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<«<elle dans sa chambre, et les fit revêtir et donner à dîner toute «aise, et puis donna à chacun six nobles, et les fit conduire hors « de l'ost à sauveté.

Édouard prit possession de Calais. « Il y chevaucha à grand' << gloire avec les barons et les chevaliers avec si grand foison de ménestriers, de trompes, de tambours, de chalumeaux et de mu« settes, que ce seroit merveille à recorder. » On ne retint dans la ville que trois Français, « un prêtre et deux autres anciens hommes « bons coutumiers des lois et ordonnances de Calais ; et fut pour « enseigner les héritages, voulant le roi repeupler la ville de purs « Anglais. Ce fut grand'pitié quand les grands bourgeois et les no«bles bourgeoises et leurs beaux enfants furent contraints de « guerpir (quitter) leurs beaux hôtels, leurs héritages, leurs meu«bles et leurs avoirs, car rien n'emportèrent. >>

On croit lire une page de l'histoire des plus beaux temps de la république romaine, placée par aventure et comme par méprise, au milieu de l'histoire de la chevalerie. Les vertus civiles d'Eustache de Saint-Pierre, de Jean d'Aire et des deux Wissant contrastent avec les vertus militaires des Ribaumont, des Charny et des Mauny : deux sociétés opposées se présentent ensemble, et toutes les deux font honneur à l'espèce humaine.

Calais fut repeuplé d'Anglais. Édouard y établit trente-six familles bourgeoises des plus riches, et trois cents autres personnes de moindre état. Les franchises accordées à cette ville y attirèrent une foule d'habitants. Édouard donna les meilleures maisons de la cité à quelques-uns de ses chevaliers, tels que Mauny, Cobham, Stanfort et Barthélemy de Burghersh: la reine Philippe eut, pour sa part, l'héritage de Jean d'Aire. Quelques Français obtinrent aussi des propriétés à Calais. Eustache de Saint-Pierre rentra dans la possession d'une partie de ses biens, et obtint de plus une pension considérable.

Un esprit de dénigrement se répandit parmi nous vers la fin du dernier siècle; on se plaisait à rabaisser les actions héroïques; de même qu'on ne voulait plus de la religion de nos aïeux, on était incrédule à leur gloire. On n'eut pas plus tôt découvert qu'Eustache de Saint-Pierre avait reçu une pension d'Édouard, qu'on triompha de cette découverte; on remarqua que les historiens anglais gar

daient le silence sur les faits racontés par Froissart au sujet de la reddition de Calais, et l'on voulut douter de ces faits. Mais n'avaiton pas vu tout le siècle d'Auguste se taire sur Cicéron? Les largesses d'Édouard pour Eustache de Saint-Pierre ne sont-elles pas un nouvel hommage rendu au dévouement de ce grand citoyen? L'estime qu'il inspira aux ennemis de la France doit-elle diminuer celle que nous lui devons? Malheur à qui va chercher dans la vie privée d'un homme des raisons de moins admirer ses actions publiques! A coup sûr, ce ravaleur des vertus ne fera jamais lui-même des actions dignes d'être racontées.

Une injustice de la même nature avait commencé plus tôt pour Philippe de Valois : Froissart et le continuateur de Nangis avaient assuré que les habitants de Calais errèrent dans la France sans récompense et sans asile, en mendiant le pain de la charité. Philippe ne fut point coupable de cette ingratitude; deux ordonnances de ce roi, et d'autres ordonnances de Jean et de Charles, ses successeurs immédiats, accordent aux Calaisiens des places, des priviléges et des propriétés. L'ordonnance du 8 septembre 1347 mentionne une concession remarquable; Philippe livre aux Calaisiens chassés de leurs foyers, tous les biens et héritages qui pourraient lui échoir par quelque raison que ce fût; ainsi le monarque donnait à ses sujets ses propres biens en échange des biens qu'ils avaient perdus ce talion qu'il s'imposait, non pour le crime, mais pour le malheur, est dans un esprit touchant d'égalité et de justice. Calais ne devait être rendu à la France qu'en 1558, par François de Guise, homme destiné à faire disparaître la dernière trace des maux qu'Édouard avait faits à la France, et à en commencer de nouveaux.

SOMMAIRE

Trêves continuées à diverses reprises jusqu'à la mort de Philippe. - Famine et peste générale. - Massacre des Juifs. Flagellants. - Tentative sur Calais. Combat singulier d'Edouard et d'Eustache de Ribaumont. Le dauphin d'Auvergne abandonne ses États à Philippe : le Roussillon, la Cerdagne et la seigneurie de Montpellier lui avaient déjà été cédés par Jacques, roi de Majorque. Le pape achète Avignon de la reine Jeanne de Naples. - Philippe épouse en secondes noces Blanche, fille de Philippe, roi de Navarre, qu'il avait d'abord destinée à son fils Jean, duc de Normandie, devenu veuf. - Philippe meurt comme Louis XII, victime de sa passion pour la jeune reine qui, prolongeant sa vie jusqu'à un àge très-avancé, vit la désolation de la France commencer sous le roi Jean, finir sous Charles V, et recommencer sous Charles VI.

FRAGMENTS.

MORT DU ROI.

