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tribunaux, le trente-troisième porte que nul homme ne sera arrêté, emprisonné, dépouillé, banni, mis à mort arbitrairement; que le roi n'agira ou ne fera agir contre qui que ce soit autrement que d'après le jugement légal des pairs de l'accusé, ou d'après la loi du pays. C'est le fondement de toutes les libertés chez tous les peuples.

La bataille de Bouvines est la première où l'on reconnaisse un esprit de nationalité; la transformation est accomplie; les Franks sont devenus Français. Philippe n'offrit point avec le combat sa couronne au plus digne, mais en remportant la victoire sur l'empereur Othon il courut risque de la vie. Jeté à bas de son cheval, « s'il n'eût été protégé, dit Guillaume le Breton, de la main de « Dieu et d'une excellente armure, il eût été tué. »

Au règne de Philippe-Auguste se rattachent deux incidences remarquables: la croisade contre Saladin et la croisade contre les Albigeois; on avait appris en marchant contre les infidèles à marcher contre les chrétiens.

Saladin avait repris Jérusalem l'an 1187 de Jésus-Christ. Il laissa sortir tous les chrétiens au prix d'une rançon modique. Un historien arabe leur applique ce passage de l'Alcoran : «Oh! combien « ils quittèrent alors de jardins et de fontaines, de champs ense« mencés et de nobles demeures qui faisaient leurs délices, et que << nous donnâmes en héritage à un autre peuple! » (Bibl. des Crois., par M. MICHAUD, Chron. arab.)

Les princes d'Occident se croisèrent pour aller une seconde fois délivrer la Ville sainte. Philippe passa en Orient; mais il y fut éclipsé par ce Richard Cœur de Lion, dont l'ombre faisait tressaillir les chevaux sarrasins, et qui revenait du combat la cuirasse hérissée de flèches comme une pelote couverte d'aiguilles (VINISANF); de ce Richard que Blondel ne délivra pas de sa prison par une chanson, mais qui chantait lui-même dans la tour en langue ro

mane:

Ja nus hom pris non dira sa raison;
Adreitament se com hom dolent non:
Ma per conort pot il faire chanson;
Pro a d'amis, mas pouve son li don;
Onta i auron se por ma reezon,
Sois fait dos yver prison.

La troisième croisade, commencée en 1187, fut suivie de la quatrième, en 1204, et se termina à la prise de Constantinople par les croisés. Beaudouin, comte de Flandre, fut élu empereur, et établit cet empire des Latins, qui ne dura que 58 ans.

L'an 1206 ouvrit la croisade contre les Albigeois : Innocent III, saint Dominique, Raymond, comte de Toulouse, Simon, comte de Montfort, sont les personnages de cet abominable épisode de notre histoire.

Le progrès de l'esprit philosophique renaissant par l'hérésie est remarquable dans les opinions diverses des Albigeois. Les principaux chefs ligués contre Raymond VI, leur protecteur, furent Eudes, duc de Bourgogne; Henri, comte de Nevers, et Simon, comte de Montfort. Simon était un homme dissimulé et ambitieux, vaillant, du reste, réglé dans ses mœurs, ayant, comme tous les hommes à part, commandement sur la fortune.

Cette guerre vit naître l'inquisition, et se distingua par ses autoda-fé. On jetait les femmes dans des puits; on égorgeait sans merci, et, pendant les massacres, les prêtres du comte de Montfort chantaient le Veni, Creator. Béziers fut emporté d'assaut : « Là se fit le << plus grand massacre qui se fût jamais fait dans le monde entier; << car on n'épargna ni vieux, ni jeunes, pas même les enfants qui << tettaient; on les tuait et faisait mourir. Voyant cela, ceux de la « ville se retirèrent, ceux qui le purent, tant hommes que fem«mes, dans la grande église de Saint-Nazaire. Les prêtres de cette « église devaient faire tinter les cloches quand tout le monde se<< rait mort; mais il n'y eut son de cloche; car, ni prêtre, vêtu de << ses habits, ni clerc ne resta en vie. >>

Toulouse, dont toutes les maisons étaient fortifiées, et dont les bourgeois se défendirent de rue en rue, est prise et reprise, inondée de sang, à moitié brûlée.

Longtemps après, les ossements du vieux Raymond, qui ne furent jamais enterrés, se montraient dans un coffre, tout profanés et à moitié mangés des rats, chez des frères hospitaliers de Saint-Jean de Toulouse. Une simple commune de France, la petite république de Toulouse, brava, pendant vingt ans, les anathèmes des papes, les fureurs de l'inquisition, les assauts de trois rois de France, parmi lesquels on compta Philippe-Auguste et saint Louis.

Simon de Montfort introduisit, avec ses Français, la langue picarde, ou le français wallon, dans les villes de Languedoc. La belle langue romane se perdit, et ne subsista plus qu'altérée dans le patois des campagnes.

L'inquisition, née des troubles vaudois, ne se put établir en France, parce qu'elle rencontra une rivale puissante dans la justice parlementaire. « L'inquisition a été quelque temps en France en quelques endroits; mais elle n'y a proprement fait que des apparitions. Il n'y en reste plus qu'un vestige dans un village nommée Quingey, entre Besançon et Dôle, où un dominicain, qui y vit d'un petit hospice, porte le nom de Pape de Quingey. Tout son pouvoir est, Dieu merci, restreint à donner permission de lire les livres prohibés. Avant la conquête de la Franche-Comté, ce petit pape de Quingey fit briller plus d'une fois par feu clair et vermeil le pouvoir de l'inquisiteur. » (Note sur Boullainvilliers.)

Philippe-Auguste fit enclore et paver Paris. « Le bon roi........ « se mit à une des fenêtres de laquelle il s'appuyait aucunes fois « pour regarder la Seine couler.......... si advint que charette << vint à mouvoir si bien la boue et l'ordure........... que le roi « sentit cette pueur si corrompue, et s'entourna de cette fenêtre « en grande abomination de cœur. Lors fit mander li prévôt et « bourgeois de Paris, et li commanda que toutes les rues fussent « pavées, bien et soigneusement de grès gros et forts. » Les deux cent trente-six rues de Paris étaient pleines de gens qui criaient :

Seigneurs, voulez-vous baigner,

Entrez donc sans délaïer;

Les bains sont chauds, c'est sans mentir.

Le bon vin, fort à trente deux,

A seize, à douze, à dix, à huit.

LOUIS VIII.

De 1223 à 1226.

« Louis VIII, dit du Haillant, fut bon et vertueux prince, et si « peu de temps roi, qu'il n'a autre surnom, sinon de père du << roi saint Louis. » Du Haillant se trompe; fils d'un grand roi,

et père d'un roi plus grand roi encore, Louis fut surnommé Cœur de Lion ou Lion Pacifique, tout à la fois à cause de son courage et de sa douceur. Il choisit son fils aîné pour lui succéder, laissant à ses autres enfants des apanages; l'accession du premier-né à la couronne n'était pas encore un droit indépendant de la volonté paternelle.

Sous le règne de Louis VIII, on remarque l'établissement du premier ordre des moines mendiants. On signale aussi une multitude de lépreux. Il fut défendu aux femmes amoureuses, filles de joie et paillardes, de porter robes à collets renversés, queue, ni ceinture dorée.

LOUIS IX.

De 1226 à 1270.

Chaque époque historique a un homme qui la représente : saint Louis est l'homme-modèle du Moyen Age; c'est un législateur, un héros et un saint. Le temps où il a vécu rehausse encore sa gloire par le contraste de la naïveté et de la simplicité de ce temps. Soit que Louis combatte sur le pont de Taillebourg ou à la Massoure; soit que, dans une bibliothèque, il rende compte de la matière d'un livre à ceux qui le viennent demander; soit qu'il donne des audiences publiques ou juge des différends aux Plaids de la Porte, ou sous le chêne de Vincennes, sans huissier ou gardes; soit qu'il résiste aux entreprises des papes; soit que des princes étrangers le choisissent pour arbitre; soit qu'il meure sur les ruines de Carthage, on ne sait lequel le plus admirer du chevalier, du clerc, du patriarche, du roi et de l'homme. Marc Aurèle a montré la puissance unie à la philosophie, Louis IX la puissance unie à la sainteté l'avantage reste au chrétien.

Les amours et les chansons de Thibaut, comte de Champagne, ont répandu quelque chose de romanesque sur le temps orageux de la tutelle de saint Louis.

Saint Louis résista aux usurpations de la cour de Rome, et réclama en faveur des libertés de l'Église gallicane : toutes les libertés sont sœurs.

Les Établissements de saint Louis sont une espèce de Code où les

diverses coutumes de la monarchie, les ordonnances des rois, les canons des conciles, les décisions des décrétales, se trouvent mêlés au droit romain.

Louis avait devancé son siècle : ses Établissements ne furent point admis; s'il les eût publiés au commencement de son règne, peut-être leur aurait-il pu donner quelque chose de l'autorité de sa vie; mais les Établissements furent le dernier présent et comme les derniers adieux qu'un saint faisait à la terre. L'ignorance, les intérêts, les passions, qui ne purent rien contre la mémoire de ce grand homme, furent tout-puissants contre ses lois.

Il s'embarqua le 1er juillet 1270 à Aigues-Mortes, ville à laquelle il donna une Charte que nous avons encore. Le temps, qui change tout, a reculé la mer qui baignait la ville d'où saint Louis quitta pour jamais la France. Les remparts qu'il avait élevés, et qui devraient être sacrés, sont au moment d'être détruits par des générations nouvelles qui se retireront à leur tour comme les flots.

J'ai vu le lieu de la mort de saint Louis : les historiens futurs trouveront peut-être dans le récit que j'ai fait de cette mort 1, quelques détails que mes devanciers ont ignorés, et dont je n'ai dû la connaissance qu'aux vicissitudes de ma vie, vita est in fuga.

Des pièces de monnaie qui nous restent de saint Louis sont percées; on croyait qu'elles guérissaient de tous maux, et on les portait suspendues au cou comme des reliques: ce roi passait pour avoir conservé la puissance de soulager ses peuples, même après sa mort.

PHILIPPE III.

De 1270 à 1285.

Philippe le Hardi se trouve placé entre saint Louis, son père, et Philippe le Bel, son fils, de même que Louis VIII l'avait été entre Philippe-Auguste et saint Louis : comme le laboureur laisse une terre en friche entre deux moissons, la Providence laissait reposer la France entre deux grands règnes. Philippe quitta Tunis, débarqua en Sicile, passa dans les Calabres, entra dans Rome, ville

1 Itinéraire de Paris à Jérusalem.

ÉTUDES HISTORIQUES, T. II.

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