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proceres regni sui......... pro utilitate regia et salute patriæ conjunxissent (627).

Les évêques sont toujours nommés les premiers dans les diplômes; aucune assemblée où l'on ne les voie paraître : ils jugent avec les rois dans les plaids, et leur nom est placé au bas de l'arrêt immédiatement après celui du roi; ils sont souverains de leurs villes épiscopales; ils ont la justice; ils battent monnaie; ils lèvent des impôts et des soldats: Savarik, évêque d'Auxerre, s'empara de l'Orléanais, du Nivernais, des territoires de Tonnerre, d'Avallon et de Troyes, et les unit à ses domaines. Le prêtre, dans le camp, s'appelait l'Abbé des Armées.

L'unité de l'Église, qui s'était établie par la doctrine, prit une nouvelle force par la création du temporel de la cour de Rome. Une fois la papauté portant couronne, son influence politique augmenta; elle traita d'égal à égal avec les maîtres des peuples. Aussi voit-on les pontifes signer au testament des rois, approuver ou désapprouver le partage des royaumes, parvenir enfin à cet excès d'autorité, qu'ils disposaient des sceptres et forçaient les empereurs à leur venir baiser les pieds. Et cependant cette puissance sans exemple sur la terre n'était qu'une puissance d'opinion, puisque les papes qui imposaient leur tiare au monde étaient à peine obéis dans la ville de Rome.

Les successeurs de saint Pierre étant montés au rang de souverains, il en fut de même des évêques; la plupart des prélats en Allemagne étaient des princes: par une rencontre naturelle mais singulière, lorsque l'empire devint électif, les dignités devinrent héréditaires; l'élu fut amovible, l'électeur inamovible.

Le grand nom de Rome, de Rome tombée aux mains des papes, ajouta l'autorité à leur suprématie en l'environnant de l'illusion des souvenirs Rome, reconnue des Barbares eux-mêmes pour l'ancienne source de la domination, parut recommencer son existence, ou continuer la ville éternelle.

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La cour théocratique donnait le mouvement à la société universelle de même que les fidèles étaient partout, l'Église était en tous lieux. Sa hiérarchie, qui commençait à l'évêque, et remontait au souverain pontife, descendait au dernier clerc de paroisse, à travers le prêtre, le diacre, le sous-diacre, le curé et le vicaire. En

dehors du clergé séculier était le clergé régulier; milice immense qui, par ses constitutions, embrassait tous les accidents et tous les besoins de la société laïque : il y avait des ecclésiastiques et des moines pour toutes les espèces d'enseignements ou de souffrances. Le prêtre célibataire de l'unité catholique ne se refusa point, comme le ministre marié séparé de cette communion, aux calamités populaires; il devait mourir dans un temps de peste en secourant les pestiférés; il devait mourir dans un temps de guerre en défendant les villes et en montant à cheval, malgré l'interdiction canonique; il devait mourir en se portant aux incendies; il devait mourir pour le rachat des captifs à lui étaient confiés le berceau et la tombe; l'enfant qu'il élevait ne pouvait, lorsqu'il était devenu homme, prendre une épouse que de sa main. Des communautés de femmes remplissaient envers les femmes les mêmes devoirs; puis venait la solitude des cloîtres pour les grandes études et les grandes passions. On conçoit qu'un système religieux ainsi lié à l'humanité devait être l'ordre social même.

Les richesses du clergé, déjà si considérables sous les empereurs romains qu'on avait été obligé d'y mettre des bornes, continuèrent de s'accroître jusqu'au douzième siècle, bien qu'elles fussent souvent attaquées, saisies et vendues dans les besoins urgents de l'État. Le monastère de Saint-Martin d'Autun possédait, sous les Mérovingiens, cent mille manses. La manse était un fonds de terre dont un colon se pouvait nourrir avec sa famille, et payer le cens au propriétaire. L'abbaye de Saint-Riquier, plus riche encore, nous montre ce que c'était qu'une ville de France au neuvième siècle.

