Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

de conscience et non une affaire de parti. Mais prenez cette Chambre par la loyauté, parlez-lui de Dieu, du Roi, de la France; au lieu de la calomnier, montrez-lui de la considération et de l'estime, vous lui ferez faire des miracles. Le comble de la maladresse serait de prétendre la mener où vous désirez, en lui débitant des maximes qu'elle repousse.

Pensez-vous qu'il soit nécessaire de lui faire adopter quelque mesure dans le sens de ce que vous appelez les intérêts révolutionnaires? gardez-vous de lui faire l'apologie de ces intérêts: dites qu'une fatale nécessité vous presse; que le salut de la Patrie exige ces nouveaux sacrifices; que vous en gémissez; que cela vous paraît affreux; que cela finira. Si la Chambre vous croit sincère dans votre langage, vous réussirez peut-être. Si vous allez, au contraire, lui déclarer que rien n'est plus juste que ce que vous lui proposez, qu'on ne saurait trop donner de gages à la Révolution, vous remporterez votre Loi.

Un Ministre anglais est plus heureux, sa tâche est moins difficile chacun va droit au fait à Londres, pour son intérêt, pour son parti. En France, les places données ou promises ne sont pas tout. L'opposition ne se compose pas des mêmes éléments 1. Une politesse vous gagnera ce qu'une place ne vous obtiendrait pas; une louange vous acquerra ce que vous n'achèteriez pas par la fortune. Sachez encore et converser et vivre: la force d'un Ministre français n'est pas seulement dans son cabinet : elle est aussi dans son salon.

CHAPITRE XXIX.

Quel homme ne peut jamais être Ministre sous la Monarchie constitutionnelle.

Partout où il y a une tribune publique, quiconque peut être exposé à des reproches d'une certaine nature ne peut être placé à la tête du Gouvernement. Il y a tel discours, tel mot, qui obligerait un pareil Ministre à donner sa démission en sortant de la

1 Reflexions politiques.

Chambre. C'est cette impossibilité résultant du principe libre des Gouvernements représentatifs que l'on ne sentit pas lorsque toutes les illusions se réunirent, comme je le dirai bientôt, pour porter un homme fameux au Ministère, malgré la répugnance trop fondée de la Couronne. L'élévation de cet homme devait produire l'une de ces deux choses: ou l'abolition de la Charte, ou la chute du Ministère à l'ouverture de la Session. Se représente-t-on le Ministre dont je veux parler, écoutant à la Chambre des Députés la discussion sur les catégories, sur le 21 janvier, pouvant être apostrophé à chaque instant par quelque Député de Lyon, et toujours menacé du terrible: Tu es ille vir! Les hommes de cette sorte ne peuvent être employés ostensiblement qu'avec les muets du sérail de Bajazet, ou les muets du Corps Législatif de Buonaparte.

CHAPITRE XXX.

Du Ministère de la Police. Qu'il est incompatible avec une Constitution libre.

Comme il y a des Ministres qui ne peuvent l'être sous une Monarchie constitutionnelle, il y a des Ministères qui ne sauraient exister dans cette sorte de Monarchie : c'est indiquer la Police générale.

Si la Charte, qui fonde la liberté individuelle, est suivie, la Police générale est sans action et sans but.

Si la liberté individuelle est suspendue par une Loi transitoire, on n'a pas besoin de la Police générale pour exécuter la Loi.

En effet, si les droits de la liberté constitutionnelle sont dans toute leur plénitude, et que néanmoins la Police générale se permette les actes arbitraires qui sont de sa nature, tels que suppressions d'ouvrage, visites domiciliaires, arrestations, emprisonnements, exils, la Charte est anéantie.

La Police n'usera pas de cet arbitraire: eh bien, elle est inutile. La Police générale est une police politique; elle tend à étouffer l'opinion ou à l'altérer; elle frappe donc au cœur le Gouverne

ment représentatif. Inconnue sous l'ancien régime, incompatible avec le nouveau, c'est un monstre né dans la fange révolutionnaire de l'accouplement de l'anarchie et du despotisme.

CHAPITRE XXXI.

Qu'un Ministre de la Police générale dans une Chambre des Députés n'est pas à sa place.

Voyez un Ministre de la Police générale dans une Chambre de Députés qu'y fait-il? il fait des Lois pour les violer, des règlements de mœurs pour les enfreindre. Comment peut-il sans dérision parler de la Liberté, lui qui, en descendant de la tribune, peut faire arrêter illégalement un citoyen? Comment s'exprimerat-il sur le Budget, lui qui lève des impôts arbitraires? Quel représentant d'un peuple, que celui-là qui donnerait nécessairement une boule noire contre toute Loi tendant à supprimer les établissements de jeu, à fermer les lieux de débauche, parce que ce sont les égouts où la Police puise ses trésors. Enfin, les opinions serontelles indépendantes en présence d'un Ministre qui ne les écoute que pour connaître l'homme qu'il faut un jour dénoncer, frapper ou corrompre? c'est le devoir de sa place. Nous prétendons établir parmi nous un Gouvernement constitutionnel, et nous ne nous apercevons seulement pas que nous voulons y faire entrer jusqu'aux institutions de Buonaparte.

CHAPITRE XXXII.

Impôts levés par la Police.

J'ai dit que la Police levait des impôts qui ne sont pas compris dans le Budget. Ces impôts sont au nombre de deux: taxe sur les jeux 1, taxe sur les journaux.

1 Il y a aussi une taxe sur les prostituées, mais elle est établie au profit d'une tre police.

La ferme des jeux rapporte plus ou moins : elle s'élève aujourd'hui au-dessus de cinq millions.

La contribution levée sur les journaux, pour être moins odieuse, n'en est pas moins arbitraire.

La Charte dit, article XLVII: La Chambre des Députés reçoit toutes les propositions d'impôts. Article XLVIII: Aucun impôt ne peut être établi ni perçu, s'il n'a été CONSENTI par les deux Chambres, et sanctionné par le Roi.

Je ne suis pas assez ignorant des affaires humaines pour ne pas savoir que les maisons de jeu ont été tolérées dans les Sociétés modernes. Mais quelle différence entre la tolérance et la protection, entre les obscures rétributions données à quelques commis sous la Monarchie absolue, et un Budget de cinq ou six millions levés arbitrairement par un Ministre qui n'en rend point compte, et sous une Monarchie constitutionnelle !

CHAPITRE XXXIII.

Autres actes inconstitutionnels de la Police.

La Police se mêle des impôts: elle tombe comme concussionnaire sous l'article LVI de la Charte; mais de quoi ne se mêle-t-elle pas? Elle intervient en matière criminelle: elle attaque les premiers principes de l'Ordre judiciaire, comme nous venons de voir qu'elle viole le premier principe de l'Ordre politique.

A l'article LXIV de la Charte, on lit ces mots: Les débats seront PUBLICS en matière criminelle, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l'ordre et les mœurs, et dans ce cas LE TRIBUNAL LE DÉCLARE

PAR UN JUGEMENT.

Si quelques-uns des agents de la Police se trouvent mêlés dans une affaire criminelle, comme complices volontaires, afin de pouvoir devenir délateurs; si dans l'instruction du procès les accusés relèvent cette double turpitude qui tend à les excuser, en affaiblissant les dépositions d'un témoin odieux, la Police défend aux journaux de parler de cette partie des débats. Ainsi l'entière publicité

n'existe que pour l'accusé, et n'existe pas pour l'accusateur; ainsi l'opinion, que la Loi a voulu appeler au secours de la conscience du juré, se tait sur le point le plus essentiel; ainsi la plus grande partie du public ignore si le criminel est la victime de ses propres complots, ou s'il est simplement tombé dans un piége tendu à ses passions et à sa faiblesse. Et nous prétendons avoir une Charte! et voilà comme nous la suivons !

CHAPITRE XXXIV.

Que la Police générale n'est d'aucune utilité.

Il faudrait, certes, que la Police générale rendît de grands services sous d'autres rapports, pour racheter des inconvénients d'une telle nature; et néanmoins, à l'examen des faits, on voit que cette Police est inutile. Quelle conspiration importante a-t-elle jamais découverte, même sous Buonaparte? Elle laissa faire le 3 nivôse; elle laissa Mallet conduire MM. Pasquier et Savary, c'est-à-dire la Police même, à la Force. Sous le Roi, elle a permis pendant dix mois à une vaste conspiration de se former autour du Trône: elle ne voyait rien, elle ne savait rien. Les paquets de Napoléon voyageaient publiquement par la poste; les courriers étaient à lui; les frères Lallemand marchaient avec armes et bagages; le NainJaune parlait des plumes de Cannes, l'Usurpateur venait de débarquer dans ce port, et la Police ignorait tout. Depuis le retour du Roi tout un département s'est rempli d'armes, des paysans se sont formés en corps, et ont marché contre une ville; et la Police générale n'a rien empêché, rien trouvé, rien su, rien prévu. Les découvertes les plus importantes ont été dues à des polices particulières, au hasard, à la bonne volonté de quelques zélés citoyens. La Police générale se plaint de ces polices particulières; elle a raison, mais c'est son inutilité et la crainte même qu'elle inspire qui les a fait naître; car si elle ne sauve pas l'État, elle a du moins tous les moyens de le perdre.

« ZurückWeiter »