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CHAPITRE LI.

Comment la Noblesse doit entrer dans les éléments de la Restauration.

La Noblesse comme le Clergé doit se mêler à nos institutions, pour apporter dans la société nouvelle la tradition de l'ancien honneur, la délicatesse des sentiments, le mépris de la fortune, le désintéressement personnel, la foi des serments, cette fidélité dont nous avons un si grand besoin, et qui est la vertu distinctive d'un gentilhomme; mais sur ce point j'ai peu de chose à désirer, et la Noblesse est venue tout naturellement, en vertu de la Charte, prendre place dans le nouveau Gouvernement.

Je me suis fort étendu dans les Réflexions politiques sur l'ancienne Noblesse de France, et sur les avantages qu'elle trouverait dans la Monarchie représentative. Je lui avais prédit que ceux de ses membres qui n'entreraient pas d'abord dans la Chambre des Pairs trouveraient la plus belle carrière ouverte dans la Chambre des Députés. Je lui avais prédit encore qu'elle prendrait goût à l'ordre politique actuel. Avais-je tort? Il y a tel gentilhomme, aujourd'hui Député, qui certes n'aurait jamais cru arriver aux opinions où il est parvenu dans le cours de la Session dernière. C'est le résultat naturel des choses: on s'attache à ce que l'on fait, on aime ce qui nous procure des succès. Je le demande à ceux qui ont brillé dans cette Assemblée, à ceux dont on a retenu les discours, à ceux dont la France et l'Europe répètent les noms, si le Gouvernement représentatif leur paraît aujourd'hui contraire à leurs intérêts véritables? Combien ils doivent être heureux de se voir environnés d'hommages, reçus en triomphe, pour avoir défendu à la fois le Roi et le peuple, pour avoir fait entendre le langage de la Religion, de la justice, de la loyauté et de l'honneur, depuis si longtemps oublié !

Les jalousies entre les Ordres de l'État, premier principe de notre Révolution, disparaîtront nécessairement un jour, par la composition naturelle de la Chambre des Députés ce qu'on appelait autrefois le Noble et le bourgeois, réunis pour le bien de

la Patrie, apprendront à s'estimer les uns les autres. Fiers de porter ensemble le beau nom de Députés du peuple français, ils n'admettront plus entre eux que cette inégalité qui vient de la différence des talents et de la diversité des vertus.

Je suis donc persuadé que l'ancienne Noblesse de France qui a déjà rejoint à l'armée tous ses nouveaux compagnons d'armes, faits nobles par le courage et par l'honneur, cette Noblesse qui vient de prendre une part si brillante à l'Ordre politique, aura bientôt fait taire tous les regrets, et qu'elle deviendra un aussi ferme soutien de la Monarchie représentative qu'elle le fut de l'ancienne Monarchie. La Liberté n'est point étrangère à la Noblesse française, et jamais elle ne reconnut dans nos Rois de puissance absolue que sur son cœur et sur son épée.

CHAPITRE LII.

Continuation du précédent. Qu'il faut attacher les hommes d'autrefois à la Monarchie nouvelle. Éloge de cette Monarchie. Conclusion.

Depuis la Restauration, quelques hommes de bonne foi, dupes des intérêts révolutionnaires, se sont efforcés de convertir les hommes d'aujourd'hui à l'ancienne Royauté : c'est le contre-pied du vrai système. Ce sont les hommes d'autrefois qu'il faut réconcilier avec les nouvelles institutions.

Je conviens que nos malheurs ont pu faire naître contre le Gouvernement représentatif des préjugés fort légitimes. Mais si l'ancien régime ne peut se rétablir, comme je crois l'avoir rigoureusement démontré dans les Réflexions politiques, que voudrait-on mettre à sa place? Et d'ailleurs cet ancien régime, tout admirable qu'il pouvait être, n'avait-il pas eu, comme l'ordre des choses actuel, ses temps de crise et de détresse? Nos vieillards, se rappelant les jours sereins qui ont précédé nos tempêtes, peuvent croire qu'un calme aussi parfait était uniquement dû à la bonne constitution de l'ancien Gouvernement; mais si nous pouvions interroger nos pères qui vivaient du temps de la Ligue, nous

les entendrions peut-être accuser ce Gouvernement aujourd'hui l'objet de nos regrets. Tout peut devenir cause de crimes, les principes les meilleurs, les plus saints établissements; les hommes conserveraient peu de chose s'ils rejetaient toutes les institutions qui ont été le prétexte ou le résultat de leurs malheurs.

La Monarchie représentative peut n'être pas parfaite, mais elle a des avantages incontestables. Y a-t-il guerre au dehors, agitation au dedans, elle se change en une espèce de dictature par la suspension de certaines lois. Une Chambre est-elle factieuse, elle est arrêtée par l'autre, ou dissoute par le Roi. Le temps fait-il monter sur le Trône un Prince ennemi de la liberté publique, les Chambres préviennent l'invasion de la Tyrannie. Quel Gouvernement peut imposer des taxes plus pesantes, lever un plus grand nombre de soldats? Les lettres et les arts fleurissent particulièrement sous cette Monarchie qu'un roi meure dans un Empire despotique, les travaux qu'il a commencés sont interrompus. Avec des Chambres toujours vivantes, sans cesse renouvelées, rien n'est jamais abandonné. Elles ressemblent sous ce rapport à ces grands corps religieux et littéraires qui ne mouraient point, et qui amenaient à terme les immenses ouvrages que des particuliers n'auraient jamais pu entreprendre, encore moins perfectionner et finir.

Chaque homme trouve sa place naturelle dans cette sorte de Gouvernement, qui emploie nécessairement les talents et les lumières, qui sait se servir de tous les rangs, comme de tous les âges.