Philippe, étant sur son lit de mort, fit appeler son fils, le duc de Normandie et le duc d'Orléans. Dans ce moment où toutes les illusions s'évanouissent, où il ne reste que le souvenir du bien ou du mal qu'on a fait, le roi protesta de son bon droit dans la guerre qu'il avait été obligé de soutenir, et de ses titres légitimes à la couronne. «Mon fils, dit-il au duc de Normandie qui fut son suc«< cesseur, défendez donc courageusement la France après ma « mort. Il arrive quelquefois, comme j'en ai fait l'expérience, que « ceux qui combattent pour une chose juste éprouvent des revers; « mais ils doivent mettre leur espoir en Dieu, qui ne permet pas « que le règne de l'iniquité soit durable. Aimez-vous, mes fils, « maintenez la justice et soulagez les peuples. >>

Un roi qui craint que ses revers ne le fassent regarder comme coupable, qui se croit obligé de prouver à son successeur la justice de ess droits malgré le peu de succès de ses armes, eût également confessé l'injustice de ces mêmes droits et les châtiments mérités d'une ambition criminelle. Et cette confession, à qui était elle faite, à qui rappelait-elle les voies impénétrables de la Providence? à ce roi Jean, que l'adversité marquait déjà de son sceau, adversité qui néanmoins ne devait pas perdre la France; car Dieu ne permet pas que le règne de l'iniquité soit durable.

Le premier des Valois alla, le 22 août 1350, porter sa cause aux pieds de celui qui donne et retire les royaumes à sa volonté, laquelle n'est autre que le pouvoir éternel et l'infaillible justice.

JEAN II.

Depuis son avénement à la couronne jusqu'à la bataille de Poitiers.

De 1350 à 1356.

Philippe VI, dit de Valois, laissa le sceptre à son fils Jean, second du nom; car on compte un fils de Louis X, Jean I, qui ne vécut que cinq jours: Louis XVII, enfant, a pareillement été placé au nombre de nos monarques. La loi salique était en ce point d'accord avec le caractère national en France, l'innocence et le malheur n'excluent pas de la couronne.

Jean avait reçu une éducation aussi bonne que celle de son père avait été négligée; il aima et protégea les lettres autant que Philippe les méprisait : c'est à ses ordres que nous devons les premières traductions de Tite-Live, de Salluste, de Lucain, et des Commentaires de César. Il chercha et récompensa le mérite; il sentait par le cœur ce qu'il ne voyait pas par l'esprit. Il eut à la fois ces défauts et ces qualités propres à perdre les empires : l'impétuosité de caractère et l'irrésolution d'esprit; le courage qui ne consulte que l'honneur, et la magnanimité, qui sacrifie tout à l'accomplissement de sa parole. Dans un temps où la justice était en France la liberté, il protégea la justice. En amitié il n'y eut point d'homme plus fidèle; mais on pardonne rarement aux rois d'avoir des amis ou de n'en avoir pas.

A Reims, le 26 septembre 1350, Jean se para de la couronne qui devait orner son cercueil à Londres. Le jour de son sacre, il arma chevaliers des princes et des gentilshommes qui ne devaient plus remettre dans le fourreau l'épée qu'ils prirent de sa main. La pompe fut superbe, la dépense prodigieuse; chaque nouveau chevalier reçut, selon l'usage, aux frais du roi, les habits de la cérémonie fourrures précieuses, double tenture d'or et de soie. Paris s'émut à l'aspect de son monarque. Les rues furent tapissées; les artisans divisés en corps de métiers, les uns à pied, les ÉTUDES HISTORIQUES, T. II.

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autres à cheval, étaient vêtus d'une manière uniforme, mais différente pour chaque confrérie. Les fêtes durèrent huit jours une exécution sanglante met fin à ces joies funestes.

Jean fait décapiter le comte d'Eu, connétable de France, nouvellement revenu, sur parole, de sa prison d'Angleterre. Il fut dit, mais sans preuves, que le connétable trahissait sa patrie à l'exemple de tant de Français.

SOMMAIRE.

La trêve conclue avec l'Angleterre sous le règne précédent est confirmée par les soins du pape; elle est prorogée à diverses reprises pendant trois années. Néanmoins les hostilités ne cessent jamais tout à fait dans la Guienne et dans la Bretagne. Combat des Trente. Création de l'ordre de l'Étoile. -Surprise du château de Guines par Édouard, qui disait que les trêves étaient marchandes. Recherches inutiles, par la chambre des comptes, des malversations financières. - Jean, pris pour juge dans une querelle d'honneur entre le duc de Brunswick et le duc de Lancaster. - Mort du pape Clément VI.- Premier crime du roi de Navarre.

FRAGMENTS.

LE ROI DE NAVARRE.

Le troisième fléau de sa patrie, Charles le Mauvais, monte sur la scène après Robert d'Artois, déjà disparu, et Geofroy d'Harcourt, qui va disparaître. Il était, comme on l'a déjà dit, fils de Jeanne, fille de Louis le Hutin, reine de Navarre, et de Philippe, comte d'Évreux, prince du sang : par l'héritage maternel, il possédait un état important vers les Pyrénées; par l'héritage paternel, des terres, des villes, des châteaux en Normandie. Sa puissance s'accrut encore: il devint gendre du roi, qui lui donna pour accordée, en attendant mariage, sa fille Jeanne, âgée de huit ans. Plus Charles s'approchait du trône, plus il semblait l'envier et le haïr. Si la loi salique avait été rejetée, le roi de Navarre eût eu à ce trône des prétentions mieux fondées que celles d'Édouard, puisqu'il était fils d'une fille de Louis le Hutin, et qu'Édouard ne descendait que d'une fille de Philippe le Bel. C'est ce qui fit qu'Édouard ne secourut Charles qu'autant qu'il le fallut pour désoler la France, pas assez pour le faire triompher.

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