Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Charles le Mauvais mérita son nom : esprit inquiet, âme noire, impuissant dans les forfaits comme dans les débauches, ses qualités étaient avortées comme ses vices. L'histoire parle de sa beauté, de sa libéralité, de son éloquence, de sa bravoure, et cela ne le conduisit à rien les monstres adorés au bord du Nil portaient aussi une parure.

:

Son caractère est tout à part au milieu des caractères de son siècle Charles était moins un chevalier, qu'un de ces petits tyrans alors oppresseurs des républiques de l'Italie. Il naquit, comme Marcel, pour ces troubles civils qui allaient annoncer l'apparition de la nation dans ses propres affaires, et une révolution dans les

mœurs.

La charge de connétable de France avait été donnée, après l'exécution du comte d'Eu, à Charles d'Espagne, frère de Louis d'Espagne. Ce jeune étranger, connu sous le nom de La Cerda, est le premier de cette race de favoris qui s'attacha aux Valois, comme une branche bâtarde de leur famille. On accusa La Cerda d'avoir poussé Jean à un acte de rigueur, afin de s'emparer des dépouilles de la victime. Que cette accusation fût fondée ou non, Charles d'Espagne devint odieux aussitôt qu'il eut pris l'épée de connétable. On pardonne quelquefois à celui qui verse le sang, jamais à celui qui en reçoit le prix.

SOMMAIRE.

Charles le Mauvais, jaloux de La Cerda, le fait assassiner. 11 passe de l'assassinat à la trahison, se lie avec l'Angleterre, et entraîne dans ses projets le comte d'Harcourt et Louis son frère. Traité honteux pour le roi Jean, conclu à Mantes, et pardon solennel accordé au roi de Navarre. Celui-ci brouille de nouveau. Autre traité conclu à Valognes, presque aussi honteux que celui de Mantes. La trêve avec l'Angleterre expire. - Édouard aborde à Calais, et entre pour la première fois en France par la porte dont il tenait les clefs. Il retourne en Angleterre, rappelé par une invasion des Écossais. Charles le Mauvais séduit Charles le Dauphin, âgé de dix-sept ans, et qui devient Charles le Sage. Il l'engage à fuir de la cour sous prétexte que le roi Jean lui préférait ses autres fils. Le dauphin, saisi de remords, révèle le secret à son père. Jean, bien qu'il eût accordé de nouvelles lettres de grâce au roi de Navarre, se détermine à se venger de lui. — Convocation des États.

-

FRAGMENTS.

LES TROIS ÉTATS.

En moins de cinquante ans, depuis la première convocation régulière des états jusqu'à la convocation de ces états sous le roi Jean, les principes politiques se développèrent avec une force et une clarté qu'il aurait été impossible de prévoir. Si le royaume eût été un corps compacte; si des vassaux n'avaient par exercé la souveraineté dans les provinces par eux possédées; si une guerre d'invasion n'avait pas détourné les esprits de la politique, il est probable que les trois états se fussent fondés comme le parlement d'Angleterre. Les états de 1355 et ceux qui les suivirent eurent des idées beaucoup plus nettes des droits d'une nation, que le parlement britannique n'en avait alors. On ne sait où des bourgeois à peine émancipés, où des prélats et des seigneurs féodaux avaient pu puiser des notions si claires du gouvernement représentatif au milieu des préjugés du temps, de l'obscurité et du chaos des lois : la promptitude de l'esprit français supplée à l'expérience des siècles.

Il est vrai que des malheurs, ces puissants maîtres de la race humaine, hâtèrent le développement de la vérité politique sous le règne de Jean et pendant la régence de son fils. Un grand fait se présente partout dans l'histoire : jamais les peuples ne sont entrés en jouissance de leurs droits qu'en passant au travers des maux inhérents aux révolutions combattues. Ces révolutions sont en vain accomplies au fond des mœurs; en vain elles sont devenues inévitables comme les productions naturelles du temps; les chefs des empires refusent de reconnaître que le moment est venu. Les intérêts particuliers font résistance aux intérêts généraux; la lutte commence et devient plus ou moins sanglante, selon le mouvement des passions, le caractère des individus, les hasards et les accidents de la fortune. Déplorons les calamités que tout changement amène, mais apprenons de l'histoire qu'elles sont des nécessités auxquelles les hommes ne se peuvent soustraire. Quand les révolutions s'accompliront-elles sans efforts et sans injustices? Quand

les lumières seront-elles assez répandues, la civilisation assez complète pour que peuples et rois se cèdent mutuellement ce qu'ils ne doivent ni se dénier ni se ravir? C'est le secret de Dieu. Les états de la langue d'Oïle, c'est-à-dire du pays coutumier, dans lequel on reconnaissait pourtant le Lyonnais, quoique pays de droit écrit, s'assemblèrent dans la grande chambre du parlement, à Paris, le 2 décembre de l'année 1355. L'archevêque de Rouen Pierre de Laforest, chancelier de France, ouvrit l'assemblée par un discours qu'il prononça au nom du roi; il exposa les besoins du royaume ; il déclara que le roi était prêt à abandonner l'altération des monnaies, si les états trouvaient le moyen de remplacer cette sorte de taxe par un subside équivalent. Fixez au règne des Valois la naissance de l'impôt.

Jean de Craon, archevêque de Reims, au nom du clergé; Gauthier de Brienne, duc d'Athènes, au nom de la noblesse ; Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris, au nom du tiers-état, protestèrent de leur dévouement et de leur fidélité au roi. Ils demandèrent la permission de se retirer, afin de délibérer entre eux sur les subsides à accorder et sur la réforme des abus.