Héric, en 831, présenta à Hlovigh le Débonnaire l'état des biens de la susdite abbaye. Dans la ville de Saint-Riquier, propriété des moines, il y avait deux mille cinq cents manses de séculiers; chaque manse payait douze deniers, trois setiers de froment, d'avoine et de fèves, quatre poulets et trente œufs. Quatre moulins devaient six cents muids de grain mêlé, huit porcs et douze vaches. Le marché, chaque semaine, fournissait quarante sous d'or, et le péage vingt sous d'or. Treize fours produisaient chacun, par an, dix sous d'or, trois cents pains et trente gâteaux dans le temps des Litanies. La cure de Saint-Michel donnait un revenu de cinq cents sous d'or, distribués en aumônes par les frères de l'abbaye. Le

casuel des enterrements des pauvres et des étrangers était évalué, année courante, à cent sous d'or, également distribués en aumônes. L'abbé partageait chaque jour aux mendiants cinq sous d'or; il nourrissait trois cents pauvres, cent cinquante veuves et soixante clercs. Les mariages rapportaient annuellement vingt livres d'argent pesant, et le jugement des procès soixante-huit livres.

La rue des Marchands (dans la ville de Saint-Riquier) devait à l'abbaye, chaque année, une pièce de tapisserie de la valeur de cent sous d'or, et la rue des Ouvriers en fer, tout le ferrement nécessaire à l'abbaye; la rue des Fabricants de boucliers était chargée de fournir les couvertures de livres; elle reliait ces livres et les cousait, ce qu'on estimait trente sous d'or. La rue des Selliers procurait des selles à l'abbé et aux frères; la rue des Boulangers délivrait cent pains hebdomadaires; la rue des Écuyers était exempte de toute charge (Vicus servientium per omnia liberest); la rue des Cordonniers munissait de souliers les valets et les cuisiniers de l'abbaye; la rue des Bouchers était taxée, chaque année, à quinze setiers de graisse; la rue des Foulons confectionnait les sommiers de laine pour les moines, et la rue des Pelletiers les peaux qui leur étaient nécessaires; la rue des Vignerons donnait par semaine seize setiers de vin et un d'huile; la rue des Cabaretiers, trente setiers de cervoise (bière) par jour; la rue des Cent dix Milites, Chevaliers, devait entretenir pour chacun d'eux un cheval, un bouclier, une épée, une lance et les autres armes.

La chapelle des nobles octroyait chaque année douze livres d'encens et de parfum; les quatre chapelles du commun peuple (populi vulgaris) payaient cent livres de cire et trois d'encens. Les oblations présentées au sépulcre de Saint-Riquier valaient par semaine deux cents marcs ou trois cents livres d'argent.

Suit le bordereau des vases d'or et d'argent des trois églises de Saint-Riquier, et le catalogue des livres de la bibliothèque. Vient la liste des villages de Saint-Riquier, au nombre de vingt : Buniac, Vallès, Drusiac, Neuville, Gaspanne Guibrantium, Bagarde, Cruticelle, Croix, Civinocurtis, Haidulficurtis, Maris, Nialla, Langradus, Alteica, Rochonismons, Sidrunis, Concilio, Buxudis, Ingoaldicurtis. Dans ces villages se trouvaient quelques vassaux de Saint-Riquier, qui possédaient des terres à titre de bénéfices mili

taires. On voit de plus treize autres villages sans mélange de fief; et ces villages, dit la notice, sont moins des villages que des villes et des cités.

Le dénombrement des églises, des villes, villages et terres dépendants de Saint-Riquier, présente les noms de cent chevaliers attachés au monastère, lesquels chevaliers composent à l'abbé, aux fêtes de Noël, de Pâques et de la Pentecôte, une cour presque royale. En résumé, le monastère possédait la ville de Saint-Riquier, treize autres villes, trente villages, un nombre infini de métairies, ce qui produisait un revenu immense. Les offrandes en argent, faites au tombeau de Saint-Riquier, s'élevaient seules par an à quinze mille six cents livres de poids, près de deux millions numériques de la monnaie d'aujourd'hui.

