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« la France, si longtemps enchanté par les triomphes militaires, «d'administrer vivement dans le sens des institutions civiles et « politiques, de s'occuper ostensiblement des manufactures, du « commerce, de l'agriculture, des lettres et des arts. De grands << travaux commandés, de grandes récompenses promises, des << prix, des distinctions éclatantes accordées aux talents, des <«< concours publics, donneraient une autre tendance aux mœurs, << une autre direction aux esprits. Le génie du Prince, particuliè<<rement formé pour le règne des arts, répandrait sur eux un éclat «< immortel. Certains de trouver dans leur Roi le meilleur juge, le « politique le plus habile, l'homme d'État le plus instruit, les «Français ne craindront plus d'embrasser une nouvelle carrière. «Les triomphes de la paix leur feraient oublier les succès de la << guerre; ils croiraient n'avoir rien perdu en changeant laurier « pour laurier, gloire pour gloire. >>

Les Sessions des Chambres doivent être courtes, mais rapprochées. Que les projets de Lois soient préparés d'avance avec soin. On apprendra un jour à les resserrer comme en Angleterre. C'est un vice capital de notre législation que les articles innombrables de nos projets de Lois: ils amènent de force des discussions interminables et des amendements sans fin. Quand les Chambres ne seront plus contrariées, loin d'entraver, elles accroîtront la force. et l'action du Gouvernement.

Je ne poursuivrai pas plus loin les développements de mon système. J'ai déjà signalé les principes les plus utiles dans les premiers chapitres de cet écrit. Il me resterait encore beaucoup de choses à indiquer touchant l'éducation, les lettres et les arts; mais il faut finir, et me borner aux grandes lignes politiques.

Je me résume en quelques mots.

La Religion, base du nouvel édifice, la Charte et les honnêtes gens, les choses politiques de la Révolution, et non les hommes politiques de la Révolution : voilà tout mon système.

Le contraire de ce système est précisément ce que l'on a adopté. On a toujours voulu les hommes beaucoup plus que les choses. On a gouverné pour les intérêts, nullement pour les principes. On a cru que l'œuvre et le chef-d'œuvre de la Restauration consistaient à conserver chacun à la place qu'il occupait. Cette stérile et timide

idée a tout perdu : car les principaux auteurs de nos troubles ayant des intérêts opposés aux intérêts de la Monarchie légitime, ne pouvant d'ailleurs que détruire et étant inhabiles à fonder, la Restauration n'a point marché, et la France a été replongée dans l'abîme.

On se rassure vainement sur l'excellent esprit de la garde et de l'armée, sur la bonne composition de la gendarmerie: ce sont deux grandes choses sans doute, mais elles ne suffisent pas. Le système des intérêts révolutionnaires aurait bientôt détruit ce bel ouvrage. Partout où il s'insinue, il empoisonne, gåte et corrompt tout. Il détériore le bien, arrête les choses le plus heureusement commencées, persécute les hommes fidèles, les force à se retirer, décourage le zèle, favorise les malveillants; et il triompherait tôt ou tard de la Monarchie légitime.

Dans mon plan, le succès de cette Monarchie est assuré; mais je sais qu'il faut du courage pour le suivre. Il est plus facile d'attaquer les choses qui se taisent que les hommes qui crient. Il est plus aisé de renverser une Charte qui ne se défend pas que des intérêts personnels qui font une vive résistance. Je n'en suis pas moins persuadé qu'il n'y a de salut que dans la vérité politique que j'expose ici. Si les uns croyaient que l'on peut revenir à toutes les anciennes institutions; si les autres pensaient qu'on ne doit gouverner la France qu'avec les mains qui l'ont déchirée, ce serait de part et d'autre la méprise la plus funeste. La France veut les intérêts politiques et matériels créés par le temps et consacrés désormais par la Charte; mais elle ne veut plus ni les principes ni les hommes qui ont causé nos malheurs. Hors de là tout est illusion, et l'administration qui ne sentira pas cette vérité tombera dans des fautes irréparables.

Ma tâche est remplie. Je n'ai jamais écrit un ouvrage qui m'ait tant coûté. Souvent la plume m'est tombée des mains; et dans des moments de découragement et de faiblesse, j'ai quelquefois été tenté de jeter le manuscrit au feu. Quel que soit le succès de cet ouvrage, je le compterai au moins au nombre des bonnes actions de ma vie. Fais ce que tu dois, arrive ce que pourra. Pour avertir la France qui me paraît en péril, pour la réveiller au bord de l'abîme, il m'a fallu ne rien calculer. J'ai été obligé de tout ÉTUDES HISTORIQUES, T. II.

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dire, de heurter de front bien des hommes, de froisser une multitude d'intérêts. J'ai cru voir le salut de la Patrie, comme je le disais à la Chambre des Pairs, dans l'union des anciennes mœurs et des formes politiques actuelles, du bon sens de nos pères et des lumières du siècle, de la vieille gloire de du Guesclin et de la nouvelle gloire de Moreau; enfin dans l'alliance de la Religion et de la Liberté fondée sur les Lois : si c'est là une chimère, les cœurs nobles ne me la reprocheront pas.

POST-SCRIPTUM.

La Chambre des Députés est dissoute. Cela ne m'étonne point; c'est le système des intérêts révolutionnaires qui marche: je n'ai donc rien à changer à cet écrit. J'avais prévu le dénoûment, et je l'ai plusieurs fois annoncé. Cette mesure ministérielle sauvera, dit-on, la Monarchie légitime. Dissoudre la seule assemblée qui, depuis 1789, ait manifesté des sentiments purement royalistes, c'est, à mon avis, une étrange manière de sauver la Monarchie!

On a vu aux chap. IV, V et VI de la Ire partie, la doctrine constitutionnelle sur les Ordonnances dans la Monarchie représentative. Sousl'ancien régime une Ordonnance du Roi était une Loi, et personne n'avait le droit de la discuter. Dans notre nouvelle Constitution, une Ordonnance n'est forcément qu'une mesure des Ministres tout citoyen a donc le droit de l'examiner; et, ce qui est un droit pour chaque citoyen est un devoir pour les Pairs et pour les Députés. Si une Ordonnance mettait la France en péril, les Chambres pourraient en accuser les Ministres. Ceux-ci sont donc les véritables auteurs de ces Ordonnances, puisqu'ils peuvent être poursuivis pour ces Ordonnances.

Je vais donc, conformément à la raison et aux principes constitutionnels, examiner sans scrupule l'Ordonnance du 5 septembre.

D'abord il eût été mieux de ne faire précéder cette Ordonnance par aucun considérant. Le Roi dissout la Chambre, parce qu'il en a le droit, parce qu'il le veut. Souverain maître et seigneur, il ne doit compte de ses raisons à personne: quand il parle seul,

tout doit obéir avec joie dans un profond et respectueux silence. On court aux élections parce qu'il l'ordonne ; et quand il dit à ses sujets: Je veux, la loi même a parlé. Mais les Ministres ayant donné des motifs dans le considérant, la chose change de nature. Il faut toujours respecter, adorer la volonté royale; hésiter un moment à s'y soumettre serait un crime. Le Roi ne peut vouloir que notre bien, ne peut ordonner que notre bien; mais les motifs ministériels sont livrés à nos disputes.

Les Ministres rappellent ces sages paroles de l'admirable discours du Roi à l'ouverture de la dernière Session: « Aucun de << nous ne doit oublier qu'auprès de l'avantage d'améliorer est. le « danger d'innover. »

Il peut paraître d'abord un peu singulier que les Ministres aient. cité cette phrase, car sur qui le reproche d'innovation tombe-t-il ? Ce n'est pas sur la Chambre, qui n'a rien innové; c'est donc sur l'Ordonnance du 13 juillet 1815, qui avait changé quelques articles de la Charte. C'est donc une querelle d'Ordonnance à Ordonnance, de Ministère à Ministère.

Les Ministres, qui ont lu le discours du Roi (puisqu'ils en citent une phrase dans l'Ordonnance du 5 septembre), n'ont-ils point lu, dans ce même discours, ce passage si remarquable: «Messieurs, c'est pour donner plus de poids à vos délibérations, « c'est pour en recueillir moi-même plus de lumières que j'ai créé <« de nouveaux Pairs, et que le nombre des Députés des départe«ments a été augmenté?»>

Puisqu'ils ont également oublié le considérant de l'Ordonnance du 13 juillet 1815, je vais le leur remettre sous les yeux :

<«< Nous avions annoncé que notre intention était de proposer « aux Chambres une Loi qui réglât les élections des Députés des « départements. Notre projet était de modifier, conformément à << la leçon de l'expérience et au vou bien connu de la nation, plu<«<sieurs articles de la Charte touchant les conditions d'éligibilité, « le nombre des Députés, et quelques autres dispositions relatives « à la formation de la Chambre, à l'initiative des Lois et au mode « de ses délibérations.

« Le malheur des temps ayant interrompu la Session des deux «< Chambres, nous avons pensé que maintenant le nombre des

« Députés des départements se trouvait, par diverses causes. « beaucoup trop réduit pour que la Nation fût suffisamment re« présentée; qu'il importait surtout, dans de telles circonstances, << que la représentation nationale fût nombreuse, que ses pouvoirs << fussent renouvelés, qu'ils émanassent plus directement des « Colléges électoraux; qu'enfin les Élections servissent comme « d'expression à l'opinion actuelle de nos peuples.

« Nous nous sommes donc déterminé à dissoudre la Chambre << des Députés, et à en convoquer sans délai une nouvelle; mais <«<le mode des élections n'ayant pu être réglé par une Loi, non << plus que les modifications à faire à la Charte, nous avons pensé <«< qu'il était de notre justice de faire jouir dès à présent la Nation « des avantages qu'elle doit recueillir d'une représentation plus << nombreuse et moins restreinte dans les conditions d'éligibilité; << mais voulant cependant que, dans aucun cas, aucune modifica<< tion à la Charte ne puisse devenir définitive que d'après les formes <«< constitutionnelles, les dispositions de la présente Ordonnance se«ront le premier objet des délibérations des Chambres. Le Pouvoir «<législatif dans son ensemble statuera sur la Loi des Élections, « sur les changements à faire à la Charte dans cette partie, chan<< gements dont nous ne prenons ici l'initiative que dans les points « les plus indispensables et les plus urgents, en nous imposant <«< même l'obligation de nous rapprocher, autant que possible, de « la Charte, et des formes précédemment en usage. »

Que de choses dans les motifs de cette Ordonnance! Les Ministres qui l'ont faite disent: Qu'il faut modifier plusieurs articles de la Charte, conformément à la leçon de l'expérience et au vœu bien connu de la Nation; ils assurent que le nombre des Députés des départements se trouve, par diverses causes, beaucoup trop réduit, pour que la Nation soit suffisamment représentée; ils prétendent qu'il est important que la Représentation nationale soit nombreuse; que les Élections servent comme d'expression à l'opinion de la France. Enfin, insistant sur le même principe, ils déclarent que bien que le mode des Élections n'eût pu être encore bien réglé par une Loi, il était de la justice de faire jouir dès à présent la Nation des avantages qu'elle doit recueillir d'une Représentation plus nombreuse et moins restreinte dans les conditions de l'éligibilité.

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