En France, autrefois, que devenaient la plupart des hommes lorsqu'ils avaient atteint l'âge destiné à recueillir les fruits que la jeunesse a promis 1? Que leur restait-il à faire dans la plénitude de leurs ans, alors qu'ils jouissaient de toutes les facultés de leur esprit? A charge aux autres et à eux-mêmes, dépouillés de ces passions qui animent la jeunesse, ou de ces avantages qui la font rechercher, ils vieillissaient dans une garnison, dans un tribunal, dans les antichambres de la Cour, dans les sociétés de Paris, dans le coin d'un vieux château, oisifs par état, soufferts plutôt que désirés, n'ayant pour toute occupation que l'historiette de la ville,

1 Cic. de Senect.

la séance académique, le succès de la pièce nouvelle, et pour les grands jours la chute d'un Ministre. Tout cela était bien peu digue d'un homme ! N'était-il pas assez dur de ne servir à rien dans l'âge où l'on est propre à tout? Aujourd'hui les mâles occupations qui remplissaient l'existence d'un Romain, et qui rendent la carrière d'un Anglais si belle, s'offriront à nous de toutes parts. Nous ne perdrons plus le milieu et la fin de notre vie; nous serons des hommes quand nous aurons cessé d'être des jeunes gens. Nous nous consolerons de n'avoir plus les illusions du premier âge, en cherchant à devenir des citoyens illustres: on n'a rien à craindre du temps, quand on peut être rajeuni par la gloire.

Telles sont les considérations qu'il est à propos de présenter aux hommes de probité et de vertu, qui, déjà repoussés par votre ingratitude et vos faux systèmes, n'auraient encore pour nos institutions nouvelles que de l'éloignement et du dégoût. Hâtons-nous de les appeler à notre secours. On a fait tant d'avances pour gagner des gens suspects! Faisons quelques efforts pour environner le Trône de serviteurs fidèles. C'est à ceux-ci qu'il appartient de diriger les affaires ils rendront meilleur tout ce qui leur sera confié; les autres gâtent tout ce qu'ils touchent. Qu'on ne mette plus les honnêtes gens dans la dépendance des hommes qui les ont opprimés, mais qu'on donne les bons pour guides aux méchants. C'est l'ordre de la morale et de la justice. Confiez donc les premières places de l'État aux véritables amis de la Monarchie légitime. Vous en fautil un si grand nombre pour sauver la France? Je n'en demande que sept par département : un évêque, un commandant, un préfet, un procureur du Roi, un président de la Cour prévôtale, un commandant de gendarmerie, et un commandant de Gardes nationales. Que ces sept hommes-là soient à Dieu et au Roi, je réponds du reste.

Mais il ne faut pas qu'un Ministère entrave, retienne, paralyse, tracasse, tourmente, persécute et destitue ces sept hommes; qu'il leur donne tort en toute occasion contre les malveillants et les conspirateurs. Aussi, point de Ministres et de Chefs de directions suspects, ou dans le système des intérêts moraux révolutionnaires. Que les premiers administrateurs ne persécutent personne: qu'ils soient doux, indulgents, tolérants, humains; qu'ils ne souffrent

aucune réaction; qu'ils embrassent franchement la Charte, et respectent toutes nos libertés. Mais qu'en même temps ils aient l'horreur des méchants; qu'ils donnent la préférence à la vertu sur le vice; qu'ils ne fassent pas consister l'impartialité à placer ici un honnête homme et là un homme pervers; qu'ils favorisent toutes les Lois justes; qu'ils appuient hautement et ouvertement la Religion; qu'ils soient dévoués au Roi et à la Famille royale, jusqu'à la mort, s'il le faut, et la France sortira de ses ruines.

Quant à ces hommes capables, mais dont l'esprit est faussé par la Révolution, à ces hommes qui ne peuvent comprendre que le Trône de saint Louis a besoin d'être soutenu par l'Autel et environné de vieilles mœurs, comme des vieilles traditions de la Monarchie, qu'ils aillent cultiver leur champ. La France pourra les rappeler, quand leurs talents, lassés d'être inutiles, seront sincèrement convertis à la Religion et à la Légitimité.

Pour ce qui est du troupeau des administrateurs subalternes, il serait insensé de les juger avec rigueur donnez-leur des chefs fidèles, des gardiens sûrs et vigilants, et vous n'aurez rien à craindre d'ailleurs le temps des épurations est passé.

Dans le mouvement à donner aux affaires, consultez le génie des Français; que l'administration soit économe sans être mesquine; qu'elle soit surtout ferme, surveillante et animée.

« Sire, disais-je au Roi dans mon Rapport fait à Gand, éviter « les excès de Buonaparte, ne pas trop multiplier, à son exemple, <«<les actes administratifs, était une pensée sage et utile. Cepen«dant, depuis vingt-cinq ans les Français s'étaient accoutumés au « Gouvernement le plus actif que l'on ait jamais vu chez un «peuple : les Ministres écrivaient sans cesse; des ordres partaient « de toutes parts; chacun attendait toujours quelque chose; le « spectacle, l'acteur, le spectateur, changeaient à tous les mo«ments. Quelques personnes semblent donc croire qu'après un «pareil mouvement, détendre trop subitement les ressorts serait << dangereux. C'est, disent-elles, laisser des loisirs à la malveil«lance, nourrir les dégoûts, exciter des comparaisons inutiles. «L'administrateur secondaire, accoutumé à être conduit dans les << choses même les plus communes, ne sait plus ce qu'il doit faire, • quel parti prendre. Peut-être serait-il bon dans un pays comme

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