Khlovigh gratifia l'église de Reims de terres dans la Belgique, la Thuringe, l'Austrasie, la Septimanie et l'Aquitaine; il donna de plus à l'évêque qui l'avait baptisé tout l'espace de terre qu'il pourrait parcourir pendant que lui, Khlovigh, dormirait après son dîner. L'église de Besançon était une souveraineté : l'archevêque de cette église avait pour hommes-liges le vicomte de Besançon, les seigneurs de Salins, de Montfaucon, de Montferrand, de Durnes, de Montbeillard, de Saint-Seine; le comte de Bourgogne relevait même pour la seigneurie de Gray, de Vesoul et de Choye, de l'archevêché de Besançon.

Charlemagne ordonna, en 805, le renouvellement du testament d'Abbon en faveur du monastère de la Novalaise; cette charte contient la nomenclature des lieux donnés M. Lancelot en a recherché la situation; on peut voir ce document curieux.

Il serait impossible de calculer la quantité d'or et d'argent, soit monnayés, soit employés en objets d'or, qui existait dans les bas siècles; elle devait être considérable, à en juger par l'opulence des églises, par l'abondance incroyable des aumônes et des offrandes, et par la multitude infinie des impôts. Les Barbares avaient dépouillé le monde, et leurs rapines étaient restées dans les lieux où ils étaient établis; on sait aujourd'hui qu'une armée féconde les champs qu'elle ravage.

La seule chose à remarquer maintenant sur les richesses du

clergé, c'est comment elles servirent à la société, et de quelle autre propriété elles se composèrent.

Sous les races mérovingienne et karlovingienne le droit de conquête dominait; les terres ne furent point enlevées au propriétaire par la loi positive, mais le fait se dut mettre et se mit souvent en contradiction avec le droit. Quand un Frank se voulait emparer du champ d'un Gaulois-Romain, qui l'en pouvait empêcher? Lorsque Khlovigh donne à saint Remi l'espace que le saint pourra parcourir tandis que le roi dormira 1, il est clair que le saint dut passer sur des terres déjà possédées qui n'appartenaient plus à leur ancien propriétaire, lorsque le roi se réveilla. Mais ces terres qui changèrent de possesseurs ne changèrent point de régime, et c'est sur ce point que toutes les notions historiques ont été faussées.

L'imagination s'est représenté les possessions d'un monastère comme une chose sans aucun rapport avec ce qui existait auparavant erreur capitale.

Une abbaye n'était autre chose que la demeure d'un riche patricien romain, avec les diverses classes d'esclaves et d'ouvriers attachés au service de la propriété et du propriétaire, avec les villes et les villages de leur dépendance. Le père abbé était le maître: les moines, comme les affranchis de ce maître, cultivaient les sciences, les lettres et les arts. Les yeux même n'étaient frappés d'aucune différence dans l'extérieur de l'abbaye et de ses habitants; un monastère était une maison romaine pour l'architecture : le portique ou le cloître au milieu, avec les petites chambres au pourtour du cloître. Et, comme sous les derniers Césars il avait été permis, et même ordonné aux particuliers de fortifier leurs demeures, un couvent enceint de murailles crénelées ressemblait à toutes les habitations un peu considérables. L'habillement des moines était celui de tout le monde : les Romains, depuis longtemps, avaient quitté le manteau et la toge; on avait été obligé de porter une loi pour leur défendre de se vêtir à la gothique; les braies des Gaulois et la robe longue des Perses étaient devenues

1 Karle le Martel fit une concession de la même nature: il dédommageait le clergé, aux dépens des voisins, des biens qu'il lui avait pris.

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