Leur première déclaration fut ainsi conçue: Aucun règlement n'aura force de loi qu'autant qu'il sera approuvé des trois ordres; l'ordre qui aura refusé son consentement ne sera pas lié par le vote des deux autres. Cette déclaration rend tout à coup le tiers-état l'égal du clergé et de la noblesse. La liberté dépasse déjà la limite de la monarchie constitutionnelle; car la majorité absolue des suffrages est reconnue aujourd'hui bastante à l'achèvement de la loi : par le décret des états, il suffisait d'un ordre corrompu ou factieux pour arrêter le mouvement du corps politique.

Il n'est pas dit que le roi fût appelé à donner sa sanction à ce décret constituant des états de 1355; ainsi le principe du pouvoir de la couronne, tel que nous l'admettons maintenant, était ignoré; mais cela est moins étonnant que la force acquise du tiets-état : il n'y avait pas deux siècles qu'il était encore esclave, et il n'y avait pas deux siècles que le roi n'était rien au milieu des grands vassaux. La liberté revient aux sociétés par tous les canaux, comme le sang remonte au cœur par toutes les veines.

Ce point obtenu, on le paya au roi Jean d'un vote qui mit à sa

disposition trente mille hommes d'armes, ce qui devait composer un corps de quatre-vingt-dix mille combattants: on ne comptait point dans ce nombre les Communes, infanterie de l'armée. Un impôt sur le sel, un autre de huit deniers sur toutes les choses vendues, excepté sur les ventes d'héritages, devaient, pendant l'espace d'une année, fournir une somme de 50,000 1. par jour, somme jugée équipollente à l'entretien des trente mille hommes d'armes. Les états se réservaient le choix des personnes commises à la levée et à la régie de l'imposition, dont personne, pas même le roi et la famille royale, ne devait être exempt.

Le roi rendit, le 28 décembre 1355, une ordonnance conforme à la délibération des états. Il promettait de ne point toucher à l'argent levé pour la guerre, de le laisser distribuer aux hommes d'armes par une commission des députés des états, ce qui livrait le pouvoir exécutif au pouvoir législatif. Le roi s'engageait en outre à fabriquer des monnaies fortes et stables, à renoncer dans les voyages, pour lui, sa maison et les grands-officiers de bouche et de guerre, aux réquisitions de blé, de vin, de vivres, de charrettes, de chevaux, que les paysans étaient obligés de fournir. Défense à tout créancier de transporter sa dette à une personne privilégiée ou plus puissante que lui. Ordre à toute juridiction de ressortir aux juges ordinaires. Nombre des sergents restreint comme abusif, et injonction auxdits sergents de ue rien exiger au delà de leur salaire. Commerce interdit à tout juge et officier judiciaire dans quelque espèce de tribunal que ce fût. Toutes les ordonnances en faveur des laboureurs confirmées.

Quant aux choses militaires, le roi baillait parole de ne plus convoquer l'arrière-ban sans une nécessité évidente, et d'après l'avis des états, si faire se pouvait. Les fausses montres étaient défendues sous des peines rigoureuses : les chevaux devaient être marqués pour être reconnus dans les revues, et afin que la solde ne fût pas payée à un homme d'armes deux ou trois fois pour le même cheval. Les capitaines étaient rendus responsables des désordres commis par leurs soldats. Les troupes ne pouvaient s'arrêter plus d'un jour dans les villes sur leur passage; si elles y demeuraient plus longtemps, on serait libre de leur refuser l'étape, et de les contraindre à passer outre. Le roi s'obligeait enfin à ne

conclure ni paix, ni trêve, que d'accord avec une commission des trois ordres des états.

Telle fut cette ordonnance que l'on a comparée, sous certains rapports, à la grande Charte de cet autre roi Jean d'Angleterre, première source de la liberté britannique par les choses que cette ordonnance défend, on apprend ce qui avait été permis. Mais les états de 1355 devançaient en principes politiques et administratifs les lumières de leur siècle; ils changeaient la nature de la monarchie. Aussi ne resta-t-il rien, pour le moment, de ces essais salutaires; les temps et les malheurs firent avorter, dans un sol encore mal préparé, ces germes d'une civilisation trop hâtive.

SOMMAIRE.

Le roi va à Rouen arrêter de sa propre main le roi de Navarre dans un banquet. -Il fait exécuter devant lui le comte d'Harcourt, le seigneur de Graville, Maubué de Mainant et Olivier Doublet. Le roi de Navarre, fait prisonnier, est conduit à la tour du Louvre ou au Château-Gaillard, et de là au Châtelet.

FRAGMENTS.

BATAILLE DE POITIERS.

Les fautes du roi sont frappantes sa colère l'aveugle, et passe plus vite que sa bonté, qui revient trop tôt pour épargner le seul coupable qu'il eût fallu punir; il se croit sûr de sa justice, et il est arrêté au milieu de l'exécution par sa miséricorde; il viole assez les lois pour faire haïr la couronne, pas assez pour la sauver; il prouva qu'un honnête homme peut devenir un mauvais roi, et qu'après tout il n'est pas si aisé d'être un tyran. Les erreurs qui, comme celles de Jean, sont sensibles, donnent aux esprits vulgaires l'occasion d'étaler des lieux communs de morale, et aux méchants un sujet de triomphe : les clameurs furent universelles; Philippe de Navarre, frère de Charles, et Geofroy d'Harcourt, le fameux traître pardonné, oncle du comte décapité, soulèvent la Normandie; ils se livrent au roi d'Angleterre, le reconnaissent

« ZurückWeiter »