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La nouvelle convention de Genève, de M. Delpech. par M. RE-

NAULT.....

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Essai sur le prix du charbon de terre en France au XIX siècle.
de M. Simiand, par M. LEVASSEUR..

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Y A-T-IL UN DROIT DE GRÈVE?

DISCUSSION

Y a-t-il un droit de grève? Dans les grèves il importe de ne pas confondre deux choses, la grève et les désordres qui peuvent l'accompagner.

1° La grève proprement dite est la suite, non pas nécessaire, mais ordinaire de la coalition, laquelle consiste dans l'entente de plusieurs employés pour adresser de concert une demande à leur employeur (1). Elle consiste dans la cessation simultanée du travail par les employés (employés ou ouvriers) coalisés en vue d'obtenir satisfaction à leur demande, généralement une demande relative à un changement dans les conditions du contrat de travail, soit une augmentation de salaire, soit une modification du règlement d'atelier, ou à une question de personnes (2). La grève procède du principe de la liberté individuelle; elle est en France, comme la coalition, un acte licite depuis la loi du 25 mai 1864. Nous examine

(1) La grève est sans doute un effet possible de la coalition, mais elle n'est pas la coalition », avait dit M. Ollivier dans son rapport en 1861.

(2) M. Esmein pense que la coalition et par suite la grève en vue des questions de salaires (hausse ou baisse) est un acte licite, conforme à la loi de 1864, mais que la grève en vue du renvoi d'une personne est une atteinte à la liberté d'autrui et peut donner lieu à une demande de dommages-intérêts. Cette distinction est juridique, mais dans la pratique les ouvriers ne la respectent pas.

NOUVELLE SÉRIE.

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rons plus loin comment l'exercice de cette liberté doit être limité par la liberté d'autrui.

Depuis qu'il n'y a plus dans le Code pénal de délit de coalition, ce fait est libre comme tant d'autres faits de la vie journalière; nous devons ajouter que contester la faculté de faire grève, comme des patrons le font encore, est un anachronisme. Ni les institutions politiques de la France, ni l'état général des mœurs économiques du monde civilisé ne permettraient de relever la barrière qu'a fait tomber la loi de 1864.

Y a t-il un droit de grève? A notre avis il n'y a en réalité ni droit de coalition ni de droit de grève; ce droit n'est inscrit dans aucune loi, non plus que le droit de travailler et de contracter (1). Il y a simplement un fait. Il serait abusif de prétendre qu'il existe un droit spécial parce que des ouvriers, en se mettant soudainement en grève, n'observent pas le délai-congé et ne sont pas cependant poursuivis pour cette infraction à la règle de leur métier, tandis que les patrons qui renverraient soudainement des ouvriers sans tenir compte de ce délai seraient passibles de dommages-intérêts. La différence existe en effet dans la pratique; c'est déjà trop et il serait injuste de consacrer par un texte législatif ou par la jurisprudence une telle inégalité de traitement. La Cour de cassation a jugé qu'en certain cas l'ouvrier gréviste pouvait être condamné à des dommages-intérêts.

2o Si le fait de se coaliser pacifiquement n'est plus un délit depuis la loi de 1864, le fait d'user de menaces et de violences reste un délit (art. 414 du Code pénal). Le fait d'user d'amendes, de proscriptions et interdictions était resté aussi un délit jusqu'à l'abolition de l'article 416

(1) La doctrine qu'il n'existe pas de droit de grève a été soutenue depuis longtemps dans la Dépêche (de Toulouse) et particulièrement par M. Bouloc, ancien bâtonnier du barreau de Rodez. La doctrine opposée est soutenue aussi par de savants jurisconsultes.

du Code pénal par la loi de 1864. Cette abolition était peut-être logique, étant donné que le syndicat est un organe d'action et de résistance collective qui a besoin d'armes pour attaquer ses adversaires, et de sanction pour maintenir la discipline dans ses rangs; mais cette définition même montre que la suppression de la barrière légale de l'article 416 a ouvert le champ à des actes qui peuvent facilement se confondre avec des violences.

Contre les patrons une des armes principales est la mise à l'index des établissements qui n'acceptent pas les conditions posées par les grévistes: l'index est la défense aux ouvriers de travailler dans ces établissements. Suivant une tactique habile les syndicats procèdent par mises à l'index successives, laissant la menace suspendue sur tous les patrons et prélevant sur le salaire des ouvriers qui continuent à travailler dans les autres ateliers l'argent nécessaire pour nourrir les chômeurs et pour prolonger indéfiniment une guerre partielle. Jusqu'à quel point cette mise à l'index est-elle licite et n'y a-t-il pas des cas où l'article 1382 donne pour l'entrepreneur ouverture à une action civile en dommages-intérêts?

Que les grévistes syndiqués s'abstiennent, par une décision commune, de travailler dans un ou dans tous les ateliers, c'est un acte légitime de liberté individuelle. Mais quand ils empêchent les non-syndiqués de continuer leur travail dans ces établissements ou d'y prendre du travail, il y a évidemment violation de la liberté.

Que les syndicats boycottent tel commerçant, c'est-àdire interdisent à leurs propres membres d'acheter chez lui parce qu'il ne s'associe pas à leurs revendications, c'est, croyons-nous, un droit qu'on ne peut leur dénier. Mais ce qu'on ne saurait leur concéder, c'est qu'ils mettent obstacle à ce que d'autres acheteurs fréquentent son magasin, qu'ils dénigrent son commerce par une publicité outrageante, ou qu'ils attentent à la liberté d'au

trui en menaçant ceux qui entreraient en relation avec les patrons qu'ils ont quitté.

Que les syndicats condamnent à l'amende, sans toutefois qu'il leur soit accordé de voie de droit pour se faire payer) ou qu'ils excluent de leur corps les « renégats », c'est-à-dire les syndiqués qui reprennent le travail contrairement à la décision commune, c'est leur droit. Mais poursuivre leur exclusion de tout atelier, en les privant ainsi de leurs moyens d'existence, c'est commettre un acte d'oppression qui justifie une application de l'article 1382 du Code civil; ainsi l'a jugé la Cour de cassation dans l'affaire Joost, tisseur à Bourguin. «< L'usage du droit, a dit dans ses conclusions le procureur général Roujat, cesse d'être licite et engendre une action en dommages-intérêts lorsqu'il a pour unique mobile de nuire à autrui. » Ce n'est pas le seul jugement rendu dans ce sens. Par exemple, la Cour de Paris a condamné la chambre syndicale des ouvriers fondeurs de la Seine qui, dans son journal La fonderie, publiait sous la rubrique << Pilori » le nom des ouvriers mis à l'index. Contre cette jurisprudence les syndicats ont protesté, déclarant qu'elle a pour résultat d'énerver leur autorité.

Quelle action l'exercice de la grève autorise-t-il relativement aux ouvriers qui y ont adhéré et relativement à ceux qui n'y adhèrent pas? Ce sont des questions fort débattues aujourd'hui, dont la solution nous paraît devoir être toujours dominée par le principe de la liberté individuelle, du respect de la propriété, de l'exécution des engagements, mais au sujet desquelles il n'est pas toujours facile de tracer la limite du fas et nefas. L'article 7 de la loi sur les syndicats reconnaît à tout syndiqué le droit de se retirer quand il lui plaît: la liberté personnelle est donc légalement reconnue. Mais jusqu'à quel point ses cogrévistes peuvent-ils le retenir au moyen d'amendes, de proscriptions, de procédés d'intimidation?

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