte. - Mort du comte de Montfort. Portrait de ce seigneur. Montfort ne manqua point à la fortune, mais la fortune lui manqua, et sa femme lui ravit la gloire.— Événements de la Flandre.

[ocr errors]

FRAGMENTS.

CHUTE D'ARTEVELLE.

Artevelle, usé dans les troubles populaires, las peut-être de ses orgies démocratiques, qui n'avaient plus pour lui l'attrait de la nouveauté, n'ayant point agi par la conviction d'une opinion forte, mais par l'entrainement d'une petite jalousie plébéienne contre l'inégalité des rangs, Artevelle ne pensait plus qu'à mettre à l'abri ses trésors; il aurait pu dire à ses fils : « Cet or sent-il le sang?» comme Vespasien demandait à Titus si la pièce de monnaie qu'il lui présentait sentait l'impôt dont elle était provenue. Mais, pour rire en paix des victimes qu'il avait faites et du peuple qu'il avait trompé, il fallait qu'Artevelle changeât de position. Il lui restait deux partis à prendre: s'emparer du pouvoir suprême, ou descendre de sa puissance tribunitienne et se perdre dans la foule. S'emparer du suprême pouvoir demandait un génie qu'Artevelle n'avait pas; se démettre de la puissance tribunitienne, Artevelle ne l'osait. Il n'y a pas sûreté à abdiquer le crime; cette couronne-là laisse des marques sur le front qui l'a portée ; il en faut subir la terrible légitimité.

Artevelle, ne s'arrêtant ni à l'un ni à l'autre parti, eut recours à un expédient qui montrait ce qu'il y avait de vulgaire dans la nature de cet homme : après avoir déchaîné la foule, il songea à lui donner un maître, mais non l'ancien prince du pays, qu'il haïssait et qu'il croyait avoir trop outragé. Il arrive souvent qu'un despote populaire, après s'être livré aux débauches de la liberté, se retire à l'abri sous le joug d'un autre tyran, pourvu que ce tyran soit de son choix, et qu'il ait participé à ses excès: Artevelle jeta les yeux sur Edouard qui avait trempé dans tous ses complots, servi et approuvé toutes ses fureurs. Plus il était ignoble pour un monarque, selon les idées du temps, d'avoir été l'allié et le courtisan d'un

marchand de bière, plus le monarque devait entrer dans les projets de ce marchand. Artevelle machina de faire le jeune prince de Galles duc des Flamands, comme il avait fait Édouard roi des Français.

Pour négocier cette affaire, Édouard débarqua au port de l'Écluse vers le milieu du mois de juin de l'année 1345; il menait avec lui son fils et grande foison de barons et de chevaliers. Les députés de Flandre se rendirent de leur côté à l'Écluse avec Artevelle; ils ignoraient ce qu'on devait traiter dans cette entrevue. On tint conseil à bord du grand vaisseau que montait le roi d'Angleterre, et qui s'appelait Catherine. Là Artevelle proposa de déshériter le comte Louis de Flandre et son jeune fils Louis, et de donner le comté de Flandre sous le nom de duché au prince de Galles, fils d'Édouard.

Il y a dans le cœur de l'homme un fonds de justice qui reparaît toutes les fois que les passions ne sont pas émues. Dans ce moment les députés de Flandre étaient de sang-froid; ils s'indignèrent à cette proposition qui blessait l'esprit de bonté des uns et le caractère de loyauté des autres. Ils répondirent qu'ils ne pouvaient prendre sur eux «< une chose aussi pesante qui, au temps « à venir, pourroit toucher à leur pays, » et qu'il fallait prendre l'avis des Communes de Flandre; et ils se retirèrent.

Artevelle, se laissant devancer à Gand par les députés, commit une de ces fautes qui décident du sort d'un homme : s'il eût parlé le premier, peut-être eût-il entraîné les bourgeois; mais son crédit commençait à s'affaiblir. Un rival dangereux, Gérard Denis, chef des tisserands, s'élevait sur les débris de sa fortune. Soit que ce nouveau tribun fût gagné par l'argent de la France, soit qu'il embrassât un parti généreux par son propre penchant, soit qu'il agit par esprit d'opposition à Artevelle, il ne manquait jamais de repousser les propositions de ce dernier. Artevelle sentait si bien ce que Gérard Denis avait pour lui de fatal, qu'il était résolu de s'en défaire.

Les députés, arrivés à Gand, convoquent le peuple à la place du Marché; ils rendent compte des conférences de l'Écluse. Le peuple, aussi ardent dans le bien que dans le mal, manifeste son

mécontentement par ses murmures; alors Gérard Denis prend la parole:

<< Bonnes gens, nous avons jusqu'ici combattu pour nos fran«chises Artevelle, qui s'en disait le défenseur, vous propose au«<jourd'hui de les trahir. Mais, si nous cessons d'être libres, à « l'instant tout nous accuse. Comment nous justifierons-nous? «Que nous restera-t-il de nos sanglantes rébellions? des crimes. <«<et des chaînes ! Cet homme qui vous a entraînés veut vous liavrer à l'Angleterre. Prince pour prince, n'en avons-nous pas un « né de notre sang, élevé parmi nous, que nous connaissons, qui «< nous connaît, qui parle notre langue, pour lequel nous avons «prié, dont nos enfants savent le nom comme celui de leurs voi«< sins, dont les pères vécurent et moururent avec les nôtres ? << Parce que nous avons réduit nos anciens comtes à être voya« geurs, notre pays sera-t-il une propriété forfaite, et doit-il de<< meurer à l'Anglais par droit d'aubaine? Ah! pour Dieu, si nous « voulons un maître, ne soyons pas trouvés en telle déloyauté de « déshériter notre naturel seigneur, pour donner son lit au pre<<mier compagnon qui le demande. »>

A de semblables discours, Denis et ses partisans ajoutent ce qui devait agir plus immédiatement sur la foule depuis neuf ans passés qu'Artevelle gouvernait la Flandre, il avait amassé un trésor, tant des forfaitures et des amendes, que des revenus du domaine; cet amour de l'argent, passion des âmes communes, le perdit.

Artevelle, en quittant Édouard à l'Écluse, s'était rendu à Bruges, et ensuite à Ypres, qu'il fit entrer dans ses desseins. De là il revint à Gand. En chevauchant par les rues, accompagné de ses amis et de la garde étrangère qu'Édouard lui avait donnée, il s'aperçut qu'il se tramait contre lui quelque chose; car ceux qui avaient coutume de le saluer lui tournaient le dos et rentraient dans leurs maisons. Le peuple murmurait et disait : « Voyez celui « qui est trop grand maître, et qui veut ordonner de la comté de « Flandre. » Arrivé à son hôtel, il en fit barricader les portes et les fenêtres; car l'habitude qu'il avait du peuple lui fit, aux premiers signes, prévoir la tempête. A peine s'était-il renfermé, que tout le quartier se souleva; la maison du brasseur est entourée et

assaillie. Les serviteurs d'Artevelle lui demeurèrent fidèles, ce qui arrive rarement aux malheureux; ils se défendirent bien, tuèrent et blessèrent plusieurs hommes; mais enfin les portes sont brisées, et la foule se répand dans l'intérieur de l'hôtel, en poussant des hurlements. Alors Artevelle paraît à une fenêtre, la tête nue, et en posture de suppliant : « Bonnes gens, que vous faut-il? Qui « vous meut? Pourquoi êtes-vous si troublés sur moi? En quoi « puis-je vous avoir courroucés? » — « Où est le trésor de Flan« dre? s'écrièrent les attroupés. » — « Je n'en ai rien pris, dit « Artevelle. Revenez demain, je vous satisferai. » << Non, non, « vous ne nous échapperez pas ainsi : vous avez envoyé le trésor « en Angleterre, et pour cela il vous faut mourir. »

A cette menace, Artevelle joignit les mains et commença à pleurer. «Seigneurs, dit-il, je suis ce que vous m'avez fait. Vous me « jurâtes jadis que vous me défendriez contre tout homme, et << maintenant vous prétendez me tuer sans raison. Rappelez-vous « le temps passé; considérez mes courtoisies. Je vous ai gouver« nés en si grande paix que vous avez eu toutes choses à souhait, « blé, avoine, et toutes autres marchandises. Vous voulez me << rendre petit guerdon des grands biens que je vous ai faits. »

Il ne toucha point le peuple par des larmes; c'était le cerf pleurant aux veneurs. La foule cria tout d'une voix : «Descendez, et << ne nous sermonnez plus de si haut. » Dans ces paroles, Artevelle ouït son arrêt. 11 ferme la fenêtre et se veut sauver par une porte de derrière pour se réfugier dans une église voisine; il espérait trouver un asile aux pieds de celui dont la miséricorde ne se lasse pas comme a pitié des hommes. Mais déjà plus de quatre cents forcenés remplissaient la maison: Artevelle, tombé au milieu d'eux, est déchiré. Il reçut la mort de la main de Gérard Denis, qui paraissait agir pour une cause meilleure, et qui ne valait peutêtre pas mieux que lui. Dans une république, le peuple étant législateur, juge et souverain, peut faire la loi, prononcer l'arrêt, et l'exécuter; le massacre par la démocratie est inique, mais légal : Artevelle avait consenti à un pareil gouvernement.

Édouard apprit à l'Écluse la fin de celui qui était, selon Froissart, son grand ami et son cher compère. Il fit voile pour l'Angleterre, menaçant la Flandre, et se déclarant toujours le vengeur de

la mort des traîtres. Il n'avait pas plus d'envie de se brouiller avec les Flamands que les Flamands avec lui. Ils allèrent en députation le trouver à Londres. « Cher sire, » lui dirent-ils, « vous avez de <«< beaux enfants, fils et filles. Le prince de Galles ne peut man« quer d'être encore un grand seigneur, sans l'héritage de Flan« dre. Et vous avez une damoiselle à fille moins aînée, et nous un <«< jeune damoisel, que nous nourrissons et gardons, et qui est hé<«<ritier de Flandre; si ce pourroit encore bien faire un mariage « d'eux deux. » Ces paroles adoucirent la feinte douleur d'Édouard, et Artevelle fut oublié, comme tous ceux dont la renommée n'est fondée ni sur le génie ni sur la vertu.

SOMMAIRE.

Jean, duc de Normandie, fils aîné du roi, marche en Guienne, et, après avoir pris Angoulême, vient mettre le siége devant Aiguillon avec plus de 100,000 hommes. - Résistance des assiégés commandés par le comte Derby.

[ocr errors]

FRAGMENTS.

INVASION DE LA FRANCE PAR ÉDOUARD.

Ce siége fut fatal; il détermina Édouard à passer en France, et priva Philippe de cent mille hommes qui auraient pu se trouver à la bataille de Crécy. Tout se préparait alors dans les conseils de Dieu. «Mais, dit le grave historien qui a le mieux connu nos anti« quités, les adversités advenues à la France et les grandes vic«toires du roi Édouard ne doivent persuader la justice de sa « querelle, mais être estimées châtiment des vices des Français. «La restitution des pertes et conservation de l'état jusqu'à pré« sent manifestent que ce n'a été ruine. »

Le duc de Normandie avait fait serment de ne point abandonner le siége d'Aiguillon que la ville ne fût prise, à moins que son père ne le rappelat. Ilfit partir le connétable d'Eu et Tancarville, pour rendre compte à Philippe de la résistance qu'il éprouvait. Philippe retint auprès de lui ces deux seigneurs, et fit dire à son fils de continuer le siége jusqu'à ce qu'il obligeât la ville à se rendre par la famine, puisqu'il ne la pouvait emporter de force.

« ZurückWeiter »