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retourner à Hartwel; le drapeau blanc flotta sur les Tuileries; on entra paisiblement dans Paris; et, au grand ébahissement des dupes, jamais le Roi ne fut mieux reçu, jamais les gardes du corps ne furent mieux accueillis. La prétendue résistance que l'on devait rencontrer ne se inontra nulle part; et les obstacles, qui n'avaient jamais existé, s'évanouirent.

C'était une chose curieuse à observer que l'air stupéfait et un peu honteux qui régna sur les visages pendant quelque temps dans les sociétés de Paris. Chacun voulait encore, pour se justifier, soutenir que le choix du nouveau Ministre était un choix indispensable; mais à mesure que l'opinion de la Province et de l'Europe se faisait connaître (et la Province et l'Europe n'eurent pas un moment d'illusion), à mesure que la terreur cessait à Paris, on revenait au bon sens: on ne tarda pas à découvrir l'impossibilité. absolue de garder en entier ce Ministère, qu'on avait demandé à la Couronne avec une sorte de fureur. N'accusons personne: il était tout simple que ceux qui s'étaient crus protégés pendant les CentJours (et qui auraient été cruellement détrompés si la bataille de Waterloo eût été perdue par les Alliés), il était tout simple, dis-je, que ceux-là fussent sous l'illusion de la reconnaissance. Mais puisqu'ils ont été si promptement forcés de reconnaître leur erreur, cela leur devrait donner moins d'assurance dans leurs nouvelles assertions. Quand ils excusent aujourd'hui toutes les fautes que l'on peut faire, quand ils soutiennent avec la même conviction que sans tel ou tel Ministre nous serions inévitablement perdus, qu'ils se rappellent leur enthousiasme pour un autre personnage, le ton tranchant avec lequel ils affirmaient que rien ne pouvait aller sans lui, leurs grands raisonnements, leur colère contre les profanes qui n'admiraient pas, qui osaient douter de l'infaillibilité du Ministre alors ils apprendront à se méfier de leur propre jugement, et seront plus réservés dans la distribution de leurs anathèmes.

CHAPITRE IX.

Division du second Ministère.

Le plan général ayant avorté, le Ministre qui l'avait conçu, s'il eût été sage, eût donné sa démission; car d'un côté les deux impossibilités de sa position naturelle l'empêchaient, comme je l'ai dit, d'entrer dans le système du Gouvernement légitime; et de l'autre il ne pouvait plus suivre le système révolutionnaire, puisque celui-ci venait de manquer par la base. Si cette retraite avait eu lieu, le Ministère amélioré aurait pu se soutenir; il ne se serait pas trouvé engagé dans la fausse position qui devint la cause de ses fausses démarches, et précipita sa chute.

Le Président du Conseil, dégagé du tourbillon qui l'avait d'abord entraîné, revenait à des idées plus justes, et désirait administrer dans le sens royaliste et constitutionnel. A cette fin, il fallait une Chambre des Députés, et cette Chambre fut convoquée. Les Électeurs adjoints, les Présidents des Colléges électoraux furent généralement choisis parmi les hommes attachés à la Royauté. Mais précisément ce qu'il y avait de bon dans ces mesures tendait à dissoudre l'Administration, puisque par là se trouvait menacé le Ministre attaché à la Révolution : ce Ministre, en s'efforçant même d'entrer dans la Chambre des Députés, montrait de son côté une ignorance complète de sa position.

Comment un homme était-il devenu si aveugle sur son intérêt politique, après avoir été d'abord si clairvoyant ? C'est qu'ayant été arrêté dans son premier plan, il ne pouvait plus empêcher la Constitution de marcher, ni l'arbre de produire son fruit; c'est qu'il se fit peut-être illusion; qu'il pensa que la Chambre des Députés entrerait dans le système révolutionnaire. Et d'ailleurs, vain et mobile, ce Ministre, dont le nom rappellera éternellement nos malheurs, se croit seul capable de maîtriser les tempêtes, parce qu'il a l'expérience des naufrages, et sa légèreté semble être en raison inverse de la gravité des affaires qu'il a traitées.

Lorsque Cromwell signa la sentence de mort de Charles Ier, il barbouilla d'encre le visage de Martin, autre régicide auquel il pas

sait la plume: c'est une prétention des grands criminels de supporter gaiement les douleurs de la conscience.

CHAPITRE X.

Actes du second Ministère, et sa chute.

Les actes émanés d'un Ministère aussi divisé ne pouvaient être que contradictoires; quelques-uns sont excellents, quelques autres sont déplorables, et laisseront dans nos institutions les traces les plus désastreuses. La justice oblige de reconnaître que si les Ministres actuels se sont trouvés enveloppés dans des difficultés inextricables, la plupart de ces difficultés sont nées des Ordonnances rendues sous leurs prédécesseurs.

Un seul exemple suffira pour montrer à quel point le second Ministère se trompa dans les choses les plus importantes. Au moment où il saisit les rênes de l'État, il eût dû purger le sol de la France, traduire devant les tribunaux les grands criminels, comprendre dans une autre catégorie ceux qui devaient s'éloigner, et publier une amnistie pleine et entière pour le reste ainsi les coupables eussent été punis, les faibles rassurés. Au lieu de prendre une mesure si clairement indiquée, on laissa planer des craintes sur la tête de tous les Français. Appelées, longtemps après le délit, à prendre connaissance de ce délit, les Chambres ont été forcées d'agiter des questions qui remuent trop de passions et réveillent trop de souvenirs. Les jugements partiels et sans termes se sont prolongés jusqu'au moment où j'écris ; et comme tel prévenu a été absous, et tel autre condamné en apparencepour le même crime, il en est résulté que l'indulgence et la rigueur ont eu l'air de s'accuser mutuellement d'injustice.

L'humeur augmentait les Ministres désunis commençaient à chercher des appuis dans les opinions opposées que chaque parti du Ministère aurait voulu voir triompher. L'affaire du Muséum accrut le mécontentement public. La divulgation de deux fameux Rapports déroula tout ce plan révolutionnaire que j'ai expliqué, et qu'on essaya de faire adopter avant l'entrée du Roi à Paris. Mais ces Rap

ÉTUDES HISTORIQues, t. 11.

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poris ne pouvaient plus rien changer à l'état des choses; le temps des craintes chimériques était passé : les Rapports n'étaient plus que l'expression du désespoir d'une cause perdue et d'une ambition trompée. Du reste, médiocres en tout, ils étaient erronés dans les faits, vagues dans les vues, et décousus dans les moyens.

Tant de contradictions, de tâtonnements, de faux systèmes, håtèrent la catastrophe que tout le monde prévoyait. La session allait s'ouvrir l'ombre des Chambres suffit pour faire disparaître un Ministère trop exposé à la franchise de la tribune. Quand les Ministres furent tombés, on en trouva d'autres, bien qu'on eût assuré qu'il n'y en avait plus.

CHAPITRE XI.

Du troisième Ministère. Ses actes. Projets de Loi.

Les nouveaux Ministres entrèrent en pouvoir au moment même de l'ouverture de la Session. Les projets de Loi qu'ils présentèrent à la Chambre des Députés étaient urgents et nécessaires : ils furent tous adoptés, quoique avec des améliorations considérables.

Ainsi, cette Chambre dont le Ministère ne tarda pas à faire de si grandes plaintes, n'a jamais commis une faute ni contre le Roi qu'elle aime avec idolâtrie, ni contre le peuple dont elle devait défendre les droits. Par les Lois sur la suspension de la liberté individuelle, sur les cris séditieux, sur les cours prévôtales, sur l'amnistie, elle s'est empressée d'armer la Couronne de tous les pouvoirs en amendant le projet de Loi d'élections, et en faisant, contre ses propres intérêts comme Chambre, un meilleur Budget, elle a maintenu les intérêts du peuple.

Si le Ministère avait consenti, pour son repos comme pour celui de la France, à suivre le principe constitutionnel, à marcher avec la majorité, jamais travaux politiques plus importants et plus brillants à la fois n'auraient consolé un peuple après tant de folies et d'erreurs.

Les projets de Loi des Ministres furent de grands actes d'administration mieux dirigés, ils auraient passé sans difficulté.

Les propositions des Chambres 1 furent de leur côté matière à grandes Lois; accueillies par le Ministère, elles se fussent perfectionnées.

De faux systèmes dérangèrent tout; et ce qui devait être un point d'union devint un champ de bataille.

Entrons donc dans l'examen de ces systèmes qui ont déjà perdu la France au 20 mars, qui nous font et nous feront encore tant de mal.

CHAPITRE XII.

Quels hommes ont embrassé les systèmes que l'on va combattre et s'il importe de les distinguer.

Il y a des administrateurs qui ont embrassé les systèmes en vigueur depuis la Restauration, voyant très-bien le but caché, désirant très-vivement la conséquence de ces systèmes.

Il y a des hommes d'État qui y sont tombés faute de lumières et de jugement; d'autres s'y sont précipités en haine de tels ou tels hommes; d'autres y tiennent par orgueil, passion, caractère, entêtement, humeur.

Il est clair que ces systèmes ont leurs dupes et leurs fripons, comme toute opinion dans ce monde, mais puisque dupes et fripons nous conduisent également à l'abîme, peu nous importent les motifs divers qui les ont déterminés à suivre le même chemin.

Fairfax s'était laissé entraîner par la faction parlementaire; il s'aperçut trop tard qu'il avait été trompé. Il voulut trop tard arracher le Roi à ses bourreaux. Le jour de l'exécution de Charles Ior, il se mit en prière avec Harrison pour demander des conseils à Dieu. Harrison savait que le coup allait être porté ; il prolongeait exprès la fatale oraison, afin d'ôter au général le temps de sauver le Monarque. On apporte la nouvelle : « Le Ciel l'a voulu !» s'é

1 J'étais entré dans de longs détails relatifs aux Propositions des Chambres et aux Projets des Ministres ; mais je les ai supprimés depuis la publication de l'Histoire de la Session de 1815, par M. FIÉVÉE. Cet important sujet est supérieurement traité dans la troisième partie de son ouvrage. Je ne pourrais rien y ajouter.

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