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seulement de leurs sujets, mais encore de leurs serviteurs et de leurs proches; ces princes, évités comme des lépreux, séparés de la race mortelle en attendant leur retranchement de l'éternelle race; les aliments dont ils avaient goûté, les objets qu'ils avaient touchés, passés à travers les flammes, ainsi que choses souillées ; tout cela n'était que les effets énergiques de la souveraineté populaire déléguée à la religion, et par elle exercée.

La papauté marchait alors à la tête de la civilisation, et s'avançait vers le but de la société générale. Et comment ces monarques sans sujets, sans armées, fugitifs même, et persécutés lorsqu'ils lançaient leurs foudres; comment ces souverains, trop souvent sans mœurs, quelques-uns couverts de crimes, quelques autres ne croyant pas au Dieu qu'ils servaient; comment auraient-ils pu détrôner les rois avec un moine, une parole, une idée, s'ils n'eussent été les chefs de l'opinion? Comment, dans toutes les régions du globe, les hommes chrétiens auraient-ils obéi à un prêtre dont le nom leur était à peine connu, si ce prêtre n'eût été la personnification de quelque vérité fondamentale? Aussi les papes ont-ils été maîtres de tout, tant qu'ils sont restés Guelfes ou démocrates, leur puissance s'est affaiblie lorsqu'ils sont devenus Gibelins ou aristocrates. L'ambition des Médicis fut la cause de cette révolution: pour obtenir la tiare, ils favorisèrent, en Italic, les armes impériales, et trahirent le parti populaire; dès ce moment l'autorité papale déclina, parce qu'elle avait menti à sa propre nature, abandonné son principe de vie. Le génie des arts masqua d'abord aux yeux de la foule cette défaillance intérieure; mais les chefs-d'œuvre de Raphaël et de Michel-Ange, qui s'effacent sur les murs du Vatican, n'ont point remplacé le pouvoir dont les papes se dépouillèrent en déchirant leur contrat primitif. C'est la même tendance à un faux pouvoir qui perdit la royauté sous Louis XIV: cette royauté, qui, jusqu'au règne de Louis XIII, s'était mélangée des libertés publiques, crut augmenter sa puissance en les étouffant, et elle se frappa au cœur. Les arts vinrent aussi embellir l'envahissement de nos franchises nationales: le Louvre du grand roi est encore debout comme le Vatican; mais par quels soldats a-t-il été pris et est-il gardé?

TROISIÈME RACE.

Avec la troisième race finit l'histoire des Franks et commence l'histoire des Français.

La monarchie de Hugues Capet subit quatre transformations principales:

Elle fut purement féodale jusqu'au règne de Philippe le Bel.

A Philippe le Bel s'élève la monarchie des trois états 1 et du parlement, qui dure jusqu'à Louis XIII.

Louis XIV impose la monarchie absolue que détruit la monarchie constitutionnelle ou représentative de Louis XVI.

Les faits de la monarchie purement féodale sont la formation. même et le caractère de ce gouvernement, le mouvement insurrectionnel et l'affranchissement des communes, la conquête de l'Angleterre par les Normands, les croisades extérieures et intérieures, et la querelle du sacerdoce et de l'Empire.

La monarchie des trois états et du parlement voit naître les lois générales, civiles et politiques, l'administration et la petite propriété; elle voit les démêlés de Philippe le Bel avec le pape, la destruction de l'ordre des Templiers, l'avénement au trône de la double lignée des Valois, la longue rivalité de la France et de l'Angleterre avec tous ses événements et tous ses malheurs, la destruction de la première haute noblesse, le soulèvement des paysans et des bourgeois, les troubles des trois états, l'établissement de l'impôt régulier et des troupes soldées, la séparation du parlement des conseils du roi par la création du conseil d'État, l'extinction des deux maisons de Bourgogne, la réunion successive des grands fiefs à la couronne : les guerres d'Italie, les changements dans les 1 Appelés depuis États généraux.

lois, les mœurs, la langue, les usages et les armes. Les lettres renaissent; les grandes découvertes s'accomplissent; Luther paraît: les guerres de religion éclatent; les Bourbons arrivent à la couronne; la monarchie des états et de la constitution aristocratique expirent sous Louis XIII. Le parlement en garde les traditions à travers la monarchie absolue.

La courte monarchie absolue de Louis XIV se compose de la gloire de ce prince, de la honte de Louis XV et de l'intrusion des idées dans l'ordre social comme faits.

La monarchie constitutionnelle ou représentative a pour accidents le jugement de Louis XVI, le passage de la république à l'Empire, de l'Empire à la restauration, et de la restauration à la monarchie républicaine, si ces deux mots se peuvent allier.

Je ne prétends pas établir ici des divisions tranchées, commençant tout juste à telle date, finissant tout juste à telle autre; les choses sont plus mêlées dans la société : les siècles s'élèvent lentement à l'abri des siècles; les mœurs nouvelles, au milieu des anciennes mœurs, sont comme les jeunes générations qui grandissent sous la protection des vieilles générations dont elles sont sorties. Ainsi Louis le Gros n'a point affranchi les communes dans le sens absolu du mot; il y avait des communes libres et des communes insurgées avant qu'il leur octroyât des chartes; mais c'est à partir de son règne que les affranchissements se multiplient tant par la couronne que par les seigneurs ainsi Philippe le Bel n'a pas appelé le premier le tiers état aux délibérations publiques; avant lui plusieurs rois avaient convoqué des assemblées de notables; et particulièrement le roi saint Louis; mais depuis Philippe le Bel, en 1303, jusqu'à Louis XIII, en 1614, on trouve une série de convocations d'états, qui n'est guère interrompue que vers la fin du quatorzième siècle.

J'en dis autant des autres divisions que je n'adopte que comme une formule historique, propre à servir de layette, ou de case aux faits et d'aide à la mémoire. Je sais tout aussi bien que personne que la monarchie féodale ne tombe pas quand la monarchie des états et du parlement s'élève; loin de là, elle est à son apogée; elle descend ensuite pendant tout le quatorzième siècle, et se vient abîmer sous Charles VII.

HUGUES CAPET.

De 987 à 996.

Il faut dire de la royauté de Hugues Capet ce que j'ai dit de celle de Peppin: il n'y eut point usurpation parce qu'il y avait élection; la légitimité était un dogme inconnu. Charles, duc de la BasseLorraine, fils de Louis d'Outre-Mer et oncle de Louis V, le dernier des Karlovingiens, fut un prétendant que repoussa la majorité des suffrages voilà tout. Il prit les armes, s'empara de la ville de Laon; mais l'évêque de cette ville la livra à Hugues Capet (2 avril 991). Charles, mort en prison, laissa deux fils qui ne régnèrent point, et auxquels on ne pensa plus.

Mais dans la personne de Hugues Capet s'opère une révolution importante; la monarchie élective devient héréditaire; en voici la cause immédiate qu'aucun historien, du moins que je sache, n'a encore remarquée le sacre usurpa le droit d'élection.

Les six premiers rois de la troisième race firent sacrer leurs fils aînés de leur vivant. Cette élection religieuse remplaça l'élection politique, affermit le droit de primogéniture, et fixa la couronne dans la maison de Hugues Capet. Philippe-Auguste se crut assez puissant pour n'avoir pas besoin durant sa vie de présenter au sacre son fils Louis VIII; mais Louis VIII, près de mourir, s'alarma, parce qu'il laissait en bas âge son fils Louis IX qui n'était pas sacré : il lui fit prêter serment par les seigneurs et les évêques ; non content de cela, il écrivit une lettre à ses sujets, les invitant à reconnaître pour roi son fils aîné. Tant de précautions font voir que 239 ans n'avaient pas suffi à la confirmation de l'hérédité absolue, et de l'ordre de primogéniture dans la monarchie capétienne. Le souvenir même du droit d'élection se perpétuait dans une formule du sacre on demandait au peuple présent, s'il consentait à recevoir le nouveau souverain.

Lorsque la couronne échut en ligne collatérale aux descendants de Hugues Capet, rien ne parut moins certain que l'existence de la loi salique, laquelle loi contestée mettait pareillement en doute l'hérédité. Ces questions s'agitèrent vivement sous Philippe le ÉTUDES HISTORIQUES, T. II.

Long, Charles le Bel et Philippe de Valois. Sous Charles VI une fille hérita de la couronne. En 1576 une ordonnance décida que les princes du sang précéderaient tous les pairs, et qu'ils se placeraient selon leur proximité au trône. A ce propos, Christophe de Thou dit à Henri III que, depuis le règne de Philippe de Valois, il ne s'était fait chose aussi utile à la conservation de la loi Salique : certes il fallait que le doute fût bien enraciné dans les esprits, pour qu'un magistrat, à la fin du seizième siècle, vît une loi politique dans un règlement de préséance. Catherine de Médicis songea à faire passer le sceptre à sa fille. Les états de la ligue parlèrent de mettre l'infante d'Espagne sur le trône de France. Enfin, sous la régence du duc d'Orléans, pendant la minorité de Louis XV, il fut déclaré que, la famille royale venant à s'éteindre, les Français seraient libres de se choisir un chef: n'était-ce pas reconnaître leur droit primitif?

L'hérédité mâle, constituée dans la famille royale, devint à la fois le germe destructeur de la féodalité et le principe générateur de la monarchie absolue. L'aristocratie subsista dans l'empire d'Allemagne et se détruisit dans le royaume de France, parce que la dignité impériale demeura élective, et que la couronne française devint héréditaire.

Les assemblées nationales cessèrent sous les premiers rois de la troisième race, de même qu'elles avaient été interrompues sous les derniers rois de la seconde. Hugues Capet était un très-petit seigneur. « Le royaume, dit Montesquieu, se trouva sans domaine, «< comme est aujourd'hui l'empire: on donna la couronne à un « des plus puissants vassaux. » Hugues, quand il en aurait eu l'envie, n'aurait pu réunir des états; les autres grands vassaux ne s'y seraient pas rendus; souverains comme le duc de France, ils ne lui auraient pas obéi. La liberté politique qui se montrait dans ces assemblées ne se trouva plus; elle se plaça ailleurs dans une autre forme.

La France alors était une république aristocratique fédérative, reconnaissant un chef impuissant. Cette aristocratie était sans peuple tout était esclave ou serf. Le servage n'avait point encore englouti la servitude; le bourgeois n'était point encore né; l'ouvrier et le marchand appartenaient encore à des maîtres dans